Insuffisance cardiaque: synthèse et perspectives d’avenir

Insuffisance cardiaque: synthèse et perspectives d’avenir

Rev Mid Interne 1997;18(SuppI5):412s-414s © Elsevier, Paris Insuffisance cardiaque Insuffisance cardiaque : synthese et perspectives d'avenir R Lucc...

372KB Sizes 0 Downloads 178 Views

Rev Mid Interne 1997;18(SuppI5):412s-414s © Elsevier, Paris

Insuffisance cardiaque

Insuffisance cardiaque : synthese et perspectives d'avenir R Luccioni Service de cardiologie. hOpital de /a Timone, bd Jean-Moulin. 13005 Marseille, France

Aujourd'hui, Ie point qui parait Ie plus important pour Ie clinicien dans la physiopathologie de I'insuffisance cardiaque est l'emballement des systemes assurant la regulation de la tension arterielle. II s' agit ?lla fois d' une hypersecretion d'hormones provoquant la retention d'eau et de sel (systeme renine-angiotensine-aldoste• rone, vasopressine), d'une hypersecretion d'endothe• line vasoconstrictrice et d' une hyperactivite du systeme sympathique avec comme corollaire une augmentation des concentrations de noradrenaline circulante. Ces anomalies sont importantes en pratique parce qu'elles ont une valeur pronostique pejorative bien etablie et parce qu'elles sont les cibles des traitements les plus modemes de l'insuffisance cardiaque. Un autre aspect tres important de I'insuffisance car• diaque est la perte de I'inotropisme. II ne resume pas cependant la physiopathologie de I'insuffisance cardiaque puisqu'il existe d'authentiques insuffisances cardiaques a fonction ventriculaire systolique conservee, OU Ie phe• nomene initial est un defaut de relaxation du muscle myocardique, aboutissant a I'elevation des pressions dans l'oreillette gauche et a une chute du debit: c'est l'insuffisance cardiaque diastolique qu'on peut rare• ment observer a I'etat pur mais qui Ie plus souvent est associee aune alteration de la fonction systolique. Au plan tissulaire, quelle que soit la maladie causale, et en France, il s' agit surtout de I' hypertension arterielle et de la coronaropathie, la decheance myocardique associe une hypertrophie aune fibrose, avec une modi• fication qualitative et quantitative des proteines contrac• tiles. On peut discuter du caractere adaptatif de ces repon• ses humorales et cellulaires a la chute du debit cardia• que. Dans une perspective evolutionniste, les grands systemes physiologiques comme Ie systeme renine-an• giotensine n'ont pas ete conserves pour repondre au probleme de I'insuffisance cardiaque qui n'ajamais ete une pression selective, alors que Ie manque d'eau et de sel, I' hypovolemie par hemorragie par exemple, en ont ete. Ceci explique pourquoi les reponses physiologiques de

I'insuffisance cardiaque paraissent en derniere analyse en grande partie inadaptes et leur correction benefique. La place de la paraclinique dans I'insuffisance car• diaque est surtout dans Ie suivi et l'evaluation de la gravite. Pour Ie diagnostic de l'insuffisance cardiaque, la clinique est en effet souvent suffisante. Mais il existe des cas frontieres ou l'echocardiographie permet de faire la part entre une dyspnee d'origine respiratoire et une dyspnee d'origine cardiaque. Lorsque la fonction ventriculaire gauche est normale aI'echocardiographie, il est possible de conclure dans la plupart des cas a une dyspnee d'origine extracardiaque. Mais il existe des cas ou la dyspnee aigue ou chronique peut s'expliquer par une insuffisance ventriculaire gauche diastolique pure. Ce diagnostic est difficile. II est evoque cliniquement devant des antecedents d 'hypertension arterielle ou de maladie de surcharge. II est etaye par l'echocardiographie qui retrouve souvent une hypertrophie myocardique etlou une anomalie du profil du flux transmitral au doppler. Mais aucun de ces signes n'est specifique. En dernier recours, dans certains cas, pour faire Ie diagnostic d'insuffisance ventriculaire gauche diastoli• que, il est necessaire de pratiquer un catheterisme. Le catheterisme droit montre alors une evaluation de la pression capillaire pulmonaire, et Ie catheterisme gauche une elevation de la pression telediastolique ventricu• laire gauche. Le parametre paraclinique Ie plus utilise en pratique pour Ie suivi et la quantification de insuffisance cardia• que gauche est la fraction d'ejection ventriculaire gau• che. II est critiquable. En effet, ce que l'on mesure est non seulement Ie reflet de l'inotropisme myocardique, mais egalement des conditions de charge. lin' en de• meure pas moins en pratique un parametre facile a mesurer a l'echographie, avec une bonne valeur pro• nostique et permettant de faire la part entre les atteintes severes, moyennes ou legeres du muscle myocardique. La mesure la plus fiable de la fraction d'ejection ven• triculaire gauche est fournie par la ventriculographie

