Herpès génital de présentation tumorale chez une patiente infectée par le VIH

Herpès génital de présentation tumorale chez une patiente infectée par le VIH

Formation médicale continue Fiche de pathologie vulvaire Ann Dermatol Venereol 2006;133:393-4 Herpès génital de présentation tumorale chez une patie...

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Formation médicale continue Fiche de pathologie vulvaire

Ann Dermatol Venereol 2006;133:393-4

Herpès génital de présentation tumorale chez une patiente infectée par le VIH L. DEHEN (1, 2), C. VILMER (2, 3)

U

ne femme âgée de 40 ans, d’origine congolaise, séropositive pour le VIH, était adressée pour le diagnostic d’une tumeur vulvaire évoluant depuis quatre mois (fig. 1). La séropositivité était connue depuis 7 ans, découverte lors d’une pneumocystose pulmonaire inaugurale. Depuis, elle recevait une trithérapie rétrovirale par ritonavir (Norvir®), indinavir (Crixivan®) et liponavir (Kaletra®). Le taux des lymphocytes CD4 était de 400/mm3 et la charge virale indétectable. Depuis 2 ans, elle souffrait d’un herpès vulvaire récidivant ayant nécessité plusieurs cures de valaciclovir per os et une cure de Foscarnet intraveineux compte tenu d’une résistance acquise. L’examen clinique mettait en évidence une lésion vulvaire tumorale de 3 cm sur 2 cm située sur la grande lèvre droite. La muqueuse vulvaire adjacente était normale. Cette lésion était douloureuse et prurigineuse. Les aires ganglionnaires étaient libres et l’examen cutanéo-muqueux était par ailleurs normal. Le jour de la consultation, la patiente recevait depuis un mois du valaciclovir à la posologie de 2 puis 3 comprimés par jour sans aucune efficacité sur la lésion. Les hypothèses diagnostiques chez cette patiente immunodéprimée étaient celles d’un carcinome épidermoïde ou d’un herpès chronique végétant résistant . Une biopsie cutanée était réalisée pour analyse histologique et mise en culture virale. L’examen histologique du prélèvement montrait un épiderme exulcéré avec quelques zones épithéliales conservées au sein desquelles on notait des cellules ballonnisantes et multinucléées évocatrices d’infection herpétique. Le derme sous-jacent très inflammatoire était le siège d’un infiltrat dense et polymorphe. Il n’était pas observé de prolifération tumorale carcinomateuse dans les limites du prélèvement. Les cultures virales tissulaires et par écouvillonnage pour herpès simplex 1 et 2 étaient négatives. L’étude en immunohistochimie par anticorps anti herpès virus marquait quelques cellules malpighiennes de grande taille. Sur le plan thérapeutique, un traitement par foscarnet intraveineux 3 g x 2/jour était institué pendant 15 jours. Une régression lente de la lésion avec guérison complète était obtenue en un mois et demi. (1) Service de Dermatologie, Hôpital Bichat, 46, rue Henri Huchart, 75018 Paris. (2) Service de Dermatologie, Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris. (3) Centre anti-cancéreux René Huguenin, 35, rue Dailly, 92210 Saint-Cloud.

Commentaires Les infections herpétiques sont des manifestations cutanéomuqueuses fréquentes chez les patients atteints du SIDA. Les formes cliniques trompeuses d’infection herpétique sont fréquentes et connues [1-3]. La forme végétante tumorale est une présentation rare d’herpès chronique décrite chez l’immunodéprimé en rapport avec le VIH [4, 5] ou avec une autre cause d’immunosuppression [6]. La clinique est celle d’une prolifération tumorale qui évoque un carcinome épidermoïde génital plus fréquent sur ce terrain. La biopsie permet de rétablir le diagnostic. Elle montre des signes positifs en faveur de l’infection herpétique (effet cytopathogène viral typique) et des signes négatifs (absence de prolifération épithéliale carcinomateuse). Toutefois la biopsie est un prélèvement partiel et ces éléments peuvent manquer. Les cultures virales tissulaires doivent être réalisées conjointement ainsi que par écouvillonnage. Elles peuvent parfois être mises en défaut, comme dans cette observation. En cas de culture virale négati-

Fig. 1.

