Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance

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Pour citer cet article : Tezenas du Montcel C, et al. Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance. Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.03.001 Presse Med. 2018; //: ///

Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance

Mise au point

PSYCHIATRIE/M EDECINE L EGALE

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Chloé Tezenas du Montcel 1, Célia Kowal 2, Audrey Leherle 2, Soraya Kabbaj 1, Ariel Frajerman 1, Emmanuel Le Guen 3, Nora Hamdani 3, Franck Schürhoff 3, Marion Leboyer 3, Antoine Pelissolo 3, Baptiste Pignon 3,4,5,6

Disponible sur internet le :

1. AP–HP, DHU PePSY, hôpitaux universitaires Henri-Mondor, pôle de psychiatrie, 94000 Créteil, France 2. Hôpital Albert-Chenevier, service de pharmacie, 40, rue de Mesly, 94000 Créteil, France 3. AP–HP, DHU PePSY, pôle de Psychiatrie, 94000 Créteil, France 4. Inserm, U955, team 15, 94000 Créteil, France 5. Fondation FondaMental, 94000 Créteil, France 6. UPEC, hôpitaux universitaires Henri-Mondor, faculté de médecine, 94000 Créteil, France

Correspondance : Baptiste Pignon, AP-HP, DHU PePSY, UPEC, hôpitaux universitaires Henri-Mondor, pôle de Psychiatrie, 40, rue de Mesly, 94000 Créteil, France. [email protected]

Points essentiels Les mesures d'isolement et de contention mécanique font désormais l'objet d'une loi, ainsi que de récentes publications d'autorités administratives, tels qu'un rapport du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté ou des recommandations de l'HAS. Les épisodes d'agitation psychomotrice et l'auto- ou l'hétéro-agressivité des épisodes maniaques ou psychotiques constituent les indications les plus fréquentes de leur prescription. La prescription de ces mesures obéit à des modalités de prescription particulières qui sont détaillées dans ce travail. Les mesures d'isolement et de contention mécanique, bien qu'ayant montré leur efficacité, représentent un dernier recours thérapeutique, compte tenu notamment des complications physiques et du retentissement psychique. Dans les épisodes d'agitation psychomotrice justifiant ces prescriptions, une prise en charge médicamenteuse spécifique sera associée à visée anxiolytique, dont nous rappellerons les principales recommandations de bonnes pratiques. Enfin, la prévention et la prise en charge des complications physiques liées aux mesures d'isolement et de contention mécanique doivent faire l'objet d'une surveillance attentive. Nous présentons ici des protocoles de prévention des complications liées à la constipation et à la maladie thromboemboliques veineuse.

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tome xx > n8x > xx 2018 https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.03.001 © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

LPM-3554

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C. Tezenas du Montcel, C. Kowal, A. Leherle, S. Kabbaj, A. Frajerman, E. Le Guen, et al.

Key points Seclusion and mechanical restraints in psychiatric care: Prescriptions procedures, pharmacological management, and monitoring We will briefly summarize the French recommendations concerning the use of seclusion and mechanical restraint. Acute agitation and aggression or self-injurious activity during psychotic and manic episodes are the main indication of prescription of the coercive measures. Their prescriptions respect specific modalities that will be explained. Although they proved to be efficient, seclusion and restrain need to stay a last resort option, considering the risk of physical complications and psychological consequences. Specific pharmacological prescription will necessarily be associated with coercive measures and we present prescription guidelines. Finally, physical complications need to be prevented and we submit specific protocol concerning constipation and thromboembolic risk management.

Introduction

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La contention mécanique est une mesure utilisée en psychiatrie comme dans d'autres spécialités médicales, telles que la réanimation ou la gériatrie. La Haute autorité de santé (HAS), dans des recommandations parues en février 2017, la définit comme « l'utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements empêchant ou limitant les capacités de mobilisation volontaire de tout ou partie du corps dans un but de sécurité pour un patient dont le comportement présente un risque grave pour son intégrité ou celle d'autrui ». En psychiatrie, cette mesure ne peut être utilisée que dans le cadre d'un isolement, défini lui par le « placement du patient à visée de protection, lors d'une phase critique de sa prise en charge thérapeutique, dans un espace dont il ne peut sortir librement et qui est séparé des autres patients » [1]. Historiquement, les mesures d'isolement et de contention mécanique sont utilisées depuis longtemps dans la prise en charge des états d'agitation psychomotrice. Dans l'Antiquité, Celius Aurélien, un médecin romain, préconisait de faire usage de liens pour les patients agités « sans leur faire de mal, en protégeant leurs membres de flocon de laine d'abord, en plaçant le bandage sur eux après » [2]. En France, ces mesures ont été inscrites dans la pratique médicale par Pinel, puis Esquirol dans leurs travaux sur le traitement moral [3]. Un mémoire d'Esquirol publié peu avant la loi du 30 juin 1838 justifie les mesures de contention mécanique par la sécurisation du patient et de son entourage et l'éloignement des préoccupations désordonnant ses pensées [4]. Plus tard, des aliénistes comme Magnan préconisent la clinothérapie (une mesure d'alitement prolongé) pour les patients agités. Depuis les années 1950, le développement des psychotropes, et en particulier des antipsychotiques (ou neuroleptiques) [5], a permis d'apporter un nouvel outil thérapeutique dans la prise en charge des états d'agitation psychomotrice.

