Incidentalomes de la glande surrénale : ne pas méconnaître les tumeurs à risque

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PATHOLOGIE DES SURRÉNALES

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; 43: 393–400 ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Incidentalomes de la glande surrénale : ne pas méconnaître les tumeurs à risque Antoine Tabarin

CHU de Bordeaux, USN Haut-Levêque, service d’endocrinologie, diabète et nutrition, 1, avenue Magellan, 33604 Pessac cedex, France [email protected]

Key points Adrenal incidentalomas Adrenal incidentalomas are found in approximately 2–3% of abdominal CT-scan examinations. A key issue is to determine whether the incidentaloma is neoplastic or responsible for endocrine hypersecretion, two situations in which surgical excision is recommended. Candidate incidentalomas for surgery include hypersecreting tumors (pheochromocytomas, Cushing’s adenoma, Conn’s adenoma) and adrenocortical carcinomas. The majority of adrenal incidentalomas are non-secreting cortical adenomas and lesions to remove account for less than 5% of adrenal incidentalomes. The pathological consequences of ‘‘subclinical’’ cortisolsecreting adenomas responsible for mild hypercortisolism and whether or not these tumors should be removed remain debatable.

L

e terme incidentalome surrénalien désigne une masse surrénalienne découverte fortuitement lors d’un examen d’imagerie abdominale. Ceci exclut donc du champ de la définition les lésions découvertes dans le suivi des patients ayant un

tome 43 > n84 > avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.01.006

Points essentiels Les incidentalomes surrénaliens sont fréquents puisqu’ils sont observés chez 2 % à 3 % des patients bénéficiant d’un scanner abdominal. Une des principales questions soulevées par la découverte d’un incidentalome surrénalien est de déterminer s’il s’agit d’une tumeur à risque endocrinien ou tumoral justifiant son exérèse chirurgicale. Les tumeurs à risque sont les tumeurs hypersécrétantes (phéochromocytomes, adénomes cortisoliques, adénome de Conn) et le carcinome primitif (corticosurrénalome malin). La majorité des incidentalomes sont des adénomes corticaux bénins et non sécrétants, les lésions à risque représentent au plus 5 % des incidentalomes surrénaliens. Un bilan étiologique à la recherche de ces lésions est impératif et repose essentiellement sur un choix pertinent d’éléments biologiques et morphologiques. Le potentiel délétère des adénomes cortisoliques infracliniques, responsables d’une hypercortisolisme a minima, et la nécessité d’opérer ces lésions restent discutés.

antécédent néoplasique ou un syndrome génétique de prédisposition aux tumeurs surrénaliennes (le plus fréquemment néoplasies endocriniennes multiples de type 1 et 2). En dehors de ces contextes spécifiques, les « tumeurs » ou nodules surrénaliens de petite taille (< 1 cm) ne correspondent pas

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Disponible sur internet le : 7 mars 2014

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dans l’immense majorité des cas à des entités délétères et les recommandations d’experts publiées à ce jour conseillent de ne pas les explorer [1,2]. Si l’on ne considère que les lésions de plus de 1 cm de grand axe, des incidentalomes surrénaliens sont observés chez au moins 2 % des patients bénéficiant d’un scanner abdominal. Dans plus de 80 % des cas, ils sont unilatéraux. Les principaux problèmes soulevés par la découverte d’un incidentalome surrénalien sont d’une part de reconnaître les tumeurs à risque, c’est-à-dire associées à un impact délétère endocrinien ou tumoral et justifiant une exérèse chirurgicale et, d’autre part, de définir les modalités et le rythme de la surveillance pour les patients qui ne sont pas opérés. Les causes des incidentalomes surrénaliens figurent dans l’encadre´ 1. Les tumeurs à risque pour lesquelles la chirurgie est indiquée sont le carcinome primitif (corticosurrénalome malin) et les tumeurs hypersécrétantes (phéochromocytome, adénome cortisolique, adénome de Conn). La prévalence des tumeurs à risque est minoritaire au sein des incidentalomes surrénaliens qui sont dans environ 80 % des cas des tumeurs bénignes, non sécrétantes et notamment des adénomes non sécrétants développés à partir du cortex surrénalien [1,3,4]. En effet, la prévalence des tumeurs à risque, notamment phéochromocytomes et carcinomes primitifs, dans différentes séries est de l’ordre de 5 % [1]. La possibilité de biais de sélection a récemment été soulevée [5] et il est suggéré, dans une récente analyse critique de la littérature, que dans un recrutement endocrinologique la prévalence des corticosurrénalomes malins soit plus faible, entre 1 et 3 %. Nous développerons ici la stratégie d’exploration paraclinique des incidentalomes. Elle repose essentiellement sur un choix

