Identification des facteurs prédictifs de transfusion sanguine homologue en chirurgie cardiaque à partir d’une étude observationnelle

Identification des facteurs prédictifs de transfusion sanguine homologue en chirurgie cardiaque à partir d’une étude observationnelle

Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 22 (2003) 278–283 www.elsevier.com/locate/annfar Article original Identification des facteurs préd...

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Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 22 (2003) 278–283 www.elsevier.com/locate/annfar

Article original

Identification des facteurs prédictifs de transfusion sanguine homologue en chirurgie cardiaque à partir d’une étude observationnelle Identification of risk factors for allogenic transfusion in cardiac surgery from an observational study A. Ouattara a,*, M. Niculescu a, G. Boccara a, M. Landi a, E. Vaissier b, P. Léger a, B. Riou a, I. Gandjbakch b, P. Coriat a b

a Département d’anesthésie-réanimation, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France Service de chirurgie cardiothoracique et vasculaire, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France

Reçu le 10 septembre 2002 ; accepté le 12 décembre 2002

Résumé Objectif. – Déterminer les facteurs prédictifs de transfusion sanguine homologue periopératoire en chirurgie cardiaque. Type d’étude. – Étude prospective. Patients. – Trois cent trente-cinq patients consécutifs opérés de chirurgie cardiaque. Méthodes. – Les variables périopératoires ont été prospectivement colligées sur une base de données. Pour chaque patient transfusé, le nombre de concentrés globulaires (CG) administrés ainsi que le taux d’hémoglobine motivant la transfusion étaient notés. Des analyses univariée et multivariée ont été effectuées. Résultats. – Les deux stratégies d’épargne sanguine les plus fréquemment utilisées étaient l’aprotonine (78 % des patients) et la récupération sanguine peropératoire (68 % des patients). Durant la période périopératoire, 42 % [IC à 95 % : 37–47 %] des patients ont été transfusés. Le seuil transfusionnel minimal moyen était respectivement, au bloc opératoire et en réanimation, de 7,4 ± 1,1 et de 8,0 ± 0,7 g dl–1. Le nombre moyen de CG transfusés en période périopératoire était de 3,4 ± 2,7 (2,4 ± 1,2 CG au bloc opératoire et 3,0 ± 2,5 CG en réanimation). En analyse multivariée, les facteurs prédictifs de transfusion périopératoire étaient le taux d’hémoglobine préopératoire < 12 g dl–1 (odd ratio = 8,9 ; p = 0,001), la chirurgie d’urgence (odd ratio = 3,7 ; p = 0,01), la réintervention (odd ratio = 3,3 ; p = 0,002), la bronchopneumopathie chronique obstructive (odd ratio = 2,5 ; p = 0,03) et la chirurgie complexe (odd ratio = 2,4 ; p = 0,01). Conclusion. – Malgré l’utilisation de stratégies d’épargne sanguine, une grande proportion de patients de chirurgie cardiaque reste transfusée. Les facteurs prédictifs de transfusion homologue sont un taux d’hémoglobine préopératoire < 12 g dl–1, l’intervention urgente, la réintervention, la bronchopneumopathie chronique obstructive et la chirurgie complexe. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – To determine perioperative variables for predicting allogenic transfusion in adult cardiac surgery. Study design. – Prospective study. Patients. – We included 335 consecutive patients undergoing cardiac surgery between February and April 2001. Methods. – Perioperative variables were prospectively collected in a database. For each patient who received transfusion, hemoglobin threshold for transfusion and total number of units of red cell concentrates were collected. Univariate and multivariate analysis were performed.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Ouattara). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0750-7658(03)00058-3