Les mesures d'hospitalisation sans consentement s'insèrent dans le cadre légal de la loi du 5 juillet 2011 du Code de la Santé Publique (CSP) modifiée le 27 septembre 2013 [6]. Bien que les mesures d'isolement et de contention mécanique soient systématiquement mises en place au sein de mesures de soins psychiatriques sans consentement (SSC), jusqu'à la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 [7], aucune loi ne les encadrait spécifiquement. Seul un audit de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES, devenue depuis la HAS) de 1998 encadrait auparavant ces pratiques [8]. Outre cette loi de modernisation de 2016, ces mesures ont fait l'objet ces dernières années de plusieurs publications, et notamment de recommandations de la HAS, ainsi que d'un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Ces publications, sur lesquelles nous revenons dans ce travail, viennent encadrer leur pratique et limiter leur utilisation. Ces mesures sont des outils thérapeutiques dont le rapport bénéfice/ risque est à étudier attentivement. En effet, elles sont mal vécues par les patients, les soignants, et elles peuvent être vectrices de complications physiques [9,10]. Elles sont donc à utiliser dans des indications précises, avec parcimonie, et selon des modalités spécifiques. Dans ce travail de mise au point, nous reviendrons sur les indications de l'isolement et de la contention mécanique, puis sur les modalités actualisées de prescription de ces mesures, ainsi que sur les mesures pharmacologiques à mettre en place parallèlement. Enfin, nous détaillerons les mesures de surveillance psychiatriques et non-psychiatriques nécessaires en proposant des protocoles de prescription et de surveillance.

Les indications des mesures d'isolement et de contention mécanique L'article L. 3222-5-1 du CSP, créé par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, donne pour la

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Pour citer cet article : Tezenas du Montcel C, et al. Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance. Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.03.001

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pas à ce jour de traduction française, est composée de 3 souséchelles avec un total de 18 items : les facteurs de risque et symptômes pouvant aggraver un état d'agitation (hallucinations, désorganisation de la pensée, syndrome de sevrage, etc.), des critères d'évaluation du risque (agressivité verbale, geste auto ou hétéroagressif, irritabilité, etc.) et des critères d'évaluation de l'alliance thérapeutique (contact, coopération, critique des symptômes, etc.). Elle est réalisable en 2–5 min d'après les auteurs et permet une évaluation de l'indication d'une contention mécanique ainsi que de la possibilité de la retirer.

Mise au point

première fois un cadre juridique spécifique aux recours à l'isolement et à la contention mécanique [7]. Il définit ces mesures comme des « pratiques de dernier recours » destinées à « prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui ». Selon la HAS, il s'agit de « prévenir une violence imminente du patient ou [de] répondre à une violence immédiate, non maîtrisable, sous-tendue par des troubles mentaux, avec un risque grave pour l'intégrité du patient ou celle d'autrui ». Les mesures d'isolement et de contention mécanique peuvent, grâce à la mise à l'écart des stimulations de l'environnement, notamment chez les patients présentant des idées délirantes de persécution perturbant leurs interactions sociales, permettre une diminution de la tension psychique interne. Ces mesures ne peuvent être envisagées que « lorsque des mesures alternatives différenciées, moins restrictives, ont été inefficaces ou inappropriées, et que les troubles du comportement entraînent un danger important et imminent pour le patient ou pour autrui » [1]. Si la contention mécanique ne peut s'envisager que dans le cadre d'un isolement, isolement n'implique pas contention. La contention mécanique ne doit être utilisée que pour faire face à un niveau de violence exceptionnel [1]. Le recours à ces mesures ne se justifie que lorsqu'elle s'accompagne d'une prescription médicale de psychotropes permettant un apaisement de l'état d'agitation psychomotrice, dont les modalités seront précisées plus bas, et que la levée des mesures d'isolement et de contention mécanique soit réalisée dès l'efficacité de ces traitements. L'agitation psychomotrice et l'auto- et/ou hétéro-agressivité concernées par ces mesures d'isolement et de contention peuvent compliquer tous les troubles psychiatriques [11,12]. Les indications les plus fréquentes aux mesures d'isolement et/ou de contention mécanique concernent les épisodes maniaques et psychotiques (les démences sont une autre cause d'agitation mais ne seront pas traitées dans ce travail). Les épisodes dépressifs caractérisés et les troubles de l'adaptation en sont une autre cause, surtout quand ils viennent compliquer un trouble de la personnalité caractérisé par l'impulsivité, comme les troubles de personnalité de type antisociale ou borderline [13]. Les indications aux mesures d'isolement et de contention concernent donc les agitations psychomotrices, avec/sans autoet/ou hétéro-agressivité non accessibles à la réassurance ou à la « désescalade » (dialogue ayant pour but de diminuer la tension psychique sous-tendant l'agitation) [14]. Les recommandations HAS précisent que ces états d'agitation doivent être sous-tendus par des troubles psychiatriques, et que tout autre diagnostic doit être éliminé avant la mise en place d'une mesure d'isolement ou de contention mécanique. Récemment, un score de nécessité de contention mécanique a été publié afin d'aider les cliniciens dans leur prise de décision (MR-CRAS, pour « Mechanical restraint-confounders, risk, alliance score »), avec de bonnes qualités métrologiques [15]. Cette échelle, dont il n'existe

