Science et sports 17 (2002) 247–253 www.elsevier.com/locate/scispo
Article original
Hydratation dans les sports de glace. Étude du jeune hockeyeur Hydration in sports on ice. Study of the child ice hockey player E. Marchal b,*, C. Chauvin a, G. Cazalbou a, M.J. Arnaud b a
Commission médicale de la Ligue de l’Est des sports de glace, 5 rue de la Vallière 57530 Ars Laquenexy, France b Institut de l’Eau Perrier Vittel, BP101, 88804 Vittel, France Reçu le 26 juin 2001; accepté le 20 décembre 2001
Résumé Objectif – Étudier la balance hydrique de jeunes hockeyeurs sur glace (12–13 ans) pendant leurs entraînements et au cours d’un match. Méthodes – Vingt et un joueurs benjamins (12–13 ans) d’un club de hockey sur glace, équipés d’un cardiofréquencemètre, sont pesés avant et après deux entraînements et un match de façon à évaluer leur déperdition hydrique dans des conditions différentes. Le volume exact d’eau ingérée par chaque sujet pendant les séances est mesuré. Résultats – La prise d’eau varie entre 0,25 ± 0,51 et 0,84 ± 0,42 l h–1 (moyenne ± écart-type) selon le type d’effort. Le pourcentage de joueurs ne buvant pas d’eau chute de 65 %, au premier entraînement, à 0 % au deuxième et lors du match. Les pertes les plus élevées sont observées lors du match. La moyenne des fréquences cardiaques varie entre 145 ± 11 et 163 ± 12 battements par minute pour les entraînements et s’établit à 171 ± 8 battements par minute lors du match. Les joueurs évoluent de 0 à 60 % du temps total au dessus du seuil anaérobique théorique, ce qui traduit une très grande variabilité de la dépense calorique. Conclusion – Les pertes en eau correspondent à celles déjà observées dans la littérature chez des enfants pour d’autres activités sportives. On observe une amélioration de la prise spontanée d’eau avec, dès la deuxième séance, une réhydratation complète des joueurs. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives – To study the water balance of the young ice hockey players (12 to 13 years old) during their training sessions and one match. Methods – Twenty one players of an ice hockey club are weighed before and after two training sessions and one match in order to evaluate their water balance in these different conditions. The exact amount of water ingested by each subject during the tests is measured. Results – Water intakes vary from 0.25 ± 0.51 to 0.84 ± 0.42 l h–1 (mean ± standard deviation) in relation to the type of effort. The percentage of players who do not drink water falls from 65% at the first training session to 0% at the second one and the match. The highest loss is observed during the match. The average heart rate varies between 145 ± 11 and 163 ± 12 beats per minute during training and 171 ± 8 beats per minute during the match. From 0 to 60% of the total time of the players is above the anaerobic threshold, which indicates a very high variability of energy expenditure. Conclusion – The water loss at the end of these tests is close to that observed by some authors for children during physical exercise. The tests show an increase in spontaneous drinking, as, after the second trial, a full rehydration of the players is observed. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Hockey; Enfants; Déshydratation; Eau; Fréquence cardiaque Keywords: Ice hockey; Child; Dehydration; Water; Heart rate
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Marchal). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 7 6 5 - 1 5 9 7 ( 0 2 ) 0 0 1 6 5 - X
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1. Introduction et objectifs Lors d’un exercice musculaire, l’organisme produit une grande quantité d’énergie dont environ 75 % est dissipée sous forme de chaleur. Cette chaleur doit être évacuée, sous peine d’une augmentation importante de la température corporelle. Il faut seulement une énergie de 3,50 kJ (0,83 kcal) pour élever de 1 oC la température de 1 kg de notre corps ; ce qui signifie qu’un hockeyeur de 12 ans, pesant 52 kg et produisant 2100 kJ (500 kcal) au cours d’un entraînement d’une heure, subirait une élévation théorique de température de 9 oC au cours de sa séance. Mais l’homéothermie de l’organisme humain est préservée par toute une série de réponses dont les deux principales sont l’accroissement du débit sanguin cutané, qui permet de dissiper la chaleur du corps vers le milieu ambiant par convection, et la sudation, qui permet l’élimination d’une grande quantité de chaleur par évaporation d’eau. Un litre de sueur permet l’évacuation de 2400 kJ (580 kcal). Le débit de sueur peut être très variable d’un individu à l’autre [18], mais le but est toujours identique : maintenir la balance thermique de l’organisme. Dans la réalité, on peut observer toutefois, selon l’intensité et la durée de l’effort et en fonction