Intérêt du bilan fonctionnel et de la rééducation dans la fasciite à éosinophile

Intérêt du bilan fonctionnel et de la rééducation dans la fasciite à éosinophile

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Annales de réadaptation et de médecine physique 49 (2006) 577–580 http://france.elsevier.com/direct/ANNRMP/

Cas clinique

Intérêt du bilan fonctionnel et de la rééducation dans la fasciite à éosinophile Functional assessment and rehabilitation of eosinophilic fasciitis R. Joassin *, M. Donnay, J. Hugé, J.-P. Brasseur Service de médecine physique réadaptation et rhumatologie, clinique Saint-Pierre, 9, avenue Reine-Fabiola, 1340 Ottignies, Belgique Reçu le 30 janvier 2006 ; accepté le 2 mai 2006

Résumé Objectif. – Évaluer l’intérêt d’un bilan fonctionnel et de la rééducation dans la prise en charge de la fasciite à éosinophile. Méthode. – Description d’un cas clinique de fasciite à éosinophile incluant l’évolution du bilan fonctionnel après un traitement associant corticothérapie et rééducation. Cas clinique. – Patiente de 33 ans avec impotence fonctionnelle majeure à la marche et douleur au mollet gauche. Les examens biologiques et d’imagerie incluant une résonance magnétique nucléaire et scintigraphie osseuse objectivent une inflammation des tissus graisseux et musculaires de la région postérieure de la jambe. Une biopsie cutanéomusculaire confirme le diagnostic de fasciite avec éosinophiles. Une corticothérapie est alors instituée en parallèle à une prise en charge en rééducation afin de limiter les déficiences et incapacités fonctionnelles. Discussion–conclusion. – Le bilan fonctionnel utilisé comme indicateur objectif pourrait, en association avec le suivi du syndrome inflammatoire biologique permettre de conduire la décroissance des corticoïdes. En outre, une prise en charge en rééducation pourrait limiter les déficiences et l’incapacité fonctionnelle résultant de la fasciite à éosinophile. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – To evaluate functional assessment and rehabilitation in eosinophilic fasciitis. Method. – Description of a clinical case of eosinophilic fasciitis, including the evolution of functional assessment after treatment with corticotherapy and rehabilitation. Case report. – Our case was a 33-year-old patient with major walking disability and pain in the left calf. Biological examination and imaging, including nuclear magnetic resonance and bone scintigraphy, showed inflammation of the adipose and muscular tissues of the posterior area of the leg. Cutaneomuscular biopsy confirmed the diagnosis of eosinophilic fasciitis. Corticotherapy was then instituted in parallel with rehabilitation to limit deficiencies and disability function. Discussion–conclusion. – Functional assessment used as indicating objective could, in partnership with follow-up of the biological inflammatory syndrome, lead to decreased use of corticoids in iosinophilic fasciitis. Moreover, supplemental rehabilitation could limit deficiencies and the functional disability resulting from the fasciitis. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Fasciite à éosinophile ; Bilan fonctionnel ; Rééducation Keywords: Eosinophilic fasciitis; Functional exam; Rehabilitation

* Auteur

correspondant. 17/2, place du tilleul, 4500 Huy, Belgique. Adresse e-mail : [email protected] (R. Joassin).

0168-6054/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annrmp.2006.05.001