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Modalités de prescription de l'isolement et de la contention mécanique en psychiatrie Selon la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016 [7], l'initiation et le renouvellement de ces mesures sont prescrits par un psychiatre, dans une démarche thérapeutique, sur une durée limitée, et après concertation pluriprofessionnelle. Elles ne concernent que les patients hospitalisés en SSC. Selon la HAS, les cas exceptionnels d'isolement et de contention mécanique de patients hospitalisés en soins libres ne doivent pas durer plus de 12 h, le temps de résoudre la situation d'urgence ou de mettre en place des SSC. Dans les services d'urgences, des mesures d'isolement et/ou de contention mécanique peuvent être mises en place le temps de la résolution de la situation d'urgence, de l'action des traitements psychotropes, et/ou d'instauration d'une mesure de SSC, comme le précise la circulaire no 48 DGS/SP3 du 19 juillet 1993. De plus, ces mesures ne peuvent ni être prescrites au long cours ou de manière systématique, ni être laissées à la discrétion de l'équipe soignante paramédicale [1,7]. La HAS recommande que l'isolement n'excède pas 12 h, et la contention mécanique 6 h. En cas de nécessité de renouvellement, celui-ci doit être effectué dans les 12 h pour l'isolement et 6 h pour la contention mécanique. Si elles sont prolongées au-delà de ces durées, la prescription devra être renouvelée toutes les 24 h, avec au moins deux évaluations médicales par jour. Enfin, selon la HAS, les isolements de plus de 48 h et les contentions mécaniques de plus de 24 h doivent rester exceptionnels [1]. Les précédentes recommandations de l'ANAES fixaient des intervalles d'évaluation médicale de 24 h, sans durée maximale totale [8]. Les nouvelles recommandations de la HAS constituent donc une restriction de son utilisation, et préconisent une intensification des évaluations psychiatriques. L'isolement et/ou la contention mécanique doivent être réalisés dans des espaces spécifiques, permettant d'assurer la sécurité du patient et du personnel. Ils s'accompagnent d'une surveillance et d'un accompagnement intensifs. L'équipe soignante réévalue l'état clinique et peut solliciter le psychiatre pour la levée de la mesure à tout moment. Une fiche particulière de prescription de suivi doit être remplie au fur et à mesure (la HAS en propose un exemple en annexe de ses recommandations).

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Certains facteurs nécessitent une surveillance particulière : les agitations sévères, les intoxications (en alcool ou substance psychostimulante), les antécédents cardiaques ou respiratoires, une obésité morbide, des troubles neurologiques et/ou métaboliques, les patients âgés, les femmes enceintes ou en période de post-partum, ou encore les patients victimes de sévices dans le passé. Un état physique d'un patient engageant son pronostic vital (pathologie non-psychiatrique non stabilisée) est une contre-indication aux mesures d'isolement et/ou de contention mécanique [1]. La HAS recommande également qu'un entretien médical et un examen clinique soient réalisés au moment de la mise en place de l'isolement et/ou de la contention mécanique. Il faut évaluer la compatibilité physique, notamment respiratoire et cardiaque, avec les mesures mises en place. Le patient doit être informé de manière claire et répétée, et notamment recevoir des explications concernant les raisons de la mesure et les critères permettant sa levée future, ainsi que sur la surveillance qui sera effectuée. Comme au cours de toute hospitalisation, il convient de demander au patient s'il souhaite désigner une personne de confiance et s'il souhaite que celle-ci ou ses proches soient contactés par l'équipe médicale et/ou informés des soins dont il fait l'objet. Outre, cet entretien avec le patient, le psychiatre doit discuter avec l'équipe soignante des facteurs déclenchants et des raisons de mises en place des mesures, ainsi que des soins pouvant permettre d'accélérer la levée de l'isolement et de la contention mécanique. Après la sortie d'isolement ou la levée de la contention mécanique, il est recommandé de proposer au patient de reprendre l'épisode ayant amené l'isolement avec les membres de l'équipe. Enfin, il faut veiller à la traçabilité de ces mesures, d'une part, dans le dossier médical du patient et d'autre part, dans le registre spécifique de l'établissement à visée médico-légale et afin de permettre l'évaluation des pratiques [1]. Ce registre doit préserver l'anonymat du patient mais doit comporter le nom du psychiatre ayant prescrit la mise en place de cette mesure, la date, l'heure, la durée de mise en place de l'isolement ou de la contention mécanique ainsi que le nom des professionnels de santé ayant surveillés le patient. La HAS précise que ce registre peut être informatisé, et doit être présenté à la demande du CGLPL, afin de permettre une réflexion sur le nombre de recours à l'isolement et à la contention mécanique dans chaque établissement. Chaque établissement doit rédiger un rapport annuel rendant compte des pratiques d'admission en isolement ou de contention mécanique, ainsi que sa politique de limitation du recours à ces pratiques. Selon le CSP, le rapport doit être transmis à la commission des usagers de l'hôpital et au conseil de surveillance.

La prise en charge pharmacologique

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Comme nous avons pu le voir précédemment, le recours à l'isolement et à la contention mécanique est indiqué dans des états d'agitation psychomotrice importants avec auto- ou

