Urgences
0 Elsevier.
1996;XV:69-70 Paris
Fait clinique
Hypothermie majeure au tours d’un coma hypoglyc6mique chez un h@modialy& chronique diabetique J Gillard’, E Bakhache’, R Azar2, A Fkihi*, A Boldron ’ Service
des urgences,
‘service
de mbdecine interne et nbphrologie, BP 6-367,59385 Dunkerque cedex
(Recu le 15 janvier
hypothermie
/ coma / h6modialyse
1996
centre hospitalier 1, France
; accepte le 18 janvier
g&&al
de Dunkerque,
1996)
I diabkte
L’hypothermie est un trait habitue1 du syndrome uremique et peut-etre occasionnellement le premier et le seul signe de I’etiologie hypoglycemique d’un coma [l , 21. Alors que la baisse de la temperature centrale est le plus souvent moderee [3], nous rapportons ici le cas dune hypothermie majeure survenue au tours d’un coma hypoglycemique hyperinsulinemique chez un patient diabetique insulinonecessitant en hemodialyse periodique pour une insuffisance renale chronique. OBSERVATION Un homme age de 65 ans est hospitalise en urgence dans un etat comateux le lendemain d’une seance de dialyse. II est diabetique depuis une vingtained’annees, insulinonecessitant depuis 5 ans et presente des complications degeneratives du diabete : retinopathie, polynevrite, hypertension arterielle, cataracte et une nevropathie ayant entraine une insuffisance r&ale chronique terminale traitee par hemodialyse periodique depuis 1 an. Son traitement antidiabetique consiste en I’injection biquotidienne de 10 unites dune insuline semi-lente avec des controles glycemiques relativement rares et souvent mediocres. A I’admission, I’examen clinique retrouve un etat comateux avec tremulation epileptiforme sans deficit neurologique focal, sans foyer infectieux. La glycemie capillaire est de 0,37 g/L et la temperature rectale est de 31 “C. La pression arterielle est de 12i7 cmHg, le pouls est de 84 pulsations/min. Les examens biologiques montent une glycemie plasmatique veineuse a 0,39 g/L, la kaliemie a 2,2 mEq/L, I’uree a 1,51 g/L, la creatinine a 70 mg/L, I’hemoglobine est a
9,3 g/dL. L’ECG rev&e I’existence dune onde J de Osborn ainsi qu’une hypertrophie ventriculaire gauche. Les prelevements bacteriologiques sanguins et urinaires etaient steriles. L’entourage du patient reconnait I’omission du repas du midi alors que I’injection d’insuline matinale avait ete faite. Le coma a ete precede dune sensation d’asthenie ayant oblige le patient B s’aliter dans une chambre chauffee. II est alors retrouve 2 heures plus tard dans I’etat sus-decrit. L’administration de 18 g de glucose par voie intraveineuse a permis un retour rapide quoique incomplet a la conscience avec normalisation de la glycemie. II a beneficie en outre d’un rechauffement externe rapide par couverture chauffante et d’un resucrage prolong& Le dernier symptome a disparaTtre fut I’hypothermie une vingtaine d’heures apres le debut du coma. A la sortie, le patient ne presentait pas de sequelles, et les recommandations habituelles du traitement par insulinesont reexpliquees.
