J Radiol 2010;91:1406-18 © 2010. Éditions Françaises de Radiologie. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
formation médicale continue
le point sur…
Imagerie des séquelles médullaires et rachidiennes post-traumatiques F Roffi (1), C Rech (2), J Ezra (1), C Le Breton (1), S Mokhtari (1), M Jarraya (1), F Eichwald (1), D Safa (1), C Vallee (1) et RY Carlier (1)
Abstract
Résumé
Imaging features of post-traumatic spine and cord lesions J Radiol 2010;91:1406-18 The imaging evaluation of post-traumatic spine and cord injuries is part of the global management of chronically handicapped patients. Diagnosis and follow-up MR imaging of cord lesions allows differentiation of static lesions from progressive lesions that could require surgical intervention. Follow-up CT imaging is helpful in the evaluation of spine lesions to distinguish between late complications (deformity, malunion, pseudoarthrosis, complications related to surgical hardware) and lesions secondary to the handicap (neurogenic spinal arthropathy).
L’imagerie des séquelles médullaires et rachidiennes posttraumatiques s’intègre dans la prise en charge globale du patient handicapé chronique. Le diagnostic et la surveillance IRM des lésions médullaires chroniques post-traumatiques permettent de différencier les séquelles statiques, conséquences habituelles du traumatisme, de la détérioration progressive pouvant nécessiter un geste thérapeutique. Le diagnostic et la surveillance tomodensitométrique des lésions rachidiennes chroniques post-traumatiques permettent de distinguer les complications post-thérapeutiques tardives (déformation, cal vicieux, pseudarthrose, complications liées au matériel chirurgical) des lésions intrinsèquement dues au handicap (arthropathie neurogène du rachis).
Key words: MRI. CT. Myelomalacia. Syrinx. Spinal deformity. Neurogenic spinal arthropathy.
Mots-clés : IRM. TDM. Myélomalacie. Syringomyélie. Déformation rachidienne. Arthropathie neurogène du rachis.
écrire de façon didactique les séquelles médullaires statiques (atrophie, section, kyste focal) et évolutives (myélomalacie, syringomyélie) en imagerie par résonance magnétique (IRM). Décrire de façon didactique les séquelles rachidiennes post-thérapeutiques en tomodensitométrie (TDM). Décrire de façon didactique les signes en imagerie de l’arthropathie neurogène du rachis (radiographies, TDM et IRM). Tels sont les objectifs que poursuit ce travail.
Les étiologies les plus fréquentes, tous âges confondus, sont les accidents de la voie publique (45 % des cas), les chutes (18 %, en particulier chez les plus de 45 ans), les agressions (16 %) et les accidents sportifs (13 %) (1). Chez l’adulte, les traumatismes médullaires touchent essentiellement le rachis cervical inférieur (niveaux C4, C5, C6 et charnière cervico-dorsale). En cas d’atteinte du rachis dorsal, la vertèbre T12 est la plus souvent touchée (1).
D
2. Notions élémentaires d’anatomie médullaire Séquelles médullaires
2.1. Morphologie externe
1. Épidémiologie
La moelle épinière s’étend de la première vertèbre cervicale à la deuxième vertèbre lombaire, sur 43 centimètres de longueur. La moelle présente deux renflements : un renflement cervical (de C4 à T1) et un renflement lombaire (de T12 à L1) qui correspondent à la naissance des plexus (plexus brachial et plexus lombo-sacré). Il existe 31 paires de nerfs spinaux qui naissent de la moelle épinière. Ils constituent les premiers segments des nerfs périphériques. Ils possèdent près de la moelle deux racines : la racine dorsale, sensitive, est pourvue d’un ganglion spinal dans lequel se trouvent les corps cellulaires des neurones sensitifs (cellules en T) ; La racine ventrale, motrice, contient le cylindraxe des neurones moteurs. Le nerf spinal ainsi constitué est donc un nerf mixte. La projection cutanée des territoires sensitifs des racines spinales détermine à la surface du corps des bandes sensitives plus ou moins parallèles : les dermatomes sensitifs. Chacun des dermatomes correspond à un niveau radiculaire précis.
L’incidence des traumatismes médullaires responsables de paraplégies ou de tétraplégies est d’environ 19.4/million d’habitants/ an en France, soit environ 1 200 nouveaux cas par an. La prévalence des blessés médullaires est aujourd’hui estimée à 40 000 sur le territoire français (1). Les traumatismes médullaires touchent essentiellement les adultes jeunes, de sexe masculin [sex-ratio (SR) : quatre hommes pour une femme], avec un pic de fréquence entre 20 et 35 ans (1). L’accidentologie routière (deux-roues) est la principale cause des blessés médullaires jeunes en France. Un second pic de fréquence survient entre 60 et 70 ans touchant indifféremment l’homme et la femme. Dans cette tranche d’âge, les blessures médullaires sont secondaires à des traumatismes le plus souvent mineurs, survenant généralement sur un canal cervical rétréci.
