Impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la tuberculose de l’adulte à Yaoundé, Cameroun

Impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la tuberculose de l’adulte à Yaoundé, Cameroun

Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 338—344 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL Impact de l’infection à VIH sur l’...

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Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 338—344

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la tuberculose de l’adulte à Yaoundé, Cameroun Impact of the HIV infection on the evolution of tuberculosis among adult patient in Yaounde, Cameroon É.W.P. Yone a,b,∗, C. Kuaban a,b, A.P. Kengne c a

Département de médecine interne et spécialités, faculté de médecine et des sciences biomédicales, université de Yaoundé I, Yaoundé, Cameroun b Service de pneumologie, hôpital Jamot de Yaoundé, BP 4021, Yaoundé, Cameroun c South African Medical research Council, University of Cape Town, Cape Town, Afrique du Sud Disponible sur Internet le 22 novembre 2012

MOTS CLÉS Tuberculose ; Infection à VIH ; Traitement antituberculeux ; Évolution



Résumé Introduction. — La tuberculose et l’infection à VIH constituent deux problèmes majeurs de santé publique en Afrique subsaharienne. L’objectif de cette étude est de déterminer la séroprévalence de l’infection à VIH chez les malades atteints de tuberculose toute forme confondue et d’évaluer son impact sur l’évolution de la tuberculose. Patients et méthodes. — Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur les 1647 malades tuberculeux dont le statut sérologique pour le VIH était connu pour 1419 d’entre eux suivis au centre de diagnostic et de traitement de la tuberculose de l’hôpital Jamot de Yaoundé en 2009. Résultats. — La séroprévalence de l’infection à VIH était de 35 % dans l’ensemble et respectivement de 31,3 %, 43,4 % et 47,7 % chez les tuberculeux pulmonaires à microscopie positive, à microscopie négative et à localisation extrapulmonaire. Comparés aux patients VIH négatifs, les patients VIH positifs étaient plus âgés (36 ans versus 30 ans, p < 0,0001) et incluaient plus de femmes (57,1 % versus 37,3 %, p = 0,001). Le taux de succès thérapeutique était de 79 % chez les patients VIH—, de 69 % chez les VIH+ (p < 0,001), le taux de mortalité étant respectivement de 10,5 % et de 1,9 % (p < 0,001). Chez les patients VIH+, le taux de décès était de 3,7 % chez ceux ayant un taux de CD4 supérieur à 200/mm3 et de 13 % chez ceux ayant un taux inférieur ou égal à 200/mm3 (p < 0,02). Conclusion. — L’infection à VIH est fréquente chez les tuberculeux dans ce contexte, particulièrement dans la tuberculose pulmonaire à bacilloscopie négative ou dans la tuberculose extrapulmonaire. Elle est associée à une surmortalité surtout en cas de déficit immunitaire sévère, ce malgré le traitement antirétroviral et la prophylaxie au cotrimoxazole. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (É.W.P. Yone).

0761-8417/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2012.10.001

Impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la tuberculose de l’adulte à Yaoundé

KEYWORDS Tuberculosis; HIV infection; Antituberculosis treatment; Outcome

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Summary Background. — Tuberculosis and human immunodeficiency virus infection are two major public health problems in sub-Saharan Africa. The aim of this study was to determine the prevalence of HIV infection in all clinical forms of TB and investigate the effects of HIV status on the evolution of tuberculosis. Patients and methods. — This is a retrospective study relating to the 1647 adult’s tuberculous patients, HIV status was known in 1419 cases which were followed-up at the diagnosis and treatment center for tuberculosis of the Yaounde Jamot Hospital in 2009. Results. — The prevalence of HIV infection was of 35% as a whole and 31.3%, 43.3% and 47.7% respectively for the smear positive pulmonary tuberculosis, smear negative pulmonary tuberculosis and extrapulmonary tuberculosis. Compared to HIV negative patients, HIV positive patients were older (36 years versus 30 years, P < 0.0001) and included more women (57.1% versus 37.3%, P = 0.001). The treatment success rate was 79% in HIV negative patients and 69% among HIV positive ones. The equivalent for mortality rate was respectively 1.9% and 10.5% (both P < 0.001). In HIV positive patients, the death rate was 3.7% among those with CD4 above 200/mm3 and 13% among those with CD4 below 200/mm3 (P < 0.02). Conclusions. — The HIV infection is frequent among adult patients with tuberculosis in this setting, particularly among patients with smear negative pulmonary tuberculosis or extrapulmonary tuberculosis. It is associated with a high mortality rate especially on patient with severe immunodeficiency in spite of the antiretroviral treatment and prophylaxis with the cotrimoxazole. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction

