Bull Cancer 2018; 105: S43–S49
Synthèse
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Immunothérapie dans les carcinomes urothéliaux Constance Thibault Service d’oncologie médicale, Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris, France
Correspondance : Constance Thibault
[email protected]
Mots clés Carcinomes urothéliaux Inhibiteurs de checkpoints immunologiques Vaccin Immunothérapie
Keywords Urothelial carcinoma Immune checkpoint inhibitors Vaccine Immunotherapy
Résumé Les avancées thérapeutiques durant les 30 dernières années dans les cancers de la vessie ont été très limitées. Le xxie siècle s’annonce plus prometteur avec l’avènement des immunothérapies, avec en tête de liste les inhibiteurs des checkpoints immunologiques Programmed Cell-Death 1 (PD-1)/Programmed Death-Ligand 1 (PD-L1), dont les résultats des essais précoces laissent espérer que ces nouvelles thérapies s’inscriront bientôt dans l’arsenal thérapeutique des carcinomes urothéliaux. Cet article résume les données cliniques des essais thérapeutiques actuellement en cours des immunothérapies (inhibiteurs des checkpoints immunologiques, vaccin, cytokines), ainsi que les associations avec les chimiothérapies, les antiangiogéniques et la radiothérapie.
Summary Immunotherapies for urothelial carcinoma Therapeutic advances in the last 3 decades in bladder cancer were very limited. The 21th century will be more promising with the advent of immunotherapies, with at the top of the list the immune-checkpoint inhibitors. The promising results of the early trials let us hope that these new therapies will soon enroll in the therapeutic landscape of urothelial carcinoma. This article reviews the clinical data of ongoing immunotherapeutic trials (checkpoint inhibitors, vaccine, cytokine) and also the association of the therapies with chemotherapy, antiangiogenics and radiotherapy. Cet article fait partie du numéro supplément Nouvelles perspectives dans l’immunothérapie des cancers réalisé avec le soutien institutionnel des partenaires AstraZeneca, Bristol-Myers Squibb, Roche.
Introduction
Bulletin du tome 105 > Supplément 1 > Décembre 2018 © 2018 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Avec une incidence de 12 000 cas en 2012, le cancer de la vessie représente le cinquième cancer le plus fréquent en France (données de l’institut de veille sanitaire) [1]. En cas de maladie tumorale superficielle (tumeur de vessie n’infiltrant pas le muscle [TVNIM]) (ce qui représente 75 % des cancers de la vessie), le pronostic reste excellent après traitement chirurgical, avec comme
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principal risque celui d’une récidive locale, notamment sous forme invasive. En revanche, en cas de tumeur de vessie infiltrant le muscle (TVIM), le pronostic est plus réservé, même en cas de maladie localisée à la vessie avec survie à 5 ans variant de 60 % (en cas de maladie T2 N0) à 30 % (en cas de maladie N+). Au stade métastatique, le pronostic est sombre avec une médiane de survie à 14 mois. Le cancer de la vessie est longtemps resté le parent pauvre des avancées thérapeutiques en onco-urologie. Depuis l’avènement dans les années 1980 du protocole méthotrexate, vinblastine, adriamycine, cisplatine (MVAC), puis dans les années 1990 de la gemcitabine, aucune nouvelle thérapie n’a révolutionné la prise en charge de ces patients. La vinflunine est la dernière molécule à avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM), pour un bénéfice modéré. Mais la deuxième décennie du xxie siècle s’annonce plus optimiste avec l’arrivée des thérapies ciblées (avec en tête de liste les inhibiteurs du Fibroblast Growth Factor Receptor [FGFR]) et des immunothérapies [2]. Si le concept n’est pas récent, il aura fallu néanmoins attendre presque 25 ans entre la première utilisation de la BCG thérapie dans les TVNIM par le Dr Alvaro Morales [3] et le développement de nouvelles thérapies ayant pour objectif de stimuler la réponse immunitaire antitumorale. Cette revue abordera les différentes immunothérapies actuellement en développement dans les cancers urothéliaux (les inhibiteurs des checkpoints ainsi que les autres molécules en développement) et les associations prometteuses avec les thérapeutiques actuelles (antiangiogénique, radiothérapie, chimiothérapie).