2.2. Vascularisation (1) Service d’Imagerie Médicale ; (2) Service de Médecine Physique et Réadaptation, Hôpital Raymond Poincaré, 104 boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches, France. Correspondance : F Roffi E-mail :
[email protected]
Les artères superficielles de la moelle sont disposées en 3 systèmes verticaux, anastomosés entre eux par un réseau horizontal périmédullaire qui lui-même distribue des artérioles pénétrantes (2) :
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Imagerie des séquelles médullaires et rachidiennes posttraumatiques
une artère spinale antérieure (située au niveau de la fissure médiane ventrale) et une paire d’artères spinales postérieures (droite et gauche). Le réseau horizontal est fourni par les branches terminales des artères radiculo-médullaires. Les branches pénétrantes de l’artère spinale antérieure assurent la vascularisation de la corne antérieure de la substance grise (aire motrice), et d’une partie du cordon latéral de la substance blanche, qui contient le faisceau pyramidal. Les branches pénétrantes périphériques du cercle péri-médullaire assurent la vascularisation des cordons de substance blanche. Les veines plus nombreuses et plus volumineuses sont satellites des artères déjà décrites. Il existe en plus dans le canal vertébral un très important réseau veineux épidural plexiforme, en position extra-durale et en rapport avec les veines des vertèbres.
2.3. Morphologie interne La moelle épinière est formée par la substance grise, qui est en situation profonde et la substance blanche, périphérique et superficielle. Au centre de la substance grise se trouve le canal de l’épendyme. La substance grise, à la coupe, a la forme d’un papillon, permettant de reconnaître des expansions antérieures appelées cornes ventrales qui ont une fonction motrice et des expansions postérieures appelées cornes dorsales qui ont une fonction sensitive. La substance blanche est formée par les fibres nerveuses recouvertes de leurs gaines et groupées en faisceaux. Les fibres sensitives montent dans la moelle vers les centres supérieurs. Les fibres motrices descendent vers les motoneurones. La substance blanche est donc une zone de passage. On distingue dans la substance blanche un certain nombre de territoires (cordons ventraux, cordons latéraux, cordons dorsaux). Dans ces cordons se trouvent tous les faisceaux nerveux moteurs et sensitifs en transit dans la moelle. On rappelle que : • Le faisceau spino-thalamique est dans le cordon latéral. Il croise à chaque niveau et véhicule la sensibilité thermo-algique controlatérale à la lésion. • La voie lemniscale se situe dans le cordon postérieur et achemine la sensibilité tactile et profonde homolatérale. • Le faisceau pyramidal est latéral et véhicule la motricité. • Le syndrome lésionnel est secondaire à la destruction d’un ou plusieurs métamères et entraîne un syndrome radiculaire périphérique (abolition du réflexe ostéotendineux, anesthésie, douleur). Il signe donc la souffrance d’une racine nerveuse, indiquant le niveau en hauteur et parfois le côté. • Le syndrome sous-lésionnel correspond à la libération des réflexes polysynaptiques et à la souffrance des voies longues médullaires (syndrome pyramidal, syndrome cordonnal postérieur) ainsi qu’aux troubles sphinctériens.
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est motrice et proprioceptive du côté lésé et thermo-algique du côté opposé. • Le syndrome centro-médullaire ou syndrome de la substance grise : la lésion centromédullaire interrompt les voies spino-thalamiques qui décussent dans la moelle. Il existe donc un déficit sensitif suspendu thermo-algique respectant la sensibilité proprioceptive. On observe aussi une atteinte des faisceaux pyramidaux et surtout une atteinte des cornes antérieures de la moelle provoquant une amyotrophie progressive du territoire correspondant. • Le syndrome de l’atteinte spinale antérieure (ou cordonnal antérieur ou syndrome de lésion antérieure) : il consiste en une paraplégie flasque avec une atteinte thermo-algique respectant la sensibilité profonde (les cordons postérieurs étant préservés). • Le syndrome de lésion postérieure (ou cordonnal postérieur). • Le syndrome d’atteinte du cône médullaire : cette atteinte associe des lésions radiculaires périphériques et une atteinte centrale médullaire (vessie neurologique centrale et insuffisance sphinctérienne).
4. Imagerie L’IRM joue un rôle capital dans la reconnaissance et la surveillance des lésions médullaires chroniques et s’intègre dans la prise en charge pluridisciplinaire du blessé médullaire, permettant un diagnostic positif de surveillance systématique et la confirmation d’une évolutivité de la lésion médullaire initiale (3). Pour le binôme clinicien-médecin radiologue, il est important de différencier les séquelles médullaires statiques (conséquences habituelles du traumatisme ne nécessitant pas de geste thérapeutique particulier) et la détérioration progressive (qui peut justifier une thérapeutique spécifique). Les séquelles médullaires statiques sont l’atrophie médullaire, la section médullaire et la cavité kystique. La détérioration progressive comprend la myélomalacie et la syringomyélie (3).
4.1. Technique L’IRM de la moelle en entier est l’examen de référence pour cartographier les lésions médullaires à la phase chronique chez le blessé médullaire (3, 4). Elle répond à quelques règles de bases : • L’exploration doit étudier l’ensemble de la moelle et englobe le plus souvent le sac dural.
