Introduction aux tumeurs du médiastin

Introduction aux tumeurs du médiastin

Revue de Pneumologie clinique (2010) 66, 3—16 PATHOLOGIE DU MÉDIASTIN Introduction aux tumeurs du médiastin Mediastinal tumors: Introduction D. Trou...

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Revue de Pneumologie clinique (2010) 66, 3—16

PATHOLOGIE DU MÉDIASTIN

Introduction aux tumeurs du médiastin Mediastinal tumors: Introduction D. Trousse a,∗, J.-P. Avaro b a

Service de chirurgie thoracique et maladies de l’œsophage, hôpital Sainte-Marguerite, université de la Méditérranée, 270, boulevard Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 9, France b Service de chirurgie thoracique, hôpital d’instruction des armées Laveran. 4, boulevard Alphonse-Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex 13, France Disponible sur Internet le 19 f´ evrier 2010

MOTS CLÉS Médiastin ; Tumeur médiastinale ; Thymome ; Lymphome ; Tumeurs germinales ; Goitre

KEYWORDS Mediastinum; Mediastinal tumours; Thymoma; Lymphoma; Germ cell tumors; Goiter



Résumé Les tumeurs du médiastin sont des tumeurs peu fréquentes, découvertes le plus souvent fortuitement lors d’un bilan radiologique chez des patients asymptomatiques. L’adulte jeune est le terrain de prédilection. Les masses médiastinales regroupent une grande variabilité histologique de tumeurs, bénignes ou malignes, dont chacune requiert une stratégie thérapeutique adéquate. En effet, le traitement peut être exclusivement médical, chirurgical d’emblée ou nécessiter une prise en charge combinée médicochirurgicale. L’examen clinique et les progrès de l’imagerie sont des éléments d’orientation importants. Cependant, le diagnostic de certitude est anatomopathologique et nécessite l’analyse de larges fragments biopsiques par un pathologiste expérimenté. Une meilleure connaissance des différentes pathologies et de leurs moyens d’exploration devrait permettre une prise en charge à la fois diagnostique et thérapeutique plus efficace. Notre objectif est de présenter les moyens diagnostiques, notamment chirurgicaux, disponibles et de préciser la place de la chirurgie au sein du traitement curateur. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Mediastinal tumors are relatively uncommon, usually incidentally discovered on a chest X-ray in asymptomatic patients. Young adults are particularly concerned. Mediastinal masses represent a group of heterogeneous histological type cell. A definite diagnosis is essential leading to an adequate prompt therapeutic strategy when either benign disease or aggressive malignant tumor is conceivable. Indeed the therapeutic management of such tumors could be strictly medical, requiring exclusive surgical approach or includes a multimodal treatment. Clinical examination and imaging are important tools in the diagnostic approach. However the specific diagnosis could be complex and requires histological confirmation by an experienced pathologist after examination of large biopsies of the tumor. Several investigations, including surgical invasive exploration, should be quickly requested in order to achieve a final diagnosis

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Trousse).

0761-8417/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pneumo.2009.12.008

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D. Trousse, J.-P. Avaro and refer patients in an adequate therapeutic scheme without delay. The aim of this article is to point out the available diagnostic tools in mediastinal masses, including surgical approach, and to identify the role of surgical resection in specific subtypes. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le médiastin est un compartiment anatomique complexe où siège à la fois le résidu thymique, le tractus digestif, l’arbre trachéobronchite, de nombreux relais ganglionnaires, et les gouttières latéro-vertébrales avec la chaîne nerveuse sympathique. La pathologie médiastinale regroupe de ce fait une grande variété de lésions qui peuvent être infectieuses, inflammatoires, tumorales acquises ou congénitales. La moitié des tumeurs du médiastin concerne le compartiment antérieur. L’enfant et l’adulte jeune sont les terrains privilégiés des tumeurs médiastinales bénignes ou malignes d’origine embryonnaire ou lymphomateuse. Leur découverte est volontiers fortuite sur une radiographie du thorax chez de jeunes patients asymptomatiques ou au contraire précipitée par l’apparition d’un syndrome veineux cave compressif avec symptomatologie floride. La prise en charge d’une masse médiastinale se fait souvent dans un contexte d’urgence à la fois diagnostique et thérapeutique. Le terrain, l’examen clinique, la biologie et l’imagerie, largement dominée par la tomodensitométrie thoracique (TDMT), offre une première orientation diagnostique. Pour autant, le diagnostic de certitude ne pourra être qu’anatomopathologique, fondé sur l’obtention de fragments tumoraux suffisants. Si la chirurgie peut avoir un rôle diagnostique important par la réalisation de macrobiopsies tumorales, elle peut aussi n’intervenir qu’au second plan après l’efficacité des chimiothérapies systématiques. Il faut donc, devant la découverte d’une masse médiastinale, adopter une véritable stratégie diagnostique et thérapeutique, en fonction du terrain sur lequel elles surviennent, de leur topographie au sein du médiastin, de leur caractère localement invasif, et de leur accessibilité à un geste chirurgical.

Rappels anatomiques Le médiastin est une région anatomique complexe concentrant dans un volume restreint la filière aérodigestive intra-thoracique, le cœur et les vaisseaux supracardiaques. Il s’agit également du siège d’un très riche drainage lymphatique. Enfin, des structures neurologiques majeures traversent la région. La connaissance de l’anatomie de cette région aide à interpréter des syndromes cliniques et à analyser les examens d’imagerie toujours plus performants afin de programmer la stratégie chirurgicale qu’il s’agisse d’un prélèvement diagnostique ou d’une exérèse.