Inhibiteurs des checkpoints immunologiques Le système immunitaire repose sur un équilibre entre la stimulation et l’inhibition des cellules impliquées dans la réponse immunitaire régulée par des molécules appelées checkpoints (Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4 [CTLA-4], PD-1/PD-L1, Lymphocyte-Activation Gene 3 [LAG-3]). Lors du développement du cancer, les cellules tumorales échappent par différents moyens à la surveillance du système immunitaire (tolérance, synthèse de molécules immunosuppressives).
Au stade métastatique
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Les premières molécules à avoir montré une efficacité dans les carcinomes urothéliaux sont les inhibiteurs du checkpoint immunologique PD-1/PD-L1. Le pembrolizumab et l’atezolizumab sont les molécules ciblant ce checkpoint dont le développement s’est fait initialement en 2e ligne de traitement après échec d’une 1re ligne à base de sels de platine (tableau I). •• Le pembrolizumab (MK 3475, laboratoire MSD) est un anticorps de type IgG4 ciblant PD-1, qui a déjà montré son efficacité dans le mélanome métastatique et dans le cancer bronchique. Il a montré des résultats intéressant en phase I dans les carcinomes urothéliaux métastatiques, localement avancés après échec de traitement par chimiothérapie à base de sels de platine. Les résultats de la cohorte d’expansion montraient
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un taux de réponse objective de 24 % sur les 33 patients traités (dont 10 % de réponse complète), pour un profil de tolérance acceptable (seulement 15 % de grade 3-4, et 9 % de grade 3-4 d’effets secondaires immunologiques) [4]. La phase III KEYNOTE-045 (NCT02256436) comparant le pembrolizumab à la chimiothérapie en 2e ligne de traitement (vinflunine, docétaxel, ou paclitaxel) s’est révélée positive sur son critère de jugement principal, à savoir la survie globale avec un bénéfice en faveur du pembrolizumab (10,3 mois vs 7,4 mois, HR = 0,73 ; IC 95 % : 0,59-0,91 ; p = 0,002) [5]. À noter que les courbes de survie se croisent au 4e mois, la courbe des patients sous chimiothérapie étant au-dessus de celle sous pembrolizumab alors que le nombre de décès est identique dans les deux groupes (n = 71 sous pembrolizumab et n = 80 sous chimiothérapie). Cela peut s’expliquer en partie par le nombre important de patients censurés dans le bras chimiothérapie pour retrait de consentement. La survie sans progression n’était pas significativement différente dans les deux groupes (comme souvent dans les études avec l’immunothérapie) mais le taux de réponse objective était plus important sous immunothérapie (21 % vs 11 %, p = 0,001). L’étude en sous-groupe montrait un bénéfice dans tous les sous-groupes, y compris en cas de métastases hépatiques, de tumeur n’exprimant pas PD-L1 (marquage < 1 %) et quelle que soit la molécule de chimiothérapie utilisée dans le bras contrôle. Concernant la tolérance, pas de surprise avec un profil largement en faveur du pembrolizumab (grades 3-4 : 15 % sous pembrolizumab vs 49 % sous chimiothérapie). Ces résultats ont donc permis l’obtention d’une AMM européenne. Néanmoins, l’amélioration du service rendu (ASMR) a été considérée comme mineure (ASMR IV) par la Haute Autorité de santé (HAS) (avis du 21 février 2018) et le remboursement en France ne sera malheureusement pas accordé dans cette indication. •• L’atezolizumab (MPDL3280A, laboratoire Roche) est un anticorps de type IgG1 ciblant PD-L1. Le rationnel théorique au ciblage de PD-L1 plutôt que PD-1 serait celui d’une toxicité moindre, étant donné qu’il n’empêche pas l’interaction entre PD-1 et son 2e ligand PD-L2. Les résultats des phases I étaient prometteurs avec une efficacité similaire à celle du pembrolizumab (tableau I), là encore en 2e ligne de traitement après échec d’une chimiothérapie à base de sels de platine, et ont été confirmés dans l’étude de phase II non randomisée (IMvigor 210), qui a inclus 310 patients prétraités par chimiothérapie et 119 patients naïfs de chimiothérapie non éligibles au cisplatine (tableau I) [6,7]. Néanmoins, contre toute attente, les résultats de l’étude de phase III IMvigor 211 (NCT02302807) n’ont pas objectivé de différence statistiquement significative en termes de survie globale (11,1 mois vs 10,6 mois) dans la population PD-L1 positive (critère de jugement principal). En revanche, l’analyse faite en intention de traiter montre un bénéfice en survie en faveur de l’atezolizumab (8,6 mois vs 8,0 mois, HR = 0,85, p = 0,038), raison pour laquelle la molécule a obtenu une AMM européenne. En revanche, le remboursement ne sera