Tableau I Classification ASIA. A Lésion complète : absence de fonction sensitive ou motrice en S4-S5
3. Clinique L’évaluation des déficiences se base sur un examen clinique neurologique, orthopédique et général. Elle s’aide de la classification ASIA (American Spinal Injury Association) (tableau I) qui permet de définir les différents niveaux neurologiques (moteur, sensitif) et d’adopter un langage clair, commun au niveau international. Les syndromes médullaires les plus fréquents sont : • Le syndrome de Brown-Séquard (syndrome de contusion latérale) : il correspond à l’atteinte d’une hémi-moelle. L’atteinte J Radiol 2010;91
B Lésion incomplète : présence d’une fonction sensitive (sans motricité) sous le niveau neurologique, s’étendant aux segments sacrés S4-S5 C Lésion incomplète : présence d’une fonction motrice sous le niveau neurologique, plus de la moitié des muscles clés ayant un score ≤ 3 D Lésion incomplète : présence d’une fonction motrice sous le niveau neurologique, la moitié des muscles clés ayant un score ≥ 3 E Examen Normal
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• Le plan sagittal est le plan de coupe électif de l’exploration médullaire, permettant de situer en hauteur la lésion et d’avoir une appréciation globale de la colonne vertébrale. • Deux plans de coupes (sagittal et axial) et deux pondérations (séquences T2 TSE et T1 TSE) sont le minimum requis pour une exploration satisfaisante car la plupart des lésions séquellaires médullaires post-traumatiques apparaissent sous la forme d’anomalies de signal non spécifiques (hypo-intenses en T1, hyperintenses en T2). • Le plan frontal et l’injection de Gadolinium ne sont pas nécessaires dans ce contexte d’exploration. • Les coupes pondérées T1 et T2 sont habituellement acquises avec les mêmes paramètres d’épaisseur de champ et de matrice. • Les séquences les plus sensibles pour la détection lésionnelle sont les séquences pondérées T2. • Afin d’obtenir un contraste suffisant entre moelle et liquide cérébro-spinal et un meilleur contraste intramédullaire, il convient de paramétrer la séquence T2 avec un TE, un TR et un train d’écho courts (TE : 80 millisecondes (ms)). Les séquences T2 ont donc un paramétrage différent des séquences utilisées dans la pathologie rachidienne courante (TE au-delà de 100 ms). • En pratique, quelques « trucs et astuces » sont souvent utiles pour optimiser l’exploration : • L’utilisation de séquence en inversion récupération dans le plan sagittal (Short Time Inversion Recovery ; STIR) avec temps d’écho court (TE = 10 ms) est très sensible pour la caractérisation lésionnelle médullaire. Dans notre institution, elle est systématique en cas de bilan initial de la phase chronique. • Certains constructeurs proposent un système qui permet une étude pan-médullaire d’un seul tenant, grâce aux mouvements continus ou discontinus de la table (Philips, Siemens). • Les séquences TSE sont peu sensibles aux artefacts de susceptibilités magnétiques et notamment au matériel en titane, aujourd’hui couramment utilisé. Les séquences en inversion récupération sont artéfactées en cas de matériel d’ostéosynthèse présent dans le rachis. • Le personnel paramédical doit être formé à l’installation des patients para- ou tétraplégiques ainsi qu’à leurs spécificités (présence de pompe à baclofène, spasticité accrue…). Le temps d’examen pour l’étude optimale de la totalité de la moelle est approximativement de quarante minutes pour un protocole complet (séquences sagittales T1 TSE, T2 TSE, STIR et axiales T2 TSE depuis la jonction crânio-rachidienne jusqu’au sacrum). Les séquences de flux (Ciné LCR) sont utiles dans certains contextes particuliers (troubles de circulation du LCR en cas d’arachnoïdite post-traumatique) et l’utilisation du tenseur de diffusion et de tracking de fibres médullaires de substance blanche fait actuellement l’objet de protocoles de recherche en imagerie. Dans notre institution, les blessés médullaires bénéficient d’une IRM pan-médullaire au cours de leur hospitalisation initiale, puis d’un examen annuel systématique de surveillance dont le protocole peut être allégé par rapport au bilan initial (séquence sagittale T2 TSE et axiale T2 TSE) en cas d’examen clinique stable. En cas de modification de la symptomatologie du blessé médullaire à la phase chronique (apparition d’un syndrome sus- ou sous-lésionnel, augmentation de la spasticité), une IRM médullaire sera pratiquée à la recherche d’une évolutivité de la lésion initiale.
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5. Séquelles statiques 5.1. Atrophie médullaire La moelle est dite atrophique si elle mesure moins de 7,5 millimètres (mm) d’axe antéropostérieur à l’étage cervical et moins de 6,5 mm à l’étage dorsal (3). L’atrophie est dite étendue si elle touche en hauteur au moins deux corps vertébraux. La topographie peut être sus- ou sous-lésionnelle. L’atrophie médullaire peut se voir dès 2 ans après le traumatisme. L’atrophie étendue est la complication médullaire la plus fréquente chez les patients traumatisés anciens : la prévalence est estimée à 62 % à 20 ans du traumatisme initial (3). Elle peut être isolée ou associée à d’autres anomalies : section médullaire sus-jacente, détérioration progressive (3).
5.2. Section médullaire Elle se définit par une interruption totale du cordon médullaire (fig. 1). Elle est rare, avec une prévalence de 4 % (4), l’étage thoracique étant le plus souvent atteint. Elle est souvent associée à d’autres anomalies en particulier à une atrophie médullaire sous jacente (4).
5.3. Cavité kystique On la définit comme une lésion intramédullaire ovale confinée à l’étage maximal du débord osseux corporéal (fig. 2). Elle est le plus souvent associée à des traumatismes de l’étage cervical. La prévalence globale est de 9 % après 20 ans et elle peut être entourée de myélomalacie (3). Elle ressemble au syrinx.
6. Détérioration progressive 6.1. Myélomalacie ou myélopathie myélomalacique post-traumatique progressive Elle se définit comme une image anormale intramédullaire en hyposignal T1 et hypersignal T2 à bord mal défini, localisée à la substance grise, en regard de la lésion osseuse (fig. 3), l’hypo-
Fig. 1 :
IRM médullaire, coupe sagittale T2 TSE. Tétraplégie complète chez un enfant de 7 ans après accident de la voie publique. L’IRM montre une section médullaire à hauteur de C5 sur fracture transdiscale de l’arc antérieur et de l’arc postérieur.
