Hyperactivité et prescription de Ritaline® dans le canton de Vaud (Suisse), 2002

Hyperactivité et prescription de Ritaline® dans le canton de Vaud (Suisse), 2002

Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 55 (2007) 357–363 Article original Hyperactivité et prescription de Ritaline® dans le canton de Vaud (Sui...

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Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 55 (2007) 357–363

Article original

Hyperactivité et prescription de Ritaline® dans le canton de Vaud (Suisse), 2002 Hyperactivity and prescription of Ritalin® in the canton of Vaud (Switzerland), 2002 T. Huissoud*, A. Jeannin, F. Dubois-Arber Institut universitaire de médecine sociale et préventive, université de Lausanne, 17, rue du Bugnon, 1005 Lausanne, Suisse Reçu le 15 février 2007 ; accepté le 31 mai 2007 Disponible sur internet le 21 septembre 2007

Abstract Background. – The estimated prevalence of Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) reported in European countries is 2 to 5% of school age children. Political concern has been expressed in Switzerland about possible over treatment with methylphenidate. The purpose of this research, commissioned by the regional public health authority, was to assess the prescription of methylphenidate (Ritalin®) for children as a treatment of ADHD. Methods. – The regional health authority collected all prescriptions of Ritalin® delivered in pharmacies during 2002. Data available from prescriptions and analyzed were: age, sex and place of residence of the patient, dosage prescribed, date of prescription, place of practice and medical specialization of doctors. Only patients living in the canton of Vaud and aged less than 20 years were included in the analysis. Results. – Six hundred and ninety-seven patients, aged less than 20 years, received Ritalin® in 2002. The mean age was 12.1 years (median: 12 years; range: 3–19), 15% were female. These patients represented 0.74% of the 5–14 years old population living in the canton of Vaud. Eighty percent of patients had a prescription from a specialist (pediatrician or psychiatrist) during the year. Conclusions. – Less than 1% of the young population receives methylphenidate in the canton of Vaud. Dosage complies with the recommendations of the Swiss Medic Compendium. The large majority of patients receive prescriptions for methylphenidate from specialists. A new study based on the 2005 data will be conducted to follow changes in the prescription of Ritalin®. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Résumé Contexte. – La prévalence estimée du syndrome de troubles hyperactifs avec déficit d’attention (THADA) dans les pays européens varie entre 2 et 5 % chez les enfants d’âge scolaire. L’objectif de cette recherche, mandatée par le service de la santé publique du canton de Vaud, est d’évaluer la prescription de méthylphénidate (Ritaline®) dans le traitement des THADA chez les enfants. Méthode. – Le service de la santé publique a recueilli toutes les ordonnances de Ritaline® délivrées en 2002 dans les pharmacies du canton. Les données utilisées sont l’âge, le sexe et la commune de résidence du patient, la posologie, la date de prescription, le lieu de pratique et la spécialisation du médecin prescripteur. Seuls les patients domiciliés dans le canton de Vaud et âgés de moins de 20 ans ont été inclus dans l’analyse. Résultats. – Six cent quatre-vingt dix-sept patients de moins de 20 ans ont reçu de la Ritaline® en 2002. L’âge moyen est de 12,1 ans (médiane : 12 ans ; minimum : trois ans, maximum : 19 ans), 15 % des patients sont des filles. La prévalence estimée du traitement est de 0,74 % pour la population de 5 à 14 ans résidant dans le canton de Vaud. Quatre-vingts pour cent des patients traités ont été vus au moins une fois dans l’année par un spécialiste (pédiatre ou psychiatre). Conclusions. – Moins de 1 % de la population enfantine reçoit du méthylphénidate dans le canton de Vaud. Les posologies sont en accord avec les recommandations émises en Suisse. La grande majorité des patients est suivie par des spécialistes. Une nouvelle analyse basée sur les données de 2005 sera conduite pour suivre l’évolution de la prescription de Ritaline®. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Huissoud).

