Hémophilie et pathologies cardiovasculaires
Hémophilie et pathologies cardiovasculaires
G. Cayla 1, P.-E. Morange 2, H. Chambost 3, J.-F. Schved
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Hôpital Carémeau, CHU de Nîmes, Service de Cardiologie 2 Hôpital de la Timone, CHU de Marseille, Laboratoire d’Hématologie 3 Hôpital de la Timone, CHU de Marseille, Service d’Hématologie 4 Hôpital Saint-Eloi, CHU de Montpellier, Service d’Hématologie
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L
es progrès réalisés dans la prise en charge de l’hémophilie ont eu pour conséquence première l’augmentation très importante de l’espérance de vie qui approche maintenant celle de la population générale [1] sans l’atteindre néanmoins, puisque la mortalité par rapport à la population générale est multipliée d’un facteur supérieur à 2 avec une espérance de vie aux environs de 63 ans, le facteur principal de mortalité étant les complications hémorragiques [2]. Cet accroissement régulier de la durée de vie a été interrompu en France dans les années 1980 à la suite des décès liés aux maladies transmissibles et principalement au VIH. Avec le vieillissement de la population, sont apparues de plus en plus fréquemment des complications liées à l’âge et tout particulièrement les pathologies cardiovasculaires. La prise en charge de ces maladies se heurte à des difficultés thérapeutiques dans la mesure où pour un certain nombre d’entres elles : fibrillation atriale, insuffisance coronaire, pathologies valvulaires, les traitements font largement appel aux antithrombotiques : médicaments antiplaquettaires et traitements anticoagulants. L’utilisation de telles thérapeutiques se fonde sur le rapport bénéfice/risque entre d’une part, le risque hémorragique des traitements anticoagulants et d’autre part, le risque thrombotique spontané de ces pathologies. Ce risque est évalué sur des grandes séries de patients n’ayant pas de pathologie hémorragique sous-jacente. Il est donc difficilement applicable aux populations hémophiles ou porteuses de maladies hémorragiques congénitales. Il n’existe actuellement pas de recommandations consensuelles sur les traitements des pathologies cardiovasculaires chez les hémophiles. Dans l’attente de l’élaboration de telles recommandations sur lesquelles devront
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se pencher les sociétés savantes, nous avons voulu dans ce document faire le point sur les données de la littérature permettant de proposer des attitudes thérapeutiques reposant, faute d’essais cliniques, sur des séries publiées le plus souvent rétrospectives. Ce document s’adressant tout à la fois aux cardiologues susceptibles d’avoir à prendre en charge un hémophile et aux spécialistes de l’hémophilie confrontés à des problèmes cardiologiques, il nous est apparu indispensable d’y inclure deux rappels, l’un sur l’hémophilie l’autre sur les définitions des pathologies cardiovasculaires avec les recommandations des sociétés savantes ou des instances officielles pour les populations non hémophiles. Un chapitre traite ensuite de l’épidémiologie des maladies cardiovasculaires chez les hémophiles puis sont abordées des propositions thérapeutiques tenant compte d’articles récents. Elles ne peuvent tenir lieu de consensus mais pourraient être des bases de discussion pour les futurs travaux.
Rappel sur l’hémophilie L’hémophilie est une maladie hémorragique constitutionnelle héréditaire de transmission récessive liée au sexe. On devrait en fait parler «des» hémophilies car il existe deux formes biologiques : l’hémophilie A liée à un déficit en facteur VIII : elle touche 80 % des patients et l’hémophilie B liée à un déficit en facteur IX qui touche 20 % des patients. Le diagnostic est fait précocement dans les formes sévères, il peut même être anténatal. L’évolution de la maladie qui à ce jour ne bénéficie que de traitements substitutifs est émaillée par des complica© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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tions hémorragiques le plus souvent non extériorisées. Les plus fréquentes sont les hémorragies ostéo-articulaires en particulier les hémarthroses qui grèvent lourdement le pronostic fonctionnel. D’autres hémorragies peuvent engager le pronostic vital. La prise en charge thérapeutique de l’hémophilie est en pleine évolution : au traitement à la demande, c’est-à-dire lors des épisodes hémorragiques, se substitue de plus en plus le traitement dit prophylactique qui consiste à injecter en particulier chez l’enfant et l’adolescent un produit substitutif de façon régulière. Ceci permet de maintenir un taux circulant minimal de facteur antihémophilique et d’éviter les complications hémorragiques.
Physiopathologie [3] Génétique Le gène du facteur VIII est situé sur le bras long du chromosome X (x928), celui du facteur IX (x927) à un endroit distinct du gène du facteur VIII. Diverses anomalies génétiques susceptibles d’être responsables d’hémophilie ont été découvertes. Les conséquences de ces anomalies génétiques varient suivant le type d’anomalie : certaines aboutissent à l’absence complète de facteurs antihémophiliques fonctionnels circulants et sont donc à l’origine d’hémophilie grave. La plus fréquente pour l’hémophilie A est une inversion de l’intron 22 aboutissant à une recombinaison intrachromosomique entre deux séquences homologues. Pour d’autres anomalies, un taux faible de facteur VIII ou de facteur IX peut circuler ce qui explique les formes modérées et frustes d’hémophilie. Du fait de la transmission, les femmes ne sont pratiquement jamais porteuses d’hémophilie. Par contre, elles peuvent être conductrices et parfois présenter des déficits plus ou moins sévères en facteurs antihémophiliques qui peuvent devenir symptomatiques. La connaissance très poussée des modalités de transmission des facteurs VIII et IX permet de disposer en clinique des outils nécessaires à la réalisation du diagnostic anténatal d’hémophilie et du diagnostic de l’état de conductrice chez la femme. Pourquoi l’hémophile saigne-t-il ? La coagulation qui vise à consolider le caillot formé lors de l’hémostase primaire a pour élément clef une enzyme, la thrombine ou facteur II activé (FIIa). La thrombine est l’enzyme qui clive le fibrinogène en fibrine. La fibrine se polymérise en créant un réseau qui constitue la trame du caillot fibrino-cruorique. Le processus de coagulation peut se décomposer en trois phases : une phase d’initiation qui conduit à la génération de faibles traces de thrombine à la surface de cellules exprimant du facteur 2
tissulaire ou au moins de phospholipides membranaires, une phase d’amplification qui aboutit à l’accumulation de facteurs activés à la surface des plaquettes puis une phase de propagation comportant l’assemblage de larges complexes enzymatiques à la surface des plaquettes, la génération «explosive» de fortes concentrations de thrombine induisant la formation d’un caillot stable. Les facteurs anti-hémophiliques sont indispensables à la phase de propagation. Dans le plasma issu d’hémophiles A, de la thrombine est générée mais avec retard et en quantités moindres. Le retard dans la génération de thrombine indique un ralentissement de la coagulation. C’est ce retard à la génération de thrombine et l’impossibilité à partir d’un plasma hémophile d’obtenir la génération explosive de thrombine qui explique la lenteur voir l’impossibilité d’obtenir un processus de coagulation complet.
