Hypertension artérielle, un syndrome, pas une maladie (5)

Hypertension artérielle, un syndrome, pas une maladie (5)

Pr Bernard Swynghedauw, hôpital Lariboisière, Paris i HYPERTENSION ARTÉRIELLE, UN SYNDROME, PAS UNE MALADIE (5) ASPECTS GÉNÉTIQUES ET ÉVOLUTIONNISTE...

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Pr Bernard Swynghedauw,

hôpital Lariboisière, Paris i

HYPERTENSION ARTÉRIELLE, UN SYNDROME, PAS UNE MALADIE (5) ASPECTS GÉNÉTIQUES ET ÉVOLUTIONNISTES Génétique et aspects évolutionnistes de I'hypertension Plusieurs tests standardisés ont été mis au point afin de mesurer la sensibilité au sel de la pression artérielle (PA) et, bien que la reproductibilité de ces tests soit loin d'être parfaite, des études faites sur des jumeaux ont démontré, là aussi sans ambiguïté, le caractère héréditaire de cette sensibilité. Pendant des milliers d'années, hominidés et hominoïdesont ingéré moins de 1 gij de sel, et la pression évolutive a sélectionné les gènes retenant le sel [l, 21. Notre génome est bien adapté à un régime pauvre en sel, et pour longtemps, puisque avec l'horloge dite moléculaire on compte en millions d'années le temps nécessaire à l'éclosion d'un nouveau gène fonctionnel adapté à un environnement nouveau. La récente, rappelons-nous la gabelle au Moyen Âge, et brutale irruption de notre mode de vie contemporain a rendu le sel facilement accessible.. . mais les gènes restent. On peut faire le bilan des gènes chargés de retenir le précieux condiment, autant de cibles : les gènes du système rénine-angiotensine, ceux qui tournent autour de l'aldostérone, ENaC, le cotransporteur, l'a-adducine, autant de responsables des formes monogéniques. Le même raisonnement s'applique d'ailleurs à la surcharge pondérale, liée à la pression artérielle par le

DE L'HTA ESSENTIELLE (3)

système nerveux autonome, sacralisée récemment en tant que syndrome métabolique. Là aussi nous avons souffert de la faim pendant des millions d'années, avec des alternances de périodes de disettes et de périodes de vaches grasses. La pression sélective a assuré la survie en sélectionnant des gènes retenant les graisses ;la capacité de se constituer des réserves dans le tissu adipeux a d'abord, à l'évidence, été un avantage évolutionniste. Mais là aussi, la révolution contemporaine a rendu cet ensemble de gènes inutiles, voire délétères. On peut faire, là aussi, le bilan des gènes chargés ...de nous charger. Autant de cibles : leptine, insuline, adiponectine, récepteur P3-adrénergique.. ..

Génétique de I'hypertension artérielle essentielle (HE) On peut, grossièrement, soit rechercher un lien entre I'hypertension et un gène candidat, soit procéder totalement au hasard et faire une étude de liaison sur l'ensemble du génome. L'approche est la même pour tous les syndromes complexes comme I'hyperlipidémie, le diabète, l'obésité, l'Alzheimer, mais les choses bougent et la publication toute récente de la carte des haplotypes, le grand événement de l'année [3], risque de modifier complètement les données du problème, on y reviendra bientôt. Les études sur l'HE sont nombreuses et ne répondent pas AMC pratique

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Les bases fondamentales pour le praticien

souvent aux critères définis (figure) [4]. Un tri s'impose [5]. Les premières études ont porté sur des gènes candidats impliqués dans la régulation physiologiquede la PA, comme ceux du système rénine-angiotensine (SRA). Un variant (M235T) du gène de I'angiotensinogène est lié à la concentration plasmatique en angiotensinogène et à I'hypertension. Bien que cette liaison n'ait été retrouvée que dans certaines populations, l'accusation semble plausible pour au moins 3 raisons : (i) ce variant est associé à un autre variant, situé à coté du site de transcription; (ii) expérimentalement, il est possible d'obtenir une hypertension en surexprimant le gène de I'angiotensinogène ;(iii) ce résultat a été reproduit. Un autre variant du même système a été identifié sur l'enzyme de conversion et sur l'a-adducine. Les études plus larges (au moins 3 parues dans Hypertension : [2000;35:1291] [2000;36:477] [2000;36:731] et 2 parues dans Circulation : [2000;102:1956] [1999;99:1407]) analysant les liaisons de I'hypertension, avec un locus donné sur l'ensemble des chromosomes, ont fournis des résultats souvent à la limite de la signification. Deux loci semblent néanmoins émerger sur les chromosomes 2 et 17, d'autres sont possibles, en particulier le chromosomeY et le locus 1lq. Rien de bien pratique pour l'instant. Riendevraiment reproductible non plus. La raison bien évidente est que l'HE est un syndrome complexe, le trait résultant de l'interaction de facteurs environnementaux avec plusieurs gènes, dont certains ne sont que des K modifiés », difficiles donc à identifier (discuté récemment in 4).

FIGURE : Critéres nécessaires pour retenir une association génétique dans un syndrome polygénique. (Nature Genetics 2001 ;29 : 306 ;Eur Heart J 2002 ;23 :271).

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Un tout récent travail [7] utilise une méthode connue, pour d'autres raisons mais rarement utilisée dans ce domaine, les cartes de mélange admixture mapping », lesquelles consistent à étudier, dans une population dont les origines sont doubles et connues (les Noirs américains dont on admet que I'origine est un mélange AfricainIEuropéen) des marqueurs génétiques spécifiques permettant d'en identifier génétiquement l'origine géographique. Deux cent soixante-neuf marqueurs (par marqueur on entend ici des séquences non codantes du génome dont l'emplacement est connu) sont utilisés dans trois groupes de Noirs américains hypertendus totalisant plus de 700 sujets. L'étude démontre, là aussi, un lien génétique entre hypertensionet plusieurs loci avec une liaison préférentielle pour les locus 6q24 (6 est le chromosome, q24 indique l'emplacement sur le dit chromosome) et 21q21, ces emplacements semblent assez propres aux Noirs américains, mais ils n'ont pas été clairement retrouvés dans les populations africaines d'origine.

Références 1. Eaton SB, Konner M. Paleolithic nutriti0n.A consideration of its nature and current implications. N Engl J Med 1985;312:283-9. 2. Eaton SB, Konner M, Shostak M. Stone agers in the fast lane: chronic degenerative diseases in evolutionary perspective.Am J Med 1988;84:739-49. 3. The InternationalHapMap Consortium. A haplotype map of the human genome. Nature.2005;437:1299-320, voir aussi les perspectivesdans PLoSGenetics2005;l (e54):0413-8. 4. Swynghedauw B. Susceptibility-conferring polymorphic genotypes in cardiovascular multifactorial syndromes. Eur HeartJ 2002;23:271-3. 5. Lifton RP. Gharavi AG, Geller DS. Molecular mechanism of human hypertension.Cell2001,104 :545-56. 6. Nordlie MA, Wold LE, Kloner RA. Genetic contributors toward increased risk for ischemic heart disease. J Mol Cell Cardiol2005;39:667-79. 7. Zhu X, Luke A, Cooper RS et al. Admixture mapping for hypertensionloci with genomescan markers. Nature Genetics 2005; 37: 177-81.