0398-7620/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.respe.2007.05.008

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Keywords: ADHD; Methylphenidate; Children Mots clés : THADA ; Méthylphénidate ; Enfants

1. Introduction Le « trouble hyperactivité avec déficit d’attention » (THADA) chez les enfants repose sur la mise en évidence de trois types de difficultés : déficit de l’attention et de la concentration, hyperactivité et impulsivité [1]. Il s’agit du trouble pédopsychiatrique le plus fréquent [2]. Selon la revue Prescrire [3], il s’agit probablement d’un des diagnostics les plus délicats à établir en psychiatrie de l’enfant, en raison des symptômes non spécifiques sur lesquels repose le THADA, tels que, par exemple, l’ « agitation motrice » ou l’ « incapacité à terminer une tâche ». Différents systèmes de diagnostics existent [4], qui tous insistent sur la mise en évidence de plusieurs symptômes durablement présents, apparaissant dans différents contextes et ayant des effets négatifs sur la vie de l’enfant. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé donne au THADA des critères de diagnostic précis avec la présence d’au moins dix symptômes (CIM-10) [5]. Le DSMIV se base, lui, sur la présence de six symptômes [6]. Dans les deux cas, ces symptômes doivent notamment être présents avant sept ans et représenter une gêne fonctionnelle. Cette coexistence de deux systèmes a pour conséquence des résultats très variables concernant la prévalence des THADA selon la méthode utilisée [7,8] et les études de prévalence reposant sur la CIM-10 présentent des taux plus bas du fait de la définition plus restrictive par rapport à celle du DSM-IV. Selon l’estimation de l’expertise collective de l’Inserm1 [9], la prévalence en France est estimée à 2 % chez les enfants d’âge scolaire, avec un sex-ratio en population générale de quatre garçons pour une fille, généralement plus élevé en population clinique. Aux États-Unis, il ressort de l’analyse des données de l’Enquête nationale sur la santé des enfants et des adolescents de 20032 [10] que 7,8 % des enfants et adolescents de 4 à 17 ans ont déjà eu un diagnostic de THADA, avec une prévalence 2,5 fois plus élevée chez les garçons. Des résultats équivalents sont fournis par l’Enquête nationale australienne sur la santé mentale et le bien-être [11], qui établit une prévalence de 7,5 % chez les enfants et adolescents de 6 à 17 ans. Une étude menée par la Fondation Phénix à Genève indique, quant à elle, une prévalence de 3 à 5 % chez les enfants d’âge scolaire [12]. En Suisse toujours, une enquête zurichoise [13] portant sur des enfants de 6 à 17 ans indique une prévalence de 9,3 % sur une cohorte de 375 enfants. La prise en charge des THADA associe généralement un suivi psychologique et éducatif, ainsi qu’une médication (essentiellement des psychostimulants) [14–17]. Les deux dernières décennies ont été marquées par une augmentation considérable de la prescription de psychostimulants dans le traitement des THADA chez les enfants et les adolescents aux 1 2

Basée sur la CIM-10. Basée sur le DIM-IV.

États-Unis [18] et au Canada [19]. Selon les études récentes [20], la prescription de stimulants aux États-Unis a plus que doublé entre 1990 et 1995 et même presque triplé pour les enfants et adolescents entre 5 et 18 ans. En Europe, les prescriptions de psychostimulants ont augmenté également ces deux dernières décennies sous l’effet de la sensibilisation du corps médical par des publications récentes et par les associations de parents d’enfants souffrant de THADA. En Europe, la prescription de stimulants est variable selon les pays [21], mais plus élevée en Angleterre que dans les autres pays européens [22]. Une recherche allemande montre que 1,4 % des enfants de 5 à 15 ans ont reçu une ou plusieurs fois du méthylphénidate au cours de leur vie [23]. Une étude en Israël montre des résultats identiques [24]. Il existe actuellement une controverse sur la pertinence de la prescription de stimulants lorsque les symptômes de THADA sont peu nombreux, ainsi que sur les risques de surprescriptions [25]. La Ritaline® est la forme commerciale du méthylphénidate, substance active dont la principale indication est le traitement du syndrome de THADA chez les enfants. Il faut relever que chez 25 % des patients, le méthylphénidate est inefficace [4]. Par ailleurs, divers effets secondaires potentiels sont décrits, tels que troubles au niveau du système nerveux, insomnie, diminution de l’appétit, douleurs abdominales et céphalées [26,27]. En Suisse, comme dans d’autres pays, la Ritaline® figure dans la liste des stupéfiants soumis à la surveillance des autorités sanitaires tant cantonales que fédérales. Depuis 2002, différentes interpellations au Conseil fédéral [28–30], une question orale au Grand Conseil vaudois [31] et une pétition, remise à la Commission des pétitions et traitée par le Grand Conseil vaudois [32], portant sur les traitements par des psychostimulants chez les enfants, ont pointé les interrogations de la population sur la qualité et l’adéquation de ces prescriptions. Dans ce contexte, la Division du médecin cantonal et du pharmacien cantonal du service de santé publique a décidé de procéder à une évaluation de la prescription de la Ritaline® dans le canton de Vaud, durant l’année 2002 [33]. Les objectifs de cette étude descriptive étaient : ● d’évaluer la prévalence des traitements à la Ritaline® chez les enfants et les adolescents ; ● d’analyser la conformité des prescriptions ; ● de rechercher d’éventuelles variations géographiques des prescriptions dans le canton. Le rôle des médecins spécialisés (pédiatres, psychiatres et pédopsychiatres) devait également être étudié dans ce travail. Le présent article est tiré de cette analyse et concerne la prescription de Ritaline® aux enfants et adolescents domiciliés dans le canton de Vaud en 2002.