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Tableau I
Résultats des études des anticorps anti-PD-1/PD-L1 en développement dans les carcinomes urothéliaux
Molécules
Toxicité grade 3-4
Phase
Population
Patients
Résultats
Phase I
Après échec CT platines
n = 92
ORR : 42 % (PD-L1+) ORR : 11 % (PD-L1–)
8 %
Phase II (IMvigor-210) NCT02108652
Cohorte 1 : 1re ligne pts inéligibles au cisplatine Cohorte 2 : Après échec de CT platines
Cohorte 1 n = 119 Cohorte 2 N = 310
Cohorte 1 SG : 15,9 mois ORR : 23 % Cohorte 2 SG : 7,9 mois ORR : 15 % (26 % PD-L1+)
16 %
Phase III (IMvigor-211) NCT02302807
Après échec CT platines
n = 911
SG : 11,1 mois vs 10,6 mois ORR : 13 % vs 13 %
20 %
Phase I (KEYNOTE-012) NCT01848834
Après échec CT platines
n = 33
26 %
15 %
Phase II (KEYNOTE-052) NCT02335424
1re ligne chez pts inéligibles au cisplatine
n = 370
ORR : 24 %
19 %
Phase III (KEYNOTE-045) NCT02256436
Après échec CT platines
n = 542
SG : 10,3 mois vs 7,4 mois 21 % vs 11 %
15 %
Nivolumab (anti-PD-1)
Phase II (CheckMate-275)
Après échec CT platines
n = 270
SG : 8,7 mois ORR : 20 %
18 %
Durvalumab (anti-PD-L1)
Phase I/II
Après échec CT
n = 61
ORR : 31 % (46,4 % PD-L1+) (0 % PD-L1-)
5 %
Avelumab (anti-PD-L1)
Phase Ib
Après échec CT
n = 44
ORR : 18 %
8 %
Atezolizumab MPDL3280A (anti-PD-L1)
Pembrolizumab MK3475 (anti-PD-1)
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Immunothérapie dans les carcinomes urothéliaux
ORR : taux de réponse objective, CT : chimiothérapie.
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exprime PD-L1 (combined positive score ≥ 10 % pour le pembrolizumab, PD-L1 ≥ 5 % pour l’atezolizumab). La monothérapie par anti-PD-1/PD-L1 pourrait néanmoins avoir sa place chez les patients non éligibles au cisplatine. L’étude préliminaire de la phase II (KEYNOTE-052) qui évaluait le pembrolizumab en 1re ligne chez les patients non éligibles au cisplatine montrait en effet des résultats encourageants, avec des taux de réponse objective de 24 % dans la population totale (incluant 6 % de réponse complète), et de 37 % dans la population PD-L1+ (dont 13 % de réponse complète) [8]. Des résultats similaires ont été obtenus avec l’atezolizumab dans la phase II où 119 patients inclus étaient naïfs de chimiothérapie et non éligibles au cisplatine : taux de réponse objective de 23 %, taux de réponse complète 9 % et médiane de survie globale de 15,9 mois [9]. L’autre place que pourrait avoir l’immunothérapie serait en traitement d’entretien après chimiothérapie. Deux phases III sont actuellement en cours (l’une avec l’avelumab NCT02603432, l’autre avec le pembrolizumab NCT02500121) (tableau III). D’autres inhibiteurs de checkpoints immunologiques sont en cours d’évaluation, comme le CTLA-4, ciblé par l’ipilimumab ou
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probablement pas octroyé en France. D’autres inhibiteurs de PD-1/PD-L1 ont aussi été évalués en phase I et II (l’avelumab, le nivolumab, le durvalumab), mais aucune ne devrait challenger le pembrolizumab en 2e ligne de traitement après échec des sels de platine, en raison de l’absence de phase III comparative à la chimiothérapie (tableaux I et II). Certaines pourraient cependant se positionner en 1re ligne de traitement. Deux études de phase III, dont les résultats sont attendus prochainement, ont évalué l’atezolizumab (IMvigor 130) ou le pembrolizumab (KEYNOTE-361) en monothérapie ou en association avec la chimiothérapie (par platine + gemcitabine) en 1re ligne de traitement (tableau III). Mais le défi semble de taille (rappelons que le taux de réponse objective sous polychimiothérapie à base de cisplatine est de 50 à 70 %). Et cela a été confirmé par le communiqué de presse de la Food and Drug Administration (FDA) et de l’European Medicines Agency (EMA) annonçant une survie plus courte sous immunothérapie en monothérapie en cas de tumeur exprimant peu/pas PD-L1. Il a donc été décidé dans le cadre des études en cours en 1re ligne de restreindre l’atezolizumab et le pembrolizumab aux seuls patients dont la tumeur
