Intérêt du dosage de la progestérone sérique dans la prise en charge des grossesses anormales (grossesse extra-utérine, fausses couches spontanées) au cours du premier trimestre

Intérêt du dosage de la progestérone sérique dans la prise en charge des grossesses anormales (grossesse extra-utérine, fausses couches spontanées) au cours du premier trimestre

Immuno-analyse & Biologie spécialisée 18 (2003) 152–157 www.elsevier.com/locate/immbio Stratégies d’exploration fonctionnelle et de suivi thérapeutiq...

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Immuno-analyse & Biologie spécialisée 18 (2003) 152–157 www.elsevier.com/locate/immbio

Stratégies d’exploration fonctionnelle et de suivi thérapeutique

Intérêt du dosage de la progestérone sérique dans la prise en charge des grossesses anormales (grossesse extra-utérine, fausses couches spontanées) au cours du premier trimestre Accuracy of progesterone measurement in management of patients with first trimester pregnancy failure N. Couque a,*, C. Frossard a, J.M. Briffa b, L. Sedrati a, J.P. Dumont a b

a Laboratoire de biochimie, CH Lagny-Marne-la-vallée, 33, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny-sur-Marne, France Service de gynécologie–obstétrique, CH Lagny-Marne-la-vallée, 33, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny-sur-Marne, France

Reçu le 5 mars 2003 ; accepté le 15 mars 2003

Résumé La progestérone sérique, anormalement faible au cours des grossesses extra-utérines (GEU), pourrait constituer, en association avec le dosage de l’hormone chorionique gonadotrophique humaine (hCG), un élément important du diagnostique non-invasif de GEU. Afin d’évaluer l’utilité d’un tel dosage, nous avons rétrospectivement déterminé la concentration de progestérone sérique chez 67 patientes présentant une GEU ou une fausse couche spontanée (FCS). L’efficacité diagnostique du test a été analysée à partir de la construction de courbes receiver operating characteristics (Roc). La courbe Roc montre que la progestérone constitue un bon marqueur discriminant pour le diagnostic de grossesses anormales (GEU ou FCS) vs grossesses intra-utérine viables. En revanche, la progestérone ne peut distinguer une GEU d’une grossesse intra-utérine viable ou non. En conclusion, pour améliorer le diagnostic non-invasif des GEU, nous proposons de considérer que toute valeur inférieure à 5 ng/ml – pour un prélèvement effectué au cours du premier trimestre de grossesse – permet d’identifier une grossesse pathologique, notamment les GEU. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Low serum progesterone measurement, described in ectopic pregnancy (GEU), has been advocated as a diagnostic tool, with hCG measurement, in the non-invasive diagnosis of GEU. To access the accuracy of this test in the diagnosis of GEU, progesterone measurements were obtained from 67 pregnancies with outcome defined as GEU or spontaneous abortion. The diagnostic accuracy of the test was analysed by generating “receiver operating characteristics” (Roc) curves. The Roc curve for the diagnostic of pregnancy failure vs viable intra-uterine pregnancy showed a good discriminative capacity. Yet, single progesterone measurement could not discriminate between ectopic pregnancy and non-ectopic pregnancy. In conclusion, a threshold progesterone value of 5 ng/ml is proposed as a safe value for identification of patients with first trimester pregnancy failure, including GEU, but is insufficient for establishing a definite diagnosis. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Progestérone ; Grossesse extra-utérine ; Fausse couche spontanée Keywords: Progesterone; Ectopic pregnancy; Spontaneous abortion

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Couque).

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 9 2 3 - 2 5 3 2 ( 0 3 ) 0 0 0 4 8 - 6