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2. Méthodes Cette étude descriptive transversale analyse la totalité des ordonnances de Ritaline® honorées en 2002 par les pharmacies vaudoises, recueillies et saisies par le Service du pharmacien cantonal. Seules les ordonnances rédigées par un médecin pratiquant dans le canton ont été considérées. Pour être inclus dans l’étude, les patients devaient être domiciliés dans le canton de Vaud, et les analyses portent sur la population de 0 à 19 ans. Les ordonnances fournissent les informations suivantes : nom et prénom du patient, année de naissance, adresse, nom du stupéfiant prescrit avec dosage et posologie, nom et adresse du médecin prescripteur. Les données des ordonnances délivrées en 2002 ont été saisies dans une base de données Access. Une extraction des données anonymisées a été faite à partir de ce logiciel et transmise à l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de Lausanne. Les variables extraites sont l’année de naissance, le sexe, la localité du domicile du patient, la forme, la quantité et la posologie de la Ritaline® figurant sur l’ordonnance, la spécialisation du médecin prescripteur et la localité de son lieu d’exercice. Les données ont ensuite été traitées à l’aide du logiciel de statistiques SPSS. Le nombre total de patients a été obtenu en additionnant le nombre de personnes différentes ayant présenté au moins une fois une ordonnance de Ritaline® à une pharmacie du canton de Vaud en 2002. La proportion d’enfants et de jeunes adultes ayant reçu une prescription de Ritaline® par rapport à la population totale du même âge a été calculée sur la base des données de la population résidente au 31 décembre 2002 dans le canton de Vaud [34]. Pour l’analyse de la répartition géographique de la prescription de Ritaline®, la typologie de l’Office fédéral de statistique a été utilisée [35]. Selon cette typologie, les types de commune définis ne sont pas des entités spatiales présentant une continuité territoriale, mais une classification d’unités en fonction d’analogie de structures. L’attribution d’une commune à un type repose sur les valeurs de plusieurs indicateurs : la place de la commune sur un axe centre–périphérie, sa dynamique démographique et son attrait des populations pendulaires, sa spécialisation fonctionnelle, sa richesse et enfin le poids du tourisme.

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Un patient peut se voir prescrire de la Ritaline® sous différentes formes. Le dosage par patient a donc été calculé en additionnant les différents dosages journaliers par ordonnance, en sachant qu’une ordonnance peut comporter deux formes distinctes de Ritaline®. Le dosage moyen correspond à la moyenne des dosages journaliers figurant sur les ordonnances d’un même patient. Pour l’analyse selon la spécialisation médicale, le code FMH3 a été utilisé, et seuls les médecins domiciliés dans le canton de Vaud ont été retenus. 3. Résultats 3.1. Description de la population étudiée Au total, 960 patients différents ont acheté au moins une fois de la Ritaline® en 2002 dans une pharmacie du canton. Les patients domiciliés dans le canton de Vaud représentent 902 personnes. Parmi eux, 76 % ont moins de 20 ans. Dès l’âge de 20 ans, le nombre de patients par classe d’âge devient très faible (Tableau 1). En sélectionnant les patients de moins de 20 ans domiciliés dans le canton de Vaud, on obtient, pour notre étude, un effectif de 697 enfants et jeunes adultes, dont 15 % de filles ou jeunes femmes. La moyenne d’âge est de 12,1 ans (médiane : 12,0 ans ; minimum : trois ans ; maximum : 19 ans). La suite de l’analyse porte sur ce groupe de patients uniquement. 3.2. Prévalence de traitement à la Ritaline® chez les enfants et jeunes adultes de 0 à 19 ans La prévalence de prescription de Ritaline®, rapportée à la population résidante (Tableau 2), est de 0,48 % pour l’ensemble de l’effectif (0–19 ans). En ce qui concerne les enfants d’âge scolaire (5–14 ans), 0,74 % d’entre eux ont reçu un traitement de Ritaline®. La classe d’âge des 10–14 ans reçoit plus fréquemment un traitement de Ritaline®, avec une prévalence de 1,05 %, soit, selon le sexe, 1,71 % des garçons de 10–14 ans et 0,3 % des filles. La proportion d’enfants et d’adolescents traités par Ritaline® diffère légèrement selon le type de communes de résidence : ainsi, pour la classe d’âge des 10–14 ans, la propor-