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a bc
Fig. 2 : a b c
IRM médullaire. Kyste médullaire cervical de C3 à 12 ans d’un traumatisme du rachis cervical chez un patient de 55 ans, découvert dans le cadre de la surveillance habituelle. Notez l’intérêt de la séquence sagittale STIR, très sensible pour la détection de l’anomalie de signal intramédullaire. coupe sagittale STIR. coupe sagittale T2 TSE. coupe sagittale T1 TSE.
a b
Fig. 3 :
a b
signal T1 étant moins marqué que celui du LCR. Elle peut être associée à une atrophie focale. La physiopathologie de la myélomalacie reste très incertaine : dans les formes très précoces (dès 2 à 3 semaines après le traumatisme initial) des phénomènes ischémiques ont été évoqués à l’origine de l’œdème, soit artériels par thrombose de l’axe spinal antérieur, soit veineux par ralentissement du retour veineux. Dans les formes plus tardives (plus de 6 semaines après le traumatisme initial) on évoque plutôt des phénomènes d’arachnoïdite péri-lésionnelle (responsable d’adhérences avec tractions sur la moelle) et ischémiques secondaires (5). La myélomalacie post-traumatique consisterait donc en une nécrose œdémateuse (œdème cytotoxiJ Radiol 2010;91
IRM médullaire. Tétraplégie C7 ASIA D post-traumatique chez un homme de 36 ans. Majoration de la spasticité, dont le bilan étiologique nécessite une IRM médullaire. Celle-ci montre une anomalie de signal de la substance grise intramédullaire (hypersignal T2), à bords mal limités, en regard du traumatisme : myélomalacie. coupe sagittale T2 TSE. coupe axiale T2 TSE.
que) de la substance grise, avec gliose réactionnelle et démyélinisation, évoluant vers la formation de microkystes. Elle peut aboutir à la formation d’une cavité liquidienne confluente ou à l’atrophie médullaire par effondrement des structures kystiques (3, 5). Il s’agit de l’image séquellaire la plus fréquemment mise en évidence après l’atrophie médullaire, avec une prévalence de 55 % des blessés médullaires anciens de plus de 20 ans (5). La myélomalacie peut être associée à la syringomyélie (3, 5). Elle se traduit cliniquement par un certain nombre de signes cliniques plus ou moins associés : douleurs segmentaires, troubles sensitifs ascendants, majoration ou apparition de déficit moteur,
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Imagerie des séquelles médullaires et rachidiennes posttraumatiques
majoration de la spasticité, apparition de troubles dysautonomiques (6).
6.2. Syringomyélie La cavité syringomyélique post-traumatique se distingue des autres formes de syringomyélie (tumorales ou secondaires à une malformation de Chiari) car elle prend son origine au sein même du parenchyme médullaire. Elle est latérale, extra-canaliculaire et non communicante avec le canal centro-médullaire ou le quatrième ventricule (6, 8). En IRM, on décrit la syringomyélie posttraumatique comme une cavité intramédullaire, de signal liquidien identique à celui du LCR (hypersignal T2 et hyposignal T1), expansive, tubulée, dont les limites sont bien définies et qui s’étend au-delà des limites du traumatisme osseux (fig. 4). La taille de la cavité est variable (2 à 6 corps vertébraux de hauteur) avec extension rostrale ou ventrale indifférente. Le délai d’apparition est variable de quelques mois à quelques années. Le risque est plus élevé pour les formes thoraciques ou thoraco-lombaires complètes. L’incidence d’apparition de la syringomyélie chez le blessé médullaire chronique varie de 5 à 28 % (6-8). Cliniquement, cette syringomyélie peut se manifester par : • L’apparition ou l’aggravation de douleurs neurogènes, de troubles végétatifs (HRA (Hyperréflectivité autonome), sueurs, hypotension orthostatique). • L’apparition de troubles sensitifs sus-lésionnels. • Plus rarement l’aggravation d’un trouble moteur. L’apparition des symptômes sus-cités doit donc faire rechercher l’apparition ou la progression d’une syringomyélie chez un blessé médullaire chronique jusqu’alors cliniquement stable.
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L’IRM peut alors montrer des critères d’hyperpression (disparition des espaces sous-arachnoïdiens, extrémités arrondies) ou d’évolutivité (progression de taille en hauteur). L’évolution spontanée de la syrinx est variable. Elle est stable ou peut grossir et devenir compressive. La recherche d’une évolution lésionnelle, de type myélomalacie ou cavitaire, chez un traumatisé médullaire symptomatique est essentielle car susceptible d’avoir une implication thérapeutique (8). En cas de signes compressifs sévères, le patient peut bénéficier d’un traitement neurochirurgical. La chirurgie (dérivation kysto-péritonéale, shunt syringo-sous-arachnoïdien, arachnoïdolyse) donne des résultats variables. La dérivation simple donne 12 à 53 % de succès, 10 à 56 % d’états identiques à la période préopératoire et 16 % de complications immédiates (8). 15 % des shunts seraient fonctionnels à 5 ans. La technique associant arachnoïdolyse, drainage et/ou marsupialisation du kyste donnerait de meilleurs résultats sur la récupération neurologique et sur les douleurs. Le traitement conservateur est parfois préconisé (9). Les 3 éléments clés à analyser afin de différencier myélomalacie et cavité syringomyélique en IRM sont donc l’étendue de la lésion, l’aspect de ses bords et l’intensité du signal.