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1. Introduction Les métrorragies du premier trimestre de la grossesse représentent le premier motif de consultation aux urgences gynécologiques. Il existe 4 grandes causes à évoquer : la grossesse extra-utérine (GEU), la fausse couche spontanée, la grossesse intra-utérine évolutive ou non et la môle hydatiforme. Compte tenu de sa fréquence et de sa gravité, la GEU, qui correspond à une nidation ectopique de l’œuf (le plus souvent tubaire), doit être systématiquement éliminée en premier lieu. Au cours des dernières décennies, la fréquence des GEU a doublé voir triplé. L’incidence actuelle est estimée à environ 13 pour 1000 grossesses diagnostiquées [9]. Le risque de morbidité et de mortalité est essentiellement lié au risque de rupture tubaire. Un diagnostic précoce et un choix thérapeutique rapide contribuent largement à diminuer les conséquences des GEU [4]. La prise en charge repose actuellement sur l’examen clinique, l’échographie transvaginale et/ou pelvienne et la mesure des concentrations sériques de l’hormone chorionique gonadotrophique humaine (hCG). La symptomatologie clinique est très polymorphe. Les 2 principaux signes cliniques sont les douleurs abdominopelviennes et les métrorragies. La prise en considération des facteurs de risques de GEU prend toute son importance chez les patientes asymptomatiques. En effet, dans une série récente de 225 patientes asymptomatiques mais présentant des facteurs de risques, 24 % se sont avérées porteuses d’une GEU [3]. Les principaux facteurs de risques connus sont les suivants : infections pelviennes, tabac, antécédents chirurgicaux pelviens, antécédents d’utilisation d’un stérilet. Dans la majorité des cas (95 %), l’ubiquité du tableau clinique impose des examens complémentaires radiologiques et biologiques. Seul un tableau clinique d’hémopéritoine (5 % des cas) chez une femme enceinte nécessite un traitement en urgence sans autres examens complémentaires. L’échographie transvaginale et pelvi-abdominale montre des signes directs (sac gestationnel extra-utérin avec embryon et activité cardiaque visible) et/ou indirects (masse latéro-utérine, vacuité utérine, utérus gravide, épanchement liquidien du cul de sac de Douglas) pour le diagnostic d’une

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GEU. La valeur diagnostique de l’examen radiologique est influencée par les données cliniques ainsi que par les dosages hormonaux (hCG [16] ; progestérone [23]) mis à la disposition de l’échographiste. La cinétique des concentrations sériques de l’hCG est pertubée : stagnation ou augmentation (< 66 %) du taux à 48 h d’intervalle. L’hCG est une hormone sécrétée précocement à partir du cytotrophoblaste. Elle est détectable au niveau sérique dès le septième jour de gestation. Elle présente normalement une cinétique de production qui est croissante des premiers jours de gestation jusqu’au troisième mois. Pour le diagnostic de GEU, la confrontation des données cliniques, radiologiques et biologiques est indispensable pour une prise en charge efficace (Fig. 1). La présence des signes échographiques évocateurs avec hCG positive permet le diagnostic de GEU ; l’absence de signes échographiques évocateurs nécessite un dosage quantitatif d’hCG. En effet, il existe un seuil discriminant à 1500 UI/l d’hCG au-delà duquel l’échographie transvaginale détecte un sac intra-utérin [10,22]. Ainsi si l’échographie est non contributive, une concentration sérique d’hCG supérieure à 1500 UI/l est en faveur du diagnostic de GEU ; en revanche, une concentration sérique d’hCG inférieure à 1500 UI/l ne permet aucun diagnostic et une répétition de l’échographie et du dosage d’hCG est indispensable à 48 heures d’intervalle. Depuis les années 1980, plusieurs équipes ont observé une concentration anormalement faible de progestérone au cours des grossesses pathologiques telles que les GEU [15]. Durant les premières semaines de gestation, la progestérone est synthétisée par le corps jaune, stimulé par des facteurs lutéotropiques émis par l’embryon implanté. Durant cette période, contrairement à l’hCG, les concentrations sériques de progestérone sont stables. Depuis lors, un dosage unique de progestérone sérique, en parallèle d’un dosage de l’hCG, a été proposé dans plusieurs algorithmes de diagnostic différentiel entre GEU et grossesse intra-utérine viable [2,11,17]. La mise en place d’un tel algorithme permet notamment de s’affranchir du délai diagnostique associé à la répétition des dosages de l’hCG.

Fig. 1. Algorithme décisionnel pour le diagnostic de GEU. * Échographie endovaginale.

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Tableau 1 Principales caractéristiques démographiques et cliniques des patientes étudiées

Caractéristiques démographiques (moyenne ± écart-type) ˆ ge (année) •A • Semaines d’aménorrhée Caractéristiques cliniques (nombre et % entre parenthèses) • Métrorragies • Douleurs pelviennes • Métrorragies et douleurs pelviennes • GEU rompue

Le but de l’étude est de mesurer de façon rétrospective les concentrations sériques de progestérone chez les patientes qui ont été hospitalisées pour grossesses non viables (extra ou intra-utérine) et de déterminer si un tel dosage aurait permis un diagnostic plus précoce de GEU.

