© Masson, Paris, 2004.
Gastroenterol Clin Biol 2004;28:120-125
Hépatite virale C et transplantation rénale Nassim KAMAR (1), Lionel ROSTAING (1), Laurent ALRIC (2) (1) Service de Néphrologie, Hémodialyse et Transplantation d’Organes, (2) Service de Médecine Interne, Fédération Digestive, CHU Toulouse-Purpan, TSA 40031, 31059 Toulouse Cedex 9.
A
u cours de la dernière décennie, le dépistage systématique du virus de l’hépatite C (VHC) dans les produits dérivés du sang et l’utilisation de l’érythropoïtéine recombinante pour le traitement de l’anémie chez les insuffisants rénaux terminaux ont permis de considérablement diminuer l’incidence de l’infection par le VHC chez les hémodialysés chroniques et chez les transplantés rénaux. Bien que les cas de transmission nosocomiale du VHC soient rares, la prévalence de l’infection par le VHC reste toujours élevée dans ces deux populations. L’infection chronique par le VHC constitue la cause la plus fréquente des maladies hépatiques après transplantation rénale [1, 2]. Les principaux facteurs de risques d’infection par le VHC chez le transplanté rénal sont la durée de dialyse et le mode de dialyse. Le risque est plus élevé en hémodialyse qu’en dialyse péritonéale et en hémodialyse en centre qu’en hémodialyse à domicile. Le nombre de culots globulaires reçus, les antécédents de greffe rénale, la présence d’une toxicomanie ou d’une infection par le virus de l’hépatite B (VHB) sont d’autres facteurs associés à l’infection par le VHC [1, 2].
Modification de la virémie du VHC après transplantation rénale Le génotype 1 est le génotype viral le plus souvent observé chez les malades hémodialysés ou transplantés. Le sous-type 1a prédomine aux Etats-Unis [8] alors que le génotype 1b est le plus fréquent dans les pays méditerranéens [2]. Après transplantation rénale, il existe une élévation de la concentration sérique de l’ARN du VHC [1, 9-13] qui est probablement due à la diminution de la réponse immune sous traitement immunosuppresseur, et à l’établissement d’un nouvel équilibre entre la production de virions et leur clairance. Ainsi, il a été montré une augmentation significative de la virémie du VHC un an après l’instauration d’un traitement imunosuppresseur par mycophénolate mofétil [14]. Les corticostéroïdes sont également responsables d’une augmentation de la réplication virale et d’une progression plus rapide vers la cirrhose chez le sujet immunocompétent [15] et après transplantation hépatique [16-17]. Toutefois, ni la fibrose hépatique [9], ni l’apparition de glomérulopathies de novo [12] ne semblent liées à une augmentation de la charge virale et ce quelque soit le niveau de réplication virale.
Il a également été montré que chez l’insuffisant rénal terminal, la survie est meilleure chez les sujets bénéficiant d’une transplantation rénale que chez ceux restant en dialyse [3]. Cela est également vrai chez les insuffisants rénaux terminaux porteurs du VHC [4, 5]. Compte tenu de la nécessité d’utiliser après la greffe un traitement immunosuppresseur avec les risques potentiels que cela comporte au cours d’une infection virale, les problèmes posés par l’hépatite C sont particulièrement fréquents dans cette population à risque.