Séquelles rachidiennes
1. Épidémiologie Les traumatismes du rachis sont une pathologie fréquente touchant environ 10 000 sujets par an en France (1). Ils se compliquent dans 10-20 % des cas d’une atteinte médullaire. L’association à un polytraumatisme est fréquente : 70 % des traumatisés du rachis ont une lésion menaçant le pronostic vital à court terme et 10 % des polytraumatisés ont une lésion rachidienne traumatique. Les traumatismes rachidiens touchent essentiellement les adultes jeunes, de sexe masculin (SR : trois hommes pour une femme), avec un pic de fréquence entre 15 et 24 ans. Les causes les plus fréquentes sont les accidents de la voie publique, suivis des accidents de travail puis des accidents sportifs (1).
2. Siège, classification
a b
Fig. 4 :
a b
IRM médullaire. Paraplégie post-traumatique C5 ASIA A à 7 ans d’évolution chez un patient de 35 ans. Apparition de douleur cervicale. Bilan étiologique motivant une IRM médullaire. Cavité liquidienne médullaire, à limites nettes, dont le signal est identique à celui du LCR, élargissant le cordon et étendue au-delà de la zone traumatique : syringomyélie. Coupe sagittale T2 TSE. Coupe sagittale T1 TSE.
La charnière dorso-lombaire est le siège le plus fréquent des lésions post-traumatiques rachidiennes. La répartition du siège des fractures est la suivante : • C1-C2 : 8 %. • C3 - C7 : 13 %. • D1 - D10 : 7 %. • D10 - L2 : 55 %. • L3 - L5 : 17 %. Parmi les classifications existantes permettant de juger de la stabilité d’une fracture à la phase aiguë, la plus utilisée est celle de Magerl (10). Elle comporte trois groupes principaux : • Le groupe A correspond à un mécanisme en compression. • Le groupe B correspond aux fractures par distraction. • Le groupe C correspond aux lésions résultant d’un mécanisme en rotation. Cette classification a un caractère pronostique, les subdivisions étant de gravité croissante. On classe arbitrairement les complications rachidiennes à la phase chronique en complications post-thérapeutiques et complications intrinsèquement liées au handicap post-traumatique (10). J Radiol 2010;91
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Imagerie des séquelles médullaires et rachidiennes posttraumatiques
3. Complications post-thérapeutiques Les complications rachidiennes pouvant survenir dans les suites de la prise en charge initiale sont la déformation rachidienne, la pseudarthrose, le cal vicieux et les complications liées au montage chirurgical. La surveillance en imagerie des traumatismes rachidiens à la phase chronique repose sur les radiographies standards et surtout sur la TDM. L’IRM n’a que peu ou pas de place dans l’imagerie des séquelles rachidiennes post-thérapeutiques. La tomodensitométrie rachidienne permet d’étudier : • La déformation post-traumatique [angle de déformation, angle de cyphose régionale, angle régional thoracique (ART), retentissement intracanalaire de la déformation] (fig. 5). • Le montage chirurgical : qualité du positionnement, conflit vulnérant éventuel, présence d’une chambre de résorption. • La consolidation osseuse. Le reformatage multiplanaire en fenêtres osseuses permet une description précise des points clés sus-décrits.
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créés soit une simple coulée ostéophytique, soit une synostose extra-discale mixte osseuse et fibreuse, soit un véritable pont osseux, soit un bloc vertébral. À côté de ces cals vicieux « régionaux » il faut faire une place à part aux « cals vicieux locaux » qui respectent la morphologie globale de l’axe vertébral mais dont la déformation siège au niveau de la vertèbre elle-même, constituée le plus souvent par un recul intracanalaire du mur postérieur avec possibilité de retentissement neurologique. Les facteurs de risque sont : • La maladie de Scheuermann.
3.1. Déformation rachidienne Les déformations post-traumatiques du rachis survenant chez le blessé à la phase chronique sont des lésions graves, devenues de plus en plus fréquentes au fil du temps en raison des progrès effectués dans la prise en charge initiale des patients. Elles succèdent à des fractures dont le traitement initial (conservateur ou chirurgical) s’est avéré insuffisant par méconnaissance soit de leur gravité initiale soit le plus souvent de leur potentiel évolutif. Le terme de « cal vicieux du rachis » est consacré par l’usage pour définir l’ensemble des déformations post-traumatiques (« Post-traumatic Kyphosis » des auteurs anglo-saxons) (11). On peut considérer que cette lésion est établie après 45 jours, délai au-delà duquel les atteintes articulaires sont irréductibles et les lésions osseuses « figées » par l’ostéogenèse réparatrice. On distingue : • Les lésions « fixées » d’origine osseuse, véritables « cals vicieux ». • Les lésions « mobiles ou instables » d’origine plutôt discoligamentaire dénommées pseudarthroses. La différenciation n’est pas toujours facile car l’association quasiconstante de lésions osseuses et disco-ligamentaires dans les traumatismes du rachis explique l’intrication possible des deux séquelles. La déformation rachidienne post-traumatique la plus fréquente à la phase chronique est la cyphose, dont le siège le plus habituel est thoracique ou thoraco-lombaire (fig. 6) (12). La déformation est souvent associée à une plainte douloureuse. La douleur peut être liée à la déformation elle-même, à un disque douloureux ou à la compensation lordotique sus- ou sous-lésionnelle. La déformation peut elle-même être à l’origine d’un déficit neurologique (11).