Clinique On distingue suivant la gravité de l’hémophilie trois formes cliniques : • hémophilie sévère lorsque le déficit est total ou inférieur à 1 % ; • hémophilie modérée lorsque le taux de facteur VIII ou IX est compris entre 1 et 5 % ; • hémophile mineure lorsque les taux de VIII ou IX sont compris entre 5 et 30 %. Bien qu’il y ait une corrélation entre le taux de facteur VIII circulant et la clinique, le caractère biologique d’hémophilie sévère ne préjuge pas obligatoirement de la sévérité clinique. C’est néanmoins dans ces formes que se voient les complications hémorragiques grevant le pronostic fonctionnel ou engageant le pronostic vital. Les hémorragies : caractéristiques générales Les hémorragies rencontrées chez l’hémophile sont rarement extériorisées. Il s’agit le plus souvent d’hématomes ou d’hémarthroses. Un caractère particulier de ces hémorragies est leur caractère provoqué. Les hémorragies spontanées ne surviennent, en particulier sur l’articulation, que lorsque celle-ci est déjà atteinte de façon chronique avec une hypertrophie synoviale. Principales localisations des hémorragies Hémarthroses • Hémarthroses aiguës Les hémorragies intra-articulaires sont rencontrées le plus fréquemment dans l’hémophilie sévère (70 à 90 % des cas). Elles apparaissent le plus souvent à l’apprenAMC pratique Hors-série 1 Juin 2010
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tissage de la marche et auront d’autant plus tendance à récidiver que l’articulation est abîmée, des lésions intra-articulaires se sont constituées. La forme typique est l’hémarthrose aiguë, de diagnostic évident. Les articulations le plus fréquemment touchées sont le genou, la cheville et le coude. Elle nécessite un traitement substitutif immédiat. • Hémarthrose subaiguë Il s’agit de poussées d’hémarthrose récidivantes parfois moins évidentes à diagnostiquer et difficiles à différencier de poussée inflammatoire. Dans le doute, le traitement substitutif s’imposera. Elles sont souvent le témoin d’une hypertrophie synoviale. • Arthropathie hémophilique Il s’agit de la forme la plus évoluée, atteintes articulaires survenant après de nombreuses récidives sur la même articulation. Elles associent des déformations articulaires majeures, des rétractions tendineuses, des amyotrophies des muscles adjacents et aboutissent à la destruction de l’articulation. Différents scores ont été proposés. L’important est en fait d’établir chez l’hémophile un bilan articulaire et de le suivre régulièrement afin de ne pas laisser passer le moment d’indication médicale ou chirurgicale susceptible de préserver l’articulation. Hématomes Il s’agit de la deuxième grande complication. La gravité des hématomes tient soit à leur volume soit à leur localisation. Certains hématomes peuvent engager le pronostic fonctionnel : hématome du plancher de la bouche, hématome intracérébral, volumineux hématome rétro-péritonéal. D’autres hématomes engagent très rapidement le pronostic fonctionnel en particulier l’hématome de la loge antérieure de l’avant-bras responsable d’un syndrome de Volkmann, les hématomes compressifs des membres entraînant des compressions vasculaires ou neurologiques, hématomes péri-rachidiens, hématomes rétro-orbitaires, etc. Dans certains cas, des hématomes musculaires peu ou mal traités ou mal résorbés s’organisent. Autour se forme une gangue fibreuse adhérente aboutissant à des pseudotumeurs hémophiliques. Hémorragies extériorisées Les hémorragies extériorisées sont assez rares. Il peut s’agir d’hémorragies digestives mais elles sont souvent liées à une lésion du tube digestif, dans lesquelles l’hémophilie aggrave le tableau d’hémorragies de la sphère ORL pouvant simuler une hématémèse, d’hématurie AMC pratique Hors-série 1 Juin 2010
beaucoup plus rare et qui là encore nécessite de s’assurer qu’il n’y a pas une lésion urologique révélée par cette hématurie. Il faut rapprocher de ces hémorragies les hémorragies post-traumatiques ou post-chirurgicales : ceci est particulièrement vrai chez l’hémophile modéré qui a peu de signe et dont la maladie peut être révélée par une hémorragie post-chirurgicale ou post-traumatique parfois dramatique. Les complications iatrogènes En dehors des réactions d’allergies et d’intolérances aux produits, deux types de complications iatrogènes peuvent être rencontrées. Complications infectieuses [4, 5] Elles sont devenues exceptionnelles. On sait le lourd tribut qu’ont payé les hémophiles à la pathologie VIH (50 % des hémophiles français contaminés). Une autre complication a particulièrement touché le monde de l’hémophilie : l’hépatite C qui a atteint jusqu’à 90 % des hémophiles dans les périodes où les produits n’étaient pas viro-inactivés. Dans la prise en charge de l’hémophilie intervient le fait qu’un certain nombre d’hémophiles sont séropositifs ou porteurs d’hépatite C. Actuellement, on ne voit pratiquement plus de nouvelles complications infectieuses liées aux traitements antihémophiliques. L’hypothèse de transmission du nouveau variant de la maladie de Creutzfeld Jakob par les concentrés antihémophiliques n’a à ce jour jamais été confirmée. Développement d’un inhibiteur [6] Il s’agit de la complication actuellement la plus redoutée : un certain nombre d’hémophiles en particulier les hémophiles A sévères développent un inhibiteur qui neutralise le produit injecté. Cet anticoagulant circulant antifacteur VIII contraint à modifier l’attitude thérapeutique et à utiliser des produits qui court-circuitent l’action du facteur VIII dans le système de la coagulation. Ceci complique singulièrement la prise en charge de l’hémophilie. Principes du traitement Nous ne donnerons ici que les grandes lignes du traitement. Les modalités pratiques du traitement sont développées dans des revues et articles de synthèse [6] Produits disponibles On dispose actuellement dans l’arsenal thérapeutique des produits anti-hémophiliques, de médicaments dérivés du sang et de produits recombinants. Les dérivés plasmatiques sont obtenus par fractionnement à partir des prélèvements obtenus par don de sang 3
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ou de plasma. Ils font l’objet de plusieurs étapes d’inactivation virale qui en assurent la sécurité vis-à-vis des agents transmissibles. Les produits recombinants sont obtenus par génie génétique à partir de culture de cellules transfectées. Les doses injectées et les protocoles utilisés sont les mêmes quel que soit le type de produit utilisé Modalités du traitement Deux attitudes thérapeutiques sont proposées. Traitement à la demande Dans ce type de prise en charge, l’objectif thérapeutique est d’apporter le plus rapidement possible un dérivé antihémophilique dès qu’il y a complication hémorragique notable. Ceci a été rendu possible par l’auto traitement : dans le cadre de protocoles d’éducation thérapeutique, l’hémophile dispose à domicile des produits nécessaires ; les injections sont effectuées par lui-même, un proche ou un professionnel de santé rapidement disponible. La quasitotalité des adultes hémophiles est traitée à la demande. Traitement dit prophylactique Il consiste à injecter de principe une à deux à trois fois par semaine des facteurs antihémophiliques de façon à maintenir un taux résiduel minimal de facteur antihémophilique circulant et à prévenir les accidents articulaires. Cette attitude est préconisée et utilisée très largement chez l’enfant, au moins jusqu’en fin de croissance : c’est la seule qui permet d’éviter les séquelles ostéo-articulaires qui constituent le pronostic fonctionnel de l’hémophilie.