DISCUSSION Alors que les hypothermies de toutes etiologies s’accompagnent de glycemies variables, I’hypoglycemie est une cause frequemment rapportee d’hypothermie [3, 41. Vingt pour cent des patients ayant une glycemie inferieure a 0,6 g/L ont une temperature rectale inferieure a 35 “C [3]. Dans ce cas, I’hypothermie a le merite d’etre corrigee par I’administration de glucose et lorsque coexiste une hypothermie et une hypoglycemic, le traitement immediat le plus approprie semble etre I’injection de glucose [2]. Chez le sujet sain, I’hypoglycemie entraine une baisse de la temperature centrale par dissipation calorique A la surface de la peau (evaporation
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J Gillard
sudorale) et par conduction de chaleur vers la peripherie, et ce en depit d’une augmentation de la thermogenese metabolique [5]. Le primum movens de ces modifications physiopathologiques serait la neuroglucopenie [2]. Le dysfonctionnement des centres thermoregulateurs de I’hypothalamus apparait transitoire car I’euthermie peut se restaurer quand I’euglycemie est retablie [3]. Chez les diabetiques insulinodependants, la plupart des reponses physiopathologiques sont perturbees. Maggs et al [6] relevent en particulier des anomalies de la thermoregulation lors de I’hypoglycemie. Ils remarquent des faibles changements de temperature corporelle, une sudation moins importante et notent que la production metabolique de chaleur et les taux plasmatiques d’adrenaline sont diminuees chez les diabetiques de longue date avec toutefois de larges variations individuelles. Une reponse adrenergique medullaire attenuee chez les diabetiques de longue date avec toutefois de larges variations individuelles. Une reponse adrenergique medullaire attenuee chez le diabetique en hypoglycemic est bien detrite [6], mais si par le passe une dysautonomie diabetique etait incriminee, il semblerait que la dysfonction du systeme nerveux autonome n’implique pas necessairement la participation d’une neuropathie diabetique clinique authentique. Enfin, des etudes animales montrent I’importance de I’hypothermie dans la protection du systeme nerveux central des complications de I’hypoglycemie [5]. II y a une alteration nette des fonctions cognitives lors d’hypoglycemies rep&es et certains auteurs suggerent que le diabetique insulinodependant ancien ne pouvant pas dissiper normalement sa chaleur durant un episode d’hypoglycemie soit par consequent expose a un risque plus important d’alteration neurologique [6]. Chez I’insuffisant renal chronique, I’hypothermie est classiquement rapportee au syndrome uremique [2]. Les raisons de cette predisposition sont encore mal connues. Curley et Irwin supposent que ces patients ne peuvent maintenir un metabolisme suffisant a la production de chaleur et presentent alors des similitudes avec ceux qui developpent des hypothermies d’epuisement [3]. Ils rekvent egalement le role de I’age comme facteur predisposant a I’hypothermie en raison d’un niveau bas du metabolisme basal, d’une plus
et al
grande conduction calorique, dune vasoconstriction inadaptee et d’une production insuffisante de chaleur par frissons due a la masse musculaire moins importante du sujet age. En revanche, Ritz et Bommer [l] suggerent que I’hypothermie est un indicateur dune anomalie du thermostat hypothalamique avec reponse anormale lors de certaines agressions, ainsi les infections bacteriennes par exemple peuvent ne pas causer de fievre chez le dialyse. Cette defaillance du thermostat hypothalamique serait secondaire a I’accumulation de toxines uremiques de faible poids moleculaire. Par ailleurs, en raison du role des prostaglandines dans la thermoregulation, la responsabilite de la presence d’un inhibiteur circulant de la cyclooxygenase dans le serum des patients uremiques peut etre aussi discutee. CONCLUSION En depit de preuves patentes, nous supposons que dans notre observation la conjonction dune uremie et d’un diabete multicomplique et ancien fut la raison d’une hypothermie aussi profonde. Cette observation permet d’attirer I’attention sur I’importance de controler la temperature lors de toute hypoglycemic, en particulier lorsqu’elle survient sur un terrain particulier comme celui d’une insuffisance r&ale chronique. RliFliRENCES Ritz E, Bommer J. Metabolic and endocrine dysfunctions in chronic renal failure. In: Schrier RW, Gottschalk CL, eds. Boston: Little Brown, 1988:3127-73 Hanson PJV, Loughridge LW, Muchall BP, Packham DK. Hypothermia in hypoglycaemia. BrMedJ1984;288:12123 Curley FJ, Irwin RS. Disorders of temperature regulation: hypothermia, heat stroke, and malignant hyperthermia. In: Intensive care medecine. Rippe JM, Irwin RS, Alpert JS, Dalen JE, eds. Boston, Little Brown, 1985:534-7 Boles JM, Garo B, Garre M. Hypothermies accidentelles de I’adulte. EncylMed-Chir(Paris, France), Urgences, 24 116AlO-4-1989,6p Maggs DG, Scotta R, Mac Donald IA. Thermoregulatory responses to hyperinsulinemic hypoglycemia and euglycemia in humans. Am J fhysio/l994;267:R1266-72 Maggs DG, Mac Donald IA, Tattersall RB. Thermoregulatory responses to hyperinsulinaemic hypoglycemia and euglycemia in IDDM. Diabetologia 1994;37:689-96