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1. Introduction La fasciite à éosinophile (FE) [4], est décrite pour la première fois en 1974 par L. Schulman. L’étiologie précise est inconnue. Néanmoins, elle peut survenir suite à des efforts inhabituels ou plus rarement à un traumatisme. La FE se caractérise par l’association d’une induration des structures sous-cutanées profondes et une limitation du jeu articulaire. Ce syndrome touche de façon élective les extrémités distales des membres. Par l’inflammation et la fibrose des fascias qu’elle engendre, douleurs musculaires et perte d’amplitude articulaire sont très fréquemment observées. Si l’hyperéosinophilie et l’hypergammaglobulinémie sont habituelles, leurs absences n’excluent cependant pas le diagnostic. La biopsie musculaire permet de confirmer le diagnostic de FE. Répondant favorablement dans la plupart des cas à un traitement par corticothérapie, certains signes et symptômes de la maladie peuvent néanmoins persister malgré un traitement adapté. La FE peut être responsable d’un handicap. Il semble dès lors fondamental, pour limiter les potentielles déficiences et incapacités fonctionnelles résiduelles, qu’un traitement en rééducation en complément du traitement pharmacologique soit envisagé. À notre connaissance [3,5], très peu d’articles existent dans la littérature médicale sur ce sujet ainsi que sur l’importance du bilan fonctionnel, comme indicateur objectif, d’adaptation des doses de corticothérapie et de suivi de la maladie. Nous rapportons l’histoire d’une jeune patiente âgée de 33 ans traitée avec succès par rééducation, gestion pluridisciplinaire de la douleur et corticothérapie. Cette prise en charge a été évaluée à l’aide de la CRP mais également d’une évaluation fonctionnelle répétée. 2. Cas clinique Âgée de 33 ans, Mme X. est victime le 9 mai 2005 d’un traumatisme responsable d’une déchirure des adducteurs de la cuisse gauche. Le 20 mai 2005, la patiente consulte le service des urgences pour impotence fonctionnelle majeure à la marche et majoration d’une douleur du mollet gauche depuis 48 heures. On retient de ses antécédents médicochirurgicaux, une sclérose en plaques (2000) traitée par cure de mitoxantrone et corticoïdes et un épisode de crise d’épilepsie (11/2004). L’examen clinique d’entrée objective un mollet gauche chaud, gonflé et douloureux à la palpation, une limitation en flexion–extension de la cheville gauche à –10/0° et un flessum du genou gauche à 60°. L’intensité de la douleur est évaluée à 9/10 sur une échelle visuelle analogique de la douleur (EVA). L’appui est impossible suite aux phénomènes algiques, le testing musculaire évalué à 3/5 pour le quadriceps et l’ensemble de la musculature de la jambe gauche est suboptimal pour les mêmes raisons. La biologie d’entrée objective 13,9 × 1000/mm3 globules blancs avec 78,7 % de polynucléaire neutrophile, une CRP à 31,35 mg/l, une absence d’hyperéosinophilie et d’hypergammaglobulinémie.

Fig. 1. RMN tissus mous : mollets.

Des radiographies de thorax, bassin, hanches, genoux, tibia gauche ainsi qu’un écho-doppler veineux du membre inférieur gauche sont sans particularité. Durant son hospitalisation, une résonance magnétique nucléaire du mollet gauche mettra en évidence des hypersignaux T2 au sein des tissus graisseux et musculaires surtout à la partie postérieure du genou, de la jambe et de la cheville (Fig. 1). La scintigraphie mettra en évidence quant à elle une fixation diffuse au niveau du genou et du pied gauche. Un complément de biologie confirme l’absence d’éosinophilie et d’hypergammaglobulinémie, l’absence de marqueurs d’auto-immunité et retrouve une amélioration spontanée du syndrome inflammatoire (CRP = 7,54 mg/l) et du nombre de globules blancs (9,4 × 1000/mm3). L’aggravation des phénomènes algiques a conduit à une biopsie des tissus cutanés, sous-cutanés, et fascia musculaire. Elle retrouve au sein du fascia musculaire un infiltrat inflammatoire formé de polynucléaires partiellement de type éosinophiles et neutrophiles. Cet aspect histologique était compatible avec une fasciite à éosinophile ou une infection (Figs. 2,3a,b). L’amélioration spontanée des paramètres biologiques et de la négativité des examens bactériologiques écarte l’hypothèse infectieuse. Le diagnostic de fasciite à éosinophiles est donc retenu.

Fig. 2. Panniculite sous-cutanée.

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repos portée la nuit, un suivi psychologique et un recours aux morphiniques. La rééducation des membres inférieurs comprend des étirements doux des fascias avec exercices de stretching pour la récupération des amplitudes articulaires, ainsi qu’un renforcement musculaire global initialement en excentrique (technique de Stanish), puis secondairement en concentrique par poulies et mécanothérapie. Initialement en piscine, la rééducation de la marche se poursuit avec appui soulagé d’une canne-béquille, puis sans aide technique pour finir par un travail proprioceptif. Cette thérapeutique permet de diminuer rapidement de plus de 50 % les douleurs et doléance fonctionnelles (Tableau 1). 3. Discussion Fig. 3a. Tissu musculaire sain.

