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une maladie moins symptomatique. Le meˆme type de biais entache l’e´tude d’Ulchaker et al. [7] qui ont compare´ re´trospectivement deux groupes de patients avec vs sans traitement antihypertenseur pre´ope´ratoire, le traitement n’e´tant donne´ qu’aux patients ayant une HTA persistante. L’absence de diffe´rence de profil he´modynamique perope´ratoire dans le groupe traite´ sugge`rerait justement qu’il faut traiter l’HTA pour avoir des suites aussi bonnes que dans le groupe non traite´ parce que normotendu ! Dans une autre e´tude re´trospective tout aussi biaise´e, comparant les complications pe´riope´ratoires entre patients traite´s et non traite´s, Steinsapir et al. ont meˆme observe´ que les patients traite´s (donc a priori avec une HTA plus se´ve`re en pre´ope´ratoire) ont eu une pression arte´rielle perope´ratoire moins haute et moins souvent besoin d’hypotenseurs en perope´ratoire que les patients non traite´s [8]. La moins critiquable de ces e´tudes sur le plan me´thodologique est sans doute celle de Witteles et al. comparant des patients traite´s par alpha bloquants a` une se´rie historique sans traitement pre´ope´ratoire [9]. Malheureusement, malgre´ une dure´e d’inclusion de 35 ans, la puissance statistique lui a manque´ pour affirmer une influence sur les complications postope´ratoire et le seul be´ne´fice significatif a e´te´ une re´duction de la dure´e d’hospitalisation de dix a` sept jours. En re´sume´, le traitement, certes empirique, d’une HTA avant chirurgie du phe´ochromocytome semble offrir aux patients des suites au moins aussi simples que celles des patients normotendus et non traite´s. Inversement, la litte´rature est seme´e de cas cliniques de phe´ochromocytomes me´connus, re´ve´le´s en perope´ratoire, et dont la plupart ont eu des suites extreˆmement difficiles. ˆ r, ce traitement antihypertenseur pre´ope´ratoire ne Bien su supprime pas toutes les pousse´es hypertensives perope´ratoires qui sont lie´es aux manipulations tumorales [10,11]. La diminution de la morbidite´ et de la mortalite´ dans les e´tudes re´centes par rapport aux se´ries historiques est certainement multifactorielle et inclut a` la fois les techniques chirurgicales, une meilleure maıˆtrise de la profondeur d’anesthe´sie et de la vole´mie et la maniabilite´ des traitements symptomatiques modernes. Mais ces bons re´sultats ont e´te´ obtenus dans la majorite´ des cas avec un traitement antihypertenseur pre´ope´ratoire. Dans ce contexte ou des statistiques rigoureuses sont utopiques, faut il se priver d’une partie des armes et risquer de re´gresser en morbidite´ pe´riope´ratoire sous pre´texte que leur utilite´ n’est pas et ne peut pas eˆtre rigoureusement de´montre´e ? ˆt Conflit d’inte´re Consultant pour Fresenius Kabi et Drager Medical. Pas de conflit d’inte´reˆt en rapport avec l’article. Re´fe´rences [1] Lentschener C, Gaujoux S. Pas de traitement hypotenseur ni d’expansion vole´mique syste´matique pour tous les patients ope´re´s de surre´nalectomie pour phe´ochromocytome. Ann Fr Anesth Reanim 2009; 28 (doi a` venir). [2] Billard V, Cheikh M, Delaporte-Cerceau S, Raffin-Sanson ML. Anesthe´sie pour traitement des tumeurs endocrines. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:549–63. [3] Lentschener C, Gaujoux S, Thillois JM, Duboc D, Bertherat J, Ozier Y, et al. Increased arterial pressure is not predictive of haemodynamic instability in patients undergoing adrenalectomy for phaeochromocytoma. Acta Anaesthesiol Scand 2009;53:522–7. [4] Pacak K. Preoperative management of the pheochromocytoma patient. J Clin Endocrinol Metab 2007;92:4069–79. [5] Orchard T, Grant CS, van Heerden JA, Weaver A. Pheochromocytoma–continuing evolution of surgical therapy. Surgery 1993;114:1153–8. [6] Plouin PF, Duclos JM, Soppelsa F, Boublil G, Chatellier G. Factors associated with perioperative morbidity and mortality in patients with pheochromocytoma: Analysis of 165 operations at a single center. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:1480–6. [7] Ulchaker JC, Goldfarb DA, Bravo EL, Novick AC. Successful outcomes in pheochromocytoma surgery in the modern era. J Urol 1999;161:764–7. [8] Steinsapir J, Carr AA, Prisant LM, Bransome Jr ED. Metyrosine and pheochromocytoma. Arch Intern Med 1997;157:901–6.