des conditions atmosphériques, une augmentation de la température corporelle, car la sueur ne permet pas toujours d’évacuer la chaleur produite. Et au-delà de 40,1 oC, apparaît une fatigue centrale qui va limiter la poursuite de l’effort physique, et un risque majeur de coup de chaleur d’exercice [11]. La gestion des besoins en eau au cours des efforts apparaît donc primordiale rien que par la déperdition qu’induit la thermorégulation. Les symptômes de la déshydratation du sportif sont maintenant bien établis : soif, perte d’appétit, anxiété, nausée, irritabilité et augmentation de la fréquence cardiaque en réaction à la diminution de volémie [10,16]. Les conséquences en sont une diminution de la performance physique, de l’adresse technique et de la lucidité. Ainsi, Armstrong et al. [1] ont montré une augmentation des temps de course de 1 minute 30 secondes sur 5000 mètres chez des coureurs débutant leur effort avec une perte de poids de 1,6 % par rapport au même effort entrepris euhydraté. De même, Walsh et al. [24] ont observé des cyclistes présentant une perte de poids de 1,8 % consécutive à un effort de 60 minutes en ambiance chaude (32 oC, 60 % d’humidité). Leur temps d’endurance est alors diminué de moitié lorsqu’ils roulent à 90 % de leur VO2max jusqu’à épuisement, en comparaison du même effort sans perte de poids (6,8 contre 9,8 minutes). Une forte déshydratation (8 % de perte de poids) réduit la tolérance à la chaleur [21] et une déshydratation correspondant à une perte de poids de 5 % réduit la capacité anaérobie de 10 % [25]. Enfin, les forces musculaires développées lors de contractions isomé-
triques ne sont pas affectées par une perte en eau correspondant à 3 % du poids, bien que l’endurance musculaire le soit [4]. L’altération des fonctions cognitives, facteur important de la réussite sportive, en cas de déshydratation reste un sujet soumis à controverse. Sharma [23] observe une diminution des performances mentales (mémoire, concentration et coordination) lors d’une déshydratation de 1 à 3 % en ambiance chaude en comparaison de sujets non hydratés, mais ces résultats restent non significatifs entre les différents niveaux de déshydratation. Gopinathan [12] note une détérioration significative de la mémoire à court terme, du calcul mental et de l’attention dès 2 % de déshydratation. Un match de hockey sur glace est composé de périodes de 2 à 3,5 secondes d’accélération et de sprint intenses, conjuguées à des tirs, des passes, des replacements et des séquences de patinage d’intensité plus modérée. Le temps de passage sur la glace est variable selon le poste, l’âge et le niveau du joueur : entre 1 minute et 2 minutes et 1/2. Sur 60 minutes de jeu, le hockeyeur adulte passe en moyenne 15 à 20 minutes sur la glace, le reste sur le banc [19]. Pour les enfants, les temps de passage peuvent être libres (en général entre 1 et 2 minutes) ou imposés (1 minute suivi d’une période de repos égale dans les règlements de la ligue de l’Est pour les catégories poussins et benjamins). Le hockey est un jeu de nature anaérobie, mais dont la proportion anaérobie-aérobie est variable en fonction du jeu. En effet, la durée des arrêts de jeu (20 à 30 secondes) ainsi que les séquences de glisse moins intenses peuvent permettent une re-synthèse de plus de 60 % de la phospho créatine [13], ce qui explique les concentrations relativement basses observées pour le lactate plasmatique après un match [13] (3 à 6 mmol l–1). Enfin, toutes les études montrent qu’il reste des quantités significatives de glycogène dans les fibres musculaires après un match de hockey [14,26]. La déplétion en glycogène n’est donc probablement pas la cause principale de la fatigue chez le hockeyeur. Il a été observé des pertes en eau élevées lors de matchs de hockey (2 à 5 litres par match) [5]. Il semblerait que les causes principales en soient une dépense énergétique élevée (1250 kJ-300 kcal- sur la durée d’une période) et l’environnement particulier (ambiance froide et vêtements de protection) [5,20]. Mais l’influence de ce type d’environnement sur la sudation est complexe. Peu de données existent quant aux joueurs de hockey enfants et adolescents et aucune ne fait mention de la balance en eau et des risques liés à la déshydratation. Les enfants présentent une surface corporelle plus grande par unité de poids que celle des adultes et, pour un pourcentage de perte de poids identique, une plus grande augmentation de la température corporelle [2]. Dans un environnement thermique neutre (20–25 oC) ou chaud (5–7 oC au-dessus de la température cutanée), les enfants ont une thermorégula-
E. Marchal et al. / Science et sports 17 (2002) 247–253 Tableau 1 Caractéristiques physiologiques des sujets (moyennes ± écarts-types)
Entraînement 1 Entraînement 2 Match .
