Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 131 (2014) 201–206
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Article original
Interprétation des fixations cervicofaciales suspectes découvertes sur les TEP/TDM réalisées dans le cadre d’un cancer bronchopulmonaire夽 Y. Gobel a , G. Valette a , R. Abgral b , C. Clodic a , E. Mornet a , G. Potard a , P.-Y. Salaun b , R. Marianowski a,∗ a b
Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, hôpital Morvan, CHRU de Brest, 2, avenue Foch, 29200 Brest, France Service de médecine nucléaire, hôpital Morvan, CHRU de Brest, 2, avenue Foch, 29200 Brest, France
i n f o
a r t i c l e
Mots clés : Incidentalome TEP/TDM Cancer cervicofacial Cancer bronchopulmonaire Seconde localisation tumorale
r é s u m é Objectif. – Les cancers bronchopulmonaires et ORL partagent le même facteur de risque principal : le tabac. L’objectif de l’étude est de déterminer l’application clinique de la découverte de fixations cervicofaciales inattendues sur les examens TEP/TDM réalisés dans le cadre du bilan des cancers bronchopulmonaires. Patients et méthodes. – Les comptes rendus de TEP/TDM réalisées entre septembre 2005 et avril 2012 dans le cadre du bilan des cancers bronchopulmonaires ont été analysés rétrospectivement. Les fixations cervicofaciales découvertes ont été interprétées comme suspectes de seconde localisation tumorale primitive. Ces fixations ont été comparées au diagnostic définitif obtenu après examens clinique et histologique. Résultats. – Cinq cent quatre-vingt-douze patients qui avaient bénéficié d’un examen TEP/TDM dans le cadre du bilan d’un cancer bronchopulmonaire ont été inclus dans cette étude. Chez 65 (11 %) patients, une fixation cervicofaciale suspecte de seconde localisation tumorale maligne était retrouvée. Une nasofibroscopie était réalisée chez 23 patients et 10 patients ont bénéficié d’une biopsie. Une seconde localisation tumorale primitive a été histologiquement prouvée chez 4 patients (soit 17,4 % des patients explorés) : 2 carcinomes épidermoïdes (larynx et cavité buccale), 1 carcinome indifférencié (parotide), 1 ostéosarcome (mandibule). Après un suivi médian de 13 mois, 3 des 4 patients avec une seconde localisation tumorale primitive étaient décédés à cause de leur tumeur et 1 seul n’avait pas de récidive. Des métastases d’un adénocarcinome pulmonaire ont été mises en évidence chez 2 patients (0,34 %). Conclusions. – La TEP/TDM a permis de diagnostiquer une seconde localisation tumorale ORL chez 0,68 % des patients atteints de cancer bronchopulmonaire mais chez 6,4 % des patients présentant dans ce cadre une fixation cervicofaciale suspecte. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction La tomographie par émission de positons au [18 F]fluorodéoxyglucose (18 F-FDG) associée à la tomodensitométrie (TEP/TDM) est actuellement utilisée en cancérologie bronchopulmonaire et ORL. Concernant les voies aérodigestives supérieures, les lésions malignes de plus d’un centimètre et certaines lésions bénignes fixent à la TEP/TDM. Les cancers pulmonaires et ORL ont en commun leur principal facteur de risque : le tabac. Les voies aérodigestives supérieures sont fréquemment le siège de fixations physiologiques à la TEP/TDM.
Entre septembre 2005 et avril 2012, 592 patients ont bénéficié d’au moins une TEP/TDM dans le cadre d’un cancer bronchopulmonaire. Cette étude porte sur l’analyse des fixations ORL découvertes de fac¸on fortuite sur les TEP/TDM réalisées chez ces patients et détermine combien ont justifié la réalisation d’examens diagnostiques complémentaires et combien ont effectivement été à l’origine du diagnostic d’une lésion pathologique. Cette étude rétrospective tente d’interpréter la signification et de discuter la conduite à tenir devant de telles fixations découvertes dans ce contexte.