Rappel embryologique La différenciation des différents organes intra-thoraciques débute vers la quatrième semaine de vie embryonnaire et

s’étend jusqu’à la douzième semaine. On peut séparer la formation et la migration de la glande thymique, celle de la filière aérodigestive et celle du muscle cardiaque et des vaisseaux supra-aortique. Les anomalies de l’organogenèse peuvent entraîner des malformations congénitales peu ou pas symptomatiques du médiastin qui pourront être découvertes à l’âge adulte et en imposer pour des syndromes tumoraux.

La glande thymique Les 4e et 5e arcs branchiaux se différencient en tissus parathyroïdiens et thymiques. Les cellules thymiques vont progressivement migrer de la région cervicale vers le médiastin antérieur. Cela explique les possibilités de tumeurs parathyroïdiennes endothoraciques et celles de thymomes cervicaux [1].

La filière aérodigestive Un bourgeon entoblastique commun, l’intestin primitif se sépare par formation d’un diverticule puis d’un double système tubulaire. En avant apparaît la trachée et la carène puis les deux bourgeons pleuropulmonaires. En arrière se différencie l’œsophage. Cette origine commune explique les malformations congénitales qui peuvent en imposer pour des syndromes tumoraux à l’âge adulte : les kystes bronchogéniques et les duplications œsophagiennes [2].

Le cœur, les gros vaisseaux, le péricarde À partir de la troisième semaine, la réunion des tubes endocardiques et des aortes dorsales droites et gauches aboutit à la formation d’un tube cardiaque surmonté de cinq arcs aortiques. Progressivement, les cavités se cloisonnent et les troncs supra-aortiques prennent leur conformation standard. À la fin de cette différentiation, les ventricules rejoignent leur voie de sortie respective permettant la mise en place de la vascularisation systémique et pulmonaire. La cinquième semaine sera marquée par la progression vers la ligne médiane de plis pleuropéricardiques issus du tissu mésenchymateux. Le mécanisme doit aboutir à des cavités péricardiques et pleurales complètement séparées. Les anomalies de développement de ce système aboutissent à la formation de kystes pleuropéricardiques [3].

Anatomie chirurgicale L’anatomie descriptive sépare habituellement le médiastin en trois régions et deux étages. La région antérieure contient les vaisseaux supra-aortiques à l’étage supérieur, le résidu thymique et le muscle cardiaque à l’étage inférieur. La région moyenne est celle de la trachée et de la carène. La région postérieure comporte l’œsophage, le canal thoracique et l’aorte descendante. D’un point de vue chirurgical,

Introduction aux tumeurs du médiastin nous avons choisi de décrire l’anatomie médiastinale selon le type de voie d’abord chirurgical.

Voies d’abord antérieure Les voies d’abord antérieures comprennent la sternotomie, les médiastinotomies antérieures parasternales droite et gauche, la médiastinoscopie. Elles ne permettent d’accéder qu’au médiastin antérieur ou au médiastin moyen. La première est la règle pour la chirurgie cardiaque et des vaisseaux supracardiaques ainsi que pour la chirurgie carcinologique des tumeurs de la loge thymique. Les médiastinotomies sont réservées à des chirurgies diagnostiques portant sur des tumeurs thymiques latéralisées ou sur des adénomégalies des chaînes phréniques antérieures ou de la fenêtre aortopulmonaire. Enfin, la médiastinoscopie qui permet de progresser en avant de la trachée explore uniquement le médiastin moyen et permet des prélèvements des chaînes ganglionnaires 2 et 4 droite et gauche et 7 de la classification de Montain [4]. Cette voie d’abord ne permet pas d’accéder ni aux ganglions hilaires ni à ceux de la fenêtre aortopulmonaire. Le résidu thymique sous forme d’un tissu adipeux en forme de X asymétrique est au premier plan lors d’un abord antérieur. Il est fixé à la face antérieure du péricarde par des adhérences fibreuses. La vascularisation artérielle est assurée par des collatérales des artères sous-clavières et thoraciques internes. La vascularisation veineuse se draine directement dans le tronc veineux inominé. Les rapports latéraux se font avec les plèvres et les nerfs phréniques. Au niveau supérieur, les rapports se font également avec les nerfs phréniques mais également avec le nerf récurrent droit qui naît sous la crosse de l’artère sous-clavière et les pôles inférieurs de la glande thyroïdienne.

Voie d’abord thoracique droite Les voies d’abord transthoraciques droites comprennent les thoracotomies et les vidéothoracoscopies. Par la droite, on peut aborder : • le médiastin antérieur et la loge thymique en incisant la plèvre médiastinale en avant du nerf phrénqiue ; • le médiastin moyen et la trachée ; • la partie droite du médiastin postérieur : œsophage et canal thoracique. Les sites ganglionnaires accessibles sont les sites 2 et 4 R, 3 A et P, 7, 8 et 9.

Voie d’abord thoracique gauche De la même fac ¸on qu’à droite le médiastin peut être abordé par des voies trans-thoraciques gauches conventionelles ou laparoscopiques. On peut ainsi accéder à la loge thymique antérieure par incision de la plèvre médiastinale en avant du nerf phrénique. L’accès au médiastin moyen et notamment à la trachée est rendu impossible par la présence de la crosse aortique. On peut néanmoins accéder aux sites ganglionnaires suivants : 4G après section du ligament artériel en respectant le nerf récurrent, 5, 6, 7,8 et 9. La compréhension de l’anatomie du médiastin est utile pour programmer la stratégie diagnostique et thérapeutique en cas de tumeur du médiastin. Il faudra analyser avec soins les clichés obtenus par les différentes techniques

5 d’imageries morphologiques et fonctionnelles. On pourra ainsi définir la technique diagnostique la plus rentable et présentant le meilleur rapport bénéfice—risque et programmer d’emblée la stratégie chirurgicale adéquate.