Tableau 1 Prescription de Ritaline® : répartition par classe d’âge et par sexe, patients domiciliés dans le canton de Vaud, 2002

0–4 ans 5–9 ans 10–14 ans 15–19 ans 20–24 ans 25–29 ans 30 ans et plus Donnée manquante Total

Nombre 2 130 340 93 24 5 90 6 684

Hommes Pourcentage 0,3 19,0 49,7 13,6 3,5 0,7 13,2 0,9 100

Nombre 0 24 59 18 10 9 77 4 197

Femmes Pourcentage 0,0 12,2 29,9 9,1 5,1 4,6 39,1 2,0 100

Total Nombre 2 158 409 115 34 14 170 10 902

Pourcentage 0,2 17,5 45,2 12,7 3,8 1,6 18,8 1,4 100

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Tableau 2 Prévalence des enfants et jeunes adultes (0–19 ans) traités par Ritaline® par rapport à la population totale du même âge, selon le sexe, 2002 Âge (ans)

Total Population (nombre)

0–4 5–9 10–14 15–19 Total

34 705 37 325 39 097 34 821 145 948

Pourcentage en traitement 0,01 0,42 1,05 0,37 0,48

Garçons Population (nombre) Pourcentage en traitement 17 786 0,01 19 153 0,68 19 902 1,71 17 789 0,58 74 630 0,77

Filles Population (nombre) 16 18 19 17 71

919 172 195 032 318

Pourcentage en traitement 0,00 0,13 0,31 0,12 0,14

Tableau 3 Prévalence des enfants et jeunes adultes traités par Ritaline® selon la typologie communale de leur domicile, 2002 Communes Communes Communes Communes Communes Communes Communes Centres Communes Total

périurbaines industrielles et tertiaires à revenu élevé suburbaines pendulaires rurales agraires mixtes agricoles touristiques

Total 0,68 0,54 0,54 0,50 0,53 0,46 0,41 0,29 0,06 0,46

0–5 ans 0 0 0 0,01 0 0 0 0,01 0 0,01

tion d’enfants recevant de la Ritaline® est de 1,53 % dans les communes périurbaines4 versus 1,05 % pour l’ensemble du canton (Tableau 3). D’une manière générale, c’est dans ce type de communes que l’on trouve la plus forte proportion de patients traités, indépendamment de la classe d’âge. Les centres et les communes à vocation touristique montrent un pourcentage faible d’enfants et d’adolescents traités, quelle que soit la tranche d’âge considérée. 3.3. Posologie La Ritaline® a été prescrite essentiellement sous forme de comprimés de 10 mg à durée d’action courte. Un tiers de la quantité prescrite l’a été sous la forme « retard ». Selon le Compendium suisse des médicaments, la dose journalière recommandée généralement varie entre 1 et plusieurs comprimés de 10 mg par jour, avec un maximum de 60 mg/j. La recommandation en pédopsychiatrie est de ne pas dépasser en principe 1 mg/kg par jour, cela sans dépasser 50 mg/j chez les enfants [36]. Le dosage prescrit varie selon l’âge (Tableau 4) : il est en moyenne de 11 mg chez les enfants de moins de cinq ans ; puis il augmente d’environ 5 mg par classe de cinq ans. Dès dix ans, l’âge influence peu la médiane qui reste stable, autour de 20 mg. Représentés sous forme de boxplot (Fig. 1), les dosages par classes d’âge font apparaître quelques valeurs extrêmes, notamment chez les 10–14 ans où un patient a reçu une dose supérieure à 50 mg. 3 Code émis par la Fédération des médecins suisses (FMH) en fonction de la formation et de la spécialisation médicale des médecins. 4 Communes situées en frange des agglomérations, avec un habitat composé essentiellement de villas et une population caractérisée par un niveau socioprofessionnel « moyen » à « élevé ».