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ve, si l’histologie n’est pas contributive, il faut proposer l’exérèse sans marge de la lésion afin d’examiner l’ensemble de la pièce. Elle permet d’éliminer formellement le carcinome épidermoïde et parfois de retrouver des signes très ponctuels d’infestation virale herpétique sur l’épithélium. Une PCR pour herpès simplex sur tissu peut être demandée en complément. Le traitement de référence des infections herpétiques à HSV 1 et 2 est l’acyclovir. C’est un analogue nucléosidique qui devient actif seulement après une triphosphorylation dont la première est strictement dépendante de la thymidine-kinase virale. L’acyclovir triphosphate, forme active du médicament, est un puissant inhibiteur de l’ADN polymérase virale et donc de la synthèse de l’ADN viral. L’existence de souches résistantes à l’acyclovir est devenue fréquente depuis l’épidémie de SIDA [7]. Les mécanismes de cette résistance sont connus : dans la majorité des cas, il s’agit d’une mutation génétique de l’herpès simplex virus qui devient déficient en thymidine-kinase. Ces mutants sont résistants à tous les nucléosides dont l’activation, comme l’acyclovir, est dépendante de la thymidine-kinase virale. Le foscarnet représente l’alternative thérapeutique de choix face aux infections herpétiques résistantes à l’acyclovir. C’est un analogue des pyrophosphates qui ne nécessite aucune phosphorylation préalable pour son activation. C’est un inhibiteur direct de l’ADN polymérase virale. Cette patiente a pu guérir lentement de cette lésion grâce à cette alternative. Il existe toutefois des souches mutantes d’herpès résistantes

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aux deux molécules : le cidofovir peut être alors utilisé avec succès.

Références 1. Langtry JA, Ostlere LS, Hawkins DA, Staughton RC. The difficulty in diagnostic of cutaneous herpes simplex infection in patients with AIDS. Clin Exp Dermatol 1994;19:224-6. 2. Tyring SK, Carlton SS, Evans T. Herpes. Atypical clinical manifestations. Dermatol Clin 1998;16:783-8, xiii. 3. Gbery IP, Djeha D, Kacou DE, Aka BR, Yoboue R, Vagamon B, et al. Ulcérations génitales chroniques et infections à VIH : à propos de 29 cas. Med Trop 1999;59:279-82. 4. Vogel P, Smith KJ, Skeleton HG, Cuozzo D, Wagner KF. Verrucous lesions of herpes simplex HIV 1 + patients. Military medical consortium for the advancement of Retroviral Research. Int J Dermatol 1993;32:680-2. 5. Samaratunga H, Weedon D, Musgrave N, Mc Callum N. Atypical presentation of herpes simplex (chronic hypertrophic herpes) in a patient with HIV infection. Pathology 2001;33: 532-5. 6. Beasley KL, Cooley GE, Kao GF, Lowitt MH, Burnett JW, Aurelian L. Herpes simplex vegetans : atypical genital herpes infection in a patient with common variable immunodeficiency. J Am Acad Dermatol 1997;37:860-3. 7. Safrin S, Assaykeen T, Follansbee S, Mills J. Foscarnet therapy for acyclovir resistant mucocutaneous herpes simplex virus infection in 26 AIDS patients. J Inf Dis 1990;161:1078-84. 8. Safrin S, Crumpacker C, Chatis P, Davis R, Hafner R, Rush J, et al. A controlled trial comparing foscarnet with vidarabine for acyclovir-resistant mucocutaneous herpes simplex in the acquired immunodeficiency syndrome. The AIDS clinical trial group. N Engl J Med 1991; 325:551-5.