Moyens diagnostiques dans les tumeurs du médiastin Abord chirurgical du médiastin Le médiastin regroupe une très grande variété de tumeurs de type tissulaire hétérogène. De cette pluralité découle une difficulté diagnostique pour laquelle l’examen clinique, les examens biologiques et l’imagerie sont souvent insuffisants au diagnostic précis. Cependant, la situation anatomique du médiastin et sa subdivision en compartiments antérieurs, moyen et postérieur, permettent de classer les différentes tumeurs selon leur topographie. Une localisation géographique précise de la tumeur, obtenue le plus souvent grâce à l’imagerie, offre en elle-même une orientation diagnostique primordiale. Chacun de ces compartiments donne naissance à des tumeurs de nature différente et de pronostic très variable (Fig. 1). Vingt-cinq à 50 % des tumeurs médiastinales diagnostiquées sont malignes [5]. Cependant, le seul moyen d’obtenir un diagnostic de certitude est l’obtention de fragments biopsiques larges et suffisants pour permettre une analyse anatomopathologique complète. À ce titre, il existe un bénéfice substantiel à un abord chirurgical de ces tumeurs du médiastin afin d’obtenir un diagnostic de certitude. La très grande majorité des tumeurs du médiastin se localise dans le médiastin antérosupérieur. Les tumeurs du médiastin sont souvent volumineuses, remaniées. Elles peuvent comporter des plages de nécrose tumorale importante rendant difficile, voire impossible, l’analyse histologique précise. Il s’agira donc d’effectuer de multiples prélèvements au sein de la tumeur avant de recueillir un fragment contributif au diagnostic, au besoin de répéter ces prélèvements en s’aidant d’une analyse anatomopathologique extemporanée jusqu’à l’obtention d’un fragment analysable. Dans certains cas, seule une exérèse complète de la lésion permettra le diagnostic final. Il existe différentes approches chirurgicales permettant le prélèvement de fragments tumoraux suffisants. Ces moyens peuvent être minimalement invasifs mais peuvent aussi conduire à une chirurgie ouverte maximaliste par la réalisation de thoracotomies ou de sternotomies exploratrices. Un principe fondamental quant au choix de l’approche reste celui d’un abord le plus direct possible sur la zone tumorale. Il faudra savoir associer à l’approche chirurgicale diagnostique les gestes nécessaires à la définition du pronostic tels que la réalisation de biospies ostéomédullaires ou d’un myélogramme dans la pathologie lymphomateuse. La chirurgie à but diagnostique doit savoir anticiper les thérapeutiques qui seront proposées et réaliser dans le même temps les gestes utiles à ce traitement, tels que la mise en place de site endoveineux pour les traitements systémiques oncologiques. Dans certains cas, la chirurgie joue

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Figure 1.

D. Trousse, J.-P. Avaro

Orientation diagnostique selon leur topographie des tumeurs du médiastin.

elle-même un rôle symptomatique sur la maladie. En effet, la réalisation de drainages d’épanchements pleuraux ou péricardiques dans le même temps opératoire est une aide précieuse à la palliation de symptômes invalidants ou menac ¸ants. On comprend donc que la chirurgie diagnostique au vu de ces potentielles actions doit être réfléchie et intégrée dans un schéma de soins personnalisé. Il apparaît fondamental d’adapter la voie d’abord et la technique chirurgicale aux différents éléments cliniques et radiologiques disponibles en préopératoire.

La ponction transpariétale à l’aiguille La ponction transpariétale avec aspiration à l’aiguille sous guidage scannographique est une technique sûre, peu invasive, aisée et relativement performante. Elle est d’autant plus réalisable que la tumeur est volumineuse et s’accole à la paroi thoracique antérieure. Elle nécessite afin d’optimiser les échantillons recueillis l’utilisation de larges aiguilles de type Tru-cut. Cependant, ses résultats sont incertains du fait de fragments biopsiques souvent trop petits pour une analyse histologique de certitude ou ayant réalisé des prélèvements en zones nécrotiques, non exploitables par le pathologiste. Elle reste peu contributive au diagnostic de certaines pathologies, notamment la pathologie lymphomateuse, qui requiert de plus larges fragments tumoraux pour un typage précis du lymphome après ana-

lyse immunohistochimique [6]. Cet élément est d’autant plus déterminant qu’il s’agit de lésion dont la thérapeutique reste avant tout non chirurgicale. La ponction biopsie à l’aiguille reste une alternative intéressante chez des patients hautement co-morbides, à trop haut risque chirurgical.

La médiastinoscopie cervicale axiale Elle fut décrite la première fois par Harkens en 1954. Elle est un examen de choix dans l’exploration du médiastin moyen et de ses différents relais ganglionnaires [7]. Il s’agit d’une endoscopie chirurgicale réalisée au bloc opératoire par un chirurgien expérimenté sous anesthésie générale chez un patient en décubitus dorsal et ventilation trachéale. Elle permet la réalisation de biopsies chirurgicales au sein des ganglions de l’espace péritrachéal, de l’étage souscarénaire, jusqu’au départ des axes bronchiques principaux. Elle est donc un élément d’investigation fiable du médiastin moyen, plus particulièrement des tumeurs de la loge de Baréty [8]. Elle reste actuellement le gold-standard de l’évaluation ganglionnaire médiastinale dans le cancer bronchopulmonaire primitif [9,10]. Sa sensibilité et sa spécificité sont respectivement de 80 et 100 % [9,11]. Plus récemment, l’adjonction d’une caméra sur le médiastinoscope (vidéomédiastinoscopie) rend la dissection

Introduction aux tumeurs du médiastin

Figure 2.

Vidéomédiastinoscopie cervicale axiale.

plus sûre, augmente la rentabilité des prélèvements effectués, diminue la morbidité (2 %) et joue un rôle didactique incontestable [12]. Elle présente cependant certaines limitations. Elle ne peut, par exemple, pas atteindre la fenêtre aortopulmonaire, l’espace sous-aortique ou préaortique (site 5 et 6) ainsi que la portion inférieure et postérieure de l’espace sous-carénaire (Fig. 2).