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Tableau II
Molécules en développement Mécanisme d’action
Anti-PD-1
Anti-PD-L1
Anti-CTLA-4
Molécules
Laboratoire
Isotype
Nivolumab, Opvido® (BMS936558)
Bristol-Myers Squibb
IgG4 humain
Pembrolizumab, Keytruda® (MK-3475)
MSD
IgG4 humanisé
AMP-514 (MEDI0680)
AstraZeneca/Medimmune
IgG4 humanisé
Atezolizumab (MPDL3280)
Roche/Genentech
IgG1 humanisé
Durvalumab (MEDI4736)
AstraZeneca/Medimmune
IgG1 humain
Avelumab (MSB0010718C)
Pfizer
IgG1humain
Ipilimumab, Yervoy® (MDX-010)
Bristol-Myers Squibb
IgG1 humain
Tremelimumab (CP-675,206)
AstraZeneca/Medimmune
IgG2 humain
le tremelimumab et IDO1, inhibé par exemple par l’epacadostat. Tous les trois sont testés en association avec un anti-PD1/PD-L1 dans le cadre d’une phase III et les résultats des phases précoces sont encourageants (tableau III). L’étude CheckMate-032 qui évaluait plusieurs schémas de doses de nivolumab + ipilimumab chez 130 patients a permis un taux de réponse objective de 39 et 26 % selon la dose et une médiane de survie de 10,2 et 7,3 mois et un profil de tolérance acceptable sous cette association (31 et 23 % de toxicité de grade 3-4) [10]. L’étude de phase I/ II (ECHO-202-KEYNOTE-037) associant l’epacadostat avec le pembrolizumab a rapporté un taux de réponse objective de 35 % dont 8 % de réponse complète (n = 44), ce qui a conduit à la mise en place de deux études de phases III avec cette association en 1re et en 2e ligne métastatique [11]. Malheureusement, les résultats négatifs dans la phase III du mélanome avec l’epacadostat (alors que la phase II était très encourageante) devraient aussi couper court au développement des inhibiteurs d’IDO1 dans le carcinome urothélial. Une autre étude de phase I évaluant l’association d’un anti-PD-1 et d’un inhibiteur d’IDO1 (nivolumab + BMS-986205) récemment rapportée montrait des taux de réponse objective de 37 % (qui montait à 50 % en cas de tumeur PD-L1 positive) [12].
Au stade localisé
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En raison des résultats très prometteurs au stade métastatique, les inhibiteurs des checkpoints devraient aussi se positionner au stade localisé. Trois phases III sont actuellement en cours avec l’atezolizumab, le pembrolizumab et le nivolumab en traitement adjuvant chez les patients ayant une maladie tumorale
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residuelle PD-L1 positive après chimiothérapie néoadjuvante, ou chez les patients non éligibles à une chimiothérapie adjuvante : IMvigor 010 (NCT02450331) pour l’atezolizumab, Ambassador (NCT03244384) pour le pembrolizumab et CheckMate-274 (NCT02632409) pour le nivolumab. En phase néoadjuvante, de nombreuses études sont désormais ouvertes (essentiellement des phases II avec comme critère de jugement principal le taux de réponse complète histologique) soit en monothérapie (comme l’étude française Pandore qui évalue le pembrolizumab en préopératoire chez les patients non éligibles au cisplatine) ou en association avec la chimiothérapie (comme l’étude Nemio, qui évaluera l’association MVAC intensifié + durvalumab +/– tremelimumab) (tableau III). Même si la chirurgie reste le standard de traitement des cancers de la vessie localisés, la radiochimiothérapie est l’autre option possible chez les patients refusant ou non éligibles à une cystectomie. Une étude de phase II évalue dans cette indication l’association du pembrolizumab à une radiothérapie et une chimiothérapie à base de gemcitabine (NCT02621151).