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Results. – The two strategies for blood conservation which were predominantly used were aprotinin therapy (78%) and blood salvage from the extracorporeal circuit (68%). During perioperative period, 42% of patients [95% CI: 37–47%] received allogenic transfusion. The haemoglobin threshold for transfusion was 7.4 ± 1.1 and 8.0 ± 0.7 g dl–1 in operating room and in intensive care unit, respectively. On average, 3.4 ± 2.7 units of red cell concentrates were transfused perioperatively per patient. Using multivariate analysis, perioperative allogenic transfusion was significantly associated with the following variables: preoperative haemoglobin level < 12 g dl–1 (odds ratio 8.9; p = 0.001), emergency procedure (odds = 3.7, p = 0.01), reoperation (odds ratio = 3.3; p = 0.002), chronic obstructive pulmonary disease (odds ratio = 2.5; p = 0.03) and complex surgery (odds ratio = 2.4; p = 0.01). The age, the gender, and body mass index were only independent risk factors by univariate analysis. Conclusion. – In despite of techniques to limit requirement of allogenic transfusion, a large proportion of cardiac surgical patients remains transfused. Independent risk factors of perioperative transfusion are haemoglobin level < 12 g dl–1, emergency procedure, reoperation, chronic obstructive pulmonary disease and complex surgery. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Facteurs de risque ; Chirurgie cardiaque ; Transfusion sanguine Keywords: Cardiac surgery; Allogenic transfusion; Risk factors

1. Introduction Bien que sujette à une large variabilité intercentre [1], la proportion de patients transfusés au décours d’une intervention de chirurgie cardiaque pouvait atteindre 80 à 90 % [2,3]. Actuellement, la large utilisation des techniques d’épargne sanguine, qu’elles soient mécaniques [4] et/ou pharmacologiques [5], associée à une prescription plus restrictive des produits sanguins [6] a permis de diminuer la proportion de patients transfusés. Les études les plus récentes rapportent, néanmoins, que 30 à 50 % des patients de chirurgie cardiaque restent transfusés [4,7]. Des facteurs prédictifs de transfusion sanguine homologue ont été identifiés [3,8–10]. Il s’agit de l’âge, du sexe féminin, du taux d’hémoglobine préopératoire bas, de la faible masse érythrocytaire, du caractère d’urgence et du temps de chirurgie. Toutefois, ces études présentent de sérieuses limites. Certaines d’entre elles comportent un faible effectif [3], se limitent à la chirurgie coronaire [8] ou à la période peropératoire [9], tandis que d’autres sont rétrospectives [10]. À notre connaissance, peu d’informations provenant de centres français de chirurgie cardiaque sont disponibles dans la littérature [11]. Nous avons donc évalué, au sein de notre établissement, la stratégie transfusionnelle par une étude prospective et observationnelle afin de déterminer l’incidence de transfusion sanguine homologue périopératoire et d’identifier ses facteurs prédictifs périopératoires en chirurgie cardiaque de l’adulte.

2. Patients et méthodes Sur une période de 10 semaines (du 5 février 2001 au 16 avril 2001), nous avons étudié de façon prospective la stratégie transfusionnelle au sein de notre service de chirurgie cardiaque adulte. Tous les patients devant bénéficier d’une intervention programmée ou urgente étaient inclus dans cette étude. Les critères de non-inclusion étaient la mise en place d’une assistance circulatoire, la transplantation cardiaque, le drainage péricardique, la chirurgie vasculaire péri-

phérique et la chirurgie traumatique d’urgence. L’étude de la stratégie transfusionnelle ne s’intéressait qu’à la période périopératoire précoce et prenait fin à la sortie de réanimation. Les variables périopératoires suivantes ont été colligées : l’âge, le sexe, l’index de masse corporelle du patient, le bilan biologique préopératoire, la fraction d’éjection ventriculaire préopératoire, les antécédents d’hypertension artérielle, de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) (définie par une bronchorrhée et une toux matinale durant plus de 2 mois par an et/ou l’existence d’un syndrome obstructif sur les épreuves fonctionnelles respiratoires préopératoires), de diabète, d’infarctus du myocarde et d’insuffisance rénale dialysée, le traitement médicamenteux préopératoire, le type de chirurgie (la chirurgie complexe comprenait la chirurgie combinée ou plurivalvulaire, la chirurgie de l’aorte thoracique, la cure d’anévrysme du ventricule gauche et la réfection du septum interventriculaire post-infarctus), le caractère d’urgence, la durée de chirurgie, l’utilisation peropératoire de récupérateur de sang (Dideco Compact, Dideco, Mirandola, Italie) ainsi que le saignement postopératoire des 24 premières heures. Pour les interventions réglées, les médicaments cardiovasculaires étaient maintenus jusqu’au jour de l’intervention à l’exception des inhibiteurs de l’enzyme de conversion qui étaient arrêtés la veille de l’intervention. La prémédication comprenait de l’hydroxyzine 1 mg kg–1 et de la morphine en sous-cutané 0,15 mg kg–1. L’anesthésie générale était assurée par du propofol (Diprivan®) ou du midazolam (Hypnovel®) associé à du sufentanil (Sufenta®). Le protocole anesthésique était laissé au libre choix de l’anesthésiste responsable. Le monitorage périopératoire comprenait une pression artérielle sanglante, une pression veineuse centrale, une oxymétrie de pouls, un électrocardiogramme avec monitorage du segment ST (DII, V5) (Solar Monitor 8000, Marquette, Milwakee). La mise en place d’un cathéter de Swan-Ganz et/ou l’utilisation d’une échocardiographie transœsophagienne étaient laissées au libre choix de l’anesthésiste. Les stratégies mécaniques d’épargne sanguine disponibles dans notre institut étaient la transfusion autologue différée programmée (TAP), l’hémodilution normovolémi-