La médiastinoscopie parasternale (voie de Chamberlain) Il s’agit d’une variante de la médiastinoscopie axiale utilisant une incision parasternale gauche au 2e ou 3e espace intercostal [13,14]. Après pénétration dans l’espace pleural, refoulement du poumon et de la plèvre pariétale, le médiastinoscope est inséré au travers de l’espace intercostal en direction du hile pulmonaire (Fig. 3). Du côté droit, elle permet d’explorer les relais ganglionnaires latéro-trachéaux (2R, 4R) et de la chaîne phrénique (3). À gauche, elle est un excellent outil diagnostique de la pathologie des sites pré-aortique et sous-aortique (5 et 6).

La médiastinotomie antérieure Elle utilise une mini-thoracotomie antérieure, droite ou gauche, du 2e ou 3e espace intercostal. Elle reste une procédure chirurgicale peu invasive, réalisée au bloc opératoire, sous anesthésie générale. Elle nécessite la pénétration dans

7 l’espace pleural et permet un abord et une visualisation directe des tumeurs du médiastin antérieur essentiellement, mais parfois aussi du médiastin moyen et du hile pulmonaire. Elle implique en fin de geste la mise en place d’un drainage pleural postopératoire aspiratif de courte durée. Sa morbidité reste faible (6 %) [15]. Elle est nettement plus sensible que la ponction biopsie transpariétale à l’aiguille car elle permet la réalisation de macrobiopsies tumorales [16]. Elle est particulièrement utile au diagnostic des lésions lymphomateuses du médiastin antérieur dont le typage histologique est souvent difficile à établir et nécessite de multiples analyses immunohistochimiques [17]. Sa rentabilité diagnostique est, dans ce cadre là, nettement supérieure à celle de la vidéomédiastinoscopie [17]. De manière générale, sa sensibilité est élevée (63—86 %) et sa spécificité est de 100 % [18].

La vidéothoracoscopie chirurgicale Elle permet un abord simple, peu invasif (deux ou trois orifices de trocart centimétriques) et sûre des tumeurs médiastinales. Elle est particulièrement performante dans le cas de tumeurs médiastinales latéralisées, à droite ou à gauche. Par cette vidéothoracoscopie, de multiples biopsies sont réalisées au sein de lésions considérées irrésécables, sous contrôle du thoracoscope, avec l’avantage d’offrir une exploration simultanée complète des compartiments adjacents au médiastin, tels le péricarde et la plèvre homolatérale [19]. L’approche thoracoscopique est préférée en cas de lésions à forte probabilité de bénignité, de lésions kystiques, de croissance lente, bien encapsulée, du compartiment postérieur, n’envahissant pas les organes voisins et à faible vascularisation. Il s’agit d’un outil de choix (sensibilité et spécificité de 100 %) pour prélever les ganglions du médiastin moyen inaccessibles à la vidéomédiastinoscopie axiale. Il s’agit en effet des relais ganglionnaires du ligament triangulaire (site 9), paraœsophagien (site 8), sous-carénaire bas (site 7) et du côté gauche des relais sous-aortique et para-aortique (site 5 et 6), enfin des ganglions de la chaîne phrénique [20—22] (Fig. 4 et 5) devant une lésion encapsulée, bien délimitée, de petit volume (< 5 cm), elle offre le second avantage, par rapport à la médiastinoscopie, d’envisager un geste de résection complète d’emblée sous vidéothoracoscopie [23] (Fig. 6). Elle est de plus en plus largement utilisée pour l’exérèse de lésions médiastinales extirpables du médiastin moyen et postérieur. Cette approche minimalement invasive réduirait la douleur, la durée du drainage pleural, la morbidité postopératoire et la durée de séjour hospitalier [24].

La thoracomie exploratrice

Figure 3.

Médiastinoscopie parasternale (Voie de Chamberlain).

Dans certaines situations, un abord chirurgical ouvert plus invasif sera obligatoirement nécessaire à l’obtention du diagnostic final. Cette chirurgie invasive peut se justifier notamment par l’échec des précédents moyens diagnostiques utilisés ou par la présence d’une tumeur encapsulée qui semble extirpable d’emblée en totalité, sans effraction de sa capsule. Cette

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D. Trousse, J.-P. Avaro

Figure 6. Adénopathie de la fenêtre aortopulmonaire correspondant à un carcinome à petites cellules (biopsie exérèse par vidéothoracoscopie gauche pour diagnostic histologique).

Figure 4. Classification des aires ganglionnaires médiastinales selon Mountain CF.

Figure 5.

Aires ganglionnaires médiastinales accessibles en vidéothoracoscopie.

Introduction aux tumeurs du médiastin résection « en-bloc » est la condition sine qua none permettant de limiter les disséminations tumorales et les récidives locales futures (par exemple les greffes pleurales après thymomectomie et thymectomie). Le type de thoracotomie dépend de la topographie de la tumeur. Pour les tumeurs du médiastin antérieur, on préfèrera une sternotomie longitudinale médiane ou une sterno-thoracotomie antérieure dite « voie de Masaoka » [25]. Pour les tumeurs du médiastin moyen ou postérieur, la thoracotomie postérolatérale classique semble la voie élective. En résumé, l’abord le plus direct possible sur la tumeur primaire reste le meilleur choix.

Stratégie diagnostique et thérapeutique selon la topographie Tumeurs du médiastin antérieur Elles sont largement dominées par les tumeurs du médiastin antérosupérieur, notamment par les tumeurs de la loge thymique (20 % de l’ensemble des tumeurs du médiastin). Mais il peut s’agir tout autant de pathologie lymphomateuse, de tumeurs germinales extra-gonadiques ou encore de goitres endothoraciques. On rencontre plus rarement à cet étage des lésions bénignes d’origine embryonnaire de type tératome. La radiographie pulmonaire de face et de profil est souvent le premier élément diagnostique en montrant un élargissement important de l’étage supérieur du médiastin. La TDM cervicothoracique reste l’examen de choix. Cependant, un examen clinique approfondi, ainsi que le dosage de certains marqueurs biologiques de routine (LDH, ␤-HCG, ␣fœtoprotéine) peuvent largement orienter le diagnostic et doivent être systématiquement demandés.