2. Patients et méthodes DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.anorl.2013.06.004. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (R. Marianowski). 1879-7261/$ – see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.aforl.2014.01.012
De septembre 2005 à avril 2012, tous les patients atteints d’un cancer bronchopulmonaire d’allure primitive qui ont bénéficié d’au moins un examen TEP/TDM au 18 F-FDG dans l’indication de diagnostic bilan ou suivi de cette pathologie bronchopulmonaire dans le service de médecine nucléaire du centre hospitalier universitaire
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(CHU) ont été inclus. Les patients qui avaient des antécédents de néoplasie ORL ont été exclus. Les examens ont été réalisés sur une machine hybride TEP/TDM Gemini GXLi (Philips® ), associant un tomodensitomètre Brilliance 6 barrettes avec un TEP à cristaux type GSO (Zr) mesurant pour chacun 4 × 6 × 30 mm de dimension. Les examens ont été réalisés 60 minutes après injection d’environ 370 MBq (5 à 6 MBq/kg) de 18 F-FDG. Tous les patients étaient à jeun pendant au moins 6 heures avant l’examen. Après l’injection, les patients restaient au repos et au calme, sans parler ni lire, afin de réduire au maximum les fixations physiologiques musculaires. Les images ont été interprétées par un médecin nucléaire sénior du service de médecine nucléaire de l’établissement. Ces images ont été analysées visuellement et quantitativement à l’aide du SUV. Une fixation au niveau des voies aérodigestives supérieures a été considérée comme significative dans les cas où le médecin nucléaire fait état d’une fixation qui est soit qualifiée de « suspecte » ou « nécessitant des explorations complémentaires » ou « à confronter à la clinique », ou alors simplement spécifiée dans la conclusion. Les fixations au niveau des voies aérodigestives supérieures qualifiées de « physiologiques » ou « sans caractère pathologique » n’ont pas été prises en compte. Les localisations étudiées étaient : les sinus de la face, le rhinopharynx, la cavité orale, les glandes salivaires, l’oropharynx, l’hypopharynx, le larynx, la thyroïde et les aires ganglionnaires cervicales, à l’exclusion de la région supraclaviculaire, siège habituel de ganglions lymphatiques régionaux métastatiques du cancer bronchopulmonaire. Les patients qui avaient bénéficié de plusieurs TEP/TDM ont été comptabilisés dès lors qu’une fixation fortuite au niveau des voies aérodigestives supérieures était retrouvée sur au moins un des examens. 3. Résultats Au total, 592 patients (447 hommes et 145 femmes) avec un âge moyen de 62 ans (minimum : 22 ans, maximum : 85 ans, âge médian : 62 ans) ont été inclus. Concernant la pathologie pulmonaire, 348 patients (58,8 %) présentaient une extension ganglionnaire et 114 patients (19,2 %) présentaient une extension à distance. La nature histologique des lésions bronchopulmonaires était connue chez 193 patients lors du premier examen TEP/TDM. On dénombrait alors 84 adénocarcinomes (43,5 %), 80 carcinomes épidermoïdes (41,5 %), 20 carcinomes à petites cellules (10,2 %), 3 tumeurs carcinoïdes (1,5 %), 3 lymphomes (1,5 %), 2 carcinomes indifférenciés (1 %) et 1 fibrosarcome (0,5 %). Au total, 886 comptes rendus de TEP/TDM réalisées chez 592 patients ont été analysés. Le nombre moyen de TEP/TDM par patient est de 1,5. Au minimum, les patients ont bénéficié de 1 TEP/TDM et au maximum de 6 TEP/TDM (Tableau 1). Soixantecinq patients (11 %) ont présenté une fixation significative au niveau des voies aérodigestives supérieures sur au moins un examen TEP/TDM. Il s’agit de 47 hommes et 18 femmes. L’âge moyen est Tableau 1 Répartition du nombre de TEP/TDM par patient et du nombre de fixations ORL. Nombre d’examens TEP/TDM