GEU (n = 32)

FCS (n = 35)

30,7 ± 5 4,6 ± 2

30,8 ± 6,7 6,8 ± 2,2

5 (16) 3 (10) 9 (28) 5(16)

11(31) 3 (8) 4 (12)

Total (n = 67)

16 (24) 6 (9) 13 (19)

de déterminer le seuil diagnostique de la progestéronémie. Sensibilité, spécificité et rapport de vraisemblance diagnostique ont été calculés pour un seuil donné selon les formules établies.

3. Résultats 2. Matériel et méthodes Nous avons réalisé une étude rétrospective portant sur des patientes hospitalisées dans le service de gynécologie–obstétrique du centre hospitalier de Lagny-Marne-la-Vallée pour GEU ou fausse couche spontanée (FCS). Les patientes ont été identifiées par extraction des données PMSI de l’hôpital. Au cours de l’année 2000, 42 patientes ont été hospitalisées pour GEU ; 32 de ces patientes, pour lesquelles du sérum congelé à –20 °C était à disposition, ont été incluses dans l’étude. Au cours du dernier trimestre de l’année 2000, 76 patientes ont été hospitalisées pour FCS ; 35 de ces patientes ont été incluses dans l’étude (afin d’obtenir un nombre de patientes équivalent, seules les 35 premières patientes pour lesquelles du sérum était à disposition ont été incluses). Parallèlement, un groupe témoin composé de 32 femmes ayant mené une grossesse à terme a été étudié. L’ensemble des patientes étudiées a été pris en charge lors du premier trimestre de la grossesse (3 à 13 semaines d’aménorrhée). Les données cliniques et échographiques de chaque patiente ont été récupérées à partir du dossier patient informatisé (Mediged®). Les dosages d’hCG et de progestérone sont des immunodosages de type sandwich par chimiluminescence directe réalisés sur automate ACS 180 (Bayer Diagnostic). La concentration d’hCG a été déterminée sur sérum frais au moment de l’hospitalisation ; les résultats sont exprimés en UI/l ; la limite de sensibilité est de 2 UI/l. La concentration de progestérone a été déterminée a posteriori sur sérum congelé depuis moins de 1 an ; les résultats sont exprimés en ng/ml ; la limite de sensibilité est de 0,11 ng/ml. Du fait de la distribution non gaussienne d’hCG, les résultats ont été analysés par des tests non paramétriques : comparaison des médianes par le test de Mann Withney Wilcoxon à l’aide du logiciel de statistiques Prism®. Des courbes Roc (Receiver Operating Characteristic) ont été construites afin

L’analyse des données cliniques des 67 patientes étudiées, montre que 35 (52 %) présentaient à l’entrée une métrorragie et/ou des douleurs abdomino-pelviennes correspondant aux 2 principaux signes cliniques de GEU. Plusieurs patientes possédaient des facteurs de risques connus de GEU : stérilet (4 patientes), antécédent de GEU (7 patientes). Les caractéristiques démographiques et cliniques sont présentées sur le Tableau 1. Les dosages sériques d’hCG et de progestérone des 67 grossesses anormales et des 32 grossesses normales sont indiqués respectivement dans les Figs. 2 et 3. Les valeurs médianes d’hCG dans les groupes GEU, FCS et grossesse normale sont respectivement de 849,5 UI/l (min : 29 ; max : 49 843), 1436 UI/l (min : 4 ; max : 176 145) et 19 357 UI/l (min : 95 ; max : 177 240). Les concentrations d’hCG s’échelonnent sur une large gamme avec une importante zone de chevauchement. La médiane du groupe des

Fig. 2. Concentrations sériques d’hCG pour les grossesses extra-utérines (GEU), les fausses couches spontanées (FCS) et les grossesses normales. Chaque point représente la concentration observée pour une patiente. La barre horizontale correspond à la médiane calculée pour l’ensemble du groupe.

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Fig. 3. Concentrations sériques de progestérone pour les grossesses extrautérines (GEU), les fausses couches spontanées (FCS) et les grossesses normales. Chaque point représente la concentration observée pour une patiente. La barre horizontale correspond à la médiane calculée pour l’ensemble du groupe. Les traits en pointillé correspondent à des valeurs seuils de 5 ng/ml et de 17,5 ng/ml.