hétéroagressivité. Cette indication se justifie d'autant plus que les délais d'action des traitements psychotropes permettant un amendement des symptômes psychiatriques qui sous-tendent les épisodes d'agitation psychomotrices sont parfois longs (plusieurs jours au minimum) [16]. Cependant, le maintien de ces mesures n'est envisageable que dans l'attente d'une efficacité pharmacologique et ne devront pas être prolongées audelà, d'où la nécessité d'une réévaluation clinique fréquente. Les facteurs favorisants l'agitation et l'impulsivité, tels les syndrome de sevrage en tabac et en alcool, une déshydratation, un épisode d'hypoglycémie, une plainte douloureuse, doivent être recherchés et bénéficier d'une prise en charge urgente et optimale [17]. Par ailleurs, des méthodes de prise en charge non médicamenteuse de l'agitation, telles que la réassurance verbale ou la mise à l'abri des stimuli, peuvent s'avérer efficaces. En cas d'échec de ces mesures, il est nécessaire d'y associer des mesures pharmacologiques adaptées à but sédatif et/ou anxiolytique. Trois classes thérapeutiques peuvent être utilisées seules ou en association : les benzodiazépines, les antipsychotiques de première génération (APG) ou typiques et les antipsychotiques de seconde génération (ASG) ou atypiques [17,18]. Bien que la voie orale soit privilégiée, la voie intramusculaire (IM) peut être utilisée pour chacune de ces 3 classes en cas de nécessité et d'absence de consentement du patient à la prise du traitement per os. Selon une étude d'évaluation des pratiques professionnelles d'un comité d'expert, 82 % des praticiens interrogés indiquaient l'utilisation de benzodiazépines devant un premier épisode d'agitation psychomotrice aux urgences [19]. La molécule la plus fréquemment utilisée en per os dans les services d'urgences est le lorazépam, car sa demi-vie est courte (entre 10 et 20 h), son action rapide (entre 0,5 et 4 h) et il présente peu d'effets indésirables [20]. Cependant, ce traitement n'existe pas par voie IM en France, ce qui explique la faible utilisation de cette molécule dans la prise en charge de l'agitation. Dans une étude randomisée en double aveugle, Nobay et al. mettent en évidence une supériorité du midazolam (hypnovel®) sur le lorazépam et l'halopéridol dans la prise en charge de l'agitation. En effet, le midazolam (5 mg, IM), peu utilisé en France, permet une anxiolyse plus rapide et plus courte, sans modification significative des paramètres hémodynamiques (TA, FC, FR, SaO2) [21]. Le midazolam, avec un délai d'action très rapide (< 1 min) et une demi-vie courte (de 1 à 2 h), pourrait donc être un traitement de choix des états d'agitation aiguë [22]. Les APG, et en particulier l'halopéridol, de par leur effet anxiolytique, font partie des traitements de référence des états d'agitation [17,20,23]. En 1997, une étude prospective contrôlée randomisée multicentrique en double aveugle a montré la supériorité de l'association halopéridol-lorazépam sur l'utilisation seule de l'une ou l'autre de ces molécules, avec une anxiolyse plus rapide et sans augmentation de la fréquence d'effets indésirables [24]. Depuis, l'association d'un APG et

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systématique d'une benzodiazépine est indiquée afin d'en diminuer les effets indésirables extrapyramidaux.

La mesures de prévention des complications physiques chez un patient en isolement et/ou contention mécanique

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d'une benzodiazépine est le choix privilégié dans la prise en charge de l'agitation liée à une décompensation psychotique, permettant une action anxiolytique et antipsychotique concomitante. En France, selon des études concernant les pratiques thérapeutiques dans les états d'agitation aux urgences, le recours aux APG dits sédatifs (i.e. loxapine, cyamemazine, etc.) est fréquent. La cyamemazine est l'une des molécules les plus utilisées dans les services hospitaliers dans les cas d'agitation chez des patients souffrant de troubles psychotiques [25]. Elle permet une forte anxiolyse, tout en étant bien tolérée, avec notamment peu d'effets indésirables extrapyramidaux, ce qui permet de l'associer facilement en bithérapie avec d'autres antipsychotiques [26]. Concernant la loxapine, bien qu'elle soit classée comme un APG, son affinité pour les récepteurs 5-HT2A , avec un rapport 5-HT/D2 élevé, lui confère des caractéristiques atypiques qui la rapprochent de la clozapine et de l'olanzapine. Malgré son utilisation fréquente en France et au Canada, seuls quelques essais contrôlés randomisés de faibles effectifs ont attesté de l'efficacité de la loxapine dans les états d'agitation chez des patients suivis pour des troubles psychiatriques chroniques [27]. Enfin, la mise prochaine sur le marché de loxapine par inhalation intra-nasale (ADASUVE), moins invasive et avec une biodisponibilité proche de la voie IM, pourrait représenter une option intéressante [28]. Les ASG partagent les propriétés antidopaminergiques des APG, et sont définis par un rapport d'affinité 5-HT/D2 élevé, ce qui leur permet une efficacité comparable aux APG avec moins d'effets indésirables, en particulier moteurs [17]. Cependant, ces traitements restent rarement utilisés aux urgences, étant de titration rapide difficile et plus chers [29]. Une revue de littérature publiée en 2006 a toutefois montré une efficacité comparable des ASG et des APG (halopéridol) dans l'agitation, avec une meilleure tolérance clinique pour les ASG [30]. L'olanzapine (IM, 10 mg) en particulier a montré une efficacité supérieure à l'halopéridol (5 à 7,5 mg, IM) dans la gestion de l'agitation psychomotrice chez des sujets souffrant de décompensations psychotiques [31], et une étude empirique a abouti à des résultats équivalents pour les ASG comparés aux APG [32]. Bien qu'il n'existe pas de protocole de prise en charge français ou international, l'association américaine de psychiatrie a publié une conférence de consensus sur la prise en charge de l'agitation aiguë [17]. Selon cette conférence, le choix de la molécule dépend de la situation. En cas d'agitation avec symptômes psychotiques ou décompensation aiguë de schizophrénie, les ASG sont à préférer, permettant une action autant anxiolytique qu'antiproductive (olanzapine, risperidone). En cas d'efficacité insuffisante de l'ASG, l'association ponctuelle à une benzodiazépine peut être indiquée. En cas d'agitation aiguë chez un patient non suivi pour un trouble psychiatrique et sans symptômes psychotiques, le consensus recommande l'utilisation d'une benzodiazépine en première intention. Enfin, si un APG (par exemple l'halopéridol) est utilisé, l'association

