Hernie diaphragmatique après œsophagectomie : à propos de deux cas et revue de la littérature

Hernie diaphragmatique après œsophagectomie : à propos de deux cas et revue de la littérature

Ann Chir 2002 ; 127 : 62-4 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394401006642/SCO Fait clinique Hernie ...

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Ann Chir 2002 ; 127 : 62-4 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394401006642/SCO

Fait clinique

Hernie diaphragmatique après œsophagectomie : à propos de deux cas et revue de la littérature A. Franceschi, C. Mariette, J.M. Balon, S. Fabre, J.P. Triboulet* Service de chirurgie digestive et générale, hôpital Claude-Huriez, CHRU, 59037 Lille cedex, France

RE´SUME´ Le passage transdiaphragmatique de viscères abdominaux après œsophagectomie pour cancer est un phénomène rare. Le but de ce travail était de rapporter deux cas de hernie diaphragmatique après œsophagectomie pour cancer, d’en analyser les mécanismes et d’en déduire les mesures préventives nécessaires, au travers d’une revue de la littérature. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

patients présentant cette complication en exposant les circonstances de découverte, la clinique, le diagnostic et le traitement au travers d’une analyse de la littérature.

complications / œsophagectomie

Un homme de 51 ans, ancien mineur, consultait pour une dyspnée aiguë. Ses antécédents étaient marqués par une maladie de Crohn colique traitée par Pentasat, une pneumoconiose, une gastrectomie des deux tiers pour ulcère et une œsophagectomie subtotale pour cancer épidermoïde bien différencié du tiers moyen de l’œsophage pT3N1. Ce geste d’exérèse œsophagienne avait été réalisé 23 mois auparavant par double voie, laparotomie et thoracotomie droite, avec rétablissement de la continuité digestive par anse jéjunale en Y montée dans le médiastin postérieur par voie transhiatale, du fait de l’antécédent de gastrectomie. À l’examen clinique, on constatait des borborygmes à l’auscultation thoracique droite. La radiographie thoracique révélait une opacité complète de l’hémithorax droit avec un niveau hydroaérique (figure 1). Aucun examen scanographique n’a été demandé. Une laparotomie médiane a confirmé le diagnostic de hernie diaphragmatique avec migration intrathoracique de la totalité des anses grêles et du mésentère au travers du mésocôlon transverse, puis du hiatus élargi par l’ancienne section partielle du pilier droit du diaphragme. Après réintégration douce et vérification de la viabilité des viscères herniés, un rétrécissement de l’orifice diaphragmatique au fil non

hernie

diaphragmatique

/

ABSTRACT Diaphragmatic herniation following oesophagectomy: report of 2 cases and review of the literature. Diaphragmatic herniation of is uncommon after esophagectomy. The aim of this study was to report two cases of transhiatal herniation following esophagectomy, to analyse the contributing factors of this complication and to expose the preventive treatment, by means of a review of the litterature. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS complications / oesophagectomy

diaphragmatic

herniation

/

La hernie diaphragmatique après œsophagectomie est une complication rare, survenant dans 0,4 à 6 % des cas [1-5]. Nous rapportons les cas de deux Reçu le 5 septembre 2001 ; accepté le 19 octobre 2001. *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (J.P. Triboulet).

OBSERVATIONS 1re observation

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Hernie diaphragmatique après œsophagectomie

l’hémithorax gauche de l’ensemble du cadre colique et de l’intestin grêle à l’exception de la dernière anse. Après réintégration douce et vérification de la viabilité des viscères herniés, le rétrécissement du hiatus œsophagien a pu être obtenu par l’interposition d’une plaque non résorbable de polypropylène fixée au diaphragme et à la plastie par des points en X de fil non résorbable. Les suites opératoires ont été simples. Le patient est décédé de cause néoplasique après 41 mois de suivi. COMMENTAIRES

Figure 1. Radiographie thoracique de face, 1re observation : opacité complète de l’hémithorax droit avec un niveau hydroaérique.