Encadre´ 1 Étiologie des incidentalomes surrénaliens Tumeurs corticales : 

adénomes ;



hyperplasie nodulaire (dont bloc enzymatique en CYP21) ;

carcinome. Tumeurs médullaires :  phéochromocytome ; 

 ganglioneurome, ganglioneuroblastome, neuroblastome. Autres tumeurs :  myélolipome ; 

lipome ;



lymphome, hémangiome, angiomyolipome, hamartome ;

liposarcome, myome, fibrome, neurofibrome, tératome. Kystes and pseudokystes Hématome and hémorragie Infections, granulomatoses (dont tuberculose) Métastases, lymphomes, leucémies Masses extra-surrénaliennes Diverticules digestifs, queue du pancréas, kystes et tumeurs du rein, rate accessoire, lésions vasculaires

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d’examens biologiques et radiologiques pertinents mais l’examen anamnestique et clinique à la recherche d’antécédents de néoplasie rénale, bronchique, mammaire, mélanique et colique ou de signes cliniques évoquant une pathologie néoplasique sous-jacente ou une hypersécrétion surrénalienne (syndrome de Cushing, hypertension artérielle, hyperandrogénie chez la femme) sont capitaux. Les modalités précises du bilan initial des incidentalomes et de leur surveillance restent débattues. La démarche globale exposée ici est largement inspirée des réflexions menées par différents groupes d’experts issus des sociétés française et italienne d’endocrinologie [1,2].

Incidentalome surrénalien et néoplasie Les lésions découvertes lors du bilan d’extension d’un cancer sont par définition exclues du cadre des incidentalomes. Trois scénarios sont à envisager :  l’incidentalome révélateur d’un cancer extra-surrénalien est un cas de figure anecdotique. Dans une étude portant sur plus de 1600 patients atteints de cancer, une métastase surrénalienne était présente chez 5,8 % d’entre eux lors de leur présentation initiale mais celle-ci n’était isolée que dans 0,2 % des cas et était toujours associée à une évidence clinique de néoplasie [6] ;  l’incidentalome découvert chez un patient ayant un antécédent néoplasique en rémission. En cas de métastase, l’atteinte surrénalienne est le plus souvent (mais pas toujours) bilatérale et associée à d’autres lésions. On sera néanmoins vigilant si le patient était porteur d’un mélanome, d’un lymphome, d’un cancer bronchique ou du sein ;  l’incidentalome est un corticosurrénalome malin (CSM). C’est un cancer rare (1 à 2 cas nouveaux par million et par an), de très mauvais pronostic (voir l’article de R. Libé). Classiquement, les circonstances de découverte sont la conséquence de l’hypersécrétion hormonale et/ou des manifestations tumorales locorégionales, voire métastatiques [7]. Cependant, de plus en plus fréquemment, le CSM est diagnostiqué devant la découverte d’un incidentalome surrénalien et ceci représente jusqu’à 13 % des modes de révélation dans certaines séries [7]. Découverte fortuite ne signifie malheureusement pas découverte à un stade précoce, mais il est fondamental que le clinicien réalise qu’à l’heure actuelle, la seule chance de guérison définitive d’un corticosurrénalome malin est la chirurgie complète d’une forme apparemment « localisée » (stades ENSAT I et II) [8]. Ceci justifie de systématiquement rechercher des stigmates évocateurs de malignité d’un incidentalome surrénalien localisé et, en cas de doute, de le confier un chirurgien expert.