n
Âge (ans)
Poids (kg)
Taille (m)
Surface corporelle (m2)
20 17 14
12,4 ± 0,5 48,4 ± 6,1 1,59 ± 0,06 1,47 ± 0,10 12,6 ± 0,7 51,4 ± 6,6 1,58 ± 0,06 1,50 ± 0,11 12,5 ± 07 49,9 ± 7,0 1,58 ± 0,05 1,48 ± 0,11
tion aussi efficace que les adultes, mais évacuent plus de chaleur par radiation et convection que par la sueur [6]. Les gouttes de sueur chez les enfants sont plus petites et plus compactes que chez des adolescents plus âgés [8]. Vers la fin de la puberté, la sudation évolue d’un type « enfant » vers un type « adulte », en raison d’une plus grande densité de glandes actives et d’une augmentation du débit sudoral par glande [8]. L’environnement thermique du jeu de hockey étant particulier (ambiance froide et vêtements de protection), il nous est apparu intéressant d’étudier les pertes et les apports spontanés en eau du jeune hockeyeur lors d’entraînements et de matches afin d’établir leur statut hydrique et d’évaluer les facteurs intervenant dans la balance hydrique.
2. Sujets, matériel et méthodes Vingt et un garçons âgés de 12 à 13 ans, appartenant à la section benjamin du club de Hockey sur glace de Metz, ont participé à l’étude qui s’est déroulée sur trois événements : deux entraînements (n = 19 et 17 respectivement) et un match de championnat (n = 14). Leurs caractéristiques physiologiques, exprimées en moyenne ± écart type sont indiquées dans le Tableau 1. Sur l’ensemble des joueurs, 12 ont participé aux trois essais. Les entraînements, d’une durée d’une heure, sont composés d’un échauffement sur la glace suivi d’exercices de patinage destinés à améliorer la condition physique (phases d’accélération/repos, cas du premier entraînement) ou d’exercices de patinage centrés sur la tactique de jeu (cas du deuxième entraînement). Le match, précédé d’un échauffement de 30 minutes, est divisé en deux mi-temps de 15 minutes, avec changement de ligne toutes les minutes. Les joueurs sont équipés d’un sous-vêtement de coton recouvrant tout le corps (« quatre pattes »), d’un matériel de protection (épaulières, coudières, jambières, casque et gants pour les joueurs de champ, plastron, coudières, genouillères, bottes, casque, bouclier et mitaines pour les gardiens) et de maillots et pantalons de hockey. Le poids du matériel de protection (et des patins) est de 5 kg pour un joueur de champ et de 12 kg pour le gardien, soit respectivement une surcharge en moyenne de 10 et 24 % du poids. Les joueurs ont été pesés en sous-vêtements avant leur effort, ainsi qu’à la fin de leur entraînement ou de leur
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match. Les bouteilles d’eau minérale, mises à leur disposition pour une consommation ad libidum et libellées à leur nom, ont été pesées avant et après la séance. Il a été demandé aux enfants de ne pas boire entre la fin de leur effort et la pesée des bouteilles. À la fin des pesées, un pot leur a été remis pour le recueil des urines, mais tous les enfants ont affirmé ne pas avoir envie d’uriner (l’absence de toilettes dans les vestiaires a sans doute favorisé cette réponse négative). La balance utilisée (Mettler-Toledo) a une précision de 10 grammes pour une portée de 150 kg. Les fréquences cardiaques (FC) ont été mesurées à l’aide d’un cardiofréquencemètre (Polar, XtrainerPlus™) mesurant les battements toutes les 5 secondes. Les enregistrements permettent d’évaluer les fréquences cardiaques moyennes (FCm) de l’entraînement et des mi-temps du match, exprimées en battements par minute (bpm), ainsi que la distribution des fréquences cardiaques au cours de l’effort. À partir des résultats de tests d’effort maximal sur tapis roulant, obtenus sur des jeunes footballeurs de 12–13 ans, (Dr Questel, Centre Médical de Technologies Avancées, Épinay-sur-Seine - observations non publiées), nous avons établi la relation suivante permettant d’évaluer l’intensité de l’effort : VO2 /VO2max = 共 1,590 共 Fc/Fcmax 兲 兲 − 0,619 共 n = 85, r = 0,949 兲 *
La fréquence cardiaque maximale lors de ces tests d’effort s’établissait à 203 ± 4 bpm en moyenne. La température moyenne sur la glace est de 3,1 ± 0,6 oC et l’humidité 96 ± 2 %. La perte totale en eau correspond à la différence de poids entre le début et la fin de la séance (la perte de poids métabolique est considérée comme négligeable). Elle comprend les pertes sudorales et la vapeur d’eau éliminée par la respiration, les pertes urinaires n’ayant pu être évaluées. Les résultats des mesures réalisées sont exprimés en moyenne ± écart-type. Les moyennes sont comparées à l’aide du test de Student appliqué aux petits échantillons [22].