Principales pathologies cardiovasculaires et recommandations thérapeutiques Maladie coronaire Introduction et définition La maladie coronaire demeure une des principales causes de mortalité dans les pays développés, elle correspond aux manifestations de l’athérosclérose au niveau des artères coronaires. La pathologie coronaire stable Elle est la conséquence d’une ischémie myocardique provoquée par la réduction du débit coronaire liée à une lésion d’athérosclérose. La traduction clinique est représentée par des douleurs angineuses d’effort (angor d’effort stable).
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La pathologie coronaire instable Elle est secondaire aux complications thrombotiques liées à la rupture de la plaque d’athérome. L’ischémie myocardique survient le plus souvent au repos (angor de repos). L’angor instable et l’infarctus sont maintenant regroupés sous une même entité : les syndromes coronariens aigus. On différencie les syndromes coronariens aigus sans sus-décalage du segment ST, qui correspondent à une occlusion coronaire incomplète par du matériel athérothrombotique, et les syndromes coronariens aigus avec sus-décalage du segment ST qui correspondent à une occlusion coronaire complète nécessitant une désobstruction immédiate. Traitements La prise en charge de la pathologie coronaire est très bien codifiée et nous disposons de recommandations européennes datant de 2007 pour les syndromes coronariens aigus sans sus-décalage de ST [7] et de 2008 pour les syndromes coronariens aigus avec sus-décalage de ST [8]. Il faut noter que ces recommandations s’appliquent aux patients en dehors de toute pathologie de l’hémostase. Les principes de ce traitement sont les suivants. Stratégie de reperfusion concernant le syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST Les syndromes coronariens aigus avec sus décalage de ST doivent bénéficier d’une désobstruction coronaire urgente. Deux stratégies sont alors possibles, la thrombolyse intraveineuse ou l’angioplastie primaire. Le traitement de reperfusion privilégié reste l’angioplastie primaire lorsque le délai entre l’ECG dit qualifiant (diagnostic d’infarctus) et l’angioplastie est inférieure à 2 heures, ce délai étant ramené à 90 minutes pour les infarctus vus très précocement c’est-à-dire dans les 2 heures suivant la douleur. Dans les autres cas la fibrinolyse est recommandée en l’absence de contre-indication avec une coronarographie systématique dans les 24 heures. Stratégie invasive dans les syndromes coronariens aigus sans sus décalage de ST. À la différence des syndromes coronariens avec sus décalage, les syndromes coronariens sans sus décalage ne bénéficient pas tous d’une stratégie invasive (coronarographie). La prise en charge moderne consiste à stratifier le risque de chaque patient. Les patients à faible risque c’est-à-dire les patients n’ayant pas présenté de récidive douloureuse, de signe d’insuffisance cardiaque, de modification électrique ou enzymatique (troponine) à 6 heures et à 12 heures d’intervalle, ne bénéficient pas d’une exploration par coronarogra-
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phie d’emblée, mais d’une exploration non invasive à la recherche d’une ischémie (épreuve d’effort, échographie à la dobutamine, ou scintigraphie). La coronarographie ne sera proposée dans ce cas-là qu’en cas d’ischémie documentée. Concernant les patients à risque élevé ou intermédiaire, une stratégie invasive (coronarographie) est proposée d’emblée. L’examen coronarographique est rarement réalisé en urgence (sauf si instabilité hémodynamique, rythmique, ou persistance d’une douleur) mais plutôt dans les 72 heures. En fonction des résultats de la coronarographie, de l’état clinique et des comorbidités du patient une revascularisation sera proposée chez 60 à 70 % des patients. L’angioplastie avec mise en place d’une endoprothèse (stent nu ou actif) reste le mode de revascularisation le plus fréquent. Le pontage coronaire peut être proposé en cas d’atteinte coronaire sévère d’autant plus que le patient est diabétique et/ou porteur d’une dysfonction ventriculaire gauche et correspond environ à 10 % des revascularisations. Enfin chez 20 à 30 % des patients un traitement médical simple est proposé sans revascularisation. Stratégie invasive dans l’angor d’effort. La coronarographie chez un patient porteur d’un angor d’effort n’est proposée qu’en cas d’ischémie documentée et d’une symptomatologie non contrôlée par un traitement médical. Traitement médical Le traitement médical de la pathologie coronaire fait appel à plusieurs classes médicamenteuses. Le traitement dans la pathologie coronaire aiguë se résume à l’acronyme B.A.S.I.C (Bêtabloquant, Aspirine, Statine, Inhibiteur de l’enzyme de conversion, Correction des facteurs de risque). Schématiquement on distingue d’une part les traitements antiplaquettaires et anticoagulants et d’autre part les traitements anti ischémiques qui réduisent la consommation du myocarde en oxygène et les vasodilatateurs coronaires. Enfin un traitement hypocholestérolémiant par statine et un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine est systématiquement proposé. Nous ne détaillerons ici que les traitements antiplaquettaires et anticoagulants. • Traitement antiagrégant plaquettaire (figure 1) L’aspirine est la pierre angulaire du traitement antiagrégant plaquettaire du patient coronarien. Dans les syndromes coronariens aigus, une dose intraveineuse de 160 à 325 mg est recommandée (I-A) puis une dose de 75 à 100 mg est recommandée au long cours (I-A).