Scanner Nous ne reprendrons pas ici les signes cliniques et endocriniens faisant évoquer la possibilité d’un corticosurrénalome malin et détaillés ailleurs pour évoquer la démarche devant une clinique tome 43 > n84 > avril 2014

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INCIDENTALOME > 1 cm et < 6 cm (sans autre information d‛imagerie disponible) scanner sans injection < 10 U.H. homogène, ‹ 4 cm

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> 10 U.H. = peu de lipides

adénome bénin riche en lipides

calcul du wash-out absolu absolu > 60%, ‹ 4 cm

adénome bénin

absolu < 60%

masse indéterminée

Figure 1 Algorithme pour la caractérisation des incidentalomes surrénaliens avec le scanner

IRM L’intérêt de l’IRM est moindre et souffre de l’hétérogénéité des protocoles publiés. Des séquences phase/opposition de phase tome 43 > n84 > avril 2014

(imagerie de déplacement chimique) peuvent également être utiles pour caractériser le contenu lipidique de l’incidentalome mais celui-ci est globalement corrélé à celle de la densité spontanée du TDM [1]. La place de l’IRM dans l’exploration des tumeurs douteuses au TDM est très controversée et d’autres explorations radiologiques de seconde intention devront être envisagées si le résultat du TDM ne plaide pas en faveur d’un adénome cortical.

PET-scan au

18

F-FDG

Il est d’introduction plus récente mais semble un outil prometteur [11,12]. Typiquement, les lésions malignes et notamment les corticosurrénalomes malins sont caractérisés par une augmentation de la fixation du FDG (figure 2B). Si ce principe est souvent respecté, il n’est cependant pas spécifique du cancer et les phéochromocytomes bénins, les hémorragies surrénaliennes récentes et beaucoup plus rarement les lésions inflammatoires/infectieuses ou myélolipomes sont également responsables d’un hypersignal au PET-scan. Les examens biologiques (dosage des métanéphrines et bilan corticosurrénalien) permettent souvent de faire le diagnostic différentiel entre ces différentes entités. Actuellement, on retiendra surtout la très bonne valeur prédictive négative du PET-scan au 18 F-FDG indiquant que l’absence de fixation est peu compatible avec une lésion maligne. En pratique, la place de cet examen dans le bilan de l’incidentalome surrénalien n’est pas consensuelle mais est à considérer lorsque les résultats du TDM sont ambigus ou ne plaident pas en faveur d’un adénome cortical bénin.

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muette. Dans ce cas de figure, le scanner (TDM) est l’examen de choix à utiliser en première intention [1,9,10] (figure 1). Une méthodologie stricte est indispensable : coupes de 3 à 5 mm d’épaisseur maximale, jointives, analyse première de la densité spontanée de la lésion puis 10 à 15 minutes après l’injection de produit de contraste, avant de chiffrer sa vidange (wash-out). Dans le cadre particulier du corticosurrénalome malin, une grande taille (> 4 cm) est un argument de suspicion. A contrario, une petite taille est un élément rassurant et les corticosurrénalomes malins de moins de 3 cm de grand axe représentent moins de 1 % des incidentalomes surrénaliens [4]. Une densité spontanée et homogène au TDM (< 10 UH) témoigne d’un contenu graisseux et autorise le diagnostic d’adénome cortical bénin avec une très forte spécificité. Cette approche peut cependant méconnaître environ 30 % d’adénomes à faible contenu lipidique [9]. La vidange du produit de contraste est plus rapide dans les adénomes que dans les autres tumeurs surrénaliennes et le calcul du wash-out du produit de contraste est une approche indépendante de la mesure de la densité et qui sera réalisé en cas de densité spontanée > 10 UH (figure 2A). La sensibilité et la spécificité du couple densité spontanée/étude du wash-out sont de l’ordre de 90 %, mais ces données ont surtout été validées pour les métastases et les séries comportant des carcinomes surrénaliens sont rares [9].