Goitre plongeant Il s’agit de la lésion la plus fréquente du médiastin supérieur. Elle représente 10 à 15 % des tumeurs du médiastin [26]. Sa découverte est souvent fortuite lors d’une simple radiographie du thorax (40 %). Une symptomatologie compressive sur l’axe trachéobronchique ou l’axe œsophagien est cependant souvent révélatrice du goitre (toux, dyspnée inspiratoire, wheezing, stridor, dysphagie). La TDM cervicothoracique avec injection de produit de contraste suffit à établir le diagnostic de goitre plongeant. Celle-ci montre une continuité entre la masse médiastinale antérosupérieure et le corps thyroïdien lui-même (Fig. 7). Ce diagnostic est souvent renforcé par la présence soit d’un syndrome de dysthyroïdie, plutôt sur un versant d’hyperthyroïdie (dosages sanguins indispensables des hormones T3, T4, et TSH) soit de signes cliniques d’une compression trachéale. Il doit être évoqué impérativement devant des antécédents opératoires thyroïdiens (goitre médiastinal oublié) [27]. Il existe peu d’intérêt aux investigations supplémentaires telle que l’échographie thyroïdienne (supplantée par la TDM) ou la scintigraphie thyroïdienne (non contributive dans 40 % des cas).

9 En revanche, une évaluation ORL précise avec nasofibroscopie pour vérification des cordes vocales et de leur mobilité est indispensable en période préopératoire, de même que la réalisation d’une endoscopie trachéobronchite à la recherche d’une compression de l’arbre trachéobronchite et d’une éventuelle atteinte malacique qui pourrait être décompensée en période postopératoire. L’imagerie scannographique permet, par ailleurs, de classer ce corps thyroïdien ectopique selon sa topographie (cervico-thoracique, plongeant à dominante thoracique ou endothoracique pur) et ses rapports avec les vaisseaux (notamment les troncs veineux brachiocéphaliques droit et gauche). On définit sur le plan anatomique les goitres prévasculaires ou rétrovasculaires (Fig. 7). Cette topographie oriente fortement la voie d’abord chirurgicale qui sera choisie pour l’exérèse (cervicotomie pure ou cervicomanubriotomie, voire sternotomie longitudinale totale) [26]. La voie d’abord cervicale reste à la base de la chirurgie du goitre plongeant compte tenu de la vascularisation émanant des pédicules thyroïdiens d’origine cervicale. D’une fac ¸on générale, tout goitre endothoracique devrait faire l’objet d’un traitement chirurgical compte tenu du risque de complications de type compression ou dégénérescence maligne (3—5 %) [26]. L’indication opératoire est formelle dans les situations suivantes : suspicion ou confirmation de malignité, hyperthyroïdie, signes de compression chronique, ou compression aiguë (indication de chirurgie en urgence).

Tumeurs épithéliales thymiques Il s’agit de tumeurs rares de la glande thymique, à croissance lente et d’évolution majoritairement locale [27,28]. Elles représentent pourtant 20 à 50 % des tumeurs du médiastin antérieur. Chez un adulte (40—60 ans), elles sont souvent découvertes fortuitement lors d’un examen radiologique (40 %) mais peuvent entraîner un syndrome médiastinal (40 %). Devant la très grande fréquence des lésions thymiques, toute image tumorale du médiastin antérieur doit faire rechercher cliniquement un syndrome auto-immun (20 % des cas). La myasthénie en est la manifestation la plus fréquente (présente dans 30 à 60 % des cas de thymomes). À l’inverse, seul 10 à 15 % des patients ayant une myasthénie sont porteurs d’un thymome [29]. Lorsqu’un syndrome auto-immun est retrouvé à l’interrogatoire, la recherche de marqueurs biologiques tels les anticorps anti-récepteurs à l’acéthylcholine (Ac Anti-RAch) viennent renforcer le diagnostic de thymome. Ce dosage sanguin doit être systématiquement réalisé afin de dépister une éventuelle myasthénie passée inaperc ¸ue. Le thymome peut être de nature bénigne ou maligne. Une fois le diagnostic suspecté, la question essentielle est l’extirpabilité de la lésion. Le bilan morphologique et d’extension reste simple : radiographie du thorax, TDMT, parfois IRM thoracique (Fig. 8). Il n’existe pas d’indication à réaliser une ponction biopsie transpariétale si la lésion est jugée extirpable. En effet, un tel geste expose au risque de dissémination tumorale et de rechute précoce de la maladie sur le trajet de ponction [30]. De même, toute effraction de la capsule tumorale en peropératoire, c’est-à-dire tout risque de résection incom-

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Figure 7.

D. Trousse, J.-P. Avaro

Images tomodensitométriques d’un goitre plongeant prévasculaire.

plète ou non « en bloc », expose au risque de récidive de la maladie sous la forme de greffe pleurale [31—33]. La base du traitement est l’exérèse chirurgicale. Le facteur pronostique essentiel est le caractère complet de l’exérèse (R0) sans effraction tumorale emportant le thymome, toute la loge thymique, ainsi que la graisse médiastinale antérieure en avant des deux nerfs phréniques [32]. L’exérèse par voie thoracosocopique reste en ce sens largement débattue opposant le bénéfice d’une chirurgie moins invasive au risque d’effraction tumorale per opératoire et de résection incomplète R1 [32]. Le standard de traitement dans le cadre des thymomes reste actuellement un abord médian par sternotomie longitudinale. Si, en revanche, l’infiltration médiastinale rend la lésion inextirpable, il faut obtenir un diagnostic de certitude par une biopsie chirurgicale de la lésion (médiastinoscopie ou

vidéothoracoscopie) pour envisager une stratégie thérapeutique médicale (radio —chimiothérapie).