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Le clopidogrel est recommandé en association avec l’aspirine dans les syndromes coronariens aigus. Il doit être administré sous la forme d’une dose de charge de 300 mg (ou 600 mg en cas de stratégie IIa-B) suivie d’une dose d’entretien de 75 mg pendant 12 mois (niveau de preuve I-A). En cas de chirurgie de pontage il doit être stoppé pendant 5 jours si cela est possible (IIa-B). Le prasugrel (thiénopyridine de nouvelle génération) est disponible depuis janvier 2010 en France avec comme indication la prévention des événements athérothrombotiques dans les syndromes coronariens aigus (avec et sans susdécalage de ST) traités par angioplastie. Le médicament à la dose de 10 mg (seule dose disponible en France) est déconseillé chez les patients à risque hémorragique élevé : chez les sujets de plus de 75 ans ou de moins de 60 kg et contre-indiqué en cas d’antécédents d’AVC ou d’AIT. Les recommandations européennes antérieures à la sortie de la molécule ne tiennent pas encore compte de cette molécule. Pour les récentes recommandations américaines sur l’infarctus avec sus décalage de 2009 il est en classe I-B dans l’angioplastie primaire. Les inhibiteurs des glycoprotéines IIb/IIIa sont associés à l’angioplastie primaire avec un niveau de recommandation IIa-A pour l’abciximab et IIb-B pour le tirofiban et IIb-C pour l’eptifibatide pour les syndromes coronariens aigus avec sus décalage. Dans les syndromes coronariens sans sus décalage, ils sont indiqués chez les patients à risque intermédiaire ou élevé (IIa-A) en plus du traitement par aspirine et clopidogrel mais le risque hémorragique et ischémique doit être évalué avant cette administration. La durée des traitements antiagrégants plaquettaires dans la maladie coronaire est présentée dans le tableau 1. • Traitement anticoagulant En complément du traitement antiplaquettaire le traitement anticoagulant est recommandé (I-A) pour les syndromes coronariens aigus. Pour les syndromes coronariens aigus (SCA) sans sus décalage de ST, différents types d’anticoagulant sont actuellement proposés, le choix entre ces différents traitements est guidé en fonction de la stratégie utilisée (invasive urgente, invasive rapide ou conservatrice) et du risque ischémique et hémorragique individuel, les 4 principaux anticoagulants utilisés en France sont : • Fondaparinux ; • Héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ; • Héparine non fractionnée ; • Bivalirudine.
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HéMOpHIlIE Et pAtHOlOgIES cARdIOvASculAIRES
La durée de l’anticoagulation est variable, elle peut être stoppée 24 heures après les procédures invasives (IIa-C). Dans les stratégies conservatrices, les traitements sont poursuivis jusqu’à la sortie (I-B). Pour les syndromes coronariens aigus avec sus décalage de ST, les héparines non fractionnées (I-C) ou la bivalirudine (IIa-C) peuvent être proposées en cas d’angioplastie primaire. En cas de thrombolyse, les héparines de bas poids moléculaire (I-A) ou les héparines non fractionnées (I-A) si les HBPM ne sont pas disponibles. Cas de la pathologie coronaire stable En ce qui concerne la pathologie coronaire stable une dose faible d’aspirine est recommandée au long cours en dehors des contre-indications spécifiques (saignement actif, allergie aspirine) (I-A).
Fibrillation atriale Introduction et définition La fibrillation atriale est le trouble du rythme le plus fréquent. Sa prévalence augmente avec l’âge, elle est estimée à 0,4 % à 1 % de la population générale (4 % de la population après 60 ans). En France on estime que
Aspirine Thromboxane A2
Collagène
cela représente environ 500 000 personnes. Les étiologies de ce trouble du rythme atrial sont nombreuses mais essentiellement représentées par les cardiopathies au sens large (valvulaire, ischémique, hypertensive, insuffisance cardiaque…). La fibrillation atriale expose aux complications thromboemboliques et notamment à l’accident vasculaire cérébral dont le risque est estimé à 5 % par an en moyenne chez les patients en fibrillation atriale sans traitement anticoagulant ou antiagrégant soit 2 à 7 fois la fréquence en absence de fibrillation atriale. En cas d’atteinte valvulaire rhumatismale associée à une fibrillation atriale, le risque est 17 fois supérieur par rapport aux témoins de même âge. En dehors de la pathologie valvulaire rhumatismale, les facteurs de risques d’accidents vasculaires cérébraux sont bien identifiés. Un score de risque a été établi en fonction des facteurs de risque du patient : score CHADS2. (tableaux 2 et 3) Recommandations européennes 2006 [9], et Gage et al. [10] Les recommandations ont classé ces facteurs en facteurs de risque majeurs et modérés :
5HT
ADP
ATP
Thrombine GPVI
5HT2A P2Y1
TPα
P2Y12
PAR4 P2X1 PAR1
Thiénopyridines (Métabolites actifs) TRA
Ticagrelor
Activation plaquettaire
αIIbβ3
AntiGPllb/lla
αIIbβ3
Figure 1. Représentation schématique des différents agents antiplaquettaires. Aspirine : bloque la synthèse de thromboxane A2. Thiénopyridines (clopidogrel et prasugrel) : blocage irréversible par leur métaboltite actif du récepteur P2Y12 à l’ADP. Ticagrelor : inhibiteur réversible du récepteur P2Y12 à l’ADP TRA (Antagoniste des récepteurs à la thrombine) : inhibiteur du récepteur plaquettaire à la thrombine PAR 1 (actuellement à l’étude en phase III) Antiglycoprotéine IIb/IIIa : inhibiteur intraveineux de la glycoprotéine plaquettaire IIb/IIIa (abciximab, eptifibatide, tirofiban) 6
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Tableau 1. Durée de traitement antiagrégant plaquettaire chez un patient coronarien. Type de pathologie
Type de traitement
Durée
Patient coronarien
aspirine
Indéfinie
Syndrome coronarien aigu
aspirine + clopidogrel
12 mois
aspirine + prasugrel
Syndrome coronarien aigu dilaté
ou aspirine + clopidogrel
12 mois
Stent nu actif (hors SCA)
aspirine + clopidogrel
12 mois
Stent nu (hors SCA)
aspirine + clopidogrel
6 semaines