Nombre de patients
Nombre de patients présentant une fixation ORL
1 2 3 4 5 6
406 (68,6 %) 125 (21,1 %) 36 (6,1 %) 17 (2,9 %) 6 (1 %) 2 (0,3 %)
37 (9,1 %) 13 (10,4 %) 9 (25 %) 4 (23,5 %) 0 (0 %) 2 (100 %)
de 60 ans et 9 mois (âge médian de 60 ans avec un âge minimum de 42 ans et maximum de 84 ans). Lors du premier examen TEP/TDM réalisé montrant une lésion suspecte, le SUVmax de la fixation était spécifié dans le compte rendu dans 56 cas (86,2 %). Le SUVmax moyen était alors de 4,5 (± 3,3) avec une médiane de 3,5 (valeur minimale de 1,5 et maximale de 23,3). Parmi les 65 patients, seuls 45 (69,2 %) étaient suivis au CHU. Vingt patients ne se sont déplacés dans notre établissement que pour bénéficier de l’examen TEP/TDM, peu disponible hors CHU, et bénéficiaient d’un suivi clinique dans d’autres centres de soin. Concernant les patients qui n’ont pas été suivis au CHU, des recherches ont été effectuées pour savoir s’ils avaient pu bénéficier d’une consultation ORL. Ce travail a été réalisé en enquêtant par téléphone auprès des services d’ORL des hôpitaux régionaux disposant d’un tel service, en enquêtant par téléphone auprès des médecins généralistes des patients. Nous avons été confronté aux problèmes suivants : patients décédés depuis trop longtemps, médecin traitant retraité ou décédé, pas de notion de consultation ORL, pas de dossier médical, pas de médecin traitant. Nous avons donc choisi d’enquêter auprès des services et cabinets d’anatomie pathologique de la région à la recherche non pas d’une consultation ORL mais de l’existence d’une lésion maligne de la sphère ORL. Aucune lésion maligne n’a pu être mise en évidence chez les 20 patients suivis hors CHU. Parmi les 45 patients suivis au CHU et qui ont présenté une fixation suspecte au niveau des voies aérodigestives supérieures, seulement 23 ont bénéficié d’une consultation dans le service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale du CHU dans cette indication. Les 22 autres patients n’ont pas bénéficié de consultation spécialisée car celle-ci n’a pas semblé justifiée aux cliniciens qui les suivaient pour le cancer bronchopulmonaire compte tenu de l’état général des patients ou du pronostic de leur maladie. La consultation d’ORL a comporté, pour chacun de ces 23 patients, la réalisation d’un examen clinique et fibroscopique. Dix patients ont bénéficié d’une panendoscopie sous anesthésie générale avec réalisation de biopsies. Parmi ces 23 patients, 18 avaient un compte rendu de TEP/TDM précisant le SUVmax . Le SUVmax moyen est de 4,7. L’étude anatomopathologique a permis de mettre en évidence 6 lésions malignes : 2 carcinomes épidermoïdes, 2 adénocarcinomes d’origine pulmonaire, 1 carcinome indifférencié et 1 ostéosarcome (Tableau 2). Deux lésions bénignes sont mises en évidence : 1 papillome malpighien et 1 kyste épidermique. Ainsi parmi les 45 patients suivis au CHU qui avaient présenté une fixation au niveau des voies aérodigestives supérieures, 6 lésions malignes ont pu être mises en évidence (13,3 %).