Pathologie lymphomateuse La loge thymique est le site de prédilection des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens (deux tiers des lymphomes médiastinaux). Devant une masse médiastinale antérieure infiltrante au scanner, le diagnostic de lymphome est volontiers suspecté sur le terrain (adulte jeune) et le cortège de signes cliniques qui l’accompagne (altération de l’état général, asthénie, fièvre au long cours, sueurs nocturnes, prurit). À l’examen clinique, la palpation d’adénopathies périphériques est un excellent élément d’orientation diagnostique. Une élévation des LDH est un argument supplémentaire en faveur du diagnostic de lymphome. Le principal diagnostic différentiel est le thymome dont le terrain est une population plus âgée. Une ponction biopsie à l’aiguille sous guidage scannographique est envisageable lorsque le diagnostic de lymphome est suspecté. Cependant, son manque de rentabilité fait préférer actuellement la réalisation de larges biopsies chirurgicales (possibilité d’immunomarquages et de biologie moléculaire) soit par une médiastinotomie antérieure, soit par une vidéothoracoscopie. En cas d’incertitude diagnostique et devant une masse considérée comme résécable, il est préférable de pratiquer l’exérèse complète de la lésion à visée à la fois diagnostique et thérapeutique. De manière classique, il s’agit de masses tumorales invasives et infiltrantes potentiellement compressives sur le système veineux cave supérieur. Elles représentent en ce sens une urgence diagnostique histologique (Fig. 9). Le traitement repose sur une polychimiothérapie. Pourtant, le rôle de la chirurgie est double : assurer un diagnostic précis par l’obtention de larges fragments tumoraux et permettre le typage précis du lymphome, apprécier la réponse au traitement médical et réaliser l’exérèse de la maladie résiduelle.

Tumeurs germinales extra-gonadiques Figure 8. Thymome chez une patiente porteuse d’une myasthénie avec Ac anti RAch.

Certaines sont d’origine maligne et doivent être recherchées d’autant plus volontiers qu’il s’agit d’un adulte jeune

Introduction aux tumeurs du médiastin

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Figure 9. Lymphome hodgkinien infiltrant chez un jeune adulte. Diagnostic par médiastinotomie antérieure gauche.

Figure 11. Hémorragie intratumorale et hémothorax massif après biopsie d’un tératome chez un jeune adulte de 20 ans.

(20—35 ans) de sexe masculin. On en distingue deux grands types : les séminomes et les tumeurs dites non séminomateuses. La tumeur médiastinale est le plus souvent primitive mais ne doit pas faire oublier de réaliser un examen clinique et une échographie testiculaire systématiques. Il s’agit souvent à l’imagerie de volumineuses tumeurs du médiastin

antérieur (environ 10 cm de grand axe) découvertes sur l’apparition d’une douleur thoracique (50 %) avec altération de l’état général. La TDMT révèle une volumineuse tumeur infiltrant le médiastin antérieur volontiers hétérogène avec multiples plages de nécrose. Le dosage des marqueurs sériques (␣-fœtoprotéine, ␤HCG, HCG) est fondamental. Une forte élévation de l’un de ces marqueurs tumoraux suffit au diagnostic positif sans nécessiter de preuve histologique. Si les marqueurs tumoraux sont négatifs, il faut envisager une biopsie pour analyse histologique (ponction biopsie à l’aiguille, voire biopsie chirurgicale par médiastinotomie antérieure). Ni les séminomes, ni les tumeurs non séminomateuses ne sont chirurgicales d’emblée. La chirurgie des tumeurs germinales extra-gonadiques n’est indiquée qu’après la fin du traitement médical oncologique (polychimiothérapie type BEP) et réalise l’exploration et l’ablation d’une éventuelle maladie résiduelle médiastinale (Fig. 10). Les tératomes sont une variété bénigne des tumeurs extra-gonadiques issues des feuillets embryonnaires (endoderme, mésoderme et ectoderme). La masse tumorale contient volontiers de la peau, des phanères ou certaines muqueuses. Le plus souvent, il s’agit d’une lésion asymptomatique de découverte radiologique fortuite. Elles peuvent aussi se révéler par des manifestations de compression. Le diagnostic est le plus souvent fait à l’imagerie TDM et doit conduire à l’indication d’exérèse chirurgicale d’emblée. Il n’y a pas lieu de réaliser un geste invasif préalable (Fig. 11). Le traitement est chirurgical par un abord médian de type sternotomie d’emblée.

Figure 10. Masse résiduelle d’une tumeur germinale séminomateuse après quatre cures de chimiothérapie BEP chez un adulte de 29 ans (Exérèse élargie au péricarde, à une languette pulmonaire lobaire supérieur gauche, et au nerf phrénique gauche par voie de Masaoka).

