Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 306–310 http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/
Lettres à la rédaction Hématome de la langue après thrombolyse d’un infarctus inférieur aigu
Lingual haematoma after thrombolysis for acute myocardial infarction Mots clés : Thrombolyse ; Hématome de la langue ; Convulsions Keywords: Lingual haematoma; Thrombolysis
La décision de réaliser une thrombolyse lors d’un infarctus en phase aiguë, doit prendre en compte les contreindications mais aussi s’accompagner d’une surveillance clinique post-thrombolyse. Cette surveillance tient compte des effets secondaires hémorragiques spontanés connus mais aussi du contexte clinique. Nous rapportons ici le cas d’un patient qui lors d’un infarctus, a présenté des convulsions. Une thrombolyse a été réalisée, mais une morsure de langue passée inaperçue a été à l’origine d’un volumineux hématome de la langue. Un homme de 78 ans a été pris en charge par le service mobile d’urgences et réanimation (Smur) pour épisode convulsif généralisé. À l’arrivée de l’équipe médicalisée, le patient était calme, obnubilé, effectuait les ordres simples. Un électrocardiogramme, réalisé à titre systématique, mettait en évidence une élévation du segment ST dans le territoire inférieur avec une image en miroir. Secondairement, le patient s’est plaint d’une douleur constrictive typique. Après un scanner cérébral qui n’a pas mis en évidence de lésion hémorragique, l’échographie cardiaque objectivait une hypokinésie de la paroi inférieure. Une thrombolyse était alors réalisée 3 heures après la prise en charge. Celle-ci comprenait une injection de ténectéplase (Métalyse®) (5000 UI) et d’héparine non fractionnée à la seringue électrique (800U/h) après un bolus de 4000 UI. À la sixième heure, un volumineux œdème de la langue était constaté (Fig. 1). L’examen otorhinolaryngologique confirmait la présence d’un hématome qui occupait 80 % de la cavité buccale. Il s’étendait sur le plancher de la bouche et la face ventrale de langue mobile, sans compromettre la perméabilité des voies aériennes. L’évolution de cet hématome a été favorable en une dizaine de jours. Nous rapportons ici le premier cas d’hémorragie intralinguale après thrombolyse dans un contexte de crise convulsive et de morsure de langue. La présence d’une crise convulsive dans un tel contexte a fait réaliser un scanner cérébral afin d’éliminer un accident vasculaire cérébral. Dans ce cas,
Fig. 1. Hématome de la langue au deuxième jour après thrombolyse.
l’étiologie retenue comme la plus probable reste le trouble du rythme lors de l’infarctus. D’autres épisodes d’hématomes de langue ont été décrits après thrombolyse mais ils sont le plus souvent spontanés : deux cas sous alteplase [1,2], et un cas sous streptokinase ; l’obstruction des voies aériennes supérieures ayant nécessité une intubation nasotrachéale [3]. À noter qu’un cas de réaction anaphylactoïde après injection d’alteplase, avec œdème de langue a été rapporté [4]. Deux autres cas d’hématome après thrombolyse ont été constatés, mais cette fois d’origine traumatique, dans les suites d’une intubation [5,6]. La crise convulsive n’est pas une contre-indication à la ténectéplase, pas plus que la présence d’une morsure de langue. Cependant, si seul un saignement actif avait pu empêcher l’administration de thrombolytique dans ce cas d’infarctus aigu évolutif, la présence d’une morsure de langue avérée ou suspectée (selon le contexte clinique), doit faire craindre l’apparition d’un hématome. La surveillance doit donc être minutieuse afin d’intervenir en cas d’obstruction des voies aériennes supérieures.
Références [1]
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Kounis NG, Zarras GM, Frangides C, Andreas A. Lingual heamatoma after treatment with alteplase for acute myocardial infarction. Heart 1996;75:427. McMechan SR, Morrow B, Campbell NP. Lingual heamatoma after treatment with alteplase for acute myocardial infarction. Br Heart J 1995;74:205.