grossesses normales est significativement différente des groupes GEU et FCS (p < 0,05). Les valeurs médianes de progestérone dans les groupes GEU, FCS et grossesse normale sont respectivement de 5,4 ng/ml (min : 0,9 ; max : 29,2), 3,7 ng/ml (min : 0,79 ; max : 48,5) et 27,2 ng/ml (min : 12,66 ; max : 63). Les concentrations de progestérone sont moins dispersées que celles d’hCG. La progestéronémie est significativement plus basse dans le groupe des grossesses anormales (GEU et FCS) que dans le groupe des grossesses normales (p < 0,0001). En revanche, les médianes de progestérone ne sont pas différentes entre le groupe GEU et le groupe FCS. L’établissement d’une courbe Roc, correspondant aux différents couples sensibilité – spécificité sur l’ensemble des seuils de progestérone sérique possible permet la détermination d’un seuil définissant la positivité du test. Dans un premier temps, nous avons cherché à déterminer si une valeur seuil de progestérone sérique permettait de distinguer une grossesse intra-utérine viable d’une grossesse non viable. L’intersection de la deuxième diagonale et de la courbe Roc définit un seuil à 17,5 ng/ml (Fig. 4). Le Tableau 2 résume les performances d’utilisation d’un tel seuil pour le diagnostic de grossesse non viable dans notre étude rétrospective : 86,5 % des grossesses non viables ont été correctement classées ; toutefois 4 grossesses viables sur 32 présentaient un taux de progestérone inférieur à 17,5 ng/ml (spécificité : 87,5 %). Sachant que, pour des concentrations d’hCG basses, l’interprétation d’une échographie est difficile, nous avons analysé l’efficacité diagnostique de la progestérone pour les patientes présentant une hCG < 1500 UI/l. Trente-sept grossesses non viables sur 67 (55 %) ont une hCG < 1500 UI/l. Le dosage de la progestérone, avec un seuil de 17,5 ng/ml, aurait permis un diagnostic de grossesse non viable chez 34 de ces patientes (soit 92 %) avec les sensibilités et spécificités précédemment définies (86,5 et 87,5 % respectivement).

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Fig. 4. Courbe Roc distinguant grossesse non-viable vs grossesse viable par la concentration sérique de progestérone. La flèche indique la valeur seuil choisie à 17,5 ng/ml qui permet avec une bonne sensibilité et spécificité le diagnostic de grossesse pathologique.

L’utilisation d’un seuil plus faible de 5 ng/ml assure une spécificité maximale de 100 % avec une sensibilité de 54 % (Tableau 3). Parmi les 37 grossesses non viables présentant une hCG < 1500 UI/l, 27 ont une progestérone < 5 ng/ml (soit 73 %). L’utilisation d’un seuil plus élevé à 30 ng/ml assure avec une très bonne sensibilité (98 %) mais une spécificité médiocre (31 %) le diagnostic de grossesse non viable. Les performances d’utilisation d’un tel seuil sont résumées dans le Tableau 4. Dans un second temps, nous avons cherché à déterminer si une valeur seuil de progestérone permettrait de distinguer une GEU d’une grossesse intra-utérine (FCS et grossesse viable). Dans notre étude, la courbe Roc (Fig. 5) montre qu’aucune valeur seuil de progestérone ne permet, avec une sensibilité et spécificité satisfaisante, un diagnostic de GEU vs autre grossesse. Tableau 2 Efficacité diagnostique du seuil de progestérone à 17,5 ng/ml pour le dépistage de grossesse non viable

Prog < 17, 5 ng/ml Prog ≥ 17,5 ng/ml Sensibilité Spécificité Rapport de vraisemblance

Grossesse non viable (FCS + GEU) 58 9 86,5 % 87,5 % 7

Grossesse viable 4 28

Tableau 3 Efficacité diagnostique du seuil de progestérone à 5 ng/ml pour le dépistage de grossesse non viable

Prog < 5 ng/ml Prog ≥ 5 ng/ml Sensibilité Spécificité Rapport de vraisemblance

Grossesse non viable (FCS + GEU) 36 31 54 % 100 % > 20

Grossesse viable 0 12

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Tableau 4 Efficacité diagnostique du seuil de progestérone à 30 ng/ml pour le dépistage de grossesse non viable