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Comme toute mesure thérapeutique, leur mise en place nécessite une évaluation attentive du rapport bénéfice/risque. Dans cette partie, nous abordons les mesures de surveillance des potentielles complications de l'isolement et de la contention mécanique qui doivent être prises systématiquement et qui sont résumées dans la figure 1. Maladie thromboembolique veineuse La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) se manifeste par des thromboses veineuses profondes (TVP) et des embolies pulmonaires (EP). C'est une pathologie grave avec une mortalité globale de 25 % à sept jours, de 30 % à trois mois, et de 40 % à deux ans. Le taux d'incidence de la MTEV est estimée à 3,5 % dans les trois premiers mois d'hospitalisation en psychiatrie, soit un taux environ 80 fois supérieur à celui de la population générale [33]. Certaines pathologies psychiatriques, telles que la schizophrénie ou les troubles bipolaires, sont en effet associées à un risque thromboembolique élevé [34,35]. Les ASG et les antidépresseurs de type inhibiteurs de la recapture de la sérotonine augmentent également ce risque. Ce risque est particulièrement important dans les 3 premiers mois de prise d'un antipsychotique (APG et ASG) [36,37]. Les recommandations de la HAS précisent que la prévention médicamenteuse de la MTEV doit être envisagée pour chaque patient mis en contention mécanique selon la balance bénéficerisque [1]. Cependant, aucune méthode d'évaluation du risque n'est publiée dans ces recommandations ; et aucun consensus sur la méthode de prévention de la MTEV des patients isolés et/ ou en contention n'existe. Pour la population générale, plusieurs algorithmes décisionnels ont été publiés [38], mais ils ne peuvent pas être appliqués à la population hospitalisée dans les services de psychiatrie. En effet, plusieurs facteurs de risques de MTEV spécifiques à la psychiatrie ne sont pas pris en compte dans ces recommandations [39], tels que ceux décrits plus hauts, ou tels que les mesures d'isolement et de contention mécanique [40]. La question de la mise en place d'un traitement anticoagulant préventif de la MTEV doit donc être évaluée selon une balance bénéfice/ risque précise [41]. À partir des données de la littérature [33,42– 45] et d'une analyse pluridisciplinaire de ces données, nous avons élaboré un protocole de prévention de la MTEV chez les patients en isolement et/ou contention mécanique dans les services de psychiatrie permettant de faciliter l'évaluation du risque thromboembolique et d'aider à la prise de décision. Celuici comporte un score de risque de MTEV intégrant les risques spécifiques au contexte de la psychiatrie et un arbre décisionnel pour la mise en place ou non d'une prévention (figure 2). Il est

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Figure 1 Prévention, diagnostic et prise en charge des complications physiques de l'isolement et/ou de la contention mécanique

nécessaire de préciser qu'en cas d'indication à la mise en place d'un traitement anticoagulant préventif, comme en cas d'indication à l'administration d'un traitement hors psychotrope ayant pour objectif la prévention de complications physiques chez un patient bénéficiant d'une mesure d'isolement ou de contention mécanique, le consentement du patient est à rechercher de façon systématique. Cependant, étant donné que ces patients sont hospitalisés dans le cadre de mesures de SSC, l'administration de traitement sans consentement est possible, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un traitement dont le refus serait à l'origine de complications graves.

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Constipation Comme nous l'avons vu précédemment, l'utilisation des antipsychotiques chez les patients hospitalisés, et en particulier en cas d'isolement et/ou de contention mécanique, est fréquente. L'effet anticholinergique de ces molécules sur les récepteurs muscariniques M2 entraîne une diminution de la motilité intestinale (donc un ralentissement du transit) et une constipation.

Une étude multicentrique prospective ouverte entre 2001 et 2004 a recensé les effets indésirables chez des patients souffrant de schizophrénie traités par antipsychotiques et a mis en évidence une prévalence plus importante des symptômes anticholinergiques (constipation, rétention urinaire, sécheresse buccale) pour la quetiapine (36 %) et la clozapine (17 %) [46]. Dans une étude prospective danoise, le traitement par clozapine aggravait le risque de développer un iléus paralytique par rapport aux autres antipsychotiques (OR = 1,99, 95 % IC [1,21–3,29]) [47]. La clozapine augmentait par ailleurs le risque de décès suite à un iléus paralytique (OR = 6,73, 95 % IC [1,55– 29,7]). Les autres facteurs de risque identifiés étaient l'âge, le traitement par opioïdes, certains APG (halopéridol, fluphenazine, flupenthixol ; OR = 1,81, 95 % IC [1,01–3,23]) et les antidépresseurs tricycliques (OR = 2,29, 95 % IC [1,29–4,09]). Outre, l'effet anticholinergique des antipsychotiques, les patients en situation d'isolement ou de contention présentent de nombreux facteurs de risque de constipation, notamment la sédentarité, la sédation et/ou l'alitement [48]. Des complications graves de la

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Figure 2 Protocole de prévention de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) chez le patient hospitalisé en psychiatrie en isolement avec ou sans contention mécanique

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*Contre-indications de la contention veineuse : risque suicidaire non maîtrisé, insuffisance artérielle dès le stade d'ischémie d'effort et fragilité cutanée. **Flexions et extensions de cheville par série de vingt, 3 fois par jour.