3. Résultats et discussion 3.1. Apport en eau Le volume moyen d’eau consommée est respectivement de 0,25 ± 0,51, 0,67 ± 0,50 et 0,84 ± 0,42 litre par heure pour l’ensemble de chaque groupe (entraînement 1, entraînement 2 et match). Il existe d’importantes variations d’un sujet à l’autre (de 0 à 2,1 litres par heure). Lors du premier entraînement, 13 joueurs sur 20 n’ont pas bu (soit 65 % du groupe), alors qu’à l’entraînement suivant et lors du match,
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tous les sujets ont ingéré de l’eau. La valeur médiane est située à 0,01 litre par heure pour le premier essai contre 0,68 et 0,82 pour les deux autres. Les différences observées entre les moyennes du test 1 et des tests 2 et 3 sont significatives (p < 0,02 et p < 0,01 respectivement). Il n’y a pas de différence significative entre les tests 2 et 3. L’élévation importante du volume moyen bu, observée entre les deux entraînements, est principalement due à une prise de boisson chez les sujets n’ayant pas bu spontanément lors du premier entraînement. Chez ceux-ci, le volume moyen ingéré lors du deuxième test est de 0,46 ± 0,2 litre par heure (n = 11), contre 1,06 ± 0,6 pour le reste du groupe (n = 6). Pour ces derniers, lors du premier entraînement, la moyenne s’établissait à 0,70 ± 0,40 l/h. On ne peut imputer cette élévation à une augmentation de l’intensité de l’effort, puisque lors du deuxième test, les fréquences cardiaques baissent en moyenne de 11 % par rapport au premier. Il y a donc eu probablement un effet positif sur la prise spontanée d’eau, qui a augmenté lors du deuxième entraînement et du match. Cette augmentation est principalement liée à une prise de conscience des joueurs et de leurs parents à la lecture des résultats du premier test, les enfants apportant depuis lors systématiquement leur boisson à chaque entraînement. Toutefois, dans le cas du match, l’accessibilité à l’eau était plus grande : les enfants pouvaient boire à chaque pause, soit 1 minute sur deux. 3.2. Perte totale en eau La moyenne des pertes en eau est de 0,47 ± 0,24, 0,53 ± 0,23 et 0,60 ± 0,36 litre par heure dans l’ordre des situations étudiées (médianes : 0,41, 0,53 et 0,49 litre par heure). Les différences observées entre les moyennes des tests ne sont pas statistiquement significatives (p > 0,2). Au niveau individuel, les pertes sont comprises entre 0,16 et 1,40 litre par heure. Pour un même exercice, les volumes perdus peuvent s’échelonner dans un rapport de 1 à 5 (si l’on exclut les deux gardiens de but). Si l’on exprime les résultats en litres perdus par heure et mètre carré de surface corporelle, on constate un débit moyen de 0,32 ± 0,16, 0,35 ± 0,15 et 0,45 ± 0,29 l h–1 m–2 respectivement pour les trois essais, ce qui est en accord avec les valeurs observées par Bar-Or et Wilk (0,35 à 0,40 l h–1 m–2) [3] et par Falk et al. (0,30, 0,34 et 0,39 l h–1 m–2 respectivement pour des adolescents prépubères, pubères et post-pubères) lors d’efforts cyclistes en ambiance chaude [9]. Il est intéressant de constater que, selon Dawson et Pyke [7], chez les adultes, le port de vêtements de protection en ambiance fraîche (19 oC) est comparable au niveau échange thermique au port de vêtements courts en ambiance chaude (35 oC), avec toutefois une évacuation de la chaleur un peu plus difficile dans le deuxième cas.