Patients et méthodes

La tuberculose et l’infection à VIH constituent deux problèmes majeurs de santé publique en Afrique subsaharienne. En effet, au cours de l’année 2009, 9,4 millions de cas de tuberculose (TB) ont été notifiés au niveau mondial et 35 de ces cas provenaient d’Afrique. La prévalence de la co-infection TB/VIH était estimée en 2009 entre 11 et 13 % au niveau mondial et 80 % des cas de co-infection TB/VIH étaient retrouvés en Afrique [1]. L’infection à VIH favorise la réactivation d’une infection latente à Mycobacterium tuberculosis vers une TB maladie et M. tuberculosis favorise la réplication du VIH et accélère ainsi l’évolution naturelle de l’infection vers une immunodépression avancée ou sévère [2,3]. L’infection à VIH a globalement un impact négatif sur l’évolution de la TB en Afrique subsaharienne (ASS) [4]. Au Cameroun, pays de forte endémie tuberculeuse, la séroprévalence de l’infection à VIH est passée de 16,6 % en 1997 à 29,3 % en 2007 chez les malades ayant une TB pulmonaire bacillifère [5,6]. Même si plusieurs études rapportent la prévalence de l’infection à VIH chez les malades tuberculeux bacillifères [6—9], la prévalence de l’infection à VIH chez les malades atteints de la TB pulmonaire à microscopie négative et de la TB extrapulmonaire (TEP) ainsi que l’impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la TB restent actuellement peu documentés en ASS en général et au Cameroun en particulier. Ainsi, l’objectif de cette étude était de déterminer la séroprévalence de l’infection à VIH chez les malades atteints de TB toutes formes confondues, et d’examiner son impact sur le devenir des malades tuberculeux dans un centre de traitement et de diagnostic de la TB à Yaoundé.

Cadre de l’étude Ce travail a été mené dans le centre de diagnostic et de traitement (CDT) de l’hôpital Jamot de Yaoundé (HJY), principal centre de prise en charge de la TB pour Yaoundé et ses environs. Au cours des cinq dernières années, environ 1600 à 1800 tuberculeux sont dépistés et traités chaque année dans ce CDT. Cela représente 10 % de cas de TB diagnostiquées et pris en charge au Cameroun. L’HJY abrite aussi un centre de traitement agrée (CTA) pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH.

Définition des cas de tuberculose et classification Les patients suivis au CDT de l’HJY sont enregistrés et classés au fur et à mesure qu’ils sont mis sous traitement antituberculeux (TAT). En accord avec les normes internationales [10—12], les définitions suivantes sont appliquées : • TB pulmonaire à microscopie positive (TPM + ) : Bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR) trouvés initialement dans au moins deux échantillons d’expectoration ; • TB pulmonaire à microscopie négative (TPM—) : persistance de la négativité de trois examens de crachats après dix jours de traitement antibiotique non spécifique chez un malade présentant des signes cliniques et radiographiques évocateurs de TB pulmonaire sans autre cause évidente ; • TEP : TB touchant les organes autres que les poumons (par exemple la plèvre, les ganglions lymphatiques,