Tableau 2 Nombre de fixations cervicofaciales découvertes au TEP/TDM, de tumeurs malignes et types histologiques pour chaque localisation de la sphère ORL. Localisation des fixations ORL significatives
Nombre de patients
Nombre de tumeurs malignes
Type histologique
Larynx
18 (27,7 %)
1
Aires jugulocarotidiennes Oropharynx Cavité orale
17 (26,2 %) 10 (15,3 %) 9 (13,8 %)
2 1 1
Parotide
6 (9,2 %)
1
Carcinome épidermoïde Adénocarcinome Ostéosarcome Carcinome épidermoïde Carcinome indifférencié
Thyroïde Rhinopharynx Hypopharynx Glande sous-maxillaire
6 (9,2) 4 (6,2 %) 3 (4,6 %) 1 (1,5 %)
0 0 0 0
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Tableau 3 Caractéristiques des patients présentant une lésion maligne sans lien avec le poumon. Patient
Sexe
Âge
Fixation
Histologie et TNM
SUVmax
Traitement
Survie
Patient 1
Féminin
68
Oropharynx et branche montante de la mandibule
Ostéosarcome T3N1M0
5,1
Chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie
Décédé à 11 mois de suivi
Patient 2
Masculin
73
Cartilage thyroïde
Carcinome épidermoïde T4N2bM0
3,6
Chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie
Décédé à 31 mois de suivi
Patient 3
Masculin
55
Cavité orale
Carcinome épidermoïde T2N1M0
2,8
Radiothérapie
Vivant sans récidive à 13 mois de suivi
Patient 4
Féminin
52
Parotide
Carcinome indifférencié T1N1M0
NC
Chirurgie et radiothérapie
Décédé à 13 mois de suivi
Lorsqu’une consultation ORL a eu lieu, un diagnostic de lésion maligne a été fait dans 26 % des cas. Le SUVmax était spécifié sur les comptes rendus de TEP/TDM montrant la fixation ORL dans 5 cas sur 6. Le SUVmax moyen était de 4,16 (±1,3). Parmi ces 45 patients, une lésion maligne des voies aérodigestives supérieures sans lien avec le poumon a été mise en évidence chez 4 (8,9 %) patients (Tableau 3). Le premier patient était de sexe féminin et avait 68 ans. Elle avait présenté un carcinome épidermoïde lobaire supérieur gauche classé T2N0M0 qui avait été traité chirurgicalement. La TEP/TDM avait mis en évidence une fixation de l’oropharynx et de la branche montante de la mandibule à gauche (SUVmax : 5,1). Elle décrivait des douleurs mandibulaires et oropharyngées. Il s’agissait d’un ostéosarcome mandibulaire gauche de haut grade de malignité, classé
T3N1M0. Le traitement avait consisté en une buccopharyngectomie transmandibulaire associée à un curage ganglionnaire cervical et un traitement complémentaire par radiothérapie et chimiothérapie. La survie a été de 11 mois. La patiente est décédée des suites de l’évolution de l’ostéosarcome mandibulaire. Le deuxième patient était de sexe masculin et avait 73 ans. Il avait présenté un carcinome épidermoïde lobaire supérieur droit classé T1N1M0 qui avait été traité chirurgicalement. La TEP/TDM avait mis en évidence une fixation au niveau du cartilage thyroïde à sa partie supérieure et interne à droite (SUVmax : 3,6) et une fixation au niveau de la corde vocale droite (SUVmax : 2,6). Il présentait une dysphonie lors de la consultation ORL. Il s’agissait d’un carcinome épidermoïde sus-glottique (face laryngée de l’épiglotte classé T4aN2bM0). Le traitement a consisté en une laryngectomie
Fig. 1. TEP, TDM et image fusionnée TEP/TDM permettant de visualiser une lésion (classée T2) au niveau de la cavité orale, provenant du trigone rétromolaire et s’étendant jusqu’au plancher buccal d’où cette fixation antérieure chez le patient 3.
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Fig. 2. Organigramme rappelant les principaux résultats de l’étude.