Tumeurs du médiastin moyen La pathologie du médiastin moyen reste dominée par les atteintes ganglionnaires, notamment dans le cadre des

12

Figure 12. Adénopathie sous-carénaire surinfectée après échoendoscopie et ponction transœsophagienne à l’aiguille.

cancers bronchopulmonaires primitifs avec envahissement ganglionnaire, mais aussi de la pathologie lymphomateuse et des atteintes bénignes ganglionnaires inflammatoires ou infectieuses (granulomatoses giganto-cellulaires tuberculeuses ou sarcoïdosiques). Toute lésion ganglionnaire à ce niveau est une indication formelle à la réalisation d’une endoscopie trachéobronchique exploratrice assortie de biopsies transbronchiques (aiguille de Wang). L’endoscopie digestive reste quant à elle une option selon les sites à prélever et selon la pathologie suspectée (risque de surinfection en cas de lésion kystique ou de dissémination d’une lésion infectieuse) (Fig. 12). Lorsque le diagnostic ne peut être obtenu par une endoscopie médicale, il existe une place à la réalisation d’endoscopies chirurgicales. Le rôle de la chirurgie est essentiellement diagnostique. L’abord chirurgical est dominé par la médiastinocopie cervicale axiale pour les chaînes ganglionnaires latéro-trachéale et sous-carénaire, et la vidéothoracoscopie gauche pour biopsies au sein de la fenêtre aortopulmonaire (Fig. 13). Le médiastin moyen est aussi le siège de lésions kystiques bénignes tels que le kyste bronchogénique et le kyste pleuro-péricardique (environ 20 % des tumeurs primitives médiastinales). Le kyste bronchogénique est la malformation kystique d’origine embryonnaire la plus fréquente (60 % des lésions kystiques médiastinales). Découvert fortuitement à l’imagerie le plus souvent, l’apparition de symptômes (douleur, toux, dyspnée, syndrome septique ou hémoptysie) signe une complication de type septique ou fissuraire dans l’arbre bronchique. À la radiographie du thorax (face et profil), on découvre une masse arrondie bien délimitée, homogène, d’aspect liquidien du médiastin moyen en situation paratrachéale. La TDMT suffit à affirmer le diagnostic en objectivant une lésion kystique sphérique au contact de l’arbre aérien, volontiers paratrachéale ou souscarénaire (Fig. 14). L’IRM thoracique fournit sensiblement

D. Trousse, J.-P. Avaro

Figure 13. Métastases ganglionnaires du médiastin moyen (loge de Baréty et fenêtre aortopulmonaire) par un adénocarcinome bronchopulmonaire primitif.

les mêmes informations que la TDM et n’a donc pas d’intérêt diagnostique supplémentaire (hyposignal en séquence T1, hypersignal en T2) [33,34]. L’endoscopie bronchique montre une compression extrinsèque avec une muqueuse normale. L’exérèse chirurgicale du kyste bronchogénique devrait être la règle. Elle permet d’établir le diagnostic histologique de certitude et de prévenir les complications éventuelles. En pratique, elle reste débattue en l’absence de symptôme

Figure 14. Kyste bronchogénique chez un jeune adulte de 26 ans découvert sur des troubles du rythme (exérèse par vidéothoracoscopie gauche).

Introduction aux tumeurs du médiastin [35]. Elle est strictement formelle en cas de surinfection, de signe de compression, de symptômes invalidants, de suspicion de dégénérescence maligne, de croissance importante en taille. L’approche thoracoscopique est faisable et sûre, mais doit pouvoir garantir une excision complète du kyste afin de minimiser le risque de récidive, notamment à long terme [36]. La morbimortalité de la chirurgie thoracoscopique est quasi nulle et explique la place de choix qu’elle occupe aujourd’hui dans cette indication. En cas de dissection problématique du fait d’adhérence ou de surinfection du kyste, un abord par thoracotomie est préférable. Les deux autres lésions kystiques bénignes médiastinales sont : le kyste pleuropéricardique (15 à 20 %) situé généralement dans l’angle cardiophrénique antérieur droit et le kyste entéroïde (7 à 15 %) dans le médiastin postérieur. Le kyste pleuropéricardique, malformation d’origine embryonnaire par défaut de cloisonnement du sac péricardique est asymptomatique chez l’adulte dans la quasi-totalité des cas. Sa découverte fortuite à l’imagerie radiologique et TDM affirme le diagnostic. Compte tenu de l’absence de symptômes et de son caractère bénin, il n’existe aucune raison cohérente pour proposer une exérèse chirurgicale, même minimalement invasive par thoracoscopie.

Tumeurs du médiastin postérieur Elles sont essentiellement représentées par les tumeurs neurogènes bénignes ou malignes (15—25 % de l’ensemble des tumeurs du médiastin). Elles se développent à partir de trois structures nerveuses différentes issues des nerfs intercostaux et sympathiques : les gaines des nerfs myélinisés, les cellules nerveuses sympathiques ou les cellules chromaffines (Fig. 15). Le schwannome, tumeur strictement bénigne, est de loin la lésion la plus fréquemment rencontrée. La présence de lésions nerveuses malignes chez l’adulte est extrêmement rare comparé à la population infantile (< 5 % des tumeurs nerveuses découvertes à l’âge adulte) [37]. Ces tumeurs nerveuses se développent typiquement dans la gouttière latéro-rachidienne au contact de l’articulation costovertébrale. Elles concernent souvent l’enfant ou le jeune adulte. Le terrain jeune et la pauvreté des symptômes cliniques évoquent une pathologie plutôt bénigne. Leur découverte est le plus souvent fortuite (> 80 %) sur une radiographie du thorax, plus rarement sur une symptomatologie douloureuse thoracique (5—10 %). L’examen TDM confirme une lésion d’allure homogène plaquée au niveau de l’angle costovertébral en situation sous-pleurale. L’IRM thoracique et rachidienne est une option et s’impose lorsqu’il

Figure 15.

Tumeurs neurogènes du médiastin postérieur.