5–9 ans 0,38 0,52 0,24 0,48 0,56 0,48 0,42 0,34 0 0,42

10–14 ans 1,53 1,04 1,22 1,19 1,15 0,76 0,98 0,62 0,11 1,05

15–19 ans 0,62 0,47 0,61 0,3 0,32 0,48 0,13 0,18 0,07 0,34

3.4. Spécialisation médicale et prescription de Ritaline® Au total, 325 médecins différents ont délivré les ordonnances honorées par les pharmacies vaudoises en 2002. Parmi eux, 279 étaient domiciliés dans le canton de Vaud et ont été retenus dans cette partie de l’analyse. Tableau 4 Dosage en milligrammes de Ritaline® prescrit, selon l’âge, 2002 Classe d'âge Moyenne Moins de cinq ans 11,2 5 à 9 ans 16,6 10 à 14 ans 20,4 15 à 19 ans 24,5 a Moyenne des différents dosages patient pendant l’année examinée.

Dosage moyena Médiane Minimum 11,2 7,5 16,0 5,0 20,0 5,0 20,0 7,5 figurant sur les ordonnances

Maximum 15 41 52 60 d’un même

Fig. 1. Boxplot des dosages de Ritaline® en milligrammes et par classe d’âge, 2002.

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Tableau 5 Code FMH des médecins prescrivant de la Ritaline® et nombre de patients suivis, canton de Vaud, 2002 Spécialisation Pédiatrie Psychiatrie, psychothérapie d'enfants et d'adolescents Psychiatrie Médecin généraliste Médecine interne Autres Total

Nombre 62 25 19 98 53 17 279

Afin de déterminer le rôle des spécialistes dans la prescription de Ritaline®, nous avons analysé la clientèle des médecins prescripteurs selon leur spécialisation FMH. Le nombre de patients pris en charge par des médecins pédiatres ou psychiatres est important. En effet, les médecins pédiatres ont suivi 65 % des patients sous Ritaline® et les médecins psychiatres (spécialisés ou non dans la psychiatrie pour enfants et adolescents) en ont vu 15 %. Pour 80 % des patients, la Ritaline® a donc été prescrite par un spécialiste au moins une fois en 2002 (Tableau 5). En moyenne, les médecins suivent deux à trois patients traités par Ritaline®. La médiane du nombre de patients vus par le médecin est en dessous de 5 pour tous les types de médecins. Certains médecins ont cependant prescrit de la Ritaline® à plus de 40 patients différents durant l’année. Il s’agit essentiellement de médecins pédiatres ou psychiatres ; seuls deux médecins n’ayant pas une telle spécialisation ont vu dix patients ou plus en 2002. Si l’on analyse le dosage prescrit selon la spécialisation médicale, peu de différences sont observables : la médiane varie, en effet, entre 15 et 20 mg pour les enfants de 10 à 14 ans, pris à titre d’exemple en raison de leur effectif plus important. 4. Discussion Dans le canton de Vaud, la prescription de Ritaline® concerne des patients de tous âges, mais plus particulièrement la classe des 10 à 14 ans. La prévalence de traitement diminue dès 16 ans et, au-delà de 19 ans, le nombre de personnes en traitement est faible. Ces données sont comparables à celles de l’étude faite dans le canton de Neuchâtel en 2000 [37]. La prévalence de traitement chez les enfants et jeunes adultes de 0 à 19 ans est de moins de 0,5 % de la population résidente du même âge. Ces résultats vaudois sont inférieurs aux données internationales actuellement disponibles et portant sur des classes d’âge similaires (1,4 % en Allemagne [23], 1,2 % en Israël [24]). Ce sont les garçons entre 10 et 14 ans qui proportionnellement, sont le plus fréquemment sous Ritaline® (1,77 contre 0,31 % chez les filles du même âge). Cette surreprésentation se retrouve dans la littérature internationale et dans la recherche portant sur la situation dans le canton de Neuchâtel, respectivement 2,87 % des garçons et 0,70 % des filles de 5 à 14 ans recevaient un traitement en 2000. Il existe des variations géographiques dans la proportion de patients traités. Cependant, même pour les résultats les plus