totale associée à un curage ganglionnaire cervical bilatéral et un traitement complémentaire par radiothérapie et chimiothérapie. La survie a été de 31 mois. Le patient est décédé des suites de la récidive locale de la lésion laryngée. Le troisième patient, de sexe masculin, avait 55 ans lors du diagnostic. Il avait présenté un carcinome épidermoïde du lobe supérieur droit classé T1aN0M0 qui avait été traité par radiothérapie et chimiothérapie. La TEP/TDM (Fig. 1) avait mis en évidence une fixation de la cavité orale à droite (SUVmax : 2,8), et une fixation cervicale droite du secteur IIa (SUVmax : 2,3). Il n’existait pas de symptomatologie ORL. Il s’agissait d’un carcinome épidermoïde du trigone rétromolaire droit classé T2N1M0. Le traitement a consisté en une radiothérapie exclusive. Le patient est toujours en bon état général à 13 mois de suivi. Le quatrième patient était de sexe féminin et avait 52 ans. Elle avait présenté un adénocarcinome lobaire inférieur gauche classé T2N2M1 qui avait été traité par chimiothérapie. La TEP/TDM avait mis en évidence une fixation intra-parotidienne droite (SUV non précisé). Le patient ne décrivait aucun symptôme ORL. Il s’agissait d’un carcinome indifférencié parotidien classé T1N1M0. Le traitement a consisté en une parotidectomie totale droite associée à un curage cervical droit des secteurs IIa et IIb et un traitement complémentaire par radiothérapie. La survie a été de 13 mois. Elle est décédée des suites de l’évolution métastatique de la lésion pulmonaire. Parmi ces 4 patients, le SUVmax moyen est de 3,8. Trois patients sont décédés avec une moyenne de survie de 18,3 mois (± 11 mois) et une médiane de survie de 13 mois. La TEP/TDM réalisée dans le cadre d’un cancer bronchopulmonaire a été à l’origine du diagnostic d’une lésion maligne de la tête et du cou dans 0,68 % des cas, et d’un cancer primitif dans 0,34 % des cas (Fig. 2). 4. Discussion Les voies aérodigestives supérieures sont le siège de fixations physiologiques. Cependant, une asymétrie de fixation, un SUV
élevé ou une localisation inhabituelle va conduire le médecin nucléaire à en faire état dans son compte rendu. Le clinicien qui a demandé l’examen complémentaire, décide ensuite de réaliser ou non d’autres explorations à la recherche d’une lésion. Dans notre étude, une lésion maligne de la tête et du cou a été diagnostiquée chez plus d’un quart des patients qui ont bénéficié d’une consultation ORL après la découverte d’anomalies sur des TEP/TDM. Toutefois, une consultation ORL n’a été réalisée que pour 23 des 45 patients (51,5 %) qui ont présenté une fixation ORL découverte à la TEP/TDM et qui étaient suivis dans l’établissement. Ce taux semble faible lorsqu’on sait que la TEP/TDM détecte les lésions malignes ORL, avec une sensibilité et une spécificité élevée [1,2] et que ces patients ont des facteurs de risque de développer de telles tumeurs. Cependant, dans l’étude, il s’agit de patients atteints d’un cancer bronchopulmonaire dont le pronostic est souvent sombre [3]. Par exemple, parmi ces 45 patients, au moins 2 ont eu une survie de moins de 1 mois. On comprend alors que des explorations supplémentaires aient pu paraître non justifiées aux cliniciens qui suivaient ces patients, surtout si ceux-ci étaient asymptomatiques. Cependant, la majorité des TEP/TDM a été réalisée pour évaluer l’extension tumorale dans le cadre d’un bilan préthérapeutique d’opérabilité. Cela signifie que les patients pour lesquels une atteinte métastatique est déjà connue, ou qui présentent une lésion tumorale dont l’exérèse chirurgicale est impossible, ne bénéficieront pas de la TEP/TDM dans cette indication. Une exérèse chirurgicale est impossible dans 80 % des cas de cancers bronchopulmonaires lors du diagnostic [4]. Notre population de 592 patients n’est donc pas représentative des patients atteints de cancer bronchopulmonaire mais sélectionne une plus grande proportion de cancers bronchopulmonaires de bon pronostic. Le SUV est utilisé