Au stade non infiltrant (TVNIM) Les TVNIM ayant été les premières à montrer une sensibilité aux immunothérapies, il paraissait logique d’évaluer le bénéfice de ces nouveaux inhibiteurs de checkpoints à ce stade de la maladie. L’atezolizumab et le pembrolizumab sont tous deux évalués en association avec le BCG en cas de TVNIM à haut risque, avec notamment l’étude Alban, phase III académique (et française !), qui devrait débuter ses inclusions d’ici fin 2018. Après échec de BCG, trois molécules sont évaluées en monothérapie avec comme
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Immunothérapie dans les carcinomes urothéliaux
Tableau III
Essais cliniques en cours
TVNIM
TVIM localisé
TVIM métastatique
Haut risque
Néoadjuvant
1re ligne
Résistant BCG – Pembrolizumab Phase 2, NCT02625961 KEYNOTE-057 – Atezolizumab Phase I/II, NCT02451423 – Durvalumab Phase II, NCT02901548 – ALT-801 Phase Ib/II, NCT01625260
– Pembrolizumab Phase II, NCT03212651, PANDORE – MVACdd + Durvalumab +/– Tremelimumab Phase II, NEMIO – Atezolizumab Phase II, NCT02451423 – Pembrolizumab + CT* Phase I-II, NCT02365766 Adjuvant – Atezolizumab Phase III, NCT02450331 – Pembrolizumab Phase III, NCT03244384 – Nivolumab Phase III, CHECKMATE 274
Maintenance – Pembrolizumab – Avelumab Phase III, NCT02500121 Phase III, NCT02603432 2e ligne ou +
Radiothérapie * Cisplatine/Carboplatine + gemcitabine ** Gemcitabine ou docetaxel
– Pembrolizumab + RT+ gem Phase II, NCT02621151
critère de jugement principal la réponse complète histologique, dans cette population de patients avec indication théorique à une cystectomie (tableau III).
Marqueurs prédictifs de réponse Même si les résultats des essais de ces inhibiteurs de checkpoints semblent prometteurs, moins d’un quart des patients semblent tirer un bénéfice de ces molécules, et bien que la tolérance soit bonne, des effets secondaires immunologiques ont été rapportés, avec parfois des décès toxiques. D’autre part, le coût de ces nouvelles thérapies risque de poser problème aussi. Il paraît donc primordial d’identifier des facteurs prédictifs de réponse à ces immunothérapies. Malheureusement, à l’heure actuelle, aucun marqueur fiable n’a été identifié. L’expression de PD-L1 est le biomarqueur qui a été le plus étudié, mais avec des résultats peu convaincants. La définition de positivité de PD-L1 varie en effet d’une étude à l’autre : selon le type de cellules étudiées (cellules tumorales et/ou cellules immunitaires), le seuil de positivité (1, 5, 10 %), ainsi que l’anticorps utilisé (SP142 pour l’atezolizumab, SP263 pour le durvalumab, 22C3 pour le pembrolizumab). Dans l’étude avec l’atezolizumab, les tumeurs étaient classées en immunohistochimie (IHC) 2/3, IHC 1/0 selon la positivité des cellules immunitaires (IHC 2/3 si > 5 %, cellules immunitaires positives, IHC 1 si 1-5 %, IHC 0 si < 1 %). Dans l’étude avec le pembrolizumab, la positivité reposait initialement sur l’expression de PD-L1 sur les cellules
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– Pembrolizumab +/– CT* Phase III, NCT02853305, KEYNOTE 361 – Durvalumab +/– Tremelimumab +/– CT* Phase III, NCT02516241, DANUBE – Atezolizumab +/– CT* Phase III, NCT02807636, IMVIgor 130 – Nivolumab + Ipilimumab ou Nivolumab + CT* Phase III, NCT03036098, CHECKMATE 901 – CT* +/– Avelumab Phase II, NCT03324282, GCISAVE – Pembro +/– Epacadostat Phase III, NCT03361865, KEYNOTE-672