résorbable était associé à une fermeture de la brèche transmésocolique. Les suites chirurgicales étaient simples avec une disparition de la symptomatologie respiratoire et une reprise précoce de l’alimentation. Dans le cadre de la surveillance de son néoplasme œsophagien, une récidive locorégionale était diagnostiquée devant l’apparition d’une dysphonie. Après traitement par radiochimiothérapie, le patient est vivant avec un recul de 61 mois. 2e observation Un homme de 51 ans a présenté une dyspnée dans les suites immédiates d’une polypectomie pour polype dégénéré du sigmoïde par laparotomie. Dans les antécédents, on notait une bronchopneumopathie chronique obstructive, une pneumopathie droite, une tuberculose lobaire supérieure droite, une arythmie complète par fibrillation auriculaire, une cure d’éventration, et une œsophagectomie pour carcinome épidermoïde du tiers inférieur de l’œsophage pT1N0. Ce geste d’exérèse œsophagienne avait été réalisé 30 mois auparavant par triple voie thoracique droite, abdominale et cervicale avec rétablissement de la continuité digestive par plastie gastrique. La radiographie thoracique révélait une opacité inférieure de l’hémithorax gauche avec niveau hydroaérique. La scannographie prouvait la présence anormale de viscères creux en position intrathoracique. Une laparotomie médiane a confirmé le diagnostic de hernie diaphragmatique avec migration dans

La hernie diaphragmatique après œsophagectomie est une complication rare, survenant dans la littérature avec une incidence de 0,4 à 6 % [1-5]. Dans notre expérience, l’incidence est de 2 sur 950 patients (0,2 %). L’incidence réelle pourrait être supérieure avec l’allongement du suivi au long cours. Barbier et al. ont suivi 50 patients consécutifs opérés d’une œsophagectomie par voie transhiatale, avec une moyenne de suivi de 18,4 mois, et ont constaté un passage transhiatal de l’intestin grêle dans 6 % des cas [5]. Initialement, la hernie diaphragmatique après œsophagectomie avait été décrite après chirurgie par voie transhiatale, sans thoracotomie [1-3, 7]. Puis elle a été rapportée après œsophagectomie par triple voie [6]. Les viscères herniés sont le plus souvent le colon transverse [6] et l’intestin grêle [5]. Dans les deux cas que nous rapportons, l’œsophagectomie avait été faite par thoracotomie avec migration dans le thorax de l’intestin grêle, probablement du fait de sa plus grande mobilité et de son diamètre inférieur à celui du colon. Nos deux patients présentaient une symptomatologie respiratoire subaiguë à type de dyspnée sans aucun autre des signes décrits dans la littérature : occlusion intestinale aiguë, douleur thoracique ou épigastrique, toux, nausées, vomissements, dysphagie, régurgitations, méléna, fièvre avec hyperleucocytose, ou impossibilité de descendre une sonde nasogastrique [8, 9]. Aucun de ces signes n’est spécifique de la hernie diaphragmatique et celle-ci peut rester asymptomatique [6, 10]. Aucun autre des 1 000 patients opérés dans notre centre n’a développé de hernie diaphragmatique asymptomatique, malgré un suivi clinique et morphologique régulier sans perdu de vue.

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A. Franceschi et al.

