Prise en charge et prévention de la dénutrition dans les établissements hospitaliers et institutions d′hébergement

Prise en charge et prévention de la dénutrition dans les établissements hospitaliers et institutions d′hébergement

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Prise en charge et prévention de la dénutrition dans les établissements hospitaliers et institutions d’hébergement Étude transversale dans 116 établissements de Haute-Normandie Laurent Bailly1, Joël Ladner1, André Petit2, Marie-Claude Carpentier2, Claire Baude3, Nicole Bohic-Peneau4, Pierre Dechelotte2, Pierre Czernichow1 1. Département d’épidémiologie et de santé publique, 2. Unité de nutrition clinique et groupe ADEN, CHU