340 l’abdomen, l’appareil génito-urinaire, la peau, les articulations et les os, ou les méninges). Il en est de même la classification des malades en fonction des antécédents de TAT. Lorsqu’un patient revient avec une TB active après avoir été traité antérieurement pendant plus d’un mois, il est réenregistré avec un nouveau numéro et il est mis au régime standardisé de retraitement. Ces malades présentent tous des BAAR visibles à l’examen microscopique direct dans leur expectoration. Ils sont classés soit comme « rechute » (retour après un premier traitement couronné de succès) ; « échec » (microscopie positive après au minimum cinq mois de traitement) ; ou « reprise de traitement » (retour après un abandon de traitement de plus de deux mois consécutifs). A contrario, un « nouveau cas » est un malade qui n’a jamais été traité auparavant pendant plus d’un mois.

É.W.P. Yone et al. la phase intensive rec ¸oivent leur traitement sous la supervision directe du personnel infirmier et le contrôle de la compliance des malades dont la phase intensive est faite en ambulatoire est assuré par le retour hebdomadaire pour la collecte des médicaments. Pendant la phase de continuation entièrement faite en ambulatoire, les médicaments sont autoadministrés et le contrôle de la compliance est assuré par le retour mensuel pour la collecte des médicaments.

Suivi et devenir de patients tuberculeux

Au CDT de l’HJY, tous les patients tuberculeux bénéficient gratuitement d’un dépistage de l’infection à VIH après obtention de leur consentement éclairé. La recherche des anticorps anti-VIH 1 et 2 est réalisée sur le sérum de chaque malade au moyen de deux tests rapides : Determine® HIV ½ (Abbot laboratoires, Tokyo, Japon) et Immunocomb II HIV 1 and 2 Bispot (Organics, Courbevoie, France). Quand les deux tests sont positifs, le malade est considéré comme VIH+ ; en cas de discordance, une confirmation par western blot (New Lav Blot, Sanofi diagnostics-Pasteur) est réalisée. Tous les malades VIH+ sont soumis à la prophylaxie au cotrimoxazole et ceux ayant un taux de lymphocytes T CD4 inférieur ou égal à 200/mm3 sont gratuitement mis sous trithérapie antirétrovirale. Les protocoles antirétroviraux initiaux utilisés sont l’association lamivudine—zidovudine—éfavirenz ou l’association lamivudine—stavudine—éfavirenz.

Au cours du TAT, les crachats des malades présentant une TB bacillifère sont examinés trois fois à la recherche de BAAR à la fin du deuxième, cinquième et sixième mois pour les nouveaux cas et à la fin du troisième, cinquième et huitième mois pour les cas de retraitement. Les malades ne présentant pas une TB bacillifère au début du traitement bénéficient au cours du traitement d’un examen clinique et/ou radiologique en fonction de la localisation de leur maladie avec la même périodicité. À la fin du traitement, le devenir de chaque malade est enregistré dans l’une des catégories suivantes mutuellement exclusives [10] : • guéri : patient dont l’examen des crachats est négatif au cours du dernier mois de traitement et au moins à une occasion précédente ; • traitement terminé : patient qui a terminé son traitement mais pour lequel on n’a pas le résultat de l’examen de crachat à la fin du dernier mois du traitement ; • échec : patient ayant au moins deux examens de crachats positifs au cinquième mois ou plus tard au cours du traitement ; • décédé : patient décédé quelle que soit la cause du décès pendant le déroulement du traitement ; • perdu de vue : patient dont le traitement a été interrompu pendant deux mois consécutifs ; • transfert : patient transféré pour poursuivre son traitement dans un autre centre et dont on ne connaît pas le résultat de son traitement.

