280
Courrier des lecteurs
39 °C, diarrh6e et toux 6voluant depuis cinq jours. L'examen d'entr6e r6v61e une hyperesth6sie cutan6e, des myalgies, un trismus mod6r6, une obnubilation. La fosse iliaque droite est sensible, il existe une oligurie. L'&at d'hydratation est normal. L'6tat circulatoire est conserv6 avec une pression art6rielle h 100/60 m m de mercure et une fr6quence cardiaque ~t 100/minute. La pression veineuse centrale est ~ 4 centim&res d'eau. La radiographie thoracique est normale. L'ur6e sanguine est ~t 30,3 mmol/1 (normale 2,5 ~ 7,0 mmol/1), l'ur6e urinaire ~ 62 mmol/1, la cr6atinin6mie 840/zmol/1 (normale h 60 ~ 120 tzmol/1), le sodium urinaire ~t 92 mmol/1, le potassium urinaire h 25 mmol/1, l'osmolalit6 urinaire ~t 378 mosm/kg. La prot6inurie est nulle. L'amylas6mie est ~t 3 600 UI/1 (normale 15 ~t 220 UI/1). Les CPK sont ~ 13 290 UI/1 (normale 10 ~t 170 UI/1). L'6chographie montre une turgescence pancr6atique homog6ne. Le frottis sanguin et la goutte 6paisse sont n6gatifs. Les h6mocultures sont positives Salmonella typhi, le s6rodiagnostic de Widal (agglutinines anti-H) est positif au 1/400 e. Le traitement associe : amoxicilline 6 g/24 h, qui devra ~tre poursuivi 37 jours, dialyse p&iton6ale pendant 8 jours, puis quatre s6ances d'h6modialyse. La fonction r6nale se normalise en un mois, les CPK en quinze jours. Au 11e jour les myalgies ont r6gress6. Aux 6chographies successives, la taille du pancr6as augmente jusqu'au 26 ° jour puis diminue /~ partir du 48 ~ jour. L'amylas6mie se normalise en trois mois. L'insuffisance r6nale aigu6 complique 1 /t 2 p. 100 des typhoides (1). Elle est habituellement fonctionnelle li6e ~ l'hypovol6mie (1). Toutefois dans une observation de fi6vre typhoide avec insuffisance r6nale aigu~, la biopsie r6nale a montr6 une n6crose tubulaire, une infiltration interstitielle et des glom6rules normaux (2). Dans notre observation les param6tres biologiques am6nent ~ consid6rer qu'il s'agit d'une insuffisance r6nale organique (osmolalit6 urinaire inf6rieure 400 mosm/kg, Na urinaire sup6rieur ~t 40 mmol/1, U / P ur6e inf6rieur h 10, Na urinaire/K urinaire sup6rieur ~ 1) faisant 6voquer une n6crose tubulaire (d6but brutal, absence de prot6inurie et d'HTA, r6gression rapide). Une insuffisance r6nale fonctionnelle ayant 6volu6 vers l'organicit6 est peu probable, compte tenu de la normalit6 de l'6tat h6modynamique et de l'hydratation de la patiente. Trois hypotheses &iologiques sont envisageables, isol6es ou associ6es : la rhabdomyolyse, la toxi-infection et peut-&re la pancr6atite, bien qu'il s'agisse d'une forme eed6mateuse (rarement compliqu6e d'insuffisance r6nale aigu~ organique). Aucun 616merit ne permet de trancher entre ces trois hypoth6ses. Dans une s6rie fran~aise de 73 typhoi'des (3), sont rapport6es 29 616vations de CPK, t6moins de rhabdomyolyse. Par contre dans une s6rie am6ricaine un seul cas sur 126 a 6t6 relev6 (1). Lorsque les biopsies musculaires ont &6 effectu6es, elles montrent des zones de d6g6n6rescence avec infiltration leucocytaire disparaissant apr6s traitement de la typhoi'de. La pancr6atite typhique serait due/t un reflux de bile infect6e ou ~t une infection par voie lymphatique ou
La Revue de Mddecine lnterne Mai-Juin 1989
sanguine (4). Les cas publi6s sont rares (4, 5), allant du syndrome abdominal aigu ~ la pesanteur 6pigastrique avec hyperamylas6mie ou pr6sence de salmonelles dans du pus pancr6atique. Dans notre observation, il n'a pas 6t6 possible de d&erminer la cause de la pancr6atite en l'absence de cath6terisme du Wirsung ou d'une exploration chirurgicale. I1 faut toutefois souligner l'importance et surtout la dur6e de cette pancr6atite qui a 6t6 le dernier 616ment de la maladie /l se normaliser. C. GINSBURG*,
L. RAFFENNE**
* Service de rdanimation polyvalente (Dr B. Herman). ** Service de pathologie exotique et parasitaire (Dr M. Barbier) HOpital international de l'universitd de Paris, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris.
1. Barnes P, Goldstein D. Overturf GD : Rhabdomyolysis and pancytopenia in a young man. West J Meal 1986 ; 144 : 586-90. 2. Faierman D, Ross F, Seckler S. Typhoid fever complicated by hepatitis, nephritis and thrombocytemia. J A M A 1972 ; 221 : 60-1. 3. Sauch S, Raoult D, Bourgeade A, Gallais H, Casanova P. Aspects actuels de la fi~vre typho~de de l'adulte. Sem Hop Paris 1984 ; 60 : 1251-5. 4. Kune G, Coster D. Typhoid pancreatic abscess. Med J Aust 1972 ; I : 417-8. 5. Russel J, Forgacs P, Geraci J. Pancreatitis complicating typhoid fever. J A M A 1876 ; 235 : 753-4.