[9] Witteles RM, Kaplan EL, Roizen MF. Safe and cost-effective preoperative preparation of patients with pheochromocytoma. Anesth Analg 2000;91: 302–4. [10] Lebuffe G, Dosseh ED, Tek G, Tytgat H, Moreno S, Tavernier B, et al. The effect of calcium channel blockers on outcome following the surgical treatment of phaeochromocytomas and paragangliomas. Anaesthesia 2005;60:439–44. [11] Sood J, Jayaraman L, Kumra VP, Chowbey PK. Laparoscopic approach to pheochromocytoma: Is a lower intraabdominal pressure helpful? Anesth Analg 2006;102:637–41.
V. Billard De´partement d’anesthe´sie et soins continus chirurgicaux, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif, France Adresse e-mail :
[email protected]. Disponible sur Internet le 13 janvier 2010 doi:10.1016/j.annfar.2009.12.006
Hypercapnie majeure compliquant une colonoscopie sous se´dation Major hypercapnia during colonoscopy under sedation despite anaesthesiologist presence
I N F O A R T I C L E
Mots cle´s : Hypercapnie se´ve`re Se´dation E´ve`nement inde´sirable Keywords: Major hypercapnia Sedation Adverse event
Le nombre d’endoscopies digestives ne´cessitant une se´dation ou une anesthe´sie ge´ne´rale est en croissance constante dans les pays occidentaux. Il a augmente´ de 15 % entre 1999 et 2006 en France comme l’a montre´ l’enqueˆte « deux jours d’endoscopie en France » (http://www.sfed.org/documents_sfed/files/lettresfed/ Lettre_SFED_No36.pdf). L’implication obligatoire des me´decins anesthe´sistes-re´animateurs a e´te´ et continue de faire l’objet de de´bats : disponibilite´, possibilite´ d’un transfert de compe´tence, arguments me´dicojuridiques et e´conomiques. Nous rapportons ici le cas d’un patient ayant pre´sente´ une hypercapnie se´ve`re compliquant une colonoscopie sous se´dation pratique´e par une e´quipe d’anesthe´sie. Un patient aˆge´ de 80 ans, pesant 68 kg, devait be´ne´ficier d’une colonoscopie de de´pistage. Il pre´sentait comme ante´ce´dents principaux une hypertension traite´e e´quilibre´e et une bronchopneumonie chronique obstructive, suite a` un tabagisme sevre´ a` 45 paquets-anne´es. Il avait subi une endoscopie larynge´e sous anesthe´sie ge´ne´rale trois mois plus toˆt sans e´ve`nement notable. L’examen clinique respiratoire e´tait sans particularite´. La colonoscopie e´tait re´alise´e apre`s la mise en place d’un monitorage standard (pression arte´rielle non invasive, saturation transcutane´e en oxyge`ne, scope) et de l’oxyge`ne nasal e´tait administre´ a` 4 l/min a` titre syste´matique. L’anesthe´sie e´tait sous la responsabilite´ d’un me´decin anesthe´siste supervisant deux salles d’examen, avec un infirmier anesthe´siste dans chacune des salles. Au cours de l’anesthe´sie, la saturation en oxyge`ne n’a pas e´te´ infe´rieure a`
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Tableau 1 Gaz du sang arte´riel. PaO2 (mmHg)
Type de ventilation Fin de la proce´dure Ventilation spontane´e O2 nasal : 4 l/min Apre`s 1 heure de ventilation me´canique Ventilation me´canique FiO2 : 80 % Volume courant : 580 ml Fre´quence respiratoire : 17 c/min j1 post-proce´dure Ventilation spontane´e O2 nasal : 1 l/min
PaCO2 (mmHg)
pH
HCO3 (mmol/l)
SpO2 (%)
98
168
6,98
37,5
98
287
52
7,37
29,9
98
70
57
7,35
30,9
95
98 %, tandis que la pression arte´rielle et la fre´quence cardiaque variaient de moins de 10 % par rapport aux valeurs mesure´es avant l’induction. La fre´quence respiratoire restait autour de 10 c/min. Au cours des 45 minutes de proce´dure, 280 mg de propofol ont e´te´ administre´s. Lors du re´veil, le patient restait peu re´actif, justifiant l’analyse des gaz du sang arte´riel (Tableau 1). Le patient e´tait alors intube´ et ventile´ me´caniquement pendant deux heures, la radiographie thoracique ne retrouvait ni pneumothorax ni ate´lectasie. Le retour a` domicile e´tait possible deux jours apre`s la colonoscopie, sans se´quelle. Le transfert de compe´tence aux non-anesthe´sistes a e´te´ [1] et continue d’eˆtre discute´ [2]. Le transfert de charges vers des infirmiers forme´s est e´voque´ dans le « Rapport Berland » (http://www.sante. gouv.fr/htm/actu/berland/rapport_complet.pdf) a` l’image d’expe´riences ame´ricaine et britannique. Il repose sur le caracte`re rapidement re´versible du propofol, le monitorage de la SpO2 et l’apport syste´matique d’oxyge`ne. Notre observation montre que ces trois e´le´ments n’e´liminent pas tout risque respiratoire. La diminution de la re´ponse aigue¨ a` l’hypoxie est connue, y compris apre`s de faibles doses de propofol [3]. Les de´saturations en oxyge`ne observe´es en pratique sont habituellement re´versibles apre`s stimulation et administration d’oxyge`ne nasal. Cependant, une se´rie de plus de 9000 patients a retrouve´ 40 cas de ne´cessite´ de ventilation assiste´e, neuf intubations endotrache´ales et 28 surveillances prolonge´es apre`s la proce´dure. Quatre patients sont de´ce´de´s, la se´dation ayant e´te´ en cause dans trois cas [4]. Conflit d’inte´reˆt Aucun. Re´fe´rences [1] Lienhart A, Carli P, Marty J, Pourriat JL. Endoscopie digestive : qui fera quoi ? Ann Fr Anesth Reanim 2002;21:343–6. [2] Sautereau D. La se´dation en endoscopie : qui fera quoi et comment ? Gastroenterol Clin Biol 2005;29:1087–9. [3] Nieuwenhuijs D, Sarton E, Teppema L, Dahan A. Propofol for monitored anesthesia care: implications on hypoxic control of cardiorespiratory responses. Anesthesiology 2000;92:46–54. [4] Wehrmann T, Riphaus A. Sedation with propofol for interventional endoscopic procedures: a risk factor analysis. Scand J Gastroenterol 2008;43:368–74.