Fig. 5 :
Mesure des angles de déformation post-traumatique. Schéma d’un tassement vertébral post-traumatique. 1 : angle de cyphose vertébrale. 2 : angle de cyphose régionale.
a b
3.2. Cals vicieux Il s’agit de déformations structurales consécutives à la consolidation en position vicieuse de fractures corporéales réalisant un tassement cunéiforme antérieur dans le plan sagittal associé à une angulation frontale plus ou moins importante mais toujours inférieure à la sagittale. Ces déformations siègent sur une ou deux vertèbres adjacentes. Leur fréquence est plus grande aux niveaux thoracique et lombaire. Selon le degré de fusion osseuse seront J Radiol 2010;91
Fig. 6 : a b
Rachis dorsal. Radiographie du rachis dorsal de profil. TDM du rachis dorsal avec reformatage sagittal en fenêtre osseuse. Importante cyphose angulaire sur montage chirurgical court dans les suites d’une fracture de D4 avec recul du mur postérieur chez un patient de 35 ans.
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Imagerie des séquelles médullaires et rachidiennes posttraumatiques
• Un antécédent de laminectomie. • Le montage court. • La laminectomie sans instrumentation. • La sévérité du mécanisme fracturaire initial (Fractures A3 et B1 de la classification de MAGERL). La moitié des patients qui présentent un montage chirurgical court auront une cyphose progressive de 10 degrés ou plus avec évolution possible vers l’état préopératoire (13). Un montage chirurgical d’au moins deux niveaux de part et d’autre de la fracture est donc recommandé pour éviter cette complication. La mesure de l’ART se fait sur les clichés radiographiques standards ou sur le bilan scanographique. Un ART de 20 degrés ou plus est une indication à une reprise chirurgicale pour correction de la déformation. Les cyphoses post-traumatiques lombaires sont plus rares mais moins bien tolérées que les cyphoses thoraciques. On calcule l’ART en soustrayant l’angle de cyphose régionale à l’angulation physiologique propre de la vertèbre concernée (fournie par les abaques de Stagnara et coll.). Les définitions des angles sus-cités sont fournies dans le tableau II.
Tableau II Angles post traumatiques. Cyphose vertébrale = angle formé par les tangentes aux plateaux supérieur et inférieur de la vertèbre fracturée. Cyphose régionale = angle formé par les tangentes aux plateaux supérieur et inférieur des vertèbres sus- et sous-jacentes à la fracture. ART = Cyphose régionale – angulation physiologique de la vertèbre concernée. L’ART est mesuré classiquement sur les clichés standards mais on peut utiliser les reconstructions TDM sagittales.
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3.3. Pseudarthroses Elles succèdent à des lésions disco-ligamentaires majeures, telles que les réalisent les dislocations ou les lésions en flexiondistraction trans-ligamentaires (particulièrement fréquentes au niveau de la charnière thoraco-lombaire), voire à certaines fractures comminutives. Les laminectomies élargies aux articulaires postérieures favorisent leur apparition. L’arrièrepensée d’une infection à bas bruit doit toujours rester présente à l’esprit car celle-ci peut favoriser la pseudarthrose. Le signe direct en imagerie est l’absence de fusion osseuse au niveau du foyer fracturaire. Les signes indirects de pseudarthrose en imagerie sont une chambre de mobilité autour des vis pédiculaires, la présence d’un vide discal ou un glissement intervertébral.
3.4. Complications liées au matériel chirurgical La TDM permet de s’assurer de la bonne qualité de l’ostéosynthèse et de l’absence de complication mécanique. Le type de montage chirurgical est variable : ostéosynthèse postérieure par tiges et vis pédiculaires le plus souvent, reconstructions corporéales par cage ou greffon de péroné plus rarement. On analysera les points clés suivants : • La qualité de l’ostéosynthèse : les vis pédiculaires doivent idéalement passer par le pédicule sans effraction de ses quatre corticales supérieure, inférieure, latérale et médiale. • La recherche de complications mécaniques : chambre de mobilité autour du matériel, déplacement ou démontage d’une tige chirurgicale, fracture ou expulsion de vis (fig. 7). En cas de montage chirurgical cervical antérieur, l’apparition progressive d’une dysphagie doit faire rechercher une plaque en position trop antérieure ou une vis saillant sur l’œsophage (fig. 8) (14).
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Fig. 7 : a b c
TDM du rachis dorsal. Douleur rachidienne inférieure chez un patient de 50 ans paraplégique post-traumatique. La TDM avec reformatage multiplanaire axial, coronal et mode VRT montre un démontage à la partie inférieure de la tige droite avec bursite sous-cutanée réactionnelle. TDM coupe axiale. TDM coupe coronale. Mode VRT.