• les facteurs de risque majeurs sont : antécédents d’accident vasculaire cérébral, d’accident ischémique transitoire ou embolie, sténose mitrale, ou présence d’une valve cardiaque prothétique ; • les facteurs de risque modérés sont : l’âge ≥ 75 ans, hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, la FEVG < 35 % et la présence d’un diabète. Principe du traitement Le traitement de la fibrillation comporte globalement deux parties distinctes :
Tableau 2. Critères de risque thrombotique permettant d’établir le score de CHADs2 Critère de risque CHADS
Score
Antécédent d’AVC ou d’AIT
2
Âge > 75 ans
1
HTA
1
Diabète
1
Insuffisance cardiaque
1
Tableau 3. Taux d’AVC en fonction du score de CHADs2 Score CHAD2
Taux d’AVC pour 100 patients par an
0
1,9
1
2,8
2
4,0
3
5,9
4
8,5
5
12,5
6
18,2
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• la première (dont nous ne parlerons pas) a pour but selon les cas de contrôler la fréquence ventriculaire ou bien de restaurer et maintenir un rythme sinusal ; • la seconde a pour but de prévenir les complications thrombo-emboliques. Prévention des complications thrombo-emboliques Le traitement antithrombotique est recommandé chez tous les patients sauf pour ceux ayant une fibrillation atriale isolée ou une contre-indication à celui-ci (I-A). En 2009 ce traitement repose sur l’aspirine (75 à 325 mg/J) ou les antivitamines K selon les cas. Si facteur de risque majeur > 1 ou 2 facteurs modérés : indication AVK (INR entre 2 et 3). Dans les autres cas (un ou aucun facteur de risque modéré) un traitement par aspirine (75 à 325 mg/J) est recommandé. Il faut aussi souligner que le traitement antithrombotique peut aussi être décidé en fonction du score CHADS2, qui a l’avantage d’être simple (tableaux 2 et 3). Score CHADS2 d’après les recommandations américaines (ACCP 8 th edition) [11] : • Score CHADS2 ≥ 2 : AVK (INR entre 2 et 3) ; • Score CHADS2 ≥1 : AVK (INR entre 2 et 3) ou aspirine (75-325 mg/J) ; • Score CHADS2 = 0 : aspirine (75-325 mg/J).
Les valves prothétiques On distingue deux types de valves : les valves mécaniques qui nécessitent un traitement par antivitamines K au long cours et les valves biologiques (ou bioprothèse) qui ne nécessitent pas de traitement anticoagulant mais qui subissent une altération avec le temps. En pratique le choix entre les différents types de prothèses doit être individualisé en fonction de l’espérance de vie, d’une contre-indication éventuelle au traitement anticoagulant, chez la femme en fonction du désir de grossesse.
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Hémophilie et pathologies cardiovasculaires
Épidémiologie des maladies cardiovasculaires chez les hémophiles Avec l’introduction des concentrés de facteurs de la coagulation dans les années soixante et de la prophylaxie dans les années soixante-dix, l’espérance de vie des patients hémophiles des pays développés est passée de moins de 30 ans à plus de 70 ans [2]. Depuis 1972, l’espérance de vie des hémophiles n’a pas changé de manière notable [12]. En effet, celle-ci était de 66 ans en 1972 et de 67 ans en 2001. Chez les hémophiles sévères l’espérance de vie a même baissé de 63 à 59 ans [12]. Ceci est dû principalement à l’augmentation de la mortalité causée par les infections par le VIH ou l’hépatite C (VHC) transmises par des concentrés plasmatiques infectés. En Hollande, les concentrés plasmatiques ont été sécurisés pour le VIH depuis 1985 et depuis 1992 pour l’hépatite C [12]. Après exclusion des individus infectés par le VIH ou le VHC, l’espérance de vie des patients atteints d’hémophilie modérée ou mineure approche celle de la population générale hollandaise mâle (respectivement 73 et 76 ans) et l’espérance de vie des hémophiles sévères atteint 71 ans [2]. Des résultats similaires ont été rapportés pour le Royaume-Uni [2].
Hémophilie et mortalité cardiovasculaire De nos jours, les hémophiles ne souffrent plus seulement des problèmes inhérents à leur pathologie mais sont aussi confrontés aux comorbidités apparaissant avec l’âge. Ainsi, ces dernières années, les hématologues semblent confrontés à une augmentation de la fréquence des cardiopathies ischémiques chez l’hémophile. Malheureusement, des études épidémiologiques larges et bien conduites manquent pour confirmer cette tendance [13]. Cependant, bien que l’incidence et la prévalence des cardiopathies ischémiques apparaissent en augmentation chez les hémophiles, plusieurs études de cohorte rapportent une mortalité due aux cardiopathies ischémiques plus faible chez les hémophiles comparée à celle de la population male du même âge. Études hollandaises Dans la première étude Hémophilie en Hollande (HiN) datant de la fin des années quatre-vingt, Rosendaal et al. [14] ont montré une diminution de prés de 80 % de la mortalité par cardiopathie ischémique chez l’hémophile. Les études HiN suivantes portant sur la même cohorte de patients ont confirmé ces résultats : Plug et al. [12] ont comparé entre 1992 et 2001 les causes de mortalité chez les hémophiles hollandais à ceux de la population mâle
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du même âge. Les auteurs rapportent un Ratio de Mortalité Standardisé (RMS), calculé en divisant le nombre de morts observés par le nombre de morts attendus, de 0.5 pour les cardiopathies ischémiques [12]. Étude Royaume-Uni Au Royaume-Uni, Darby et al. [2] ont calculé un RMS similaire dans une population de plus de 6 000 hémophiles suivie entre 1977 et 2001. Bien que la plupart des études montre une diminution de la mortalité par cardiopathie ischémique chez les hémophiles, le nombre d’événements est faible. Biais possibles Il est donc impossible de conclure à un lien de causalité direct entre hémophilie et diminution de mortalité cardiovasculaire. De plus, ces études épidémiologiques sont soumises à de nombreux biais. Ainsi, aucune information sur la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire dans les populations générales utilisées pour calculer les RMS n’est décrite. De plus, comme la plupart des études investiguant les causes de mortalité chez l’hémophile incluaient des patients positifs pour le VIH ou le VHC, il est possible que les patients soient morts d’une autre cause avant d’avoir le temps de développer une cardiopathie ischémique. Par ailleurs une incidence accrue de cardiopathie ischémique a été observée chez les patients VIH traités par antirétroviraux.