– Nivolumab + ipilimumab Phase II , NCT02553642 – Pembrolizumab + RT Phase I, NCT02560636
– Durvalumab+ AMP-514 – Atezolizumab + bevacizumab – Pembro+/– Epacadostat Phase III, NCT03374488, KEYNOTE-698
tumorales puis sur un score composite associant cellules tumorales et immunitaires. Dans ces deux études, les taux de réponse objective étaient clairement plus importants lorsque la tumeur était considérée PD-L1+ mais des réponses ont été rapportées dans les tumeurs PD-L1 négatives. L’existence de réponse partielle, voire complète, en cas de tumeur PD-L1 négative rend donc difficile l’utilisation de ce seul marqueur pour sélectionner les patients éligibles à un anti-PD-1/PD-L1. C’est la raison pour laquelle ni la FDA, ni l’EMA n’ont donné d’autorisation sur le marché conditionnel à la positivité de PD-L1 dans les carcinomes urothéliaux. D’autre part, l’utilisation de l’expression de PD-L1 est souvent contestée par les immunologistes, qui rappellent que ce marqueur est dynamique dans le temps et induit en réaction à la réponse immunitaire elle-même (interferon-g). Son expression varierait donc fortement dans le temps, et probablement au cours de la maladie (localisé vs métastatique), et peutêtre aussi avant/après l’administration d’une chimiothérapie. D’autres marqueurs pourraient apparaître, comme notamment la charge mutationnelle comme cela a été décrit dans d’autres types tumoraux et retrouvé dans l’étude de phase II avec l’atezolizumab où les patients avec une charge mutationnelle importante répondaient mieux que les autres [6,9]. Enfin, la classification moléculaire (luminale/basale ou encore de types I à IV de la classification du TCGA) pourrait aussi être utilisée, les tumeurs dites luminales ou de type II semblant mieux répondre aux anti-PD-1/PD-L1.
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– Pembrolizumab + BCG Phase I, NCT02324582 – Atezolizumab + BCG Phase III, ALBAN – HS-410 Phase I/II, NCT02010203
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Autres immunothérapies
Association avec les antiangiogéniques
Si les inhibiteurs des checkpoints immunologiques sont les thérapies les plus avancées, d’autres molécules ciblant le système immunitaire sont aussi en train de voir le jour dans le domaine thérapeutique des carcinomes urothéliaux, notamment dans les tumeurs superficielles. •• Vaccins : HS-410 est un vaccin administré par voie sous-cutanée qui associe des cellules tumorales urothéliales modifiées pour exprimer un large panel d’antigènes tumoraux en combinaison avec le gp96 (un adjuvant), avec pour objectif de stimuler la réponse immunitaire en activant les lymphocytes CD8 cytotoxiques. Une étude de phase I/II évalue son efficacité dans les TVNIM seules et en association à la BCG thérapie dans les TVNIM (NCT02010203). •• Cytokines : ALT-801 est une protéine de fusion associant l’interleukine 2 (IL-2) à un anticorps humanisé soluble du T Cell Receptor (TCR) ciblant p53. L’ALT-801 cible donc via l’anticorps les cellules tumorales exprimant p53, et la présence de l’IL-2 stimulera la destruction des cellules tumorales via le recrutement des cellules NK et des lymphocytes T cytotoxiques. Deux phases Ib/ II sont actuellement en cours : l’une dans les TVNIM chez les patients réfractaires à la BCG thérapie (NCT01625260), l’autre en métastatique en association à la chimiothérapie (NCT01326871).