On observe cependant des débits sudoraux plus élevés pour certains sujets (de 0,5 à 1,0 l h–1 m–2), ce qui pourrait correspondre à une plus grande maturité individuelle. Indépendamment de ces cas, et compte tenu de l’influence de l’équipement de protection sur la dissipation de la chaleur, il nous semblait logique d’observer des débits de sueur plus élevés pour les hockeyeurs que les autres sports, à intensité comparable. En effet, pour une même quantité de chaleur à éliminer, la pose de vêtements de protection provoque une diminution du rendement d’évaporation de la sueur qui devrait aboutir à une plus grande sudation par rapport à des vêtements de sport « classiques ». Deux hypothèses pourraient expliquer en partie ce phénomène : • Les couches successives de vêtements pourraient avoir un effet freinateur de la sudation, notamment si la couche en contact avec la peau ne peut évacuer l’humidité produite. Dans ce cas, de grosses gouttes de sueur se condensent sur la peau, sans effet sur l’évacuation de la chaleur, et augmentent l’humidité de surface. À partir d’une certaine surface saturée d’humidité, la sudation chute et la température du corps augmente [15]. Dawson et Pyke [7] ont montré chez des adultes une augmentation significative des températures rectales (p < 0,01) après un effort d’une heure de type hockey sur gazon, en ambiance neutre, par la seule présence d’un vêtement couvrant le corps et la tête des sujets - comparé à l’ensemble short et maillot. La mesure de la température corporelle des sujets pourrait, dans ce cas, être une indication précieuse. • La température ambiante d’environ 4 oC permet sans doute d’éliminer par radiation et convection une partie de la chaleur produite, de la peau vers les vêtements et des vêtements vers l’extérieur [7], ce qui épargne d’autant les pertes évaporatives. De la même façon, la mesure de la température de la peau serait un indice important, mais son application est très difficile dans ce genre de test, puisqu’elle comporte la pose d’au moins six à huit thermocouples sur différentes parties du corps. 3.3. Déshydratation La perte de poids pour l’ensemble du groupe est de 0,6, 0,1 et 0,0 % du poids de départ pour les deux entraînements et le match (médiane : 0,7, 0,0 et 0,0 %). Les différences observées entre les moyennes du test 1 et des tests 2 et 3 sont très significatives (p < 0,001). Il n’y a pas de différence entre les tests 2 et 3. Soixante-cinq pour cent des joueurs sont totalement réhydratés (pas de perte de poids) lors des deux derniers essais, contre 20 % au premier entraînement. Les sujets les plus déshydratés perdent 1% de leur poids à la fin de l’effort,
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Fig. 1. Évolution du poids corporel mesuré dans les mêmes conditions, au cours de trois situations distinctes, à l’entraînement (a et b), ou lors d’un match (c). Les valeurs sont exprimées sous forme de pourcentage du poids perdu entre le début et la fin de l’effort.
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Tableau 2 Fréquences cardiaques maximales observées (Fcmax) (moyennes ± écartstypes)
Entraînement 1 Entraînement 2 Match .