Prog < 30 ng/ml Prog ≥30 ng/ml Sensibilité Spécificité

Grossesse non viable (FCS + GEU) 66 1 98 % 31 %

Grossesse viable 22 10

4. Discussion À l’heure actuelle, le diagnostic de grossesse anormale chez une patiente symptomatique est fondé sur : des signes cliniques évocateurs, des résultats de l’échographie de la cavité utérine et de ses annexes, des résultats de dosages d’hCG. L’ensemble de ces données permet une classification des patientes en fonction du risque clinique : faible, intermédiaire ou fort [1,18]. C’est dans le cadre d’un risque faible voire intermédiaire que les marqueurs biologiques sont importants. Nos résultats, en concordance avec les données de la littérature, mettent en évidence des taux anormalement bas de progestérone sérique au cours des grossesses non viables aussi bien intra- qu’extra-utérine [5,6,15]. Une faible progestéronémie constitue donc un bon marqueur de grossesse non évolutive. En revanche, la capacité de ce marqueur à distinguer, parmi les grossesses pathologiques, une GEU d’une FCS est très limitée. Précisons que la progestérone sérique ne peut être utilisée comme marqueur de grossesse pathologique que lors de grossesse spontanée. En effet, il a été montré qu’au cours des grossesses obtenues après induction de l’ovulation, la progestérone ne constitue pas un bon marqueur pathologique [12,19]. La courbe Roc, établie dans notre étude, définit un seuil de progestérone sérique de 17,5 ng/ml pour l’exclusion d’une grossesse viable. Pour ce seuil, la sensibilité et la spécificité sont correctes respectivement 86,5 et 87,5 %. Le seuil déterminé dans d’autres travaux va de 15 à 20 ng/ml [2,14,17]. Compte tenu, d’une part, de la faible prévalence des GEU

Fig. 5. Courbe Roc distinguant GEU vs grossesse intra-utérine viable ou non par la concentration sérique de progestérone : aucune valeur seuil de progestérone ne permet un diagnostic de GEU vs autre grossesse.

parmi l’ensemble des grossesses et d’autre part, du risque de considérer à tort une grossesse viable comme pathologique, un test diagnostique présentant une spécificité maximale semble préférable. C’est pourquoi, en concordance avec les données de la littérature [8,14,17], nous proposons un seuil de progestérone < 5 ng/ml pour le diagnostic de grossesse non évolutive (sensibilité : 54 % ; spécificité : 100 %). Parmi les patientes étudiées, aucune grossesse viable ne présente une progestérone < 5 ng/ml. La méta-analyse de Mol [17] montre que 0,3 % des grossesses intra-utérine viables ont une progestérone < 5 ng/ml. C’est dans les situations de diagnostic difficile, que le dosage de la progestérone, nous paraît le plus pertinent. Le diagnostic est délicat lorsque l’échographie est peu ou pas contributive et/ou le dosage d’hCG est inférieur à 1500 UI/l [7,8,13]. Dans notre étude, 37 patientes (55 %) avaient une hCG < 1500 UI/l. L’utilisation d’un seuil de progestérone plus faible à 5 ng/ml, avec une spécificité de 100 %, permet d’exclure une grossesse viable évolutive chez 27 de ces patientes. La progestéronémie étant stable, contrairement à l’hCG, la répétition des dosages n’est pas nécessaire et le diagnostic est ainsi plus précoce [21]. De plus, on s’affranchit de la comparaison des résultats d’hCG entre laboratoires qui est toujours délicate. En revanche, comme un taux de progestérone supérieur à 5 ng/ml ne permet pas d’exclure une grossesse viable, la répétition des échographies et des dosages d’hCG reste la règle. Toutefois, une concentration de progestéone > 30 ng/ml est en faveur d’une grossesse viable. La Fig. 6 illustre les possibilités que donne l’utilisation du dosage de la progestérone sérique pour le diagnostic des grossesses pathologiques. La progestérone peut aussi être utile dans la prise en charge thérapeutique des GEU. Actuellement le traitement des GEU est soit chirurgical, soit médical (méthotrexate voire abstention thérapeutique) [9]. Le traitement chirurgical de référence est la cœlioscopie qui permet de réaliser une salpingectomie ou un traitement conservateur de la trompe (salpingotomie). Compte tenu du risque d’échec de la salpingotomie, estimé entre 5 et 10 %, pour les GEU présentant une forte activité (définie par une progestérone > 10 ng/ml et une hCG > 10 000 UI/l) il est conseillé de pratiquer d’emblée en plus du traitement conservateur une injection de méthotrexate [9,20]. L’abstention thérapeutique est surtout proposée pour les GEU de faible activité (progestérone < 5 ng/ml et hCG < 1000 UI/l) en l’absence de toute symptomatologie clinique. Le dosage de la progestérone sérique, paramètre adaptable à l’urgence, constitue une aide au diagnostic de grossesse pathologique avec potentiellement un gain de temps de 48 heures. De plus, le taux de progestérone intervient, en complément de l’hCG, dans l’algorithme thérapeutique des GEU.

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Fig. 6. Algorithme décisionnel proposé pour le diagnostic de GEU intégrant l’utilisation de la progestérone sérique (PG). * Échographie endovaginale.

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