Hyperdosinophilie pseudo-leuc6mique accompagnant un h6mangio-endothdliome malin m6tastatique du coeur Les 6osinophilies s'observent dans de nombreuses circonstances 6tiologiques parmi lesquelles les causes tumorales figurent en bonne place. Au nombre des cancers susceptibles de se compliquer d'une hyper6osinophilie, on relive essentiellement des lymphomes, des h6mopathies, des n6oplasmes glandulaires ou malpighiens de si6ges vari6s (1). Beaucoup plus exceptionnelles sont les tumeurs cardiaques primitives, surtout lorsque l'6osinophilie atteint des chiffres consid6rables, comme dans l'observation que nous rapportons. Une femme de 77 ans fut hospitalis6e pour une 6osinophilie d6couverte de fa~on fortuite. A l'entr6e, l'&at g6n6ral 6tait m6diocre, avec une asth6nie, un amaigrissement non chiffr6, une dyspn6e de repos. I1 n'existait ni ad6nopathie superficidle, ni h6patospl~nom~galie. L'auscultation laissait entendre un souffle d'insuffisance mitrale et des rgles sous-cr~pitants aux bases pulmonaires. La num6ration montrait une hyperleucocytose 220 0 0 0 / m 3 dont 77 p. 100 d'6osinophiles (169 400/mm 3) et 5 p. 100 de cellules my61o~des, sans an6mie (Hb = 15,9 g/100 ml) mais avec une thrombop6nie mod6r6e (94 000 par mm3). Le my61ogramme
Tome X Numdro 3
et la biopsie m6dullaire r6v61aient une moelle tr~s riche avec hyperplasie de la lign6e granuleuse off pr6dominaient les 6osinophiles. Pour l'histologiste, l'ensemble 6voquait une leuc6mie ~ 6osinophiles. Le score bas des phosphatases alcalines leucocytaires 6tait aussi en faveur de ce diagnostic, mais la vitamin6mie B 12 6tait normale, comme le caryotype m6dullaire. Deux 6chographies cardiaques bidimensionnelles ne montraient pas de fibrose endomyocardique. Le clich6 thoracique mettait en 6vidence une cardiom6galie mod6r6e et surtout une pneumopathie interstitielle diffuse bilat6rale, d'aspect r6ticulo-nodulaire. L'exploration fonctionnelle respiratoire montrait d'ailleurs un syndrome mixte obstructif et restrictif avec hypoxie 59 mmHg. La malade fut trait6e par une association de prednisolone 1 (2 m g / k g / j ) et d'hydroxycarbamide 2 (30 mg/kg/j) pendant 20 jours, ce qui permit de stabiliser la leucocytose h 25 000/mm 3, mais toujours avec une importante 6osinophilie (71 p. 100). Elle d6c6dait d'un accident vasculaire c6r6bral, 10 semaines aprbs le d6but apparent de la maladie. A l'autopsie, il existait macroscopiquement une tumeur primitive multinodulaire du ventricule droit, ainsi que des m6tastases pulmonaires ~t forme miliaire, dont l'6tude histologique faisait porter le diagnostic d'h6mangio-endoth61iome malin ou angiosarcome. Par ailleurs, les r6gions de l'endocarde et du poumon indemnes d'atteinte tumorale ne pr6sentaient pas les alt6rations habituellement constat6es dans le syndrome hyper6osinophilique.
(1) Solupred ®, laboratoire Houd6. (2) Hydr6a®, laboratoire Squibb.
Courrier des lecteurs
281
Cette observation associe deux manifestations exceptionnelles : une hyper6osinophilie sanguine majeure, pseudo-leuc6mique, et une tumeur cardiaque primitive rare, puisque 139 cas seulement ont 6t6 recens6s en 1986 (2). Dans cette s6rie, l'6osinophilie ne figure pas au nombre des sympt6mes remarquables. Par contre, dans un cas d'h6mangiome histiocyto~de du coeur, tumeur tr~s proche de l'angiosarcome mais encore plus rare, une hyper6osinophilie ~ 5 275/mm 3 est rapport6e (3). Dans cette observation, la disparition de l'6osinophilie, apr~s ex6r6se chirurgicale de la tumeur, laisse supposer que le n6oplasme est susceptible d'61aborer une substance capable de stimuler la croissance des 6osinophiles. Cette hypoth6se rejoint celle d'autres auteurs (1) s'effor~ant d'expliquer la pathog6nie des hyper6osinophilies accompagnant les affections canc6reuses. P. LEDERLIN*, O. MOREL**, F. WITZ*, A. DELGENDRE*, A. GUERCI*
* Service de mddecine A (Pr O. GuercO ** Service d'anatomie pathologique (Pr J. FloqueO C H R U Nancy-Brabois, F 54511 Vandceuvre-Iks-Nancy Cedex.
1. Reddy S, S-K, Hyland RH, Alison RE, Sturgeon JFG, Hutcheon MA. Tumor-associated peripheral eosinophilia. Two unusual cases. J Clin Oncol 1984 ; 2 : 1165-8. 2. Janigan DT, Husain A, Robinson NA. Cardiac angiosarcomas. A review and a case report. Cancer 1986 ; 57 : 852-9. 3. Kuo TT, Hsueh S, Su I J, Gonzalez-Crussi F, Chen JS. Histioeytoid hemangioma of the heart with peripheral eosinophilia. Cancer 1985 ; 55 : 2854-61.