A. Thevenin, A. Berthier, M. Fischler* Service d’anesthe´sie, hoˆpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes, France *Auteur correspondant Adresse e-mail : m.fi
[email protected] (M. Fischler). Disponible sur Internet le 13 janvier 2010 doi:10.1016/j.annfar.2009.11.001
Acidose lactique sur intoxication volontaire a` l’acide valproı¨que Lactic acidosis after voluntary intoxication with valproic acid Nous rapportons le cas d’un patient de 38 ans, aux ante´ce´dents d’alcoolisme chronique, de tabagisme actif (26 paquets-anne´e), de toxicomanie sevre´e (cocaı¨ne, he´roı¨ne) et de syndrome anxiode´pressif traite´ par paroxe´tine (Deroxat1), admis en re´animation pour coma are´actif complique´ d’une de´faillance he´modynamique. En fin d’apre`s-midi, le patient e´tait retrouve´ au domicile par sa compagne dans les meˆmes conditions ou` elle l’avait quitte´ le matin. Une lettre sans date retrouve´e a` son domicile orientait vers une intoxication me´dicamenteuse volontaire. L’heure de prise me´dicamenteuse et le toxique inge´re´ restaient inde´termine´s. A` la prise en charge au domicile par l’e´quipe du Smur, le patient e´tait inconscient (Coma Glasgow Scale = 3) en mydriase bilate´rale re´active avec une hypotension arte´rielle a` 60/30 mmHg ne´cessitant un remplissage vasculaire initial par 1000 ml de colloı¨des et un soutien vasopresseur par adre´naline (0,5 mg/kg par minute). Le reste de l’examen clinique et radiologique e´tait sans particularite´. A` l’admission en re´animation, le patient pre´sentait toujours une de´faillance circulatoire avec une composante cardioge´nique retrouve´e a` l’e´chographie cardiaque transthoracique (fraction d’e´jection du ventricule gauche [FEVG] = 45 %) et stabilise´e par adre´naline a` 0,7 mg/kg par minute Le bilan biologique initial objectivait une acidose lactique se´ve`re (pH = 7,05 et lactate´mie = 14,6 mmol/l) associe´e a` une insuffisance re´nale aigue¨ de´butante avec anurie. Devant l’aggravation de l’acidose lactique, un traitement symptomatique e´tait instaure´ en urgence par he´modiafiltration continue a` haut de´bit (35 ml/kg par heure) pendant 24 heures jusqu’a` normalisation du pH, des lactates et de la fonction re´nale. Des signes d’ence´phalopathie aspe´cifique e´taient mis en e´vidence a` l’e´lectroence´phalogramme. La recherche des toxiques re´alise´e a` l’admission e´liminait une intoxication a` l’e´thyle`ne glycol et au me´thanol, une seconde recherche montrait des taux e´leve´s d’acide valproı¨que (180 mg/l, taux the´rapeutiques entre 50 et 100 mg/l). L’e´volution e´tait favorable, mais l’extubation e´tait retarde´e par la survenue d’une pneumopathie nosocomiale acquise sous ventilation me´canique, le patient sortait a` j39 et e´tait adresse´ vers une unite´ psychiatrique. L’acide valproı¨que (Depakine1) est un anti-e´pileptique majeur utilise´ dans le traitement d’e´pilepsies ge´ne´ralise´es, focalise´es simples ou complexes ou en psychiatrie comme thymore´gulateur [1]. Il forme un complexe avec la carnitine et est massivement e´limine´ dans les urines. Il est aussi responsable d’une hyperammonie´mie par inhibition du cycle de l’ure´e [2]. L’intoxication aigue¨ grave est a` l’origine de signes neurologiques (avec des troubles de la conscience, un coma profond, hypore´flexique et hypotonique) et une alte´ration he´modynamique (avec une bradycardie, un collapsus cardiovasculaire), le de´ce`s pouvant