Fig. 3b. Tissu interstitiel inflammatoire avec polynucléaires éosinophiles.

Une corticothérapie est alors initiée avec en parallèle une prise en charge de la douleur et en rééducation pour restaurer les différentes déficiences et l’incapacité fonctionnelle. Le traitement antalgique nécessite une électrothérapie, une attelle de

Les corticostéroïdes constituent le traitement classique de la FE. La prednisolone est administrée à des doses variant suivant les cas entre 0,5 et 1,5 mg/kg par 24 heures et ce, pendant plusieurs mois [4]. S’il semble logique de diminuer les doses de corticoïdes dès qu’une amélioration clinique franche se produit, aucun paramètre clinique, biologique, radiologique [1,6] et/ou fonctionnel n’a jamais été formellement validé pour permettre objectivement une diminution de cette médication. Or, il est médicalement admis, qu’un sevrage trop rapide de corticoïde potentialise un risque de rechute [4]. Le Tableau 1 montre à la suite d’un bolus de 1 g de solumédrol en intraveineuse à j0 relayé par une corticothérapie orale et une prise en charge en rééducation, l’évolution des paramètres biologiques, fonctionnels et algiques (Tableau 1). Aucune généralité ne peut bien sûr être conclue à partir d’un cas. Néanmoins, chez cette patiente, nous voyons que l’amélioration de plusieurs paramètres fonctionnels (périmètre de marche (pm), force musculaire, échelle visuelle analogique, amplitude articulaire), et biologique (CRP), semblent cliniquement pertinents et pourraient donc permettre de conduire avec précision la décroissance de la corticothérapie. Car à ce jour en ef-

Tableau 1 Évaluation des paramètres biologiques, fonctionnels et algiques sous corticothérapie CRP(mg/l) Étude de la marche 1. Appui 2. Périmètre de marche (mètres) 3. Vitesse (mètres/seconde) 4. Escaliers Force musculaire : 1. Quadriceps gauche 2. Grand fessier gauche Renforcement musculaire : 1. Charge (g) 2. Vélo (25 W/min) (minute) Amplitude articulaire : 1. Genou gauche 2. Cheville gauche Échelle visuelle analytique (EVA [%]) Doses de médrol (per os)

j0 12,08

j+1

j+3

j+5 1,22

j+8 0,91

j+15 Normale

j+60 Normale

j+90 Normale

j+120 Normale

0 0

Oui 0

0

0

Oui 20 Réduite 0

Oui 100 Normale 0

Oui 200 Normale Aide humaine

Oui 600 Normale Rampe

Oui 600 Normale Rampe

Oui Illimité Normale Rampe

Oui Illimité Normale Sans aide

3/5 3+/5

4/5 4/5

4/5 4/5

4/5 5/5

4/5 5/5

500

1000 5

1500 2 × 10

1500 2 × 15

2000 2 × 30

2000 2 × 30

Flessum 20° 5°

Normal 5° 30 %

Normale 0%

0%

0%

0%

32/16 mg

16 mg

8 mg

4 mg

0 mg

3/5 3/5 0

0

0

Flessum 60° 10° 80 %

40 %

1 g i.v.