pour évaluer le risque qu’une fixation à la TEP/TDM révèle une lésion maligne. Cependant, cet outil n’est pas totalement fiable. La TEP étant une imagerie basée sur le métabolisme, le SUV ne présente pas une bonne reproductibilité interindividuelle. Chez un même patient, les variations de glycémie peuvent modifier le SUV [5]. Par ailleurs, il peut varier lors des mises à jour logicielles d’étalonnage ou de réparations matérielles [6]. Le SUV peut fréquemment varier de plus de 10 % pour un même examen réalisé avec 2 appareils différents dans les mêmes conditions d’examen [7]. Le SUV n’est d’ailleurs pas précisé dans tous les comptes rendus de TEP/TDM. Dans notre étude, le SUVmax moyen des fixations ORL suspectes est de 4,5 et celui des lésions malignes prouvées de 4,16. Dans la littérature, au-delà de 2,5 à 3,8 de SUV, une lésion maligne doit être évoquée [5]. Pour Nguyen et al. [8], concernant les aires ganglionnaires cervicales, un seuil de SUVmax à 2,2 est retenu, avec une sensibilité de 98 % et une spécificité de 83 %. Les fixations suspectes concernent principalement 2 localisations : le larynx et les aires jugulocarotidiennes qui représentent environ la moitié des fixations retrouvées. Suivent la cavité orale et l’oropharynx. Les autres localisations anatomiques sont plus rares. En particulier, la parotide qui fixe pourtant de fac¸on physiologique à la TEP/TDM, tout comme les amygdales, les cordes vocales et la langue [9,10], n’a représenté que 9,2 % des localisations des fixations suspectes. Cela explique que l’analyse ne porte pas tant sur la valeur absolue du SUV, que sur une anomalie de fixation : asymétrie ou localisation inhabituelle. La répétition de l’examen TEP/TDM chez chaque patient semble augmenter la probabilité de découvrir une hyperfixation des voies aérodigestives supérieures. En effet, si le taux moyen est de 11,7 %, il n’est que de 9,1 % pour les patients qui n’ont bénéficié que d’une seule TEP/TDM et augmente à 25 % chez les patients qui ont eu 3 TEP/TDM. Parmi les TEP/TDM étudiées, nous avons fait le choix d’inclure à la fois les bilans initiaux et les examens de surveillance réalisés chez les patients atteints d’un cancer bronchopulmonaire. Néanmoins
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nous n’avons pas fait le choix de séparer les fixations retrouvées sur une TEP/TDM de bilan initial et sur les TEP/TDM de surveillance car cette étude n’a pas été menée pour faire la distinction entre lésion synchrone et métachrone, mais uniquement entre lésion maligne et fixation fortuite. Parmi les 6 lésions malignes des voies aérodigestives supérieures découvertes grâce à l’examen TEP/TDM, 2 sont des métastases de cancer pulmonaire. Parmi les 4 lésions primitives découvertes, seules 2 sont des carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures. L’ostéosarcome mandibulaire et le carcinome indifférencié parotidien ne présentent pas de lien prouvé avec le tabac. Or ce facteur de risque principal existant pour les cancers ORL et bronchopulmonaires était à la base de cette étude [3]. La totalité des patients chez qui un cancer ORL a été découvert a pu bénéficier d’un traitement et celui-ci a été chirurgical dans 75 % des cas. Leur survie était inférieure à deux ans néanmoins. L’étude ne permet pas de savoir si le diagnostic de ces cancers ORL a modifié la survie ou la qualité de vie. On constate que les lésions malignes primitives des voies aérodigestives supérieures qui ont été découvertes étaient volumineuses dans la moitié des cas (T3 ou T4). Il est étonnant de constater que, chez ces patients pourtant suivis fréquemment pour leur pathologie pulmonaire, ces lésions ORL n’aient pas été découvertes sur des signes cliniques, d’autant que ces patients ont décrit des signes fonctionnels lors de leur consultation avec le spécialiste ORL. Peu d’études traitent spécifiquement de la découverte fortuite à la TEP/TDM de lésions des voies aérodigestives supérieures [11]. Dans une étude rétrospective