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constipation, telles que l'occlusion, la perforation intestinale ou le décès, ont été décrites [49], entraînant un intérêt croissant pour la mise en place de mesures préventives systématiques. Récemment, l'évaluation d'un protocole de prévention systématique de la constipation chez des patients hospitalisés en psychiatrie a montré une diminution significative de la survenue de constipation sévère en cas d'administration systématique de laxatifs (3,3 % vs 9,9 %, p = 0,042) [50]. Chez les patients sous psychotropes ralentisseurs du transit, et en particulier en situation d'isolement et/ou de contention mécanique, un examen clinique quotidien, comprenant une palpation abdominale avec suivi quotidien de la fréquence des selles, est indiqué systématiquement. Nous proposons ici un protocole prévention de la constipation chez les patients hospitalisés en psychiatrie, élaboré par un groupe de spécialistes pluridisciplinaire à partir des données de la littérature scientifique [51,52]. Ce protocole doit être suivi avec une attention particulière pour les patients en isolement et/ou contention mécanique (cf. figure 3). Rétention urinaire aiguë L'alitement et la sédentarité sont des facteurs de risque de rétention urinaire aiguë, que l'action anticholinergique de certains psychotropes peut également favoriser [53]. Chez un patient en situation d'isolement et/ou de contention mécanique, il faut procéder quotidiennement à la recherche clinique d'une rétention aiguë d'urine, qui est à compléter d'un bladder-scanner en cas de doute sur l'existence d'une rétention aiguë d'urine ou de diurèse insuffisante (< 300 mL/J). En cas de rétention aiguë d'urine, le drainage des urines en urgence est indiqué à l'aide d'une sonde de Foley 18. En cas d'échec d'une première tentative de drainage, il est conseillé de contacter une équipe d'urologues ou d'adresser le patient aux urgences [54].

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Complications cutanées de l'alitement Chez les patients alités, tels que ceux en situation de contention mécanique et/ou de sédation importante, des complications cutanées peuvent apparaître, en particulier en cas d'association avec des facteurs de risque. Ces complications sont dominées par les escarres, dont la prévalence varie en psychiatrie entre 1,4 et 3,8 % (0,8 % chez les populations jeunes) [55]. Certains facteurs de risques spécifiques sont identifiés (déficit neurologique, incontinence, perte de mobilité, instabilité tensionnelle en soins intensifs, hyperthermie et maladies cardiovasculaires) [56]. L'évaluation du risque d'escarre repose sur l'échelle de Norton [57] et les situations à risque doivent être identifiées systématiquement en cas de mise en place de contentions. À notre connaissance, peu d'articles ont étudié l'incidence des complications cutanées dans les contextes de contention mécanique. Ce type de complications a été décrit chez des patients souffrant de catatonie, et un protocole de prévention des complications physiques dans la catatonie a été proposé [58]. Un report de cas

de 2016 a évoqué l'hypothèse de l'influence de l'akinésie induite par les antipsychotiques sur l'aggravation du risque d'escarre chez des patients âgés hospitalisés [59]. Des mesures préventives telles que l'examen clinique cutané, le changement de position fréquent, la lutte contre la macération, le maintien d'un bon état nutritionnel et la proscription des massages des points d'appui semblent nécessaires, associés à l'identification et à la prise en charge d'une akinésie chimio-induite [60]. Troubles du rythme cardiaque Compte tenu de l'utilisation des antipsychotiques à visée sédative dans le cadre de la mise en place de mesures d'isolement et de contention mécanique (avec parfois bithérapie antipsychotique), le risque de trouble de la repolarisation lié à l'allongement de l'intervalle QT associé aux antipsychotiques est augmenté. Une surveillance de l'électrocardiogramme avant instauration ainsi qu'au cours de la prise en charge est à prévoir. Des protocoles plus spécifiques ont été mis au point en cas de facteurs de risque ou d'allongement de l'intervalle QT [61]. Ces protocoles préconisent un ECG systématique à l'admission, associé à une évaluation du risque de torsades de pointes en fonction des facteurs de risques du patient (antécédents, âge, sexe, calcul du QTc, traitements, etc.). Plus le risque est important plus la surveillance cardiologique par ECG et ionogrammes sanguins réguliers doit être étroite. Une diminution de posologie voire un arrêt du traitement torsadogène sont à envisager dans les cas les plus à risque. Ce type de protocole est à diffuser dans les services de psychiatrie afin d'optimiser la sécurité des patients. Troubles de la déglutition Depuis plusieurs décennies, des études de prévalence se sont penchées sur la survenue de dysphagie, et ses complications (asphyxie et décès) chez les patients souffrant de troubles psychiatriques. Dans une récente revue de la littérature, Kulkarni et al. évaluent la prévalence de dysphagie chez les patients souffrant de schizophrénie à environ 23 % avec une augmentation du risque de décès sur fausses routes alimentaires par rapport à la population générale. Les auteurs donnent deux types d'étiologies à ces troubles de la déglutition : pharmacologiques (symptômes extrapyramidaux et hypomotilité linguale induits par les antipsychotiques, xérostomie, myorelaxation des voies aérodigestives supérieures induite par les benzodiazépines) et psychiatriques (principalement tachyphagie dans les tableaux de décompensation maniaque ou psychotique) [62]. Compte tenu de la gravité potentielle des troubles de la déglutition, les auteurs mettent en avant la nécessité de modification de l'alimentation des patients dans les situations à risque, avec adaptation de la texture, modifications thérapeutiques, surveillance lors des repas.