Traitement de la tuberculose

Méthodes

La prise en charge de la TB dans ce centre est faite suivant les directives du Programme national de lutte contre la tuberculose du Cameroun (PNLT) et les recommandations de l’OMS [10,11]. Les malades tuberculeux peuvent être hospitalisés pendant la phase intensive TAT ou être traités complètement en ambulatoire selon leur état clinique. Les médicaments antituberculeux sont dispensés gratuitement à tous les malades tuberculeux. Les régimes thérapeutiques utilisés sont les régimes standards de catégorie I pour les nouveaux cas et de catégorie II pour les cas de retraitement. Les nouveaux cas sont traités pendant six mois par le régime comportant une phase intensive de deux mois avec la rifampicine (R), l’isoniazide (H), l’éthambutol (E) et le pyrazinamide (Z) suivis d’une phase de continuation de quatre mois avec l’association rifampicine et isoniazide (2RHEZ/4RH). En plus des médicaments de catégorie I (R, H, E, Z), la streptomycine (S) est ajoutée au régime de catégorie II et les malades en retraitement rec ¸oivent un régime de huit mois selon le schéma 2RHEZS/1RHEZ/5RHE. Les comprimés utilisés chez tous les malades sont des comprimés combinés à doses fixes. Les malades hospitalisés pendant

Il s’agit d’une étude de cohorte portant sur l’ensemble des malades tuberculeux âgés d’au moins 15 ans enregistrés et suivis au CDT de l’HJY de janvier à décembre 2009, soit 1647 patients. Les registres et les fiches de TAT ont été utilisés pour le recueil des données. Les données sociodémographiques suivantes ont été extraites des dossiers de chaque malade : âge, sexe, lieu de résidence (rurale ou urbaine). La localisation de la TB a été répertoriée et le type de maladie en fonction des antécédents de TAT relevé. Les résultats de la sérologie VIH et le taux de lymphocytes T CD4 pour les malades VIH+ ont été notés. Enfin, les résultats du traitement ont été extraits des registres. Les patients déclarés guéris et ceux ayant terminé leur traitement étaient qualifiés comme ayant un succès du traitement (ou ayant un devenir favorable) [13]. Le devenir était qualifié de défavorable en cas d’échec, perdu de vue ou décès. Les 307 malades chez qui la sérologie VIH n’a pas été réalisée ont été exclus des analyses. Une clearance éthique et une autorisation administrative de recherche des autorités de l’HJY ont été obtenues pour cette étude.

Dépistage et prise en charge de l’infection à VIH

Impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la tuberculose de l’adulte à Yaoundé

Analyse statistique Les données recueillies ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel SPSS 12.0.1 (SPSS Inc., Chicago, ÉtatsUnis). Les patients tuberculeux ont été séparés en deux groupes : le groupe des malades VIH+ et le groupe VIH—. Le test de Khi2 ou la probabilité exacte de Fisher ont été utilisés pour la comparaison des proportions. Le test t de Student ou le test non paramétrique U de MannWhitney ont été utilisés pour la comparaison des variables quantitatives. La régression logistique a été utilisée pour évaluer l’effet de l’infection à VIH sur l’évolution de la TB après ajustement aux potentiels facteurs confondants. Une différence a été considérée comme significative si p < 0,05.

Résultats

Tableau 1 Caractéristiques des 1647 malades adultes tuberculeux dépistés et suivis à l’Hôpital Jamot de Yaoundé en 2009. Caractéristiques Catégories

Infection à VIH et caractéristiques démographiques des malades tuberculeux L’âge médian (intervalle interquartile) des malades VIH négatifs était de 30 ans (23—40 ans) contre 36 ans (29,3—44 ans) pour les malades VIH positifs (p < 0,0001). Deux cent soixante sept (57,1 %) des 468 patients VIH+ étaient des femmes contre seulement 325 (37,3 %) des 872 patients VIH— (p = 0,001) (Tableau 2).