Dans la présente étude, le diagnostic de hernie diaphragmatique a toujours été fait sur la radiographie thoracique, objectivant un niveau hydroaérique, avec confirmation une fois par l’examen scanographique qui a identifié précisément les viscères herniés. Le lavement aux hydrosolubles peut aider au diagnostic de migration intrathoracique du côlon. Devant la symptomatologie respiratoire aiguë de nos patients, la réduction chirurgicale des viscères herniés a été faite en urgence par laparotomie sans nécessité de résection digestive. Le rétrécissement de l’orifice hiatal a été obtenu par suture primaire ou par interposition de matériel prothétique en cas de défect diaphragmatique trop important. Dans la littérature, il apparaît consensuel de ne réaliser qu’une simple surveillance chez les patients ayant une petite hernie diaphragmatique asymptomatique, surtout en cas d’espérance de vie courte, tout en gardant à l’esprit la possibilité de nécrose des viscères herniés qui s’accompagne d’une mortalité élevée [6, 9]. La laparotomie est la meilleure voie d’abord pour la réduction des viscères herniés et la réparation hiatale [6, 10], mais l’existence d’adhérences intrathoraciques importantes peut nécessiter une thoracotomie associée [7]. La prévention des hernies diaphragmatiques après œsophagectomie a déjà été développée dans plusieurs travaux. Ces moyens de prévention comprennent : l’omentectomie, qui serait efficace en diminuant la mobilité colique [6], l’ouverture antérieure plutôt que latérale de l’orifice hiatal, le cœur et le médiastin réalisant une barrière naturelle à la migration, le calibrage de l’orifice hiatal après l’ascension de la plastie afin que l’orifice n’admette plus que trois travers de doigt [3], et la fixation du segment digestif monté en intrathoracique aux piliers diaphragmatiques [1, 2, 7, 11]. Dans l’étude de Van Sandick et al. [9], le seul facteur de risque significativement associé à la survenue d’une hernie

diaphragmatique était l’ouverture large de l’orifice hiatal. CONCLUSION La hernie diaphragmatique après œsophagectomie est rare. Sa symptomatologie est polymorphe, respiratoire ou digestive. Elle peut nécessiter une réduction en urgence, la laparotomie étant la voie d’abord la plus adaptée pour ce geste. Des mesures préventives, dont le calibrage de l’orifice hiatal après l’ascension de la plastie, semblent efficaces pour en diminuer l’incidence. RE´ FE´ RENCES 1 Orringer MB. Complications of esophageal resection and reconstruction. In : Waldhausen JA, Orringer MB, Eds. Complications in cardiothoracic surgery. St. Louis : Mosby-Year Book ; 1991. p. 354-69. 2 Skinner DB, Belsey RHR. Reconstruction with stomach in management of oesophageal diseases. Philadelphia : Saunders ; 1988. p. 235-6. 3 Orringer MB. Transhiatal esophagectomy without thoracotomy. In : Orringer MB, Zuidema GD, Eds. Shackelford’s surgery of the alimentary tract, 4th ed, vol I : The esophagus. Philadelphia : Saunders ; 1996. p. 414-45. 4 Katariya K, Harvey JC, Pina E, Beattie EJ. Complications of transhiatal esophagectomy. J Surg Oncol 1994 ; 57 : 157-63. 5 Barbier PA, Becker CD, Wagner HE. Esophageal carcinoma : patient selection for transhiatal esophagectomy. A prospective analysis of 50 consecutive cases. World J Surg 1988 ; 12 : 263-9. 6 Heitmiller RF, Gillinov AM, Jones B. Transhiatal herniation of colon after esophagectomy and gastric pull-up. Ann Thorac Surg 1997 ; 63 : 554-6. 7 Reich H, Lo AY, Harvey JC. Diaphragmatic hernia following transhiatal esophagectomy. Scand J Thorac Cardiovasc Surg 1996 ; 30 : 101-3. 8 Choi YU, North JH Jr. Diaphragmatic hernia after Ivor-Lewis esophagectomy manifested as lower gastrointestinal bleeding. Am Surg 2001 ; 67 : 30-2. 9 Van Sandick JW, Knegjens JL, Van Lanschot JJ, Obertop H. Diaphragmatic herniation following oesophagectomy. Br J Surg 1999 ; 86 : 109-12. 10 Streitz JM, Ellis FH. Iatrogenic paraesophageal hiatus hernia. Ann Thorac Surg 1990 ; 50 : 446-9. 11 Cordero JA Jr, Moores DW. Thoracic herniation of the transverse colon after transhiatal esophagectomy. J Thorac Cardiovasc Surg 2000 ; 120 : 416.