Nombre de médecins Pourcentage 22 9 7 35 19 6 100

Enfants de 5 à 19 ans (n = 649) Nombre Pourcentage 425 65 83 13 10 2 98 15 18 3 15 2 649 100

élevés relevés dans les communes de type périurbain (0,68 % d’enfants recevant de la Ritaline®), la prévalence de patients traités reste en dessous de ce qui est observé dans les études européennes les plus récentes [38]. Ainsi, si l’on se réfère à la proportion d’enfants recevant un traitement rapporté dans la littérature spécialisée, la proportion d’enfants et de jeunes adultes traités avec de la Ritaline® dans le canton de Vaud paraît plus faible. La prescription de stimulant ne représente qu’un des aspects de la prise en charge des THADA [15]. Aux États-Unis, une enquête montre que la prescription de stimulant à des enfants (de 5 à 18 ans) présentant un THADA est passée de 0,9 % en 1987 à 3,4 % en 1997 [20], ce qui correspond à la mise sous stimulant d’environ 70 % des enfants souffrant de THADA. Par rapport à la prévalence estimée de THADA (2 à 5 % en Suisse, en reprenant les estimations les plus faibles), seuls 10 à 15 % des enfants recevraient un traitement à base de Ritaline® dans le canton de Vaud. Les filles sont moins nombreuses à recevoir de la Ritaline® et représentent 15 % des patients âgés de 5 à 19 ans (19 % dans l’étude neuchâteloise). Même si les études internationales montrent une prévalence des THADA moins élevée chez les filles [9,10] (rapport de 1 à 4), elles semblent encore plus minoritaires dans la population traitée (rapport de 1 à 6). Dans l’ensemble, les doses prescrites par les médecins sont conformes aux recommandations figurant dans le Compendium suisse des médicaments de 2004 et proposées sur le plan international. Seuls deux cas de prescriptions à des enfants de moins de cinq ans s’éloignent des recommandations. Par ailleurs, on relève une valeur extrême dans la posologie chez un patient du groupe des 10–14 ans ; toutefois, l’absence de données sur le poids de ce patient ne permet pas de juger du bienfondé de la dose prescrite. Dans les recommandations de la commission de transparence française [27], la première prescription annuelle à base de méthylphénidate est réservée aux médecins spécialistes (pédiatres, psychiatres, pédopsychiatres, neurologues) exerçant dans des services hospitaliers. Il apparaît, dans notre étude, que les médecins pédiatres et les psychiatres non hospitaliers jouent un rôle central dans la prescription de Ritaline® : en effet, quatre patients sur cinq dans le groupe des 5–19 ans ont été vus au moins une fois par un spécialiste au cours de l’année 2002. On peut conclure de cette étude que la dose prescrite de Ritaline® dans le canton de Vaud est adaptée aux recommandations du Compendium suisse des médicaments. La proportion d’enfants et de jeunes adultes traités ne semble pas dispro-

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portionnée par rapport aux connaissances actuelles de prévalence des cas de THADA. La prescription est également largement suivie par des médecins pédiatres ou psychiatres. Les principales limites de l’étude sont de reposer sur des données grossières qui ne permettent pas d’observer la durée de prescription et qui ne fournissent pas d’information sur le diagnostic ayant motivé la prescription. L’absence de certaines données sur le patient (le poids notamment) limite également l’évaluation du bien-fondé de la posologie prescrite. Les données analysées datent de 2002 et il sera très important de pouvoir reprendre l’analyse avec les données de 2005 pour mesurer l’évolution de la prescription de Ritaline® dans le canton. Une nouvelle étude pourrait aussi évaluer les modifications des prescriptions liées à l’introduction d’une nouvelle préparation retard de méthylphénidate depuis fin 2003 (Concerta®) et aux informations récentes données au corps médical dans le cadre de formations post-graduées.

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Remerciements [17]

À Mmes Patricia Chablaix et Valérie Butty, qui ont effectué la saisie des données, et à Mme Fontannaz, pharmacien cantonal du Service de la santé publique du canton de Vaud (Suisse), pour son appui.

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Références

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