Séroprévalence de l’infection à VIH et formes cliniques de la tuberculose La prévalence de l’infection à VIH était moins élevée chez les malades atteints de TPM+ (31,3 %) que chez les malades TPM— (43,4 %) ou TEP (47,7 %), (p < 0,00001, Tableau 2).

n (%)

Âge, ans

≤ 33 > 33 Médiane (IQT)

854 (51,9) 793 (48,1) 33 (25—43)

Sexe

Hommes Femmes

938 (57) 709 (43)

Résidence

Urbaine Rurale

1390/1622 (85,7) 232/1622 (14,3)

Formes cliniques

TPM+

1216 (73,8)

TPMTEP

155 (9,4) 276 (16,8)

Type de TEP

TB pleurale TB ganglionnaire TB Péritonéale Mal de Pott Autres

76/113 (67,3) 30/113 (26,5) 10/113 (8,8) 6/113 (5,3) 4/113 (3,5)

Type de cas

Nouveau Rechute Reprise de traitement Echec

1505 (91,4) 119 (7,2) 20 (1,2)

Sérologie VIH

Faite Non faite

1419 (86,2) 228 (13,8)

Résultat sérologie VIH

Négatif

922/1419 (65)

Positif

497/1419 (35 %)

Guéri Traitement terminé Échec Décès Perdu de vue Transfert-sortie

272 (16,5)a 849 (51,5)a

Population d’étude et prévalence de l’infection à VIH Au cours de l’année 2009, 1647 adultes tuberculeux ont été pris en charge au CDT de l’HJY. Le Tableau 1 montre les caractéristiques démographiques et cliniques ainsi que le devenir de ces malades au cours de la période d’étude. Il s’agissait de 938 (57 %) hommes et de 709 (43 %) femmes d’âge médian (intervalle interquartile) de 33 ans (25—43 ans). Selon la forme clinique de la maladie, 1216 (73,8 %) patients avaient la TPM+, 155 (9,4 %) la TPM— et 276 (16,8 %) la TEP. La sérologie de l’infection à VIH était réalisée chez 1419 (86,2 %) patients et elle était positive chez 497 (35 %) patients. Tous les malades VIH séropositifs étaient infectés par le VIH-1. Concernant le devenir des malades, 1121 (68,1 %) patients ont eu un succès thérapeutique, 86 (5,2 %) sont décédés et 331 (20,1 %) ont été perdus de vue. Les 228 malades dont le statut sérologique de l’infection à VIH n’était pas connu et les 79 malades qui ont été transférés dans un autre centre ont été exclus (307 au total) de l’analyse finale. Ainsi 1340 patients dont 872 VIH— et 468 VIH+ on été inclus dans l’analyse finale.

341

Devenir

3 (0,2)

6 (0,4) 86 (5,2) 331 (20,1) 103 (6,3)

IQT : intervalle interquartile, TPM+ : tuberculose pulmonaire à microscopie positive ; TPM— : tuberculose pulmonaire à microscopie négative ; TEP : tuberculose extrapulmonaire ; TB : tuberculose. a Guéri + traitement terminé = Succès thérapeutique = 68,1 %.

Impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la tuberculose Des 1340 malades dont la sérologie de l’infection à VIH et le devenir étaient connus, le succès de traitement était noté chez 685 (78,6 %) malades VIH séronégatifs et chez 323 (69 %) malades co-infectés par le VIH. Le taux de mortalité au cours du TAT était de 10,5 % dans le groupe VIH+ contre seulement 1,9 % dans le groupe VIH—. Les taux d’échec et de perdus de vue étaient similaires dans les

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É.W.P. Yone et al.

Tableau 2 Caractéristiques démographiques, cliniques et évolutives des 1340 malades adultes tuberculeux retenus dans l’étude en fonction de la sérologie VIH. Caractéristiques

Catégories

VIH négatif n (%)

Âge, ans

≤ 33 > 33

514 (58,9) 358 (41,1)

199 (42,5) 269 (57,5)

< 0,0001

Sexe

Hommes Femmes

547 (62,7) 325 (37,3)

201 (42,9) 267 (57,1)

< 0,0001

Résidence

Urbaine Rurale

Formes cliniques

TPM+ TPM— TEP

699 (80,2) 60 (6,9) 113 (13)

319 (68,2) 46 (9,8) 103 (22)

Type de cas

Nouveau Rechute Reprise de traitement Echec

799 65 7 1

(91,6) (7,5) (0,8) (0,1)