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que intentionnelle et l’utilisation d’un récupérateur à sang. Les principales contre-indications de la TAP étaient le délai opératoire insuffisant, un taux d’hématocrite inférieur à 34 %, l’infarctus du myocarde récent, l’angor instable, la sténose serrée du tronc commun, la valvulopathie aortique symptomatique, la fraction d’éjection inférieure à 30 %, l’insuffisance cardiaque sévère, les infections bactériennes patentes, la sténose carotidienne, l’insuffisance respiratoire avec hypoxémie et le dépistage positif pour certains marqueurs viraux. La stratégie pharmacologique d’épargne sanguine était fondée sur l’utilisation peropératoire d’aprotinine (Trasysol®). Le protocole était une faible dose (un à deux millions d’unités inhibitrices de la kallicréine) administrée après l’induction anesthésique ou au départ de la circulation extracorporelle (CEC). L’utilisation d’une ou de plusieurs stratégies d’épargne sanguine était laissée au libre choix de l’anesthésiste. Il n’était pas imposé de seuil transfusionnel aux anesthésistes prescripteurs de Concentrés Globulaires (CG). Néanmoins pour chaque patient, il était noté le nombre total de CG transfusés en notant la valeur d’hémoglobine motivant la transfusion. Si le patient était transfusé à plusieurs reprises, la valeur d’hémoglobine la plus basse était retenue. Le choix de la membrane et du type de CEC était laissé au libre choix du chirurgien. Les circuits de CEC comportaient tous des réservoirs de cardiotomie rigides à l’exception des circuits de mini-CEC. Cette dernière technique n’était réalisée que pour les pontages aorto-coronariens. Durant la période postopératoire, la surveillance du saignement médiastinal était horaire. Une reprise chirurgicale était motivée par un saignement médiastinal horaire > 200 ml durant plus de 2 h consécutives et ceci en l’absence de troubles biologiques de la coagulation. Cette étude observationnelle ne modifiant en rien la conduite de soins du personnel médical et paramédical, l’obtention d’un consentement éclairé n’a pas été jugée nécessaire. Les résultats ont été exprimés en moyenne ± déviation standard. Une analyse univariée a été effectuée en utilisant un test de v2 ou un test t de Student suivant que les variables étaient discontinues ou continues. Les variables identifiées par l’analyse univariée ont été ensuite analysées en analyse multivariée par une régression logistique pas à pas (la valeur de p d’entrée était de 0,05). L’analyse statistique était effectuée grâce au logiciel NCSS 6.0 (Statistical Solutions Ltd, Cork, Irlande). Nous avons ensuite calculé les Odds Ratios (OR) et leurs intervalles de confiance à 95 % (IC 95 %). Une valeur de p < 0,05 était nécessaire pour éliminer l’hypothèse nulle. 3. Résultats Sur une période de 10 semaines, 335 patients consécutifs ont été inclus dans l’étude. Les caractéristiques périopératoires sont résumées dans le Tableau 1. Une mini-CEC a été réalisée chez 29 patients ayant bénéficié de pontages aortocoronariens. Les deux stratégies d’épargne sanguine les plus utilisées étaient l’aprotinine (78 % des patients) et la récupé-