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Pour citer cet article : Tezenas du Montcel C, et al. Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance. Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.03.001

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Protocole de prévention de la constipation chez les patients isolés avec ou sans contention

Pour citer cet article : Tezenas du Montcel C, et al. Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance. Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.03.001

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Discussion Les mesures d'isolement et de contention mécanique ont montré leur efficacité sur la réduction de l'agitation et du risque de conduite de mise en danger [10]. Malheureusement, il n'existe pas, à ce jour, de publications portant sur la fréquence du recours aux mesures d'isolement et de contention mécanique à grande échelle en France. Une étude a évalué la pratique de la contention mécanique dans le service d'urgence psychiatrique de l'hôpital Sainte Anne (Paris), et a retrouvé une prévalence de 1,4 %, avec une durée moyenne de contention dans le service d'urgence à 120 min [63]. Concernant l'isolement, selon le rapport du CGLPL de mai 2016 basé sur les chiffres fournis par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), en 2014, 25 000 patients auraient passé une journée en isolement et la durée moyenne de l'isolement aurait été de 15 jours. Par ailleurs, une revue de la littérature s'est intéressée à l'incidence des mesures d'isolement et de contention mécanique dans différents pays européens et anglo-saxons (Allemagne, Suisse, Finlande, Pays-Bas, Angleterre, Nouvelle-Zélande et États-Unis d'Amérique) [64]. Cette revue de littérature a retrouvé une grande variabilité dans la fréquence de cette utilisation (entre 1,2 % aux Pays-Bas et 8 % en Allemagne) ainsi que dans la durée moyenne (5 à 7 h en Finlande et 49 h en Allemagne). Elle ne mentionnait pas de données françaises. La même différence peut être observée dans le recours à la contention mécanique et son association avec une anxiolyse pharmacologique, par voie IM si nécessaire [65]. Cette variabilité peut être expliquée par les différents cadres législatifs. En France, leur utilisation en psychiatrie est désormais encadrée par une loi et des recommandations de la HAS. Ces mesures sont également utilisées dans des spécialités non-psychiatriques, telles que la gériatrie ou la réanimation. Or, aucune loi ni recommandation de bonne pratique ne s'est penchée sur ces pratiques. Les experts de la HAS soulignent d'ailleurs que de telles recommandations sont nécessaires [1]. En 2000, une évaluation des pratiques professionnelles de l'ANAES a porté sur la mise en place de contention mécanique en gériatrie, mais elle ne précisait pas les indications, et les modalités de prescription différaient des dernières recommandations HAS. Elles précisent par exemple que la contention mécanique peut être pratiquée dans un lit ou dans un fauteuil, que la validité de la prescription médicale est limitée à 24 h, et que la décision peut être prise en l'absence du médecin en cas d'urgence, avec une prescription a posteriori. En effet, ces mesures étant prises dans d'autres indications qu'en psychiatrie, elles obéissent de fait à des modalités différentes. Là où une contention mécanique doit par exemple être systématiquement réalisée dans un lit de chambre d'isolement quand elle concerne un motif psychiatrique, une simple contention mécanique au fauteuil, sans chambre d'isolement, est souvent pratiquée pour la prévention des chutes liées au syndrome confusionnel dans les services de gériatrie [66].

Il faut noter que les contraintes horaires précisées dans les textes les plus récents (isolement de moins de 48 h, contention de moins de 24 h) seront difficiles à respecter pour certains patients, en regard notamment du délai d'efficacité des psychotropes sur les épisodes maniaques ou psychotiques [16,67]. Dans les cas où il apparaît nécessaire de poursuivre les mesures d'isolement et de contention mécanique, cela doit se faire dans le plus grand respect du patient et du cadre légal aujourd'hui existant. Ainsi, en 2016, la Cour d'Appel de Versailles a prononcé la levée d'une mesure de soins psychiatriques à la demande du représentant de l'État (SPDRE), mise en place depuis 2012 pour un patient hospitalisé en unité pour malades difficiles, au motif que les mesures d'isolement avaient été mises en place au long cours, sans stipulation d'une indication médicale sur la nécessité de leur poursuite dans le dossier du patient. En effet, il est alors à nouveau précisé que, selon le CSP, il revient à l'établissement d'accueil d'un patient de fournir la preuve que ces mesures ont été prises en dernier recours, après discussion thérapeutique au sein de l'équipe médicale, et après l'échec d'autres tentatives d'apaisement, et des réévaluations régulières de l'indication justifiant leur poursuite [7]. Au-delà de cette décision de justice, on observe actuellement de nombreux débats autour de ces prises en charge, dans une dynamique d'amélioration des pratiques, au sein des professionnels de santé, mais aussi chez les usagers des services de psychiatrie [68], et auprès de la société civile comme le témoignent la fréquence croissante d'articles de presse traitant du sujet. Cette écoute donnée autant aux patients qu'aux soignants en santé mentale a permis de mettre en évidence qu'au-delà des complications physiques que nous avons décrites, il existe des conséquences psychiques chez les patients comme les soignants. Plusieurs études rétrospectives ont évalué l'impact des mesures coercitives (isolement et contention mécanique) sur la perception des patients de leur prise en charge à distance de l'épisode, et ont montré la négativité des affects en rapport avec cette prise en charge (vécu punitif, colère, abandon), ainsi qu'une fragilisation de l'alliance thérapeutique [69–71]. Abdelghaffar et al. montrent même une association entre la survenue de symptômes de stress post-traumatique et l'exposition à la contention mécanique au cours de l'hospitalisation pour un premier épisode psychotique [69]. Une revue de la littérature récente a montré que, malgré les conséquences négatives qui ont déjà été mentionnées, certains patients rapportent des impacts positifs tels que le sentiment de sécurité, le soulagement, le calme. Certains rapportent également la possibilité de se reposer, réfléchir voir méditer et prier au cours des mesures d'isolement et suite à la prise d'un traitement anxiolytique, parfois par voie IM [72]. Plusieurs études ont aussi évalué la perception et le retentissement émotionnel chez les soignants, exposés à des situations d'agitation psychomotrice et de violence conduisant à la mise en