419 39 9 1

Devenir

Succès du traitement Échec Décès Perdu de vue

685 4 17 166

(78,6) (0,5) (1,9) (19)

323 (69) 0 49 (10,5) 96 (20,5)

740/860 (86) 120/860 (14)

VIH positif n (%)

406/458 (88,6) 52/458 (11,4)

(89,5) (8,3) (1,9) (0,2)

p

0,182 < 0,00001

0,221

< 0,0001

TPM+ : tuberculose pulmonaire à microscopie positive ; TPM— : tuberculose pulmonaire à microscopie négative ; TEP : tuberculose extrapulmonaire.

deux groupes (Tableau 2). Après ajustement en analyse multivariée (régression logistique) aux potentiels facteurs de confusion (âge, hospitalisation ou traitement en ambulatoire à la phase intensive, formes cliniques) l’infection à VIH était toujours associée à un risque élevé de mortalité (RR : 4,78 [intervalle de confiance à 95 % : 2,68—8,52 ; p < 0,0001]).

Impact de l’immunodépression sur la mortalité et l’évolution de la tuberculose Le taux de lymphocytes T CD4 a été reporté sur la fiche de TAT de 278 malades VIH+. Le Tableau 3 montre le devenir de ces 278 malades en fonction de la sévérité de l’immunodépression. Le taux de mortalité au cours du TAT était moins élevé chez les malades qui avaient un taux de T CD4 supérieur à 200/mm3 (3,7 %) que chez les malades qui avaient un taux de T CD4 compris entre 51 et 200/mm3 (10,2 %) ou inférieur ou égal à 50/mm3 (18 %) (p = 0,009). Le taux de succès thérapeutique était similaire entre les malades VIH+ qui avaient un taux de T CD4 supérieur à 200/mm3 (76,1 %) et les malades séronégatifs pour le VIH (78,6 %).

Discussion La forte association entre la TB et l’infection à VIH en ASS est actuellement bien établie. En effet, la résurgence de la TB en ASS au cours des deux dernières décennies est parallèle à l’épidémie de l’infection à VIH dans cette partie du monde [4,14]. Dans notre étude, la

séroprévalence de l’infection à VIH était de 35 % en 2009 chez les malades atteints de TB toute forme confondue. Spécifiquement, cette séroprévalence était de 31,1 % pour la TPM+, 43,4 % pour la TPM- et 47,7 % pour la TEP. Dans d’autres régions d’Afrique noire, la prévalence de l’infection à VIH chez les patients tuberculeux varie de 16 à 80 % dans les études publiées au cours des six dernières années [7,15—19]. En Asie, autre région de forte endémie tuberculeuse, la prévalence de la co-infection TB/VIH ne dépasse pas actuellement 38 % [1,20,21]. Au Cameroun, la prévalence de la co-infection TB/VIH est passée de 16,6 % en 1997 [5] à 29,3 % en 2007 [6] au sein des malades tuberculeux bacillifères suivis à l’HJY. Cette augmentation de la prévalence de l’infection à VIH au sein des patients tuberculeux bacillifères a suivi l’augmentation de la prévalence de l’infection à VIH dans la population générale à Yaoundé qui est passée de 3 % en 1994 [22] à 5,1 % en 2007 [23]. Par ailleurs, la forte prédominance des femmes chez les malades séropositifs dans notre étude s’explique par la féminisation de l’infection à VIH dans notre pays [22]. La plus forte association de la TEP et l’infection à VIH a été largement décrite [7,24,25]. Nos résultats corroborent ces données de la littérature. De même, la TB pulmonaire à frottis positif était plus fréquemment associée à l’infection à VIH que la TB pulmonaire à frottis positif dans notre série. Le taux de la co-infection TPM—/VIH de 43,4 % trouvé dans notre étude se rapproche de celui rapporté par Cain et al. au Cambodge [22]. En effet, contrairement aux malades tuberculeux non infectés par le VIH, les patients infectés par le VIH ont plus souvent des lésions pulmonaires non cavitaires [23,26] et des examens de crachats négatifs ou paucibacilliares [27].