Tableau 1 Caractéristiques périopératoires des patients de l’étude (n = 335) ˆ ge (ans) A < 50 ans 50–64 ans 65–79 ans ≥ 80 ans Sexe féminin Index de masse corporelle (kg m–2) FEVG préopératoire (%) Urgence Réintervention Antécédents médicaux Hypertension artérielle Diabète IDM préopératoire BPCO Insuffisance rénale dialysée Type de chirurgie Pontage aorto-coronarien Chirurgie valvulaire simple CIA Chirurgie complexe Bilan préopératoire Hb préopératoire(g dl–1) TP (%) TCA (sec) Fibrinogène (g l–1) Créatinine (µmol l–1) Urée (mmol l–1) Plaquettes (g l–1) Durée de séjour en réanimation (h)

64 ± 14 46 (14) 102 (30) 153 (46) 34 (10) 96 (29) 25,3 ± 4,0 58 ± 13 30 (9) 40 (12) 161 (48) 76 (23) 72 (21) 59 (18) 4 (1) 153 (46) 111 (33) 4 (1) 67 (19) 12,9 ± 1,7 90 ± 11 40 ± 12 4,2 ± 1,2 108 ± 63 8,0 ± 4,3 223 ± 79 60 ± 61 [médiane = 32]

Les résultats sont exprimés en moyenne ± DS ou en effectif (pourcentage entre parenthèses). FEVG = fraction d’éjection ventriculaire gauche, IDM=infarctus du myocarde, BPCO = broncho-pneumopathie chronique obstructive, CIA = communication interauriculaire, chirurgie complexe=chirurgie combinée, chirurgie plurivalvulaire, chirurgie de l’aorte thoracique, cure d’anévrysme du ventricule gauche, réfection du septum interventriculaire post-infarctus, Hb = taux d’hémoglobine, TP = temps de prothrombine, TCA = temps de céphaline activé).

ration peropératoire de sang (68 % des patients). La transfusion autologue différée programmée et l’hémodilution normovolémique intentionnelle ont été respectivement utilisées dans 2 et 1 % des cas. L’incidence de transfusion périopératoire était de 42% [IC 95 % : 37–47 %]. La répartition des culots transfusés a révélé que 54 % des patients transfusés ont reçu au plus deux CG (Fig. 1). Le nombre moyen de CG transfusés durant la période périopératoire était de 3,4 ± 2,7. L’incidence de la transfusion peropératoire était identique à celle de la transfusion durant le séjour en réanimation avec un taux de 27 % [IC 95 % : 22–32 %]. Le nombre moyen de CG transfusés au bloc et en réanimation était respectivement de 2,4 ± 1,2 et de 3,0 ± 2,5 (p < 0,05). Le seuil transfusionnel minimal moyen était respectivement au bloc opératoire et en réanimation de 7,4 ± 1,1 et de 8,0 ± 0,7 g dl–1. L’analyse univariée a révélé 12 facteurs associés à une transfusion périopératoire (Tableau 2). L’analyse multivariée

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n’a retenu que cinq facteurs prédictifs indépendants : un taux d’hémoglobine préopératoire < 12g dl–1, l’intervention urgente, la réintervention, la BPCO et la chirurgie complexe (Tableau 3).

4. Discussion

Fig. 1. Répartition du nombre de patients en fonction des concentrés transfusés.

Les principaux résultats de notre étude ont été les suivants : l’incidence de la transfusion sanguine homologue périopératoire en chirurgie cardiaque de l’adulte a été de 42 % et les facteurs prédictifs indépendants de transfusion périopératoire étaient un taux d’hémoglobine préopératoire < 12 g dl–1, l’intervention urgente, la réintervention, la BPCO et la chirurgie complexe.