n
Moyenne
Médiane
Fcmax Fcmax la + élevée la + faible*
20 17 14
195 ± 11 189 ± 10 198 ± 10
196 191 199
210 202 212
182 177 184
* hors gardiens de but
qui est le seuil d’apparition de la soif (Figs. 1a-c). L’amélioration de la prise spontanée d’eau permet à tous les sujets une réhydratation correcte ou totale dès le deuxième test. 3.4. Intensité de l’effort La fréquence cardiaque moyenne (FCm) est de 163 ± 12 battements par minute (bpm) pour le premier entraînement, 145 ± 11 bpm lors du deuxième et de 171 ± 8 bpm lors des deux mi-temps du match (157 ± 11 bpm en incluant l’échauffement et les temps morts). Si l’on inclut les échauffements et temps morts du test 3, seules les différences observées entre les moyennes des tests 1 et 2 sont significatives, (p < 0,001). La FCm est, dans l’ordre, de 141, 130 et 151 bpm pour les deux gardiens. Pour les trois essais, les médianes sont confondues avec les moyennes. Si l’on compare la moyenne des fréquences cardiaques pour les sujets ayant participé aux trois essais (n = 12), on observe des valeurs similaires (161–145–170 bpm) à l’ensemble du groupe. Les résultats globaux expriment une perte en eau plus élevée lors du deuxième entraînement (0,53 vs 0,47 litre par heure), alors que la FCm (moyenne) du groupe est plus faible. Si l’on restreint les moyennes aux sujets ayant participé aux deux entraînements (n = 15), on observe le même phénomène (0,50 contre 0,46 L/h de pertes totales), mais, comme précédemment, cette différence n’est pas statistiquement significative (p > 0,3). De plus, le coefficient de corrélation entre les pertes en eau et les fréquences cardiaques lors des deux entraînements est r = 0,047, indiquant l’absence de relation linéaire entre les deux facteurs. Les pics maximaux de fréquence cardiaque s’élèvent jusqu’à plus de 200 bpm (Tableau 2). La répartition des fréquences cardiaques montre des variations importantes entre les joueurs. Selon Maingourd et al. [17], la VO2 au seuil anaérobique (VO2AT) et la VO2max chez les enfants hockeyeurs est fonction de leur poids : VO2AT = 0,0586 * poids0.941 (r = 0,858, p < 0.001) VO2max = 0,0809 * poids0.918 (r = 0,885, p < 0.001). D’après ces équations, le rapport VO2AT / VO2max est égal à : VO2AT / VO2max = 0,724 * poids0.023.
Pour les trois tests, le rapport moyen VO2AT / VO2max est donc de 79,1 ± 0,2 %, 79,3 ± 0,2 % et 79,2 ± 0,3 % respectivement. En utilisant l’équation de prédiction de l’intensité d’effort (cf matériel et méthodes), nous pouvons alors évaluer la fréquence cardiaque correspondant au seuil anaérobique (FcAT) par la formule : FcAT = (0,724 * poids0.023 + 0,6187) * 203 / 1,59. La valeur de FCAT pour les tests 1, 2 et 3 est de 180 ± 0,3 bpm. Le temps passé au dessus de cette fréquence est en moyenne de 27 ± 21 % du temps total lors du premier entraînement, 9 ± 10 % lors du deuxième et 21 ± 13 % lors du match. Deux des 21 joueurs effectuent plus de 60 % du premier entraînement à des fréquences cardiaques supérieures à 180 bpm, alors que d’autres ne dépassent jamais cette fréquence, comme les deux gardiens. Il est ainsi intéressant de constater que, pour un même effort, la dépense énergétique, estimée par la fréquence cardiaque, peut être très variable d’un individu à l’autre.
4. Conclusion Lors d’entraînements et de matchs de jeunes hockeyeurs, les pertes en eau correspondent à celles déjà observées par Bar-Or et Wilk pour des enfants s’exerçant sur ergocycle en ambiance chaude [3] : de 0,32 à 0,35 L h–1 m–2 pour les entraînements et 0,45 L h–1 m–2 pour le match. Au niveau individuel, on peut observer, pour un même effort, des pertes en eau du simple au quintuple selon les sujets. Un tel écart peut avoir pour cause des variations individuelles ou le passage d’une sudation du type « enfant » à celle du type « adulte ». Les apports d’eau sont caractérisés lors du premier essai par une absence de prise de boisson spontanée chez 2/3 des joueurs, corrigée lors des deux derniers tests par une prise d’eau adéquate chez ces sujets, sans doute explicable par le côté « éducatif » des tests. Il est ainsi intéressant de constater une absence de déshydratation pour les deuxièmes et troisièmes tests (perte de poids moyenne inférieure à 0,1 % du poids de départ). Le match est réalisé à une intensité plus grande que les deux entraînements, qui présentent eux-mêmes des intensités différentes (171 bpm contre 163 et 145). Le temps passé au-dessus du seuil théorique d’anaérobie peut être très différent d’un sujet à l’autre, ce qui exprime une grande variabilité de la dépense énergétique. Cette première série de tests doit être suivie d’une deuxième, sur les mêmes joueurs, ce qui permettra de confirmer—ou d’infirmer—l’existence d’un effet durable de l’amélioration de la réhydratation et de suivre l’évolution des pertes hydriques en fonction de la maturité des enfants.
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