32 mg

32 mg

32 mg

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fet, celle-ci se fait de manière purement empirique sur une impression de mieux clinique de la part des patients pour certains et/ou sur la diminution de CRP pour d’autres. La prise de corticoïde au long court n’est cependant pas sans risque (myopathie cortisonique [3], ostéoporose, ostéonécrose aseptique, etc.). Délivrer la dose minimale semble donc un objectif de taille, en parallèle d’une restauration de fonctions pour limiter le handicap et améliorer la qualité de vie. L’avantage d’un bilan fonctionnel est de pouvoir apprécier objectivement l’amélioration clinique du patient. L’utilisation de ce bilan fonctionnel pourrait être validée dans une étude prospective contrôlée. Il pourrait alors former avec la CRP des indicateurs objectifs (biologiques et fonctionnels) d’évaluation de la prise en charge pharmacologique et non pharmacologique. Cela aurait pour avantage d’encadrer objectivement la décroissance des corticoïdes et par conséquent limiter le risque de rechute par un sevrage trop rapide [4] et par ailleurs, de limiter la dose totale nécessaire permettant de limiter les effets secondaires. Il semble également fondamental de proposer un traitement adapté de rééducation à tous les patients atteints de FE. En effet, dans certains cas, la disparition de la symptomatologie a été favorisée par une prise en charge en rééducation [3]. Même si la majorité des patients répond favorablement aux corticoïdes, une minorité garde suite à la fibrose des fascias, raideurs articulaires et myalgies [4]. Peu d’articles sur le sujet existent dans la littérature [3,5]. Jeune et motivée, notre patiente a bénéficié d’une rééducation biquotidienne, six jours sur sept, avec une moyenne d’une heure par séance. Les objectifs de cette prise en charge sont de diminuer le handicap lié à la douleur et aux possibles complications musculoarticulaires. La mise en place de mesures préventives est importante, reposant sur la notion de maintien d’une souplesse du tissu conjonctif et la notion d’économie articulaire, comme on peut le proposer dans la sclérodermie [2]. Différentes techniques peuvent être proposées : ● balnéothérapie pour un meilleur vécu du mouvement ; ● rééducation proprioceptive pour un meilleur contrôle postural et une économie articulaire ; ● massages (massage transverse profond) pour limiter la fibroblastie ; ● kinésithérapie avec un travail d’étirements manuels progressifs dosés par la douleur (obtenir une meilleure extensibilité du muscle) et de restauration de fonction musculaire par renforcement musculaire excentrique éventuellement couplé

à une stimulation électrique transcutanée à visée excitomotrice ; ● l’ergothérapie avec travail de manipulation d’objets en situation écologique (lors d’atteinte des membres supérieurs). En parallèle de la rééducation fonctionnelle, des orthèses de repos permettent de prévenir les déformations liées aux rétractions et ainsi améliorer la mobilité articulaire et diminuer les douleurs. Confectionnées sur mesure et réadaptées au cours de l’évolution de la maladie, elles seront portées entre les séances de rééducations, ou la nuit seulement [2]. Elles peuvent être aussi dynamiques correctives pour restituer la meilleure fonction possible ou dynamiques palliatives lors d’un déficit fonctionnel (portées alors uniquement le jour). Enfin et selon les incapacités résiduelles, diverses aides techniques (kit main libre, etc.) peuvent être proposées pour limiter les situations handicapantes de la vie quotidienne. 4. Conclusion L’amélioration clinique subjective du patient associée à une réduction du syndrome inflammatoire sont actuellement les indicateurs permettant une diminution de la corticothérapie. On pourrait également associer un bilan fonctionnel fiable et valide en association avec le suivi du syndrome inflammatoire. En outre, une prise en charge en rééducation semble utile pour limiter les déficiences et l’incapacité fonctionnelle pouvant résulter de la fasciite à éosinophile. Références [1] Baumann F, Bruhlmann P, Andreisek G, Michel BA, Marincek B, Weishaupt D. MRI for diagnosis and monitoring of patients with eosinophilic fasciitis. Am J Roentgenol 2005;184:169–74. [2] Casale R, Buonocore M, Matucci-Cerinic M. Systemic sclerosis (scleroderma): an integrated challenge in rehabilitation. Arch Phys Med Rehabil 1997;78:767–73. [3] Gaffney K, Kearns G, Moraes D, O’Dowd JF, Casey EB. Eosinophilic fasciitis: a goog response with conservative treatment. Ir J Med Sci 1993;162:256–7. [4] Kahn MF, Peltier AP. Fasciite avec éosinophilie. In: Kahn MF, editor. Maladies dites systémiques. Paris: Flammarion; 2000. p. 319–23. [5] O’Laughlin TJ, Klima RR, Kenney DE. Rehabilitation of eosinophilic fasciitis. A case report. Am J Phys Med Rehabil 1994;73:286–92. [6] Sanmarti M, Valls-Roc M, Sanchez Torres MC, Olive A. Role of the magnetic resonance in the diagnosis and the follow-up of eosinophilic fasciitis. Med Clin (Barc) 2002;797:119–20.