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Pour citer cet article : Tezenas du Montcel C, et al. Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance. Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.03.001 Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance

a fait l'objet d'une étude d'évaluation, avec des résultats encourageants [77]. Ces dernières années, l'évolution des pratiques en psychiatrie tend vers la limitation des mesures d'isolement thérapeutique et de contention mécanique via la mise en place de différentes stratégies d'intervention. Une revue de la littérature de 2007 a recensé les différentes interventions mises en place dans des services de psychiatrie permettant de limiter le recours aux mesures d'isolement et de contention mécanique [9]. Elles s'inscrivent dans plusieurs cadres : (i) la prise en charge médicale et para médicale (modifications thérapeutiques, majoration du nombre de soignants, mise en place d'équipes spécifiques formées dans la gestion de crise, rotation des équipes au sein des unités, séances de débriefing) ; (ii) la relation entre les équipes et les patients (mise au point de stratégies de prise en charge avec le patient en cas d'agitation, information sur les stratégies de désescalade à prévoir) ; (iii) l'adaptation de l'environnement (favoriser l'accès aux activités sportives, aux sorties, limiter la proximité des patients, aménager une chambre de stimulation multi sensorielle « snoezelen » [78]). Ces adaptations individualisées dans la prise en charge peuvent s'intégrer dans ce que certains auteurs appellent les protocoles de prise en charge comportementale positive (ou « Positive Behavioral Support Plans »). Mis en place en début d'hospitalisation ou lors du suivi d'un patient par une équipe pluridisciplinaires (psychiatres, soignants, psychologues, psychomotriciens, et autres intervenants de la prise en charge), ils permettent de définir les déterminants des situations qui ont nécessité la prescription de mesures d'isolement ou de contention mécanique (histoire de la maladie, sujet de frustration, etc.), ainsi que des stratégies individuelles ayant pour objectif de prévenir la survenue de ces situations [79]. Plusieurs études ont montré l'efficacité de la mise en place de ces stratégies sur la réduction de l'isolement et de la contention, sans augmentation du nombres d'épisodes de violence dans les services psychiatriques [80]. Ces stratégies ont pour objectif de limiter la fréquence d'utilisation de mesures coercitives dans les services et doivent être promues pour améliorer les prises en charge.

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place de ces mesures. Une étude finnoise multicentrique a soumis des infirmiers de services de psychiatrie à un questionnaire sur le vécu émotionnel et leur questionnement éthique sur ces prises en charge. Bien que 83,7 % des interrogés refusent de qualifier ces expériences de positive, une majorité (98,9 %) de soignants considère ces mesures efficaces. Cependant, 33,9 % décrivent des sentiments d'angoisse, 36,7 % de la peur pour leur sécurité, 9,5 % rapportent de la culpabilité et 4,2 % des regrets. Les auteurs montrent une association significative entre l'expérience professionnelle (activité en psychiatrie depuis plus de 5 ans) et la vision positive de ces mesures [73]. Dans un rapport publié en 2016, le CGLPL dresse un tableau de l'utilisation actuelle de ces mesures et met l'accent sur la nécessité de les limiter [74]. Il propose plusieurs pistes pour améliorer la prise en charge des patients souffrant de troubles psychiatriques, en mettant l'accent sur la prévention des états d'agitation, avec notamment une réorganisation architecturale des services, où le confinement et l'absence d'intimité pour les gestes de la vie quotidienne peut être source d'irritabilité et de difficultés à supporter l'hospitalisation. Ce rapport évoque également la possibilité d'une limitation et d'une flexibilité autour de règles strictes comme la limitation des temps d'accès à la cour extérieur, l'absence de temps de sortie en plein air, les temps réservés à l'activité physique, qui pourraient permettre de renforcer l'alliance thérapeutique avec les patients. Enfin dans ce rapport, le CGLPL s'attarde sur la nécessité de formation et de soutien des équipes, dont la fatigue, la peur, l'inquiétude sont des facteurs de risque de débordement. Les institutions devraient favoriser les échanges entre les différentes équipes, afin de permettre une réévaluation de leur pratique par leurs pairs et inciter à des auto-évaluations. Ce rapport est en accord avec les recommandations de la Conférence nationale des Présidents des Commissions médicales d'établissement (CME) des centres hospitaliers spécialisés de 2016, qui rappelle le caractère exceptionnel que doit représenter le recours à ces mesures, ainsi que la nécessité de limiter ces mesures dans la fréquence et la durée [75]. Par ailleurs, la gestion de l'agitation et de la violence par le personnel médical et paramédical psychiatrique pourrait faire l'objet de formations spécifiques. La formation OMEGA forme par exemple aux techniques de désescalade [76]. Dernièrement, l'apprentissage par simulation de la gestion de l'agitation pour des étudiants en médecine

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Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

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PSYCHIATRIE/M EDECINE L EGALE

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Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance

Pour citer cet article : Tezenas du Montcel C, et al. Isolement et contention mécanique dans les soins psychiatriques : modalités de prescription, prise en charge et surveillance. Presse Med. (2018), https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.03.001

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Mise au point

C. Tezenas du Montcel, C. Kowal, A. Leherle, S. Kabbaj, A. Frajerman, E. Le Guen, et al.

ANNEXE

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tome xx > n8x > xx 2018