portant sur 812 patients qui bénéficiaient d’une TEP/TDM dans le cadre d’un cancer bronchopulmonaire, Chopra et al. [11] ont retrouvé une fixation suspecte extra-thoracique inattendue dans 21 % des cas et au niveau des voies aérodigestives supérieures dans 8,8 % des cas. Nous retrouvons un taux plus élevé (11 %). Cependant dans cette étude seule la première TEP/TDM réalisée chez chaque patient était analysée. Parmi les patients de notre étude pour lesquels une seule TEP/TDM a été réalisée, le taux de fixation suspecte des voies aérodigestives supérieures s’élève à 9,1 % et se rapproche donc du résultat de Chopra et al. Parmi les fixations suspectes des voies aérodigestives supérieures, 55 % ont été explorées contre 51,1 % dans notre étude. Un stade avancé de la pathologie pulmonaire est la principale raison avancée pour expliquer l’absence d’exploration chez certains patients. Un seul cancer primitif des voies aérodigestives supérieures a été finalement diagnostiqué dans cette étude, soit seulement 1,4 % des fixations suspectes et chez 0,12 % des patients inclus contre respectivement 8,9 et 0,68 % dans notre étude. Le nombre peu élevé de cancers finalement diagnostiqués dans les 2 études peut expliquer cette différence. Dans une étude rétrospective portant sur 1912 patients qui avaient bénéficié d’une TEP pour une pathologie maligne prouvée ou suspectée, quelle que soit sa localisation, Ishimori et al. [12] ont retrouvé une fixation suspecte de localisation ORL dans 2 % des cas. Une lésion maligne des voies aérodigestives supérieures n’a pu être prouvée que dans 0,37 % des cas. Seule la première TEP était analysée. Ces taux sont moins élevés que dans notre étude. Ainsi, un second cancer primitif de la tête et du cou pourrait être plus fréquemment découvert sur la TEP/TDM quand celle-ci est réalisée dans le cadre d’un cancer bronchopulmonaire. Cependant, dans l’étude d’Ishimori et al., lorsque la fixation ORL suspecte a été explorée, une pathologie maligne a été découverte dans 41 % des cas contre seulement 23 % dans notre étude. Il existe donc moins de faux positifs dans leur étude alors qu’elle est réalisée à partir d’un examen tomographique par émission de positons sans couplage à un scanner. Beatty et al. [2] qui ont étudié toutes les TEP/TDM réalisées chez 2219 patients ne retrouvent une fixation ORL suspecte de seconde
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localisation primitive que dans 3,3 % des cas, quelle que soit la localisation tumorale qui avait justifié la TEP/TDM. Cependant, dans 20 % des cas, la TEP/TDM est réalisée dans le cadre d’un cancer des voies aérodigestives supérieures, ce qui interdit de comptabiliser la découverte d’une nouvelle fixation ORL comme suspecte de seconde localisation primitive. La thyroïde est souvent le siège d’une fixation suspecte à la TEP/TDM. Elle peut présenter une hyperfixation dans diverses circonstances pathologiques dont le cancer [9,13–16]. La thyroïde est le siège d’une fixation suspecte et inattendue en TEP/TDM dans 1,1 à 8,4 % des cas. Cette fixation est révélatrice d’une pathologie thyroïdienne maligne dans 14 à 66 % des cas [13–16]. Dans notre étude, une fixation suspecte de la thyroïde n’est retrouvée que chez 1 % des patients et aucun cancer thyroïdien n’a été diagnostiqué. Ces études, rétrospectives, ne permettent pas de comptabiliser les faux négatifs car les patients chez qui aucune fixation cervicofaciale suspecte n’a été retrouvée n’ont pas eu d’exploration complémentaire des voies aérodigestives supérieures. Lee et al. [17] ont réalisé une TEP/TDM chez 1587 patients volontaires qui n’avaient aucun antécédent de tumeur maligne, dans le cadre d’une étude prospective sur le dépistage du cancer. Ces patients ont ensuite bénéficié d’autres types d’imagerie, d’endoscopies diverses et de dosage de marqueurs tumoraux et ont été suivis cliniquement pendant au moins un an. Un seul faux négatif a été comptabilisé au niveau de la tête et du cou. Il