Lettres à la rédaction / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 24 (2005) 306–310 [3]
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Williams PJ, Jani P, McGlashan J. Lingual haematoma following treatment with streptokinase and heparine; anaesthetic management. Anaesthesia 1994;49:417–8. Purvis JA, Booth NA, Wilson CM, Adgey AA, McCluskey DR. Anaphylactoid reaction after injection of alteplase. Lancet 1993;341: 966–7. Eggers KA, Mason NP. Lingual haematoma following streptokinase therapy. Anesthesia 1994;49:922. Eliashar R, Goldfarb A, Nahir M, Sichel JY. Massive tongue haematoma and epistaxis as a complication of anticoagulation and thrombolytic therapies. J Trauma 2002;53:805.
M. Jaffrelot * P. Bourrigan Service d’accueil et de traitement des urgences, centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, 14, avenue Yves-Thépot, 29107 Quimper cedex, France Adresse e-mail :
[email protected] (M. Jaffrelot). A. Cracan J. Dewilde Service de cardiologie, centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, 14, avenue Yves-Thépot, 29107 Quimper cedex, France G. Mehu Service d’accueil et de traitement des urgences, centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, 14, avenue Yves-Thépot, 29107 Quimper cedex, France Disponible sur internet le 21 janvier 2005 * Auteur correspondant. 0750-7658/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annfar.2004.12.023
Déchirure d’un masque laryngé à usage unique
Tear of a disposable laryngeal mask airway Mots clés : Masque laryngé à usage unique ; Complication ; Matériovigilance Keywords: Disposable laryngeal mask airway; Complication; Equipment incident report
L’utilisation des masques laryngés à usage unique répond à des impératifs d’hygiène en anesthésie. Si le LMAUnique™, produit par The Laryngeal Mask Compagny Ltd, présente des performances cliniques comparables à son équivalent réutilisable [1], sa résistance pourrait être moindre. Ainsi, nous avons été confrontés à un incident à type de déchirure de ce dispositif. Un homme de 19 ans, avec un indice de masse corporelle de 22 kg/m2 et sans antécédent particulier, était programmé au bloc opératoire pour la réduction d’une fracture des os
Fig. 1. Déchirure du masque laryngé à usage unique entre le coussinet gonflable, la double couche plastique centrale et le tube.
propres du nez. L’induction associait 200 mg de propofol et 1,5 mg d’alfentanil. L’insertion d’un LMA-Unique™ taille 4, par l’élève infirmier anesthésiste, sous le contrôle du médecin anesthésiste–réanimateur, nécessitait trois tentatives, en raison de fuites excessives. L’anesthésie était entretenue uniquement par sévoflurane. Aucun cale-dent n’était employé et aucune autre manœuvre endobuccale réalisée. À la dixième minute de l’intervention chirurgicale, durant l’ajustement de la contention plâtrée nasale, le tracé capnographique disparaissait après quatre capnogrammes d’amplitudes décroissantes. Il était clairement perçu un bruit de fuite gazeuse sous les champs opératoires, sans modification de fréquence cardiaque, tension artérielle ou saturation oxypulsée. Cependant, le volume courant et les pressions aériennes devenant nuls, une fuite majeure était suspectée, la procédure chirurgicale interrompue et le patient examiné. La reprise du patient au masque facial après extraction du masque laryngé permettait de révéler une déchirure du dispositif (Fig. 1). Elle siégeait au niveau de la zone d’application de l’index de l’opérateur au moment de la mise en place du dispositif. Cet endroit est constitué par l’accolement du coussinet gonflable à la zone centrale du dispositif. La portion centrale du masque est constituée par deux feuillets de PVC. Le plus antérieur présente un orifice barré de deux languettes et le plus postérieur s’achève par un manchon de connexion solidarisant le masque au tube. Il pourrait s’agir d’un point de faiblesse de la soudure. Si les manœuvres d’introduction ont pu fragiliser le dispositif, son extraction même rapidement réalisée ne nous semble pas en cause pour des raisons chronologiques. Par ailleurs, nous avons testé d’autres masques laryngés du même lot, et constaté une propension du dispositif à se déchirer à cet endroit. Cet incident a motivé un signalement au centre de matériovigilance, sans réponse à ce jour [2]. À travers la littérature médicale, nous avons retrouvé deux signalements avec ce type de matériel. La première est une séparation complète entre le tube et le masque lors de son retrait à la fin de la chirurgie, sans mécanisme explicatif évident [3]. La seconde est une désolidarisation des deux feuillets de PVC avec création d’une hernie venant obstruer l’orifice central [4].