13

Figure 16. Tumeur du médiastin postérieur chez un jeune adulte (schwannome).

existe une suspicion de prolongement intrarachidien de la lésion (tumeur en sablier, < 10 % des cas). Le traitement de ces tumeurs nerveuses est exclusivement chirurgical sans nécessiter de biopsies préalables. Devant une tumeur médiastinale postérieure, il est recommandé dans le bilan préopératoire d’effectuer un repérage systématique angiographique de l’artère spinale antérieure dite artère d’Adamkiewicz, d’autant plus volontiers que la lésion se situera en dessous de T4. Cette précaution doit permettre de minimiser le risque de complications neurologiques postopératoires par ischémie médullaire. L’exérèse par vidéothoracoscopie chirurgicale est largement utilisée. Cependant, le volume et l’extension tumorale (lésion de > 5 cm) imposent parfois un abord ouvert plus invasif mais permettant une exérèse plus sûre. La thoracotomie postérolatérale est privilégiée (Fig. 16 et 17). Le médiastin postérieur peut aussi, de fac ¸on plus rare, être le siège de lésions kystiques congénitales strictement

Figure 17. Repérage de d’Adamkiewicz avant exérèse.

l’artère

spinale

antérieure

14 bénignes tels que les kystes entéroïdes ou dits de duplication œsophagienne (Fig. 1). Elles proviennent d’une anomalie du développement de l’intestin primitif survenant très tôt dans l’embryogenèse et fréquemment associée à des anomalies du développement de l’axe vertébral. Cette lésion est rare chez l’adulte, le plus souvent asymptomatique. L’existence de volumineuses lésions peut induire une symptomatologie (toux, dyspnée ou dysphagie) par compression des organes de voisinage (œsophage, trachée). L’imagerie TDM suffit le plus souvent à établir le diagnostic final. Une IRM thoracique et rachidienne est volontiers demandée devant la suspicion d’envahissement intrarachidien du kyste. Des explorations endoscopiques montreront une compression extrinsèque de l’œsophage et permettront d’éliminer une complication fissuraire du kyste, soit dans le tractus digestif soit dans l’arbre trachéo-bronchique [38]. Parfois, le diagnostic n’est obtenu qu’après analyse histologique de la pièce opératoire après exérèse chirurgicale complète. Par analogie au kyste bronchogénique, l’exérèse chirurgicale doit être proposée. En pratique, la stratégie thérapeutique est l’objet de controverses, prônant soit une simple surveillance soit l’exérèse systématique en prévention des complications éventuelles. L’exérèse peut être réalisée par thoracoscopie ou thoracotomie selon les difficultés de dissection avec l’œsophage.

D. Trousse, J.-P. Avaro

Figure 18. thymome.

Greffe pleurale gauche deux ans après exérèse d’un

Figure 19.

Thymome locallement insavif (stade III de Masaoka).

La chirurgie diagnostique et curatrice en un temps Compte tenu de la fréquence des lésions thymiques et des ectopies thyroïdiennes, Toute lésion extirpable du médiastin antéropostérieur doit être réséquée. De manière plus générale, on peut considérer que toute lésion non lymphoïde médiastinale, même bénigne, nécessite une exérèse chirurgicale dès qu’elle semble extirpable. Dans de telles conditions, toute exploration chirurgicale invasive pour biopsier la lésion est déconseillée, du fait d’un risque de complications surajoutées comparé au bénéfice d’une résection complète première [5]. Une biopsie chirurgicale est d’autant moins souhaitable qu’elle expose au risque d’ensemencement tumoral des trajets de ponction à l’aiguille ou d’effraction capsulaire lors du prélèvement. Pour autant, la chirurgie d’exérèse d’une tumeur du médiastin peut être plus ou moins ardue. L’obtention d’une résection complète R0 « en bloc » est l’objectif principal, car lui seul peut influencer significativement la survie dans le cas de lésions néoplasiques. Par exemple, un thymome incomplètement réséqué (R1) est à haut risque de rechute, sous la forme notamment de greffe pleurale (Fig. 18). Les élargissements aux organes de voisinage (péricarde, poumon, pédicule phrénique, tronc veineux innominé, veine cave supérieure) sont parfois nécessaires à l’obtention de cette résection R0. Ces résections majeures peuvent impliquer des gestes de reconstruction prothétique à la fois vasculaires, péricardiques ou trachéaux [39,40] (Fig. 19). Le choix de la voie d’abord par le chirurgien est capital. La sternotomie médiane permet une excellente approche antérieure. Cependant, les voies combinées (sterno-thoracotomie selon Masaoka) ou les abords bilatéraux (bi-thoracotomie antérieure avec sternotomie dite « clamshell ») représentent un atout supplémentaire. La morbidité de ces exérèses médiastinales élargies doit être

Introduction aux tumeurs du médiastin mise en balance avec le bénéfice attendu sur la survie des patients. Dans le cas de thymome localement invasif (stade III), le bénéfice d’une résection en bloc de la tumeur avec lambeau de plèvre, de péricarde, de poumon (atypique, voire anatomique), du nerf phrénique, de la veine cave supérieure ou tronc veineux innominé a été rapporté dans plusieurs séries. Ces exérèses élargies conduisant à la résection R0 augmentent significativement la survie des patients (60—75 % de survie à cinq ans). Il existe évidemment certaines contre-indications absolues à une chirurgie d’exérèse. Elles sont représentées par l’envahissement intrapéricardique, l’envahissement aortique ou de l’artère pulmonaire et l’envahissement d’une longue partie de la trachée. Tant que possible, les exérèses pulmonaires majeures associées (pneumonectomie ou pleuropneumonectomie élargie) doivent être évitées puisqu’elles augmentent significativement la morbimortalité postopératoire [40]. En cas de doute diagnostique, de telles exérèses élargies ne doivent pas être envisagées sans une confirmation histologique ou biologique, surtout chez de jeunes patients, prédisposés aux pathologies lymphoïdes et germinales. Dans ces deux types de pathologie tumorale, la chirurgie à visée curatrice garde une place très limitée. Elle intervient généralement à la fin d’un traitement oncologique médical bien conduit et après vérification de la normalisation biologique des marqueurs tumoraux. Elle ne s’envisage donc qu’en cas de masses résiduelles tumorales « a priori » résécables selon les données de l’imagerie de réévaluation (Fig. 10).

Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont transmis aucun conflit d’intérêt.

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