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Figure 2 Corticosurrénalome malin de petite taille (35 mm) découvert de manière fortuite A : tomodensitométrie : 1 : densité spontanée 36 UH n’évoquant pas un adénome cortical, 2 : densité portale rehaussement à 61 UH, 3 : densité à 10 min = 54 UH, soit un wash-out de 28 % n’évoquant pas un adénome cortical. B : hypersignal caractéristique lors du TEP-scan au FDG.

Autres examens

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Nous ne détaillerons pas ici les examens biologiques à réaliser en cas de suspicion de corticosurrénalome malin et qui visent à mettre en évidence une hypersécrétion glucocorticoïde, minéralocorticoïde ou androgénique et qui, en dehors du test de freinage minute à la dexaméthasone, ne font pas partie du bilan initial systématique recommandé devant tout incidentalome [1,13]. Il est par contre évident que ce complément d’investigation biologique doit être envisagé en milieu spécialisé en cas de bilan morphologique n’étant pas typique d’une lésion bénigne. La biopsie surrénalienne a des indications rares. Elle peut être utile au diagnostic de corticosurrénalome malin hormonalement silencieux (caractérisé par un immuno-marquage positif avec des

anticorps anti-SF1) ou de métastase surrénalienne unique. Elle mérite d’être faite en centre spécialisé et après avoir formellement éliminé au préalable un phéochromocytome.

Incidentalomes surrénaliens sécrétants Phéochromocytome La prévalence du phéochromocytome au sein des incidentalomes est de l’ordre de 5 %, mais sa recherche doit être systématique du fait de la mise en jeu du pronostic vital en cas d’intervention chirurgicale ou de ponction de la lésion. Les séries nécropsiques menées chez des patients aux antécédents cardiovasculaires sont riches en phéochromocytomes, la recherche d’une hypertension artérielle (HTA) associée à des tome 43 > n84 > avril 2014

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Adénome de Conn La prévalence de l’adénome de Conn apparaît faible, moins de 1 %, au sein des incidentalomes surrénaliens [5]. Sa recherche ne se justifie donc que chez les patients ayant une HTA et/ou une kaliémie inférieure à 3,7 mmol/L. Elle repose sur l’évaluation du rapport aldostérone/rénine plasmatique en prenant soin d’éviter toute interférence médicamenteuse.

Adénome cortisolique La recherche d’un adénome cortisolique repose d’abord sur l’examen clinique à la recherche des signes du syndrome de Cushing. En dehors de cette entité, rare dans le cadre des incidentalomes surrénaliens, il faut évoquer les « adénomes cortisoliques infracliniques » (ACIC) qui sont des tumeurs bénignes produisant du cortisol de manière autonome mais avec une intensité insuffisante pour entraîner un syndrome de Cushing clinique et biologique patent. Les ACIC posent trois ordres de problèmes encore non résolus : les critères précis de