Impact de l’infection à VIH sur l’évolution de la tuberculose de l’adulte à Yaoundé Tableau 3

343

Devenir des malades tuberculeux VIH positifs en fonction du degré de l’immunodépression.

Taux de lymphocytes CD4 CD4 > 200/mm3 CD4 entre 51 et 200/mm3 CD4 ≤ 50/mm3

Succès du traitement n = 212 (%) 83 (39,2) 86 (40,6) 43 (20,3)

Dans cette étude, le taux de succès thérapeutique était de 78,6 % chez les malades tuberculeux VIH séronégatifs et de 69 % chez les malades VIH séropositifs. Dans les deux groupes de malades, le taux de perdus de vue était deux fois plus élevé que le taux espéré de moins de 10 % permettant d’atteindre l’objectif de 85 % de succès thérapeutique fixé dans le cadre de la lutte antituberculeuse. Le faible taux de succès thérapeutique chez nos malades VIH+ est en rapport avec un taux de décès élevé dans ce groupe puisque les taux de perdus de vue et d’échec étaient similaires dans les deux groupes. En effet, le taux de mortalité était de 1,9 % au sein de nos malades tuberculeux VIH— et de 10,5 % au sein de nos malades tuberculeux VIH+ avec une différence significative et un risque de décès multiplié par cinq au cours de la coinfection TB/VIH. Cependant, il est important de noter que l’évolution sous traitement antituberculeux n’était défavorable que chez nos patients avec un taux de T CD4 inférieur à 200/mm3 (13 % de décès). Avant la généralisation de la trithérapie antirétrovirale hautement active en Afrique, le taux de mortalité était déjà de deux à sept fois plus élevé au cours de la co-infection TB/VIH qu’au cours de la TB chez les patients VIH séronégatifs [28]. Le taux de mortalité de 10,5 % trouvé dans notre étude est relativement moins élevé que le taux de 27 % rapporté au Cambodge en 2007 [22]. Le faible taux de mortalité retrouvé actuellement dans notre série peut s’expliquer en partie par l’introduction précoce de la prophylaxie au cotrimoxazole chez tous les malades VIH+ et la mise systématique sous trithérapie antirétrovirale hautement active des malades tuberculeux VIH séropositifs ayant un déficit immunitaire sévère (taux de lymphocytes T CD4 inférieur ou égal à 200/mm3 ). En effet, les données récentes de la littérature indiquent une réduction significative du taux de mortalité chez les patients tuberculeux co-infectés par le VIH et concomitamment traités par antituberculeux et antirétroviraux [29,30]. Cette étude à quelques limites. De part sa nature rétrospective, nous n’avons pas pu avoir le taux de CD4 de tous les malades VIH+. Il est aussi possible que certains malades classés perdus de vue étaient décédés ou étaient allés continuer leur traitement dans un autre centre du fait que la recherche systématique des perdus de vue n’a pas pu être réalisée au cours de l’année de l’étude.

Conclusion La séroprévalence de l’infection à VIH chez les malades tuberculeux reste élevée à Yaoundé, particulièrement chez les malades atteints d’une TB pulmonaire à microscopie négative et d’une TEP. L’infection à VIH est associée à une surmortalité chez les malades tuberculeux ayant un déficit immunitaire sévère malgré la prise en charge concomitante

Perdus de vue n = 40 (%) 22 (55) 11 (27,5) 7 (17,5)

Décès n = 26 (%) 4 (15,4) 11 (42,3) 11 (42,3)

p 0,009 — —

de ces deux affections. Il est impératif de rechercher les autres facteurs associés aux décès chez les malades tuberculeux sévèrement immunodéprimés par l’infection à VIH, afin de les corriger et ainsi améliorer la prise en charge de la co-infection tuberculose/VIH.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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