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Fig. 8 :
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4. Complication rachidienne liée au handicap : arthropathie neurogène du rachis L’arthropathie neurogène du rachis (« Charcot spine » ou « spinal neuroarthropathy » des auteurs anglo-saxons) est une ostéoarthropathie nerveuse, décrite pour la première fois en 1868 par Charcot au cours de la syphilis tertiaire. Il s’agit d’une destruction progressive aseptique du rachis (disque intervertébral et vertèbres adjacentes) pouvant compliquer n’importe quelle atteinte nerveuse. Sa physiopathogénie est complexe : elle surviendrait lorsqu’une articulation reste mobile, alors qu’elle a perdu en partie ses sensations régulatrices. On estime qu’elle est la conséquence de troubles de la sensibilité proprioceptive et nociceptive, auxquels vient s’ajouter une atteinte du système nerveux autonome. Ainsi, certains mouvements articulaires répétés sur zone insensible engendreraient des microtraumatismes à l’origine de lésions articulaires (15). L’arthropathie neurogène du rachis peut survenir de façon isolée ou accompagner l’ostéo-arthropathie neurogène des membres (10-20 %). Elle partage ses étiologies avec les formes périphériques (tableau III). Les lésions médullaires traumatiques sont l’étiologie la plus fréquente (16). L’arthropathie siège toujours en dessous de l’étage lésé, pouvant s’étendre sur un ou plusieurs niveaux adjacents ou non, volontiers à proximité de la charnière dorsolombaire. C’est une complica-
Tableau III Principales étiologies des arthropathies neurogènes du rachis. Traumatismes médullaires avec paraplégie Syringomyélie Tabès Diabète Tumeur médullaire ou méningée Insensibilité congénitale à la douleur Myélite ischémique, inflammatoire, radique Malformation artério-veineuse
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TDM du rachis cervical. Dysphagie à 1 an d’une fracture cervicale C4 et C5 traitée par ostéosynthèse antérieure et greffon intersomatique. Pseudarthrose du greffon, en position trop antérieure. Vis inférieures potentiellement vulnérantes sur l’œsophage. TDM du rachis cervical : reformatage sagittal en fenêtre osseuse. TDM du rachis cervical : reformatage axial en fenêtre osseuse.
tion qui survient tardivement chez le blessé médullaire, dans un délai de 6 à 30 ans après la lésion initiale (17). Cette arthropathie survient plus fréquemment chez les patients paraplégiques sportifs ou lorsque la lésion initiale a fait l’objet d’une laminectomie étendue qui favorise l’instabilité du rachis (18). Le diagnostic est souvent tardif, à un stade où la destruction disco-vertébrale est déjà évoluée, car la symptomatologie est souvent peu bruyante. Chez un patient paraplégique ou tétraplégique, l’attention doit être attirée par l’apparition d’un trouble statique du rachis (scoliose ou cyphose), la difficulté à maintenir la position érigée du tronc pour le patient en fauteuil ou par la perception de craquements par le patient ou son entourage lors des transferts. Le diagnostic doit être aussi évoqué devant une modification de l’examen neurologique : il peut s’agir de l’apparition de troubles sensitifs radiculaires, d’une augmentation de la spasticité, d’un syndrome de la queue-de-cheval ou de signes évoquant une dysautonomie (hypotension artérielle, troubles du transit intestinal ou vésicosphinctériens) (19). La TDM et l’IRM forment un binôme complémentaire pour confirmer le diagnostic (15). La TDM est très performante pour l’analyse des zones de constructions ou destructions osseuses et de l’arc postérieur (fig. 9). L’IRM est indispensable pour l’analyse du disque, du signal osseux et des collections liquidiennes (15). (fig. 10). La radiographie standard, souvent réalisée dans un premier temps, peut ne révéler qu’un pincement discal avec condensation des plateaux vertébraux et ostéophytose, volontiers interprétées comme des lésions dégénératives banales (18). Malheureusement, l’affection est fréquemment découverte au stade d’arthropathie destructrice qui associe des signes d’érosions osseuses, d’instabilité et de reconstruction anarchique (18). Le pincement du disque s’accompagne alors d’une érosion souvent majeure des plateaux vertébraux adjacents qui sont le siège d’une condensation hétérogène (fig. 9). Deux phases peuvent être individualisées en imagerie : au début de l’atteinte, il est souvent mis en évidence un aspect inflammatoire diffus en miroir des vertèbres avec préservation de l’unité disco-vertébrale (15) (fig. 10). À la phase plus évoluée de la maladie, la destruction disco-vertébrale de l’arc
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Fig. 9 : a b c
TDM du rachis lombaire. Charcot-spine L2-L3 chez un patient de 40 ans, 11 ans après une paraplégie traumatique : la TDM du rachis lombaire montre une atteinte de l’unité disco-vertébrale et de l’arc postérieur associant : pincement et phénomène du vide discal ; constructions osseuses et débris anarchiques ; condensation réactionnelle en miroir des plateaux vertébraux. TDM du rachis lombaire en reformatage coronal. TDM du rachis lombaire en reformatage axial. TDM du rachis lombaire en reformatage sagittal.
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Fig. 10 :
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postérieur, une condensation osseuse corporéale et la formation de débris osseux autour de l’unité disco-vertébrale sont les signes les plus fréquents (15). La présence d’un vide discal écarte l’hypothèse d’un sepsis et oriente le diagnostic étiologique (fig. 9). L’ostéophytose périphérique est exubérante. L’instabilité, majorée éventuellement par la destruction des articulations articulaires postérieures, peut être à l’origine d’une subluxation des vertèbres
IRM du rachis dorso-lombaire. Charcot-spine L1L2 chez un homme de 37 ans, 29 ans après une paraplégie D10 post-traumatique. L’IRM montre une volumineuse collection intervertébrale liquidienne et un épaississement des parties molles péri-rachidiennes. IRM du rachis dorso-lombaire : séquence sagittale T2 TSE. IRM du rachis dorso-lombaire : séquence coronale T2 TSE.