Associations avec les autres thérapeutiques Association avec la chimiothérapie
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Il existe un rationnel fort à combiner la chimiothérapie cytotoxique à une immunothérapie, afin : •• soit de limiter l’immunosuppression non souhaitée induite par la chimiothérapie (qui induit le recrutement de cellules immunosuppressives comme les Myeloïd Derived Suppressor Cells (MDSC) ou les Tumor-Associated Macrophages (TAM) immunosuppresseurs) ; •• soit d’optimiser l’effet immunostimulant de la chimiothérapie qui, en induisant une mort cellulaire immunogène, stimule le système immunitaire à l’encontre de la tumeur [13]. Les premiers résultats avec l’ipilimumab en association avec le cisplatine gemcitabine (phase II en 1re ligne métastatique) étaient plutôt décevants avec un taux de réponse objective proche de celui observé sous chimiothérapie seule [14]. Néanmoins, d’autres études sont actuellement en cours avec des inhibiteurs de PD-1/PD-L1, notamment quatre études industrielles qui comparent au double de chimiothérapie par platine/gemcitabine différents inhibiteurs de checkpoints immunologiques (tableau III) : Danube qui évalue le durvalumab seul ou en association au tremelimumab, CheckMate-901 qui évalue l’association nivolumab + ipilimumab et nivolumab + platine/ gemcitabine, et KEYNOTE-361 et IMvigor 130 qui évaluent respectivement le pembrolizumab et l’atezolizumab seuls, ou en association avec la chimiothérapie. On peut aussi citer l’étude GCISAVE (NCT03324282), étude de phase II académique française, qui étudie l’association de l’avelumab avec platine + gemcitabine.
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La combinaison d’un inhibiteur des checkpoints immunologiques à une thérapie antiangiogénique pourrait aussi être intéressante. En effet, les traitements antiangiogéniques jouent sur le microenvironnement tumoral, en diminuant le taux de lymphocytes T régulateurs et de cellules myéloïdes suppressives. Ces deux classes thérapeutiques pourraient donc avoir un effet synergique en cas d’administration combinée. Les premiers résultats d’une phase I avec le cabozantinib en association au nivolumab +/– ipilimumab ont montré un taux de réponse objective de 44 % dans les carcinomes urothéliaux [15]. En revanche, toutes les associations ne sont pas prometteuses, comme l’association du ramucirumab (anticorps ciblant le récepteur du VEGF-2) au pembrolizumab dont le taux de réponse objective était seulement de 8 % [16]. Une autre combinaison devrait aussi être évaluée associant l’atezolizumab au bevacizumab.
Association avec la radiothérapie Plusieurs données précliniques et cliniques ont déjà démontré que la radiothérapie impactait le microenvironnement immunitaire et induisait une activation du système immunitaire, à la fois localement en augmentant le recrutement de cellules immunitaires sur le site irradié, mais aussi à distance de la zone d’irradiation (effet abscopal) [17,18]. C’est en se basant sur ce rationnel que des études sont actuellement en cours, évaluant l’association d’un inhibiteur de PD-1/PD-L1 à la radiothérapie dans plusieurs types tumoraux, dont le carcinome urothélial. Une étude de phase I (PLUMMB) associe le pembrolizumab à la radiothérapie dans deux populations de patients : les carcinomes urothéliaux localement avancés et en métastatique (NCT02560636). Deux autres études de phase II avec le pembrolizumab et la radiothérapie sont conduites dans les tumeurs localisées en association avec la gemcitabine (NCT02621151) ou le cisplatine (NCT02662062). Et deux études en phase métastatique évaluent l’intérêt d’une radiothérapie au niveau des métastases avec l’atezolizumab (NCT03115801) ou le pembrolizumab (NCT02826564).
Conclusion Les premiers résultats des inhibiteurs de checkpoints immunologiques confirment que l’immunothérapie s’inscrira désormais dans le panel thérapeutique des carcinomes urothéliaux. L’efficacité de la monothérapie par pembrolizumab est certaine mais limitée à un faible nombre de patients en 2e ligne métastatique, ce qui laisse penser que ce sera plutôt les combinaisons qui pourraient révolutionner la prise en charge de ces patients. Restera à définir comment positionner des nouvelles molécules par rapport aux thérapeutiques existantes (en séquentiel, en association) afin de définir les séquences thérapeutiques optimales, mais aussi à identifier des marqueurs prédictifs de réponse de ces traitements coûteux, et, bien que toléré dans la majorité des cas, parfois toxiques. Déclaration de liens d’intérêts : Constance Thibault : BMS, Roche Cet article fait partie du numéro supplément Nouvelles perspectives dans l’immunothérapie des cancers réalisé avec le soutien institutionnel des partenaires AstraZeneca, Bristol-Myers Squibb, Roche.
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Références
Synthèse
Immunothérapie dans les carcinomes urothéliaux
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