Insuffisance cardiaque : synthese

isotopique. Chez un patient stable, les valeurs donnees par cet examen a plusieurs mois de distance sont tres reproductibles, et peu dependantes de I'observateur. Dans la pratique, cet examen onereux est reserve a des cas particuliers ou I'echocardiographie est de realisa• tion difficile, ou lorsqu'on veut detecter de petites variations de la fraction d'ejection, sous chimiotherapie par exemple. La mesure de la consommation maximale d' oxygene a I'effort (V02 max) est a I'heure actuelle I'element paraclinique qui a la meilleure valeur pronostique. En particulier, les malades avec des fractions d'ejection ventriculaire gauche effondrees mais une V02 max normale ou subnormale, ont generalement un bon pro• nostic vital. II en resulte que la V02 max, en dehors des cas de troubles du rythme mena~ants, est Ie meilleur critere de selection des candidats a la greffe cardiaque, avec c1assiquement un seuil a 14 mUminlkg. De fa~on tres schematique, trois grands axes thera• peutiques peuvent etre decrits dans Ie domaine de I'in• suffisance cardiaque. Les medicaments qui diminuent la surcharge hydrosodee, c'est-a-dire les diuretiques, demeurent la pierre angulaire du traitement, indispen• sables lors des decompensations, souvent necessaires a des doses moindres au long cours. lis ont ete peu ou mal evalues, mais leur utilite ou leur efficacite dans des situations comme I'redeme aigu du poumon ne prete pas a discussion. Le furosemide mis sur Ie marche en 1965 demeure Ie plus utilise. Le bumetadine plus re• cente est aussi utile. L'evolution du traitement diureti• que dans insuffisance cardiaque se fait surtout vers une augmentation des doses qui peuvent atteindre par voie veineuse jusqu'a I g voire 2 g par jour, dans les formes graves et evoluees. Les inotropes ont tous pour propriete d'ameliorer les symptOmes et la fraction d'ejection ventriculaire gau• che qu'il s'agisse des digitaliques, des catecholamines, ou des inhibiteurs des phosphodiesterases. lis se sont tous cependant reveles decevants dans les etudes con• trolees par I'absence d'effets benefiques sur la morta• lite, voire un effet deletere (catecholamines, inhibiteurs des phosphodiesterases). II a fallu attendre 1996 pour connaitre les effets de la digoxine sur les evenements majeurs dans un essai c1inique de grande envergure, I'etude DIG. Les malades avec une fraction d'ejection ventriculaire gauche inferieure a 45 % et en rythme sinusal recevaient en plus de diuretiqucs et d'IEC soit de la digoxine, soit un placebo. Le traitement actif n' a pas modifie la mortalite, mais a diminue Ie nombre de jours d'hospitalisation. La dobutamine demeure par ailleurs tres utile lors des decompensations severes avec pressions arterielles basses. Les autres medica• ments inotropes developpes au cours des dix dernieres annees (ibopamine, vesnarinone, amrinone, milrinone, etc) sont soit abandonnes, soit reserves ades indications

