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Revue du Rhumatisme 75 (2008) 486–487
Fait clinique
Hémarthrose révélatrice d’une maladie de Rosenthal (déficit en facteur XI)夽 Hemarthrosis revealing congenital factor XI deficiency Leila Souabni, Nihel Meddeb ∗ , Houda Ajlani, Neila Ben Romdhane, Sleheddine Sellami Service de rhumatologie, hôpital la Rabta, rue Jabbari, 1006 Tunis, Tunisie Accepté le 6 juin 2007 Disponible sur Internet le 20 f´evrier 2008
Résumé La maladie de Rosenthal est une affection constitutionnelle rare, définie par un déficit en facteur XI. Elle se caractérise, sur le plan clinique, par des hémorragies minimes, souvent provoquées. Nous rapportons une nouvelle observation d’une maladie de Rosenthal, révélée par des hémarthoses récidivantes des genoux. Il s’agissait d’un patient âgé de 32 ans qui présentait, depuis deux ans, des gonalgies mécaniques avec des épisodes de gonflement articulaire. La ponction des genoux a ramené un liquide hémorragique. L’étude de l’hémostase a conclu à un déficit sévère en facteur XI. L’évolution était favorable après substitution du facteur XI par du plasma frais congelé. L’enquête familiale a retrouvé le même déficit chez la sœur. © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Maladie de Rosenthal ; Facteur XI ; Hémarthrose Keywords: Congenital factor XI deficiency; Hemarthrosis
1. Introduction La maladie de Rosenthal (MR) ou hémophilie C est une affection hémorragique constitutionnelle rare qui, contrairement à l’hémophilie A et B, est non liée au sexe. Elle est définie par un déficit en facteur Rosenthal ou facteur XI, l’un des facteurs prothromboplastiques plasmatiques [1]. Cette variété d’hémophilie se caractérise cliniquement par la présence d’hémorragies minimes, souvent provoquées par un traumatisme ou une chirurgie. Les hémarthroses spontanées y sont rares. Nous rapportons une nouvelle observation d’une MR révélée par une hémarthrose récidivante des genoux. 2. Observation M. H.A. âgé de 32 ans, issu d’un mariage consanguin du premier degré, sans antécédents pathologiques notables, a été hospitalisé en juin 2006 pour exploration d’une biarthrite aiguë
夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Meddeb).
1169-8330/$ – see front matter © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rhum.2007.06.014
des genoux. Le patient présentait, depuis deux ans, des gonalgies mécaniques, soulagées par les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les antalgiques. Le patient était apyrétique, de morphotype longiligne avec des membres graciles et un thorax en entonnoir. Au niveau des pieds, on notait un hallux varus bilatéral et un pavant-pied supinatus. Les mains étaient le siège d’une déformation en boutonnière, touchant de fac¸on bilatérale et symétrique le deuxième, troisième et quatrième doigt. Les genoux étaient tuméfiés, chauds et douloureux à la moindre mobilisation. La ponction du genou gauche a ramené 90 cc de liquide hémorragique. La recherche de microcristaux était négative. Il y avait un discret pincement fémorotibial interne à la radiographie des genoux et une coxarthrose bilatérale secondaire à une dysplasie coxofémorale à la radiographie du bassin. La CRP était à 4 mg/l, et la vitesse de sédimentation à 14 mm la première heure. La numération formule sanguine était normale. Le TP était à 63 %. L’étude des facteurs de la coagulation a conclu à un déficit sévère en facteur XI à 3 %. Les facteurs IX et VIII étaient, respectivement, à 47 et 78 %. Le diagnostic d’hémophilie C a été alors posé, le patient a été supplémenté par neuf poches de plasma frais congelé (PFC) réparties sur trois jours, avec mise au repos des genoux. L’évolution clinique était favorable avec une augmentation du taux sérique du facteur XI à 13 %.