Évolution de l’histologie hépatique chez les transplantés rénaux infectés par le VHC Compte tenu de la nécessité d’utiliser chez ces malades transplantés un traitement immunosuppresseur, il existe un risque potentiel incontestable d’aggravation des lésions hépatiques. Cependant, la progression de la fibrose hépatique après transplantation rénale reste un sujet de controverse (tableau I). Il a été montré que ni l’activité sérique de l’ALAT, ni la concentration sérique de l’ARN du VHC n’étaient des marqueurs prédictifs de l’évolution de l’infection à VHC après transplantation rénale [1, 6, 16, 18]. De fait, la biopsie hépatique reste indispensable pour évaluer la sévérité des lésions hépatiques d’autant que les marqueurs sériques de fibrose hépatique ne sont pas validés chez les transplantés rénaux [19, 20]. De même, aucune relation entre le génotype viral et l’activité sérique de l’ALAT ou l’histologie hépatique n’a été trouvée. Certains auteurs ont rapporté une surmortalité des transplantés rénaux VHC positifs par la survenue de maladie hépatique [21-23]. Pereira et al. [1] ont également montré que la présence d’anticorps anti-VHC est associée à une augmentation du risque de complications hépatiques après transplantation rénale. A l’inverse, d’autres auteurs ont trouvé que la morbidité secondaire à l’atteinte hépatique du VHC est peu modifiée après transplantation rénale [24] ou après transplantation cardiaque [25]. Parmi 174 transplantés rénaux infectés par le VHC, Glicklich et al. [26] ont rapporté un taux de cirrhose relativement faible de 7 % soit un chiffre comparable à
Histoire naturelle de l’infection par le VHC chez les transplantés rénaux Après transplantation rénale, les malades infectés par le VHC présentent une élévation de l’activité sérique de l’ALAT. L’activité de l’ALAT fluctue et se caractérise par l’apparition de pics suivis dans certains cas d’une normalisation de l’activité sérique [6]. A noter toutefois que dans 20 à 51 % des cas, l’activité sérique de l’ALAT reste normale malgré la détection de l’ARN du VHC dans le sérum. Haem et al. [7] ont décrit une population de transplantés rénaux, correspondant à approximativement 10 % des malades VHC positifs, dits « porteurs asymptomatiques », qui se caractérise par la présence d’une activité sérique de l’ALAT normale, une virémie VHC et une absence de lésions histopathologiques hépatiques. Il n’a pas été mis en évidence de facteur prédicitif de ce statut en dehors de la présence de l’allèle HLA-DR5. Tirés à part : L. ALRIC, à l’adresse ci dessus. E-mail :
[email protected]
120
Hépatite C et transplantation rénale
Tableau I. − Évolution de l’histologie hépatique après transplantation rénale. Liver histology after renal transplantation. Etudes
Glicklich et al. [26]
Nombre de malades 174
Nombre de PBH
Délai entre la TR et PBH 1 (mois)
Délai entre la TR et PBH 2
Aggravation de la fibrose entre 2 PBH (%)
Cirrhose (%)
1
—
—
—
7
Rostaing et al. [18]
78a
1
38 (10-306)
—
—
5
Giordano et al. [27])
26
1
76 ± 8,8
—
—
4
Izopet et al. [9]
36
2
45 ± 34
81 ± 36
36,2
—
Zybelberg et al. [28]
28
2
< 6 (22/28) 12-252 (6/28)
163 (31-287)
50
21,4
Alric et al. [13]
30
2
48 ± 3,3
85,1 ± 5,4
30
20
b
PBH, ponction biopsie hépatique ; TR, transplantation rénale. 7 malades VHC (+) ARN (+) Ag HBs (+), 4 malades VHC (+) ARN (–) Ag HBs (–) et 67 malades VHC (+) ARN (+) Ag HBs (–). Métavir F3/F4.
a b
celui de l’étude de Giordano et al. (4 %) [27]. L’utilisation de globulines anti-lymphocytaires ou anti-thymocytaires n’est pas associée à une aggravation des lésions hépatiques [28], contrairement à ce qui avait été initialement rapporté par d’autres équipes [1]. Enfin, l’utilisation d’azathioprine n’est pas accompagnée d’une augmentation plus marquée de l’activité des enzymes hépatiques, ou de la concentration sérique de l’ARN viral C, ni d’une majoration des lésions hépatiques [20].