413s

tres etroites et it est peu probable que I'industrie phar• maceutique investisse beaucoup dans ce domaine. Le principal progres dans Ie traitement de I'insuffi• sance cardiaque est constitue par les medicaments s' op• posant aux mecanismes adaptatifs de l'insuffisance cardiaque. II s'agit surtout des inhibiteurs de I'enzyme de conversion de l'angiotensine qui ont fait la preuve de leur efficacite dans I' amelioration des symptomes et la reduction de la mortalite, des que la fraction d'ejec• tion ventriculaire gauche est inferieure a45 %, quel que soit Ie mecanisme de cette alteration. En particulier, ils reduisent la mortalite dans Ie post-infarctus avec dys• fonction ventriculaire gauche. La limitation la plus commune a leur emploi est I'hypotension arterielle et il ne parait pas souhaitable de les utiliser en dessous d'une tension arterielle systolique de 100 mmHg. En cas de toux, il parait logique de les remplacer par un inhibiteur des recepteurs de I'angiotensine II. On ne dispose cependant que d'un seul essai (ELIlE) mon• trant un benefice en termes d'evenement avec ce type de traitement, en I'occurrence Ie Losartan~. D'autres etudes en cours devraient permettre de mieux etablir Ie bien-fonde de cctte indication. Cette c1asse therapeutique des antagonistes des recepteurs de I'AT II est par ailleurs en pleine diversification. Les betabloquants s'opposent a I'emballement du systeme sympathique. Une seule etude de grande taille a montre I'interet du traitement betabloquant (Ie carve• dilol) pour baisser la mortalite chez I'insuffisant car• diaque. Les autres betabloquants testes n'ont d'effet de• montre que sur les symptomes (bisoprolol, metoprolol). La superiorite possible du carvedilol sur ces concur• rents reside peut-etre dans son effet alphabloquant as• socie. Quelle que soit la molecule, les betabloquants necessitent, pour etre employes dans I'insuffisance car• diaque, des precautions qui restreignent leur emploi : la petite dose initiale doit etre administree lors d'une hospitalisation, I'hypotension est une contre-indica• tion. Toujours dans la categorie des medicaments s' oppo• sant aux phenomenes regulateurs de I'insuffisance car• diaque, il faut citer les antiendothelines, actuellement en cours de developpement. Enfin, la mort subite dans I'insuffisance cardiaque est mieux prevenue par I' amiodarone et, dans certains cas, par Ie defibrillateur implantable. Depuis I'introduction de la ciclosporine, la trans• plantation cardiaque appartient a la routine. Le bilan avec un recul d'une quinzaine d'annees fait apparaitre la persistance d'une mortalite operatoire importante (20 a 30 %), la relative frequence des dialyses renales au long terme (environ 5 % des transplantes cardiaques), I'incidence egalement non exceptionnelle des Iympho• mes (de I' ordre de 5 %), et malgre tout une bonne survie a 5 ans (environ 60 %). Dans Ie futur, ces cohortes

414s

RLuccioni

vieillissantes poseront egalement frequemment Ie pro• bleme de la coronaropathie acceleree du greffon, diffi• cile atraiter. II ne se profile pas d'immunosuppresseurs capables de remplacer la ciclosporine. Le FK 506, recemment commercialise, partage la plupart des effets secondaires de la ciclosporine et en particulier sa ne• phrotoxicite. Les greffons demeurent rares et Ie coat de la transplantation est d'environ 500 000 francs. D'au• tres solutions therapeutiques al'insuffisance cardiaque terminale doivent donc etre recherchees. La cardio• myopiastie qui consiste a entourer Ie creur du grand dorsal electrostimule s'est revelee decevante et peu indiquee dans les stades IV. Battista, un chirurgien bresilien, a recemment propo• se une operation de reduction du volume ventriculaire gauche (ventriculectomie en quartier d'orange), dimi-

nuant selon la loi de Laplace la tension des fibres myocardiques, et proposee donc dans l'insuffisance cardiaque terminale. La mortalite operatoire est elevee et cette technique est pour Ie moment mal evaluee. Le creur artificiel implantable sera peut-etre alors une so• lution. II est actuellement disponible mais pour un prix (environ 1,5 million de francs) qui a limite son implan• tation a moins d'une vingtaine en France. Dans la plupart des cas, iI n'a pas constitue une solution defini• tive mais un pont vers la transplantation. Au total, Ie traitement de I'insuffisance cardiaque a fait de grands progreso Le plus grand nombre a benefi• cie des apports qu' ont represente les nouveaux medica• ments, par exemple les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. La chirurgie, en revanche, demeure reser• vee a un petit nombre d'indications.