Tableau 2 Analyse univariée : comparaison des paramètres périopératoires chez les patients transfusés et non transfusés en période périopératoire Variables ˆ ge ≥ 80 ans A Sexe féminin Index de masse corporelle (kg m–2) FEVG préopératoire Urgence Réintervention Antécédents médicaux Hypertension artérielle Diabète BPCO Insuffisance rénale dialysée Traitements préopératoires Bêta-bloquants IEC Inhibiteurs calciques Dérivés nitrés Diurétiques Antiplaquettaires Bilan préopératoire Hb préopératoire < 12 g dl–1 TP (%) TCA (s) Fibrinogène (g l–1) Créatinine (µmol l–1) Type de chirurgie Chirurgie combinée ou complexe Durée de chirurgie (min) Autotransfusion programmée différée Récupération peropératoire de sang Utilisation d’aprotonine peropératoire Saignement des 24 premières heures (ml)

Patients transfusés (n = 142) 23 (17) 54 (38) 24,5± 3,8 57 ± 14 22 (15) 26 (18)

Patients non transfusés (n = 193) 11 (6) 42 (22) 25,9±4,1 59 ± 12 8 (4) 14 (7)

p

72 (51) 39 (27) 35 (25) 4 (1)

89 (46) 37 (19) 24 (12) 0 (0)

NS NS < 0,05 NS

39 (27) 42 (30) 29 (20) 33 (23) 41(29) 60 (42)

72 (37) 44(23) 37 (19) 50 (35) 37 (19) 70 (36)

NS NS NS NS < 0,05 NS

65 (46) 87± 13 41 ± 11 4,4 ± 1,2 118 ± 85

19 (10) 92 ± 9 39 ± 13 4,0 ± 1,1 101 ± 41

< 0,001 NS NS NS < 0,05

41(29) 203 ± 79 0(0) 99 (70) 115 (81) 333 ± 296

26(13) 184 ± 52 8(2) 130 (67) 147 (76) 296 ± 191

< 0,001 <0,05 < 0,05 NS NS NS

< 0,05 < 0,05 < 0,05 NS < 0,01 < 0,05

Les résultats sont exprimés en moyenne ± DS ou en effectif (pourcentage entre parenthèses). FEVG = fraction d’éjection ventriculaire gauche préopératoire, IDM = infarctus du myocarde, BPCO = broncho-pneumopathie chronique obstructive, IEC = inhibiteurs de l’enzyme de conversion, Hb = taux d’hémoglobine, TP = temps de thrombine, TCA = temps de céphaline activé, chirurgie complexe = chirurgie combinée, chirurgie plurivalvulaire, chirurgie de l’aorte thoracique, cure d’anévrysme du ventricule gauche, réfection du septum interventriculaire post-infarctus. NS = Pas de différence significative.

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Tableau 3 Analyse multivariée : facteurs prédictifs de transfusion périopératoire Variables Hb préopératoire < 12 g dl–1 Urgence Réintervention BPCO Chirurgie complexe

Odds ratio [IC 95 %] 8,9 [4,8–16,5] 3,7 [1,4–10,0] 3,3 [1,5–7,3] 2,5 [1,3–4,9] 2,4 [1,3–4,5]

p < 0,001 < 0,01 < 0,003 < 0,02 < 0,02

IC95 % = intervalle de confiance à 95 %. Hb = taux d’hémoglobine, BPCO = broncho-pneumopathie chronique obstructive.