groupes de malades ayant bénéficié de deux ponctions biopsies hépatiques consécutives : 30 transplantés rénaux infectés par le VHC, 30 hémodialysés chroniques infectés par le VHC et 30 témoins ayant une hépatite chronique C non insuffisants rénaux, non hémodialysés (tableau II). Les groupes ont été rigoureusement appariés selon l’âge, le sexe, la durée d’infection par le VHC déterminée précisément sur sérothèque, l’âge lors de la contamination et le génotype viral. Les malades transplantés et ceux du groupe sans pathologie rénale ont également été appariés selon la concentration sérique de l’ARN du VHC et le délai entre les deux ponctions biopsies hépatiques. Ce délai entre les deux ponctions biopsies hépatiques était supérieur à 3 ans. La vitesse de progression de la fibrose hépatique par an, calculée selon le score de Métavir entre la date précise de la contamination déterminée sur sérothèque et la première ponction biopsie
Les nombreuses incertitudes sur l’influence du VHC sur l’histoire naturelle de la fibrose hépatique au cours de la transplantation rénale ont été clarifiées par plusieurs études récentes utilisant une méthodologie rigoureuse. Ainsi, nous avons comparé au cours d’une étude prospective contrôlée [13] l’évolution de la fibrose hépatique à long terme chez trois
Tableau II. − Comparaison de l’évolution de l’histologie hépatique entre les transplantés rénaux, les hémodialysés chroniques et les non transplantés non insuffisants rénaux a. Comparison of liver histology in renal-transplant patients, hemodialysis patients and patients without renal disease. Groupe des transplantés rénaux (I)
Groupe des hémodialysés chroniques (II)
Groupe non transplantés non insuffisants rénaux (III)
P
Alric et al. [13] Nombre de malades
30
30
30
Activité lors PBH 1
0,75 ± 0,1
0,92 ± 0,2
1,39 ± 0,1
< 0,05
Fibrose lors PBH 2
1,25 ± 0,18
1,03 ± 0,3
1,7 ± 0,3 b
< 0,05
0,14 (0,7-0,21)
0,11 (0,04-0,17)
0,17 (0,14-0,2) c
—
Activité lors PBH 2
0,5 ± 0,1
—
1,35 ± 0,2
< 0,05
Fibrose lors PBH 2
1,46 ± 0,2
—
2,3 ± 0,2
< 0,05
Evolution de la fibrose/an entre contamination et PBH 1
Evolution de l’activité/an entre PBH
—
—
—
—
Evolution de la fibrose/an entre PBH
0,067 (– 0,05-0,18)
—
0,2 (0,13-0,26)
< 0,05
Zybelberg et al. [28] Nombre de malades
28
—
28
0,2 ± 0,4
—
1,3 ± 0,5
< 0,001
Fibrose lors PBH 2
0,5 ± 0,5
—
1,2 ± 0,7
< 0,001
Activité lors PBH 2
1,4 ± 1,1
—
1,3 ± 0,6
ns
Fibrose lors PBH 2
1,9 ± 0,4
—
1,7 ± 1
ns
Activité lors PBH 1
Evolution de l’activité/an entre PBH
0,26 ± 0,41
—
0,01 ± 0,19
< 0,001
Evolution de la fibrose/an entre PBH
0,26 ± 0,35
—
0,05 ± 0,21
< 0,03
PBH, ponction biopsie hépatique. Les scores d’activité et de fibrose ont été calculés en utilisant le score de Métavir. Comparaison entre les groupes I et III. c Comparaison entre les groupes II et III. a b
121
N. Kamar et al.
trouvé chez des transplantés rénaux avec un greffon fonctionnel de plus de 20 ans, une surmortalité par pathologie coronarienne en cas d’infection par le VHC et/ou le VHB. Contrairement à ces études, Meier-Kriesche et al. [39] n’ont pas mis en évidence de différence de survie à long terme entre les transplantés rénaux infectés par le VHC et ceux non infectés par ce virus. Toutefois, à la lumière de cette abondante littérature, le risque de surmortalité lié au VHC après greffe rénale semble réel.