s’agit d’un cancer papillaire thyroïdien qui a été révélé par une échographie cervicale. Cela confirme l’excellente sensibilité de la TEP/TDM dans la détection des tumeurs malignes de la tête et du cou. Dans chacune des études, malgré un effectif important, le nombre de lésions malignes découvertes a été faible. Il appartient au clinicien de décider ou non de la pertinence de réaliser des explorations complémentaires lorsqu’une fixation suspecte est découverte. La TEP/TDM est très sensible pour détecter les cancers des voies aérodigestives supérieures et la population des patients atteints par un cancer bronchopulmonaire est plus exposée au risque de cancer des voies aérodigestives supérieures. Cependant ces patients sont plus souvent en mauvais état général et l’exploration de ces fixations peut ne pas être justifiée. La TEP/TDM est un examen onéreux. Dans notre étude, nous avons étudié les fixations des voies aérodigestives retrouvées sur des examens prévus dans une autre indication. La recherche de ces fixations n’a donc impliqué aucun coût supplémentaire. Cette étude pose également le problème du traitement des doubles localisations tumorales ORL et bronchopulmonaires. La présence d’une seconde localisation tumorale influence négativement le pronostic [18,19]. Néanmoins, l’existence d’une double localisation tumorale ne doit pas contre-indiquer le traitement chirurgical qui aurait pu être réalisé en cas de tumeur unique [18,19]. Les modalités du traitement de ces tumeurs synchrones ou métachrones doivent être discutées au cas par cas, en fonction de l’état général du patient et des comorbidités. Les tumeurs synchrones ont un pronostic plus réservé que les tumeurs métachrones et posent également le problème de la chronologie du traitement [19,20]. Lorsqu’un traitement chirurgical est décidé, la lésion pulmonaire est généralement opérée en premier permettant un diagnostic histologique pouvant éliminer une métastase du cancer des voies aérodigestives supérieures et du fait d’un pronostic plus péjoratif.
5. Conclusion La TEP/TDM réalisée dans le cadre d’un cancer bronchopulmonaire a été à l’origine du diagnostic d’une lésion maligne de la tête et du cou dans 0,68 % des cas, et d’un cancer primitif dans 0,34 % des cas. Les fixations suspectes de la tête et du cou sur les TEP/TDM sont fréquentes et posent souvent un problème au praticien quant
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à leur prise en charge. Sur les 23 patients qui ont bénéficié d’une consultation ORL il a été possible de diagnostiquer 26 % de tumeurs maligne entraînant une modification de l’attitude thérapeutique initiale avec une prise en charge spécifique dans 4 cas (17 % des patients explorés) ce qui n’est pas négligeable. On peut donc dire qu’en cas de fixation pathologique de la sphère ORL un examen ORL doit être impérativement demandé si l’état général du patient ou le pronostic du carcinome pulmonaire le permet. Dans notre étude, une lésion maligne de la tête et du cou a été diagnostiquée chez plus d’un quart des patients qui ont bénéficié d’une consultation ORL après la découverte d’anomalies sur des TEP/TDM. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Solène Querellou-Lefranc, Service de médecine nucléaire, Centre hospitalier universitaire de Brest. Références [1] Collins CD. PET/CT in oncology: for which tumors is it the reference standard? Cancer Imaging 2007;7:77–87. [2] Beatty JS, Williams HT, Aldridge BA, et al. Incidental PET/FDG findings in the cancer patient: how should they be managed? J Surg 2009;146:274–81. [3] Trédaniel J, Aarab-Terrisse S, Teixeira L, et al. [Atmospheric air pollution and lung cancer: epidemiologic data]. Rev Mal Respir 2009;26:437–45 [quiz 481, 484]. [4] Serke M, Schönfeld N. Diagnostic and staging of lung cancer. Dtsch Med Wochenschr 2007;132:1165–9. [5] Acton PD, Zhuang H, Alavi A. Quantification in TEP. Radiol Clin North Am 2004;42:1055–62.
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