Prévalence des pathologies cardiovasculaires chez les hémophiles Cardiopathies ischémiques Kulkarni et al. [15] ont établi la prévalence de la cardiopathie ischémique en fonction de l’âge chez 3 442 hémophiles américains en utilisant les comptes rendus hospitaliers de sortie entre 1993 et 1998. La prévalence était de 0,05 % chez les hémophiles de moins de 30 ans et de plus de 15 % chez ceux de plus de 60. Le taux d’hospitalisation pour cardiopathie ischémique des hémophiles entre 45 et 64 ans était inférieur de moitié à celui des sujets non hémophiles du même âge ; parmi les hémophiles de plus de 65 ans, cette diminution était d’environ 30 %. Accidents vasculaires cérébraux Peu de chose est connu sur le nombre de morts dus aux accidents vasculaires cérébraux ischémiques chez les hémophiles. Darby et al. [2] rapportent un nombre de morts par AVC ischémique plus faible qu’attendu avec un RMS de 0,63. Cependant, ceci est basé uniquement sur
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4 morts dans un groupe de 6 018 hémophiles et la différence n’est pas significative. De plus dans cette étude, les auteurs ne différencient pas le risque de mortalité lié aux AVC ischémiques de ceux liés aux AVC hémorragiques.
Influence du traitement sur la pathologie cardiovasculaire À côté des études de cohorte, Girolami et al. [16] ont publié 1 revue générale portant sur tous les cas rapportés jusqu’à 2005 d’événements cardiovasculaires thrombotiques chez des patients hémophiles A ou B. Dans ces revues, il semble y avoir une association entre l’administration récente de concentrés de facteurs de la coagulation et la survenue d’un infarctus du myocarde (IDM). Chez les hémophiles A, 22 des 36 IDM ont suivi l’administration de concentré de facteur VIII et plus fréquemment l’administration de complexe prothrombinique activé ou de facteur VIIa recombinant. Dans 3 cas, l’IDM est survenu immédiatement après l’administration de desmopressine. Chez les hémophiles B, 8 des 13 événements sont survenus après l’administration de complexes prothrombiniques, de plasma ou de cryoprécipités. Les résultats de ces 2 revues doivent être cependant considérés avec attention du biais possible de publication. Ces cas, cependant reflètent la nécessité d’utiliser avec précaution les concentrés de facteur chez les hémophiles, en particulier chez ceux présentant des facteurs de risque cardiovasculaire connus ou des antécédents d’IDM. Le groupe de Girolami a aussi étudié les cas rapportés dans la littérature d’AVC ischémiques survenus chez des hémophiles A ou B. 6 AVC ischémiques ont été décrits chez les hémophiles A et un chez un hémophile B. Une association avec l’administration de concentrés de facteur a été observée chez 4 des 6 hémophiles A. L’AVC ischémique observé chez l’hémophile B s’est déclaré après une chirurgie orthopédique alors que des concentrés de facteurs étaient administrés. Ici encore les biais de publication ont pu influencer les résultats. Il n’y a pas de littérature disponible concernant le risque d’artériopathie périphérique chez les hémophiles.
Hémophilie et facteurs de risque cardiovasculaire La prévalence des facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, hypercholestérolémie, obésité et diabète) chez les hémophiles est mal connue [13]. Hypertension artérielle Chez les hémophiles hollandais [14], la pression artérielle systolique moyenne est plus élevée que celle mesurée
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dans la population générale mais de manière non significative (différence 3,7 mm Hg ; IC 95 % -0,3 à 7,7 mm Hg). La pression artérielle diastolique moyenne était significativement plus haute chez les hémophiles (différence 5,8 mm Hg ; 3,6 à 8,0 mm Hg). Après ajustement par l’âge, les patients hémophiles étaient 2 fois plus souvent traités pour hypertension que la population générale de comparaison. Aucune association n’a été observée entre l’hypertension et la sévérité de l’hémophilie. Dans une cohorte d’hémophiles modérés canadiens, 29 % des sujets présentaient une hypertension comparée à 18 % chez les sujets contrôles [17]. Cette forte prévalence de l’hypertension chez les hémophiles pourrait être due à l’insuffisance rénale qui semble plus élevée chez les hémophiles que dans la population générale [17]. En dehors du saignement rénal, l’infection par le VIH et l’obstruction rénale aiguë secondaire au traitement d’un saignement par l’acide tranexamique peuvent entraîner une maladie rénale chez les hémophiles. Kulkarni et al. [15] ont montré que les hospitalisations pour maladie rénale aiguë ou chronique étaient plus nombreuses chez les hémophiles par rapport à la population générale. La prévalence de l’hypertension chez les hémophiles admis pour des saignements rénaux était de 10 % comparés à 4,5 % pour ceux admis pour d’autres raisons. Dyslipémies La concentration moyenne en cholestérol chez les hémophiles hollandais [14] était significativement plus basse que celle de la population générale (4,8 vs 5,6 mmol/l). Bien que statistiquement non significatif, les taux de cholestérol les plus bas étaient observés chez les hémophiles sévères ce qui suggère une association entre les taux bas de cholestérol et le déficit en facteur de la coagulation ou son traitement. Obésité L’IMC et la prévalence du tabagisme sont similaires chez les hémophiles hollandais et dans la population générale [14]. Entre 1992 et 2001, la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les hémophiles hollandais adultes a augmenté de 27 à 35 % et de 4 à 8 % respectivement. La prévalence du surpoids était plus faible chez les hémophiles comparés à la population générale. Cependant, la prévalence de l’obésité et l’augmentation de la prévalence de l’obésité et du surpoids étaient identiques dans les 2 groupes. Dans une étude canadienne [18], l’IMC moyen chez les hémophiles modérés était de 30,2 kg/m² comparé à 27,8 kg/m² dans le groupe contrôle (IC 95 % 0,4 à 4,4) [17].