hépatique, était significativement plus importante dans le groupe témoin (malades non insuffisants rénaux non hémodialysés) que dans le groupe des transplantés rénaux ou des hémodialysés chroniques. Cette vitesse de progression de la fibrose hépatique entre les deux ponctions biopsies hépatiques était également significativement plus élevée dans le groupe de malades indemnes de pathologie rénale que dans le groupe des malades transplantés. Seuls 9 transplantés rénaux (30 %) ont vu progresser significativement leurs lésions de fibrose hépatique entre les deux biopsies contre 20 (66,6 %) dans le groupe témoin non hémodialysé et non transplanté. Chez les transplantés rénaux, il a même été observé dans certain cas une régression de la fibrose hépatique. Par l’étude des quasi-espèces virales, nous avons mis en évidence une diversification de la région HVR-1 significativement plus faible chez les fibroseurs rapides que chez les non fibroseurs, suggérant la sélection de variants viraux plus agressifs [9]. Ce travail montre clairement que seule une minorité de transplantés rénaux développe une maladie hépatique agressive. Une majorité de malades ayant lors de la transplantation rénale des lésions hépatiques minimes ont un faible risque de développer secondairement une fibrose hépatique sévère. Le suivi en cours de cette cohorte de transplantés avec un recul de plus de 5 ans ne modifie pour l’instant pas ces conclusions. Nos résultats sont différents de ceux rapportés par Zybelberg et al. [28] qui ont comparé l’évolution de l’histologie hépatique chez 28 transplantés rénaux infectés par le VHC appariés à 28 malades immunocompétents. L’appariement a été réalisé selon l’âge, le sexe, la durée d’infection par le VHC, l’âge lors de la contamination par le VHC, le génotype du VHC et le délai entre les deux ponctions biopsies hépatiques (tableau II). La progression de l’activité et de la fibrose hépatique évaluée par le score Métavir était significativement plus importante chez les transplantés rénaux que dans le groupe témoin. Six transplantés rénaux (21,4 %) ont développé une cirrhose hépatique contre un seul dans le groupe contrôle (3,6 %). La différence observée entre ces deux études [13, 18] pourrait être liée aux modalités d’immunosuppression après transplantation et en particulier à l’utilisation d’OKT3 ou de sérum anti-lymphocytaire qui pourraient accélérer la vitesse de progression de la fibrose hépatique. Il en est de même pour les modalités du traitement du rejet aigu qui est différent selon les équipes.
Influence du VHC sur la survie des greffons rénaux chez les patients infectés par le VHC Le nombre de malades perdant leur greffon est significativement plus important chez les transplantés rénaux infectés par le VHC que chez les transplantés rénaux VHC négatifs [21-24, 37]. Hestin et al. [32] ont montré que la présence d’anticorps anti-VHC avant une transplantation rénale était prédictive de l’apparition d’une protéinurie après greffe et que la survie des greffons des malades infectés par le VHC et protéinuriques est inférieure à celle des malades non protéinuriques. Cosio et al. [40] ont rapporté que les transplantés rénaux infectés par le VHC ont une prévalence élevée de rejets vasculaires aigus ou chroniques au cours des six premiers mois suivant la transplantation à l’origine d’une diminution de la survie des greffons. A l’inverse, d’autres auteurs ont rapporté un taux de rejets aigus plus faible chez les transplantés rénaux infectés par le VHC comparativement aux transplantés rénaux non infectés par le VHC [41, 42]. Cette diminution de survie des greffons semble être due à l’apparition de glomérulopathies imputables au virus [42-44]. De nombreuses glomérulonéphrites associées au VHC récidivent après transplantation rénale, notamment les glomérulonéphrites membrano-prolifératives de type I et les glomérulonéphrites extra-membraneuses [44]. Plusieurs types de glomérulopathies de novo associées au VHC ont été également rapportés après transplantation rénale [45] : des glomérulonéphrites membrano-prolifératives sans ou avec cryoglobulinémie, des glomérulonéphrites extra-membraneuses, des glomérulopathies aiguës et chroniques du transplant, des cas de microangiopathies thrombotiques rénales en présence d’anticorps anti-cardiolipides et un cas de hyalinose segmentaire et focale. Récemment, il a été montré en étudiant l’évolution des quasi-espèces du VHC chez des transplantés rénaux présentant une glomérulopathie de novo, que la survenue de ces glomérulopathies n’était liée ni à l’augmentation de la concentration sérique de l’ARN du VHC après transplantation, ni à un effet direct du virus sur les cellules rénales, mais plutôt à une modification de la réponse immune [12]. Le traitement des transplantés rénaux par la ribavirine seule a permis de diminuer la protéinurie et d’améliorer l’insuffisance rénale. Cet effet pourrait être dû aux propriétés immunomodulatrices de la ribavirine [46] qui diminue la production des cytokines de type Th2 tout en préservant celle de type Th1 [47, 48]. Ainsi, la survenue de glomérulopathies secondaires au VHC pourrait être favorisée par la production de cytokines de type Th2.