Malgré les techniques d’épargne sanguine disponibles de nos jours, une proportion non négligeable de patients de chirurgie cardiaque reste transfusée [4,7]. Notre étude a révélé que 42 % de nos patients ont été transfusés en période périopératoire. Bien que l’incidence de la transfusion soit sujette à une large variabilité intercentre [1], l’incidence retrouvée dans notre étude est à rapprocher de celle rapportée par d’autres auteurs utilisant des stratégies d’épargne sanguine comparables [4,7]. Notre étude a montré que parmi les stratégies d’épargne sanguine mécaniques, la récupération peropératoire de sang était la stratégie la plus utilisée. Une étude récente randomisée [4] confirme l’efficacité de cette technique en chirurgie cardiaque et démontre l’absence de bénéfice à y associer une hémodilution normovolémique intentionnelle qui, d’ailleurs, n’a été réalisée dans notre étude que dans 1 % des cas. La proportion de patients transfusés était comparable au bloc opératoire et en réanimation. Toutefois, les patients ont été quantitativement plus transfusés en réanimation qu’au bloc opératoire (2,4 ± 1,2 CG versus 3,0 ± 2,5 CG, p < 0,05). Le seuil transfusionnel minimal moyen en réanimation a été de 8,0 ± 0,7 g dl–1. Cette valeur d’hémoglobine est à rapprocher de celle préconisée par d’autres auteurs, qui suggèrent qu’une politique restrictive de transfusion sanguine (seuil transfusionnel de 8 g dl–1) est dénuée d’effets délétères chez des patients en période postopératoire d’une chirurgie coronaire [6]. L’innocuité d’une politique restrictive est confirmée chez des patients de réanimation porteurs d’une cardiopathie [12]. Enfin, une politique restrictive semble d’autant plus justifiée qu’une prescription abusive de concentrés globulaires est associée à une morbidité cardiovasculaire postopératoire plus élevée chez le patient de chirurgie cardiaque [13]. Une étude récente a établi une relation significative entre le plus bas taux d’hématocrite peropératoire et la mortalité intrahospitalière [14]. Ainsi, il semblerait qu’une valeur d’hématocrite < 23 % soit associée avec un risque de mortalité accrue [14]. Cette valeur correspond au seuil transfusionnel minimal moyen peropératoire de 7,4 ± 1,1 g dl–1 retrouvé dans notre étude. Plusieurs travaux ont tenté d’identifier les patients à risque de transfusion périopératoire [3,8–10]. Ainsi, le sexe féminin, l’âge avancé, le taux d’hémoglobine bas, la faible masse érythrocytaire, la chirurgie urgente, l’état de choc cardiogénique préopératoire et la chirurgie de longue durée sont des facteurs prédictifs de transfusion sanguine homologue. Tou-

tefois, ces études présentent de sérieuses limites. Certaines d’entre elles comportent un faible effectif [3], se limitent à la chirurgie coronaire [8] ou à la période peropératoire [9], tandis que d’autres sont rétrospectives [10]. L’analyse multivariée de notre étude a révélé cinq facteurs prédictifs de transfusion périopératoire : un taux d’hémoglobine préopératoire < 12 g dl–1, l’intervention urgente, la réintervention, la BPCO et la chirurgie complexe. Tous ces facteurs à l’exception de la BPCO sont des facteurs prédictifs classiquement rapportés dans la littérature [3, 8–10]. La BPCO constitue un facteur prédictif non antérieurement rapporté. L’hypothèse évoquée pourrait être une incidence de transfusion élevée en rapport avec un séjour prolongé en réanimation pour sevrage ventilatoire difficile. L’analyse de ce sous-groupe en révélant que les patients porteurs d’une BPCO sont transfusés dans les mêmes proportions au bloc opératoire et en réanimation infirme cette hypothèse. Toutefois, la proportion de patients atteints de BPCO retrouvée dans notre étude, plus élevée que celle rapportée classiquement, pourrait avoir influencé ce résultat inattendu. Afin d’apprécier de façon optimale la pertinence clinique de cette étude, certaines de ses limites méritent d’être soulignées. Il s’agit d’une étude observationnelle non comparative et non randomisée. Toutefois, ce type d’études permet une évaluation instantanée de notre pratique quotidienne indispensable à la pondération d’études comparatives ultérieures [15]. Notre étude se limitait à la période périopératoire immédiate en prenant fin à la sortie du patient de réanimation. Toutefois, certains patients avaient bénéficié d’une transfusion sanguine après leur séjour en réanimation. Ainsi, l’incidence réelle de la transfusion périopératoire au sein de notre centre a été probablement sous-estimée, bien que le nombre de patients transfusés après leur sortie de réanimation semble très faible. 5. Conclusion Cette étude observationnelle constitue, à notre connaissance, la première étude française rapportant les facteurs de risque périopératoires de transfusion sanguine en chirurgie cardiaque. Elle révèle que malgré les techniques d’épargne sanguine pharmacologique et mécanique largement utilisées, 42 % des patients de chirurgie cardiaque sont encore exposés à la transfusion sanguine. Notre étude a permis d’identifier cinq facteurs prédictifs indépendants de transfusion périopératoire : un taux d’hémoglobine préopératoire < 12 g dl–1, l’intervention urgente, la réintervention, la BPCO et la chirurgie complexe. Remerciements Les auteurs remercient les anesthésistes-réanimateurs et les infirmières des soins postopératoires du service de chirurgie cardiaque de la Pitié-Salpêtrière ainsi que Mme Céline Massicot pour leur précieuse collaboration au cours du recueil de données.

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