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Un mois après, le patient a reconsulté pour une récidive spontanée de l’épanchement au genou gauche, occasionnant une gêne fonctionnelle importante et motivant une ponction évacuatrice. Le liquide articulaire était jaune citrin de formule inflammatoire. Le patient a eu une infiltration intra-articulaire au Céléstène® . Un traitement prophylactique par du PFC (trois poches par jour pendant trois jours) était par ailleurs instauré. L’évolution était favorable avec un recul de deux mois. L’enquête familiale a retrouvé les mêmes malformations chez la sœur, et l’étude de l’hémostase a objectivé le même déficit (7 %) alors qu’elle était asymptomatique. L’étude génétique faite chez les membres de la famille atteints n’a pas montré d’anomalies du caryotype. 3. Discussion Le déficit en facteur XI a été initialement décrit chez les juifs par Rosenthal en 1953 [2]. Cette coagulopathie est rare avec une incidence de 1/106 . Elle se distingue de l’hémophilie classique par la rareté des hémorragies spontanées. Les hémarthroses sont habituellement provoquées par un traumatisme, contrairement à notre patient chez qui l’hémarthrose était spontanée. Les manifestations hémorragiques de la MR sont souvent modérées ou mineures, mais peuvent être parfois sévères, nécessitant des transfusions sanguines. Elles sont toutefois indépendantes du taux plasmatique du facteur XI [1]. Un déficit sévère (inférieur à 20 %) peut rester longtemps asymptomatique. L’hypothèse d’une activité compensatrice du facteur XI plaquettaire a été avancée par certains auteurs [3], d’autres auteurs expliquent cette discordance bioclinique par le fait que les méthodes usuelles sous-estiment l’activité procoagulante du facteur XI, liée à ses effets sur les fonctions plaquettaires et le système fibrinolytique [4]. Les hémarthroses constituent la complication la plus classique, parfois inaugurale de la MR. Elles intéressent surtout les genoux, comme c’était le cas de notre patient. L’atteinte des coudes et des chevilles est rare, celle des hanches est exceptionnelle [5]. Le traitement de l’hémarthrose chez l’hémophile C repose sur la substitution du facteur XI déficitaire par la perfusion de PFC. La ponction évacuatrice de l’épanchement sanglant au niveau du genou est discutée, en effet, ce geste est traumatisant, il peut entraîner une aggravation du saignement mais permet, en revanche, de soulager la douleur et surtout, d’évacuer le sang et ses produits de dégradation dont les effets sont nocifs sur l’os et la synoviale [6]. À la hanche, l’arthrocenthèse est impérative pour éviter le risque d’ostéonécrose de la tête fémorale [7]. Ce geste doit être réalisé en milieu hospitalier et impérativement suivi d’un traitement prophylactique substitutif secondaire (PSS). La synoviorthèse aux isotopes constitue le traitement de choix de la synovite hémophilique avec des résultats fonctionnels satisfaisants dans 75 à 95 % des cas [8]. L’injection intra-articulaire de corticoïdes peut être également bénéfique [9]. Cette alternative thérapeutique a été tentée avec succès chez notre patient. L’association d’un déficit en facteur XI à un syndrome polymalformatif est décrite dans le syndrome de Noonan dans six observations dont les quatre premières étaient rapportées par
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Kitchens et al. en 1983 [10,11]. Ce syndrome est défini par une petite taille, un cou court, des anomalies squelettiques, des malformations cardiaques, une cryptorchidie et des troubles de l’hémostase. Les manifestations hématologiques sont dominées par le déficit en facteur XI qui est souvent modéré. Haan et al. ont démontré que le taux moyen de facteur XI était significativement plus bas chez les patients présentant un syndrome de Noonan comparativement aux témoins sains [10]. Le déficit en facteur XI était, par ailleurs, décrit dans le syndrome de Wili-Prader dont la forme typique associe une obésité, une hypotonie natale, une débilité mentale et un hypogonadisme et des malformations squelettiques mineures à type de petits mains et pieds. Ce syndrome est en rapport avec une délétion du chromosome 15, anomalie retrouvée dans 50 % des cas [12]. Notre patient ainsi que sa sœur présentent tous les deux les mêmes malformations. Celles-ci ne sont certes pas compatibles avec le syndrome de Noonan ni de Willi-Prader, mais semblent avoir un support génétique déterminant. Le caryotype est normal, une étude génétique plus fine est alors justifiée. La MR est une affection héréditaire transmise par le chromosome 4 selon un mode récessif [13]. Une transmission dominante a été également décrite [14]. Chez notre patient, la transmission du gène pathologique est vraisemblablement récessive puisque les parents sont cliniquement asymptomatiques. Références [1] Zadra G, Asselta R, Malcovati M, et al. Molecular genetic analysis of severe coagulation factor XI deficiency in six Italian patients. Haematologica 2004;89:1332–40. [2] Rosenthal RL. New haemophilia-like disease caused by deficiency of a third plasma thromboplastic factor. Proc Soc Exp Biol Med 1953;82: 17–24. [3] Shirk RA. Nonsense mutation in exon V of the factor XI gene does not abolish platelet factor XI expression. Br J Haematol 2000;111:91–5. [4] Peyvandi F, Lak M, Mannucci P. Factor XI deficiency in Iranians: its clinical manifestations in comparison with those of classic haemophilia. Haematologica 2002;87:512–4. [5] Alcalay M, Deplas A. Prise en charge rhumatologique de l’hémophilie (première partie : manifestations articulaires). Rev Rhum 2002;69:868–76. [6] Greene WB. The role of orthopaedists in the prevention of haemophilic arthropathy. Haemophilia 1996;1(Suppl. 1). [7] Kilcoyne RF, Nuss R. Femoral head necrosis in a child with hemophilia. Arthritis Rheum 1999;42:1550–1. [8] Silva M. 32P chromic phosphate radiosynovectomy for chronic haemophilic synovitis. Haemophilia 2001;7(Suppl. 2):40–9. [9] Heisel MA. Intra-articular steroid injection and joint immobilisation for chronic synovitis in patients with bleeding disorders. Thromb Haemost 1999:789–91. [10] de Haan M, vd Kamp JJ, Briet E, et al. Noonan syndrome: partial factor XI deficiency. Am J Med Genet 1988;29:277–82. [11] Kitchens CS, Alexander JA. Partial deficiency of coagulation factor 11 as a newly recognized feature of Noonan syndrome. J Pediatr 1983;102:224–7. [12] Futterweit W, Ritch R, Teekhasaenee C, et al. Coexistence of Prader–Willi syndrome, congenital ectropion uveae with glaucoma and factor XI deficiency. JAMA 1986;255:3280–2. [13] Salomon O, Seligsohn U. New observations on factor XI deficiency. Haemophilia 2004;10(Suppl 4):184–7. [14] Kravtsov DV, Wu W, Meijers JC, et al. Dominant factor XI deficiency caused by mutations in the factor XI catalytic domain. Blood 2004;104: 128–34.