Il a également été décrit des hépatites cholestatiques fibrosantes. Elles constituent une entité rare mais extrêmement sévère qui a été rapportée chez des transplantés rénaux infectés par le VHC [29, 30]. La majorité des malades ayant présenté cette pathologie recevait un traitement immunosuppresseur par l’azathioprine. Cette atteinte se manifeste par une cholestase sévère associée à une élévation modérée de l’activité sérique de l’ALAT et à une détérioration rapide de la fonction hépatique mettant alors en jeu le pronostic vital. Le diagnostic est porté par l’étude anatomo-pathologique hépatique qui révèle des signes histologiques de cholestase ainsi qu’une ballonisation des hépatocytes. Un traitement par interféron-α (IFN-α) seul avec les risques de rejet que cela comporte et/ou par la ribavirine peut alors être proposé [6].
Influence du VHC sur la survie des patients transplantés rénaux
Traitement de l’hépatite C chez les transplantés rénaux
Bien que certaines études n’aient pas montré d’influence du VHC sur la survie des malades à court terme [31, 32], la survie à long terme des malades infectés par le VHC est significativement inférieure à celle des malades non infectés [21-23, 33-37]. La survenue de complications hépatiques ou septiques semble être à l’origine de cette augmentation de la mortalité chez les malades infectés par le VHC [21-23, 36-38]. Younossi et al. [35] ont
Interféron-α (IFN-α) Le traitement par l’IFN-α après transplantation rénale n’a qu’une très faible efficacité virologique. De plus, du fait de ses 122
Hépatite C et transplantation rénale
L’efficacité virologique de l’IFN-α varie entre 10 et 100 % selon les séries en fonction de la dose et de la durée du traitement [59-71]. Au moins six mois après la fin du traitement, une réponse virologique prolongée est observée dans 20 à 92 % des cas. Cette réponse virologique complète se maintient après transplantation rénale malgré l’importante immunosuppression [72].
propriétés immunostimulantes, l’IFN-α est à l’origine d’un nombre important de rejets du greffon allant de 15 à 40 % selon les séries [49-53]. Il est donc contre-indiqué d’utiliser l’IFN-α chez les transplantés rénaux infectés par le VHC sauf dans les rares cas où il existe une hépatite cholestatique fibrosante [6, 30].
Ribavirine seule
La tolérance de l’IFN-α est moindre par rapport à celle des malades non dialysés avec 15 à 60 % d’interruptions thérapeutiques liée à l’intensité des effets secondaires [59, 69, 73]. Les différences de pharmacocinétique de l’IFN-α chez l’hémodialysé chronique sont à l’origine de l’efficacité au moins égale, voire supérieure, chez les malades hémodialysés chroniques par rapport à la population générale, mais aussi de la diminution de la tolérance à ce traitement [70]. La place de l’interféron pégylé ainsi que les adaptations posologiques nécessaires ne sont pas encore déterminées chez les hémodialysés.
Une monothérapie par ribavirine a été associée à une diminution de l’activité sérique de l’ALAT et de la concentration sérique du VHC dans une seule série non contrôlée de 7 transplantés rénaux [54]. Nous avons récemment évalué l’efficacité et la tolérance d’un traitement d’un an par ribavirine seule chez 16 transplantés rénaux infectés par le VHC [55]. La dose initiale était de 1000 mg/jour qui a secondairement été adaptée en fonction du taux d’hémoglobine. En fin d’étude, il était trouvé une baisse significative de l’activité sérique de l’ASAT, de l’ALAT et de la GGT ainsi que de la créatininémie. Lorsqu’une protéinurie était présente, celle-ci a régressé ou disparu. En revanche, la virémie du VHC est restée stable. L’analyse histologique hépatique pratiquée au bout de 1 an de traitement n’a pas montré d’effet bénéfique sur les lésions histologiques hépatiques. Une monothérapie par ribavirine chez les transplantés rénaux infectés par le VHC pourrait donc avoir un effet bénéfique sur la fonction rénale, mais ne semble pas améliorer l’histologie hépatique. Ce traitement est cependant associé à une baisse significative du taux d’hémoglobine, conduisant à l’arrêt du traitement chez certains malades malgré un soutien par de fortes doses d’érythropoïétine recombinante. L’anémie hémolytique majeure observée est probablement secondaire à un surdosage en ribavirine. L’étude pharmacocinétique de la ribavirine menée chez des transplantés rénaux et des transplantés hépatiques a montré que la clairance de la ribavirine était fortement corrélée à la clairance de la créatinine [56].