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Diabète Les études publiées sur la prévalence du diabète chez l’hémophile montrent des résultats discordants [13] et ne permettent pas d’estimer correctement l’importance de ce facteur de risque dans cette population.
Conséquences de l’hémophilie sur la maladie artérielle Kulkarni et al. [15], ont démontré que les facteurs de risque de cardiopathie ischémique (âge, hypertension, diabète et hyperlipidémie) étaient indépendamment associés au risque de cardiopathie ischémique chez les hémophiles, comme dans la population générale. En 1990, Rosendaal et al. [14] ont cherché à étudier si la faible mortalité par cardiopathie ischémique des hémophiles pouvait être attribuée à des différences de prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire entre les hémophiles et la population générale. Les auteurs ont conclu que la différence en termes de niveau de facteurs de risque ne pouvait seulement expliquer qu’une fraction de la baisse de mortalité par cardiopathie ischémique chez les hémophiles. Il semble que les hémophiles soient protégés des cardiopathies ischémiques par le déficit de facteur de la coagulation lui-même ou par ses conséquences Rôle de l’hypocoagulabilité sur la prévention des thromboses La réduction de la mortalité par cardiopathie ischémique chez les hémophiles pourrait être attribuée à l’état d’hypocoagulabilité de ces patients. Elle pourrait avoir un effet protecteur sur la formation du thrombus qui précipite l’infarctus. Le fait qu’un taux très élevé de facteur VIII soit un facteur de risque commun de thrombose veineuse [19] et soit associé à une augmentation du risque de cardiopathie ischémique [20] et d’AVC [21] renforce cette hypothèse. Il reste encore à éclaircir si le déficit en facteur VIII ou IX de la coagulation exerce aussi un effet protecteur sur le développement de l’athéro-sclérose. Rôle de l’hémophilie sur l’athérogénèse Les études évaluant l’association entre des taux élevés de facteurs de la coagulation et l’athérosclérose conduisent à des résultats conflictuels. En 1957, des angors typiques et des athéroscléroses extensives ont été décrits pour la première fois chez les hémophiles modérés [22]. Smarek et al. [23, 24] ont mesuré l’épaisseur intima média (EIM) des artères carotides et fémorales par ultrasonographie. Aucune différence d’EIM n’a été observée entre des patients avec anomalie constitutionnelle de l’hémostase
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(59 hémophiles et 17 maladies de Willebrand) et 142 contrôles. À partir de cette étude, il apparaît que l’hypocoagulabilité causée par l’hémophilie n’a pas d’effet sur l’athérogénèse. Cependant, un groupe italien [25] a montré une moyenne d’EIM plus basse chez 50 hémophiles (38 sévères et 12 modérés) comparés à 50 sujets contrôles appariés par l’âge. Au moins une plaque d’athérosclérose était observée chez 6 hémophiles (12 %) comparés à 15 (30 %) chez les sujets contrôles. Hémophilie et structure du caillot Une explication possible pour la diminution du taux de mortalité par cardiopathie ischémique chez l’hémophile concerne la diminution de la tendance à former des thrombus occlusifs. Aucune donnée clinique n’est disponible à ce sujet et seules des données ex vivo permettent pour l’instant d’appréhender ce problème. Mizuno et al. [26]. ont décrit un système de chambre avec flux qui permet l’observation en temps réel de l’accumulation de fibrine à l’intérieur d’un thrombus durant la thrombogénèse plaquettaire en condition de flux. L’utilisation d’un tel modèle a permis de montrer que la taille et la forme d’un thrombus mural dépendent du développement de la fibrine à l’intérieur du thrombus dans des conditions physiologiques de fortes forces de cisaillement. Cette déposition de fibrine chez un hémophile A modéré est significativement réduite en comparaison d’un thrombus contrôle, bien que le volume du thrombus soit identique. Chez 2 hémophiles sévères, à la fois le volume et l’accumulation de fibrine du thrombus sont significativement réduits par rapport au thrombus contrôle. L’ajout de FVIIa recombinant a presque normalisé la formation du réseau de fibrine à l’intérieur du thrombus avec une amélioration modeste du volume et de la forme finale du thrombus.
Conclusions Il n’existe actuellement aucune recommandation consensuelle sur le traitement de la cardiopathie ischémique chez l’hémophile. L’athérosclérose et la cardiopathie ischémique nécessitent un traitement pour réduire le risque de formation d’un thrombus. Les traitements anticoagulants et les antiplaquettaires augmentent le risque de saignement chez les hémophiles et les interventions cardiovasculaires se compliquent fréquemment de saignement. Pour minimiser ces risques, le déficit en facteur de la coagulation doit être corrigé. Cependant, l’administration de concentrés de facteurs de la coagulation pourrait favoriser la survenue d’ischémie cardiovasculaire. L’équilibre précaire entre saignement et thrombose doit
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donc être pris en considération pour traiter un épisode de cardiopathie ischémique chez l’hémophile. Les recommandations pour la prévention et le traitement des cardiopathies ischémiques émises chez les sujets non hémophiles doivent être en principe suivies chez les hémophiles. L’équipe les prenant en charge au quotidien a un rôle important à jouer dans l’éducation et la prévention des facteurs de risque cardiovasculaires chez leurs patients. Les facteurs de risque cardiovasculaires tels que le diabète ou l’hypertension peuvent être traités et suivis par le généraliste. Chez la majorité des hémophiles, les antiplaquettaires sont utilisables avec prudence et sous certaines conditions : ainsi, lorsque la fréquence des saignements augmente, le traitement par aspirine doit être discuté. Les interventions cardiovasculaires invasives sont possibles, les traitements anticoagulants ou une bithérapie plaquettaire sont souvent utilisables. Dans tous les cas, une collaboration étroite entre le cardiologue et l’hématologue est nécessaire pour offrir au patient un traitement optimal.
Propositions Les propositions ci-dessous ne relèvent pas d’un consensus professionnel. Elles tiennent compte des rares travaux publiés par des auteurs exprimant plus une opinion personnelle appuyée sur quelques données de la littérature. [1, 25, 26]. En raison de l’absence de recommandation spécifique, le traitement des patients hémophiles se rapproche des patients non hémophiles en associant une substitution.