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leur diagnostic, leur histoire naturelle, leur retentissement somatique et notamment cardiovasculaire. Diagnostic des ACIC Le degré d’autonomie sécrétoire des ACIC et l’intensité de la sécrétion de cortisol est très variable d’une tumeur à l’autre. L’étendue de ce spectre d’activité biologique explique la variabilité des résultats de l’exploration de l’axe corticotrope et, fréquemment, l’absence de concordance entre eux. Les critères classiques et robustes de l’adénome cortisolique patent sont souvent pris en défaut. Ainsi en est-il du cortisol libre urinaire qui n’est élevé que dans moins de 20 % des cas [1] ou de la concentration plasmatique d’ACTH qui n’est pas systématiquement effondrée. Ceci explique également la variabilité des critères biologiques retenus dans la littérature pour faire ce diagnostic [17]. À l’heure actuelle, le dépistage de l’ACIC est recommandé avec la réalisation systématique d’un test de freinage « minute » par la dexaméthasone (prise de 1 mg de dexaméthasone per os au coucher suivie d’un dosage de cortisolémie matinale le lendemain matin vers 8 h). En cas de cortisol non effondré lors du test (> 50 nmol/L ou 1,8 mg/dL) et en l’absence de prise médicamenteuse susceptible d’interférer avec le métabolisme de la dexaméthasone, il sera légitime de poursuivre les investigations biologiques avec les outils usuels de l’exploration biologique corticotrope. En l’absence « d’étalon or » biologique pour définir l’ACIC, il apparaît légitime d’exiger la présence d’au moins deux anomalies biologiques de l’axe corticotrope, telles que cortisol après freinage minute > 80 nmol/L (> 3 mg/dL), ACTH plasmatique matinal effondré, cortisol libre urinaire élevé [2]. La mesure de la concentration plasmatique du sulfate de DHA dans ce contexte n’a pas fait la preuve de son intérêt. Il ne s’agit là toutefois que de critères purement biologiques dont la relevance clinique demeure inconnue. À cette complexité s’ajoute la possibilité de fluctuation des anomalies biologiques de l’axe corticotrope dans le temps et, du fait du caractère subtil des anomalies biologiques, le risque de mauvaise catégorisation sécrétoire de l’incidentalome par excès ou par défaut [18]. Il conviendra donc de valider ce diagnostic sécrétoire par la mise en évidence des anomalies biologiques corticotropes lors de deux séries d’investigation. Les ACIC sont-ils des lésions à risque ? L’histoire naturelle des ACIC est également mal connue faute d’études de suivi prospectives méthodologiquement irréprochables [1,2]. Il semble cependant que dans l’immense majorité des cas l’hypercorticisme ne s’intensifie pas de manière notable au cours du temps. L’évolution vers un syndrome de Cushing patent concerne moins de 15 % des patients porteurs d’ACIC dans les séries pessimistes et n’est jamais notée dans certaines séries [2,3]. Le retentissement somatique de l’hypercorticisme a minima des ACIC est également un sujet débattu. Les ACIC sont-ils

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symptômes paroxystiques classiques est donc fondamentale. Il convient cependant d’insister sur la variabilité de l’expression clinique des phéochromocytomes qui, dans le contexte des incidentalomes, est souvent atypique avec des signes cliniques hémodynamiques moins marqués au sein desquels la triade de Ménard est souvent absente, la présentation pouvant être celle d’une HTA d’apparence banale. Dans environ 20 % des cas, le phéochromocytome peut même être asymptomatique et n’entraîner aucune HTA [14,15]. Néanmoins, de rares études suggèrent que les manifestations hémodynamiques bruyantes de sécrétion de catécholamines puissent apparaître lors de l’exérèse chirurgicale de ces lésions [16]. Il est donc recommandé de rechercher systématiquement le phéochromocytome grâce au dosage des métanéphrines urinaires des 24 h ou au dosage des méthoxyamines libres plasmatiques. Les excellentes performances de ces outils biologiques, largement démontrées dans le cadre des phéochromocytomes sporadiques, sont toutefois moindres (sensibilité de l’ordre de 75 %) en cas de phéochromocytome incidental paucisymptomatique ou normotendu [14]. Il conviendra de se méfier devant des élévations minimes des méthoxyamines ou lorsque le TDM révèle que l’incidentalome a une densité tissulaire, se rehausse fortement après l’injection de produit de contraste qui se vidange lentement [10]. Rappelons également que les phéochromocytomes sont très avides de glucose et souvent responsables d’un signal intense lors du PET-scan au 18F-FDG et même lorsqu’il s’agit de tumeurs bénignes. La réalisation d’une scintigraphie à la MIBG n’est pas justifiée lors de l’évaluation initiale des incidentalomes car il s’agit d’une procédure lourde et coûteuse. Elle peut être indiquée lorsque le diagnostic de phéochromocytome est posé ou être discutée en cas de doute d’imagerie et biologique.