(fig. 11) : celle-ci sera recherchée par des radiographies dynamiques du rachis de profil, en position couchée et assise (18) (fig. 11). Au maximum, les corps vertébraux en partie lysés s’encastrent les uns dans les autres. Le rétrécissement parfois considérable du canal rachidien explique les manifestations neurologiques possibles (18). Les parties molles sont volontiers le siège de pseudo-abcès facilement détectables au scanner ou à l’IRM, qui correspondent J Radiol 2010;91
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Fig. 11 :
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aux débris osseux en voie de résorption (15). Le diagnostic différentiel de ces arthropathies se pose en premier lieu avec les spondylodiscites infectieuses à germes banals ou à mycobactéries (15). La recherche d’une porte d’entrée septique, d’une fièvre ou d’un syndrome inflammatoire biologique est nécessaire. L’hypothèse d’une atteinte tumorale compte tenu de l’importance de la destruction osseuse peut parfois aussi être discutée. Parfois, une biopsie disco-vertébrale percutanée se justifie pour confirmer le diagnostic : elle révèle un aspect de nécrose osseuse et de réaction inflammatoire non spécifique et permet d’écarter une infection ou une tumeur. La prise en charge thérapeutique relève de la chirurgie dès qu’il existe une compression neurologique ou une cyphoscoliose importante. En effet, lors des destructions disco-vertébrale évoluées, le traitement médical associant repos et corset s’avère insuffisant (20). Il est important de restaurer un équilibre rachidien tant frontal que sagittal pour assurer au patient paraplégique une position assise stable et confortable. Une arthrodèse étendue, antérieure et postérieure par greffe osseuse et instrumentation, est souvent nécessaire (21).
Conclusion L’imagerie des séquelles médullaires et rachidiennes post-traumatiques s’intègre dans la prise en charge globale du blessé médullo-rachidien. Une collaboration multidisciplinaire entre médecins rééducateurs, chirurgiens orthopédistes et radiologues est indispensable pour une prise en charge spécifique. Les deux complications évolutives à ne jamais méconnaître sont l’apparition d’une cavité syringomyélique post-traumatique et l’arthropathie neurogène du rachis, qui relèvent de traitements spécifiques. J Radiol 2010;91
Clichés dynamiques montrant l’atteinte L2-L3 avec hypermobilité et accentuation de la cyphose par encastrement de L2 dans L3 lors du passage de la position couchée à assise. Radiographie du rachis dorso-lombaire en position couchée. Radiographie du rachis dorso-lombaire en position assise.
Points à retenir • La surveillance des séquelles médullaires et rachidiennes posttraumatiques repose sur l’imagerie en coupes, respectivement IRM et TDM. • Rechercher une épine irritative médullaire (syringomyélie) chez un patient traumatisé médullaire dont la spasticité augmente. • Reconnaître les aspects en imagerie des arthropathies neurogènes du rachis chez le traumatisé médullaire et les distinguer des spondylodiscites.
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Cas clinique
Pour le médecin rééducateur, le but du bilan est d’éliminer en priorité une syringomyélie post-traumatique.
Histoire de la maladie Une patiente de 68 ans, paraplégique post-traumatique T10 ASIA A depuis 20 ans, vous est adressée pour bilan étiologique d’une recrudescence lombaire douloureuse sur lombalgie chronique depuis 5 ans. Un bilan d’imagerie complet vous est fourni (fig. 1 à 3) (radiographies standards, IRM full spine, TDM du rachis dorso-lombaire).
Fig. 1 :
Questions 1) Quel est le type de montage chirurgical ? 2) Décrivez la sémiologie TDM et IRM. 3) Déduisez le diagnostic.
Radiographie standard du rachis lombaire de face.
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Fig. 2 : a b
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IRM. IRM full spine coupe sagittale T2 TSE. IRM full spine coupe coronale T2 TSE.
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Fig. 3 :
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TDM du rachis lombaire : reformatage sagittal en fenêtre osseuse.
1) Arthrodèse étendue par montage chirurgical de type Harrington. 2) IRM : volumineuse collection liquidienne en hypersignal T2 remplaçant l’unité disco-vertébrale L3-L4. Destruction de L3. Luxation antérieure et latérale de L4. Épaississement des parties molles autour de L3 et L4. TDM : importants débris osseux autour de l’unité disco-vertébrale L3-L4, détruite. Condensation corporéale osseuse réactionnelle. Atteinte de l’arc postérieur. Occlusion complète du canal lombaire L3-L4. 3) Charcot-spine L3-L4 évolué, à l’origine d’une instabilité rachidienne majeure.
car évocateurs d’une instabilité rachidienne : diminution de taille en position assise par rapport au décubitus dorsal, craquements des vertèbres lors des transferts. La sémiologie en imagerie dépend du stade de l’arthropathie (phase inflammatoire précoce, phase destructrice tardive) et se caractérise par l’atteinte destructrice progressive de l’unité disco-vertébrale. Le principal diagnostic différentiel se pose avec la spondylodiscite infectieuse et la biopsie discovertébrale est parfois le seul élément qui permet d’écarter définitivement l’hypothèse infectieuse. Cette patiente était par ailleurs porteuse d’un matériel de stimulation médullaire (ne contre-indiquant pas l’IRM) et a finalement refusé la prise en charge chirurgicale (arthrodèse et greffe osseuse) proposée par le chirurgien orthopédiste.
Commentaire
Message pédagogique
Ce cas radio-clinique illustre les enjeux diagnostiques de l’arthropathie neurogène du rachis. Il s’agit d’une pathologie rare et mal connue mais classique chez le blessé médullo-rachidien. Certains signes doivent être recherchés à l’interrogatoire
Lors d’une lors d’une atteinte disco-vertébrale (destructrice ou reconstructrice anarchique) chez un blessé médullo-rachidien à la phase chronique, il faut évoquer en priorité le diagnostic d’arthropathie neurogène du rachis.
Réponses
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