Propositions concernant la cardiopathie ischémique Pour les syndromes coronariens aigus Examens invasifs • Privilégier la voie radiale en raison de son bénéfice sur les complications hémorragiques liées au point de ponction. • En raison des risques hémorragiques pendant la procédure, nécessité de substitution. • En cas de voie radiale, pendant une durée de 24 à 48 heures. • En cas de voie fémorale (impossibilité ou choix de l’opérateur) pendant une durée de 48 heures. • La bithérapie antiplaquettaire doit être la plus courte possible. Les stents nus doivent être privilégiés le plus possible par rapport aux stents actifs qui nécessitent une bithérapie antiplaquettaire prolongée. En cas de lésions tri-tronculaires ou d’atteinte du tronc coronaire gauche,
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la chirurgie doit être privilégiée par rapport à une angioplastie multiple. • Pendant toute la bithérapie antiplaquettaire : traitement substitutif prophylactique avec facteurs antihémophiliques. • Passage à la monothérapie antiplaquettaire par aspirine à faible dose (≤ 100 mg/J) ; discuter un traitement de substitution type prophylaxie en fonction de l’histoire personnelle et actuelle du patient • En cas d’utilisation d’anti GPIIb/IIIa (dont l’indication doit être limitée à l’infarctus avec sus-décalage), nécessité d’une substitution visant à mettre le patient en situation isocoagulable. • Le prasugrel qui majore le risque hémorragique par rapport au clopidrogel ne devra pas être utilisé chez le patient hémophile. Fibrinolyse dans l’infarctus du myocarde Théoriquement possible sous couvert d’une substitution forte pendant 24-48 heure mais privilégier l’angioplastie primaire. Le territoire français et l’organisation des soins permettent le plus souvent un transfert vers un centre de coronarographie dans un délai proche des 2 heures ce qui semble être préférable en raison des complications hémorragiques possibles d’une thrombolyse. En cas d’indication de pontage Substitution forte dose pendant 48 heures. Le protocole de couverture par facteurs anti-hémophilique doit être celui appliqué pour les chirurgies majeures. Question de l’angioplastie en un temps ou en deux temps • En cas de pathologie instable : en raison de la substitution pendant l’examen, privilégier une procédure en un temps, avec dose de charge de clopidogrel (300 à 600 mg). • En cas de pathologie stable : une coronarographie diagnostique sans clopidogrel peut être proposée. Pour l’insuffisance coronaire stable Une monothérapie antiplaquettaire par aspirine est proposée. La prophylaxie au long cours peut être discutée en cas de risque hémorragique surajouté ou d’aggravation trop importante des signes hémorragiques habituels.
Propositions concernant la fibrillation atriale non valvulaire Dans la mesure où nous n’avons pas la preuve que les patients hémophiles soient protégés des accidents thromboemboliques pendant et après la réduction de la fibrillation atriale mais aussi au long cours, il faut discuter au cas
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par cas de l’intérêt d’un traitement antiplaquettaire et d’une substitution associée. Le score CHADS2 n’est pas directement applicable dans une population d’hémophiles porteurs d’une fibrillation atriale mais peut aider à la décision. Place des antivitamines K Les antivitamines K fréquemment utilisés chez le patient non hémophile ont une place très réduite chez les patients hémophiles en raison de la nécessité d’une substitution forte au long cours et de l’impossibilité d’établir un ratio bénéfice-risque chez ces patients. Il n’y a sur ce sujet aucune donnée solide dans la littérature. Les AVK pourraient être indiqués chez des patients à très haut risque à embolique (CHADS2 supérieur à 2) porteurs d’une hémophilie modérée, la place d’un traitement substitutif devant être discutée au cas par cas. Place de l’aspirine L’aspirine à faible dose (≤ 100 mg/J) sera donc préférée aux antivitamines K chez les patients hémophiles. En fonction du risque CHADS 2. • Score à 0 : pas de prophylaxie • Score à 1 : pas de prophylaxie • Score ≥ 2 : aspirine à faible dose Cas particulier CHADS>2 et hémophilie modérée, discuter antivitamines K avec INR cible basse (2) et substitution chez l’hémophile A. L’hémophilie B pourrait, sur le plan théorique, poser des problèmes différents ; le traitement anticoagulant n’est pas documenté dans la littérature et parait difficilement applicable. Conduite à tenir pour la réduction de la fibrillation atriale En cas de fibrillation atriale datant de moins de 48 heures, envisager une réduction immédiate sans traitement anticoagulant avant ni après la réduction. En cas de fibrillation atriale datant de plus de 48 heures, proposer un schéma de réduction rapide avec échographie transœsophagienne sous couvert d’un traitement anticoagulant par HBPM ou héparine non fractionnée avec un relais par antivitamines K (INR cible de 2) pour une durée de 4 semaines sous couvert d’une substitution forte. Après la période de 4 semaines retour au paragraphe précédant.
nécessitent pas de traitement anticoagulant au long cours sont à privilégier chez les patients hémophiles. Si une bioprothèse n’est pas possible, pourrait se discuter soit l’absence de traitement anticoagulant en réservant les facteurs anti-hémophiliques aux seules complications hémorragiques, soit une association prophylaxie + traitement anticoagulant sur laquelle on ne dispose d’aucune référence dans la littérature.
Conflits d’intérêts G. Cayla : • Invité en qualité d’intervenant pour des conférences organisées par Lilly, Daïchi, Servier, CSL Behring, AstraZeneca. P.-E. Morange : • Invité en qualité d’intervenant pour des conférences organisées par les laboratoires CSL Behring et LFB. • Responsable d’une institution à laquelle les laboratoires NovoNordisk et CSL Behring ont réalisés un versement substantiel. H. Chambost : • Invité en qualité d’intervenant pour des conférences organisées par les laboratoires CSL Behring et LFB. • Interventions en qualité d’expert pour les laboratoires Bayer Schering, Baxter, CSL Behring, LFB et NovoNordisk. J.-F. Schved : • Collaborateur à des essais cliniques pour les laboratoires Bayer Schering et Wyeth. • Rapport d’expertise pour le laboratoire LFB. • Invité en qualité d’intervenant pour des conférences organisées par les laboratoires Baxter, Wyeth, NovoNordisk, CSL Behring et LFB. • Responsable d’une institution à laquelle les laboratoires LFB, Baxter, NovoNordisk, Bayer Schering et CSL Behring ont réalisés un versement substantiel.
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