L’utilisation de la ribavirine est contre-indiquée chez les hémodialysés chroniques en raison du risque élevé d’anémie hémolytique. Dans des études pilotes portant sur un faible effectif, la réponse virologique obtenue par l’association IFN-α - ribavirine était supérieure à celle de l’IFN-α seul, mais une anémie majeure nécessitant de fortes doses d’érythropoitéine, une supplémentation ferrique et des transfusions sanguines a été observée [71]. Des études supplémentaires avec un nombre plus important de malades sont nécessaires pour évaluer l’intérêt et la tolérance de cette association. A ce jour, il n’existe pas de données concernant l’utilisation de l’amantadine chez les malades hémodialysés chroniques.
Conclusion
Les données concernant les effets de la ribavirine sur l’histologie hépatique chez les transplantés hépatiques VHC positifs restent contradictoires. Gane et al. [16] ont rapporté une amélioration significative de l’histologie hépatique six mois après un traitement par ribavirine seule. Ils ont constaté une diminution de l’inflammation lobulaire et péri-portale dans 100 % des cas et une réduction de la fibrose chez un malade (14 %). En revanche, Cattral et al. [57] ont montré, chez 18 transplantés hépatiques présentant une récidive de l’hépatite C après transplantation qu’un traitement par ribavirine seule ne prévenait pas la progression de la fibrose hépatique.
Après transplantation rénale, la survie des malades et des greffons semble être à long terme inférieure chez les transplantés rénaux infectés par le VHC par rapport aux malades non infectés. Bien que l’impact du VHC sur la progression de la fibrose hépatique après transplantation rénale soit controversé, le risque évolutif reste très modéré en particulier pour les malades hémodialysés qui ont des lésions hépatiques minimes avant la transplantation. Après transplantation rénale chez les malades infectés par le VHC, l’histoire naturelle de la maladie hépatique est donc différente de celle observée en transplantation hépatique où la récidive de l’hépatite C est en général sévère et associée à une morbidité hépatique élevée. La réalisation d’une ponction biopsie hépatique chez les malades hémodialysés infectés par le VHC et candidats à une transplantation est nécessaire pour quantifier ce risque. Après transplantation, une surveillance histopathologique hépatique tous les trois ans est souhaitable pour dépister un sous- groupe de malades ayant une vitesse de progression de la fibrose élevée. Par contre, il n’existe aucun argument pour refuser de principe, une transplantation rénale chez les malades hémodialysés infectés par le VHC. Actuellement, après greffe rénale, aucun traitement efficace avec une tolérance acceptable n’est disponible contre l’infection par le VHC. La ribavirine seule peut être utilisée en cas d’atteinte rénale liée au VHC, sous réserve d’une adaptation des doses à la clairance de la créatinine et si possible en effectuant un dosage des concentrations sériques de ribavirine.
Pham et al. [58] ont rapporté 4 cas de transplantés hépatiques présentant un syndrome néphrotique secondaire à des glomérulonéphrites associées au VHC et traités par ribavirine seule. Dans tous les cas, la protéinurie a diminué et le taux sérique de l’albumine a augmenté. De plus, deux des quatre malades ont eu une amélioration de leur insuffisance rénale. Une monothérapie par ribavirine pourrait donc être une alternative thérapeutique qui mériterait d’être évaluée chez les transplantés de manière prospective et randomisée.
Traitement de l’hépatite C chez les hémodialysés chroniques
Le traitement par IFN-α de tous les malades hémodialysés chroniques infectés par le VHC candidats à une greffe rénale quelque soit le génotype et l’importance des lésions hépatiques est souhaitable pour plusieurs raisons : l’absence de traitement efficace de l’hépatite C après transplantation rénale ; un taux de réponse virologique prolongée chez les hémodialysés de 20 à 92 % après un traitement par IFN-α ; l’absence de récidive après
En France, la conférence de consensus sur le VHC recommande le traitement de l’infection chronique à VHC chez les malades hémodialysés chroniques par l’injection sous-cutanée de 3 millions d’unités d’IFN-α trois fois par semaine pendant 6 à 12 mois selon le génotype. Plusieurs auteurs ont proposé un traitement de un an car la réponse virologique serait plus élevée [2, 59-61]. 123
N. Kamar et al.
transplantation rénale en cas de réponse virologique complète après un traitement administré en hémodialyse et enfin la diminution du risque de glomérulopathies de novo due au VHC après transplantation rénale même en l’absence d’éradication virale [73].
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