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réellement « infracliniques » ou à l’origine d’une morbidité particulière et donc des tumeurs à risque ? La question qui en découle est de savoir s’il est légitime d’envisager leur exérèse chirurgicale. De nombreuses études ont pointé la fréquence particulièrement élevée de l’obésité, intolérance aux hydrates de carbone/diabète sucré et hypertension artérielle qui peut atteindre respectivement 50 %, 40 % et 90 % des patients souffrant d’ACIC [1,19]. Plusieurs études castémoin ont mis en évidence un accroissement significatif de la pression artérielle, de la glycémie et des indices biologiques d’insulino-résistance chez les patients ayant un ACIC, comparativement à des sujets appariés sur le sexe, l’âge et l’indice de masse corporelle [1,19]. Des données récentes attestent également d’un risque de micro-fractures vertébrales considérablement accru chez les patients porteurs d’un ACIC comparativement à des patients ayant un incidentalome non secrétant [20]. Ces données laissent supposer que les patients porteurs d’ACIC ont une morbidité accrue du fait de la sécrétion cortisolique a minima. Une récente étude transversale de cohorte suggère qu’il existe un gradient dans le retentissement cardiovasculaire des ACIC qui suit en parallèle l’intensité des anomalies biologiques corticotropes [21]. La démonstration formelle du potentiel délétère des ACIC nécessite la réalisation d’études d’intervention contrôlées visant à montrer une évolution favorable de ces anomalies après exérèse de la lésion. À ce jour, les quelques séries publiées [1,17] retrouvent une amélioration du risque cardiovasculaire chez la majorité des patients opérés. Néanmoins, ces études souffrent de problèmes méthodologiques majeurs (caractère rétrospectif et non contrôlé, faible effectif) empêchant toute conclusion définitive et la décision d’intervenir doit être mûrement pesée et reposer sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et évolutifs. En pratique, et en attendant le résultat d’études méthodologiquement valides, on s’attachera à évaluer cliniquement certaines cibles tissulaires du cortisol telles que IMC, tour de taille, pression artérielle, glycémie et HbA1c, bilan lipidique afin de tenter d’apprécier un éventuel retentissement de l’hypercortisolisme a minima. La surveillance de ces marqueurs et de leur évolution dans le temps est également capitale dans la surveillance des adénomes corticaux, possiblement ACIC et non opérés. Il convient enfin d’insister sur les indications larges de substitution par hydrocortisone en période périopératoire afin de prévenir l’insuffisance corticotrope secondaire à l’exérèse d’un adénome cortical. S’il n’existe pas de consensus sur les anomalies biologiques précises définissant l’ACIC, il n’existe pas non plus de test prédictif de survenue d’une insuffisance corticotrope postopératoire par freinage de l’axe corticotrope et celle-ci peut survenir après l’exérèse d’une masse diagnostiquée initialement comme adénome non sécrétant [22].

Cas particulier des incidentalomes surrénaliens bilatéraux Les étiologies que nous venons d’évoquer sont le plus souvent unilatérales. Parmi les lésions surrénaliennes bilatérales « à risque », il convient d’évoquer celles détruisant le cortex surrénalien (métastases ou plus rarement tuberculose, lymphome ou hématomes) et qui peuvent induire une insuffisance surrénalienne. Celle-ci doit être systématiquement dépistée en cas de lésions bilatérales, grâce au dosage du cortisol matinal de base complété par le dosage de l’ACTH matinal et d’un test au SynacthèneW. Une sécrétion modérément excessive et autonome de cortisol identique à celle des ACIC peut être mise en évidence devant des masses surrénaliennes bilatérales et doit donc également être recherchée [23,24]. La recherche d’une expression illégitime de récepteurs hormonaux à 7 domaines transmembranaires au niveau du cortex surrénalien responsable d’une sécrétion aberrante de cortisol en réponse à des stimuli variés peut être envisagée par les tests appropriés comme dans le syndrome de Cushing ACTH-indépendant par hyperplasie surrénalienne macronodulaire bilatérale, même si celleci débouche rarement sur des issues thérapeutiques particulières [25].

Surveillance des incidentalomes surrénaliens non opérés Le suivi des tumeurs non opérées peut être utile pour rectifier un diagnostic initial d’adénome non secrétant erroné devant une croissance tumorale rapide ou l’apparition d’un syndrome sécrétoire. Les modalités et la durée du suivi chez les patients non opérés et porteurs d’incidentalomes de petite taille, non sécrétants, et d’allure bénigne à l’imagerie demeurent cependant discutées en l’absence d’études prospectives permettant d’appréhender de manière objective leur histoire naturelle. Il est supposé que l’absence de croissance volumétrique significative au-delà de 6 voire 12 mois élimine le diagnostic de carcinome ou métastase surrénalienne [26]. À moyen terme, environ 8 % des tumeurs grossissent significativement et un pourcentage comparable de tumeurs diminuent de volume [1]. Dans la littérature, les masses qui grossissent très progressivement en plusieurs années se révèlent être toujours bénignes. Malgré des limites méthodologiques importantes des études publiées, pour la plupart rétrospectives, l’analyse de la littérature est globalement rassurante et dans l’état actuel des connaissances, le consensus de la Société française d’endocrinologie estime qu’il n’y a pas de justification pour un suivi TDM au-delà de 5 ans pour les lésions d’allure bénigne, non sécrétantes, stables en taille et de moins de 4 cm. Le suivi biologique concerne surtout les ACIC car il est exceptionnel qu’une tumeur apparemment non sécrétante se révèle tome 43 > n84 > avril 2014

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Figure 3 Algorithme d’exploration et de suivi recommandé par la Société française d’endocrinologie [1] Noter que la place du TEP-scan au FDG n’a pas été envisagée en raison du faible nombre d’études lors de la rédaction du consensus (2007). DXM : dexaméthasone ; CT (computed tomography) : scanner ; m : mois ; MétaN : métanéphrine.





Conclusions Quelques points essentiels peuvent être dégagés actuellement dans la recherche des incidentalomes surrénaliens à risque :  le caractère bénin et non sécrétant de la majorité des incidentalomes recrutés dans un contexte autre que l’oncologie ;  l’importance de l’analyse TDM des lésions (taille, densité spontanée, étude du wash-out) ;

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l’excellente valeur prédictive négative du PET-scan au 18F-FDG vis-à-vis du risque de corticosurrénalome malin mais son manque de spécificité ; le bilan biologique de première intention comportant la recherche systématique du phéochromocytome, le test de freinage minute à la dexaméthasone à la recherche d’un ACIC uni- ou bilatéral, l’exploration du système rénine-angiotensine à la recherche d’un adénome de Conn que l’on réservera aux patients ayant une hypertension artérielle ou une hypokaliémie et, en cas d’incidentalomes bilatéraux, le dosage de la cortisolémie et de l’ACTH le matin vers 8 h et de la cortisolémie après l’injection de SynacthèneW ; les indications larges de la chirurgie pour les tumeurs de plus de 4 cm de grand axe du fait de l’augmentation de la prévalence des lésions malignes ; la difficulté de faire le diagnostic d’ACIC et d’évaluer son retentissement spécifique cardiovasculaire et métabolique. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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être un adénome de Conn ou un phéochromocytome [3]. Comme nous l’avons envisagé ci-dessus, le développement d’un syndrome de Cushing cliniquement patent est rare à partir d’un ACIC. Le risque de progression du statut hormonal s’accroît avec la taille de l’adénome. Ces données sont à la base des recommandations du consensus de la Société française d’endocrinologie qui suggère l’exérèse des lésions de plus de 4 cm et de poursuivre le suivi clinique et hormonal pendant 5 ans selon l’algorithme présenté sur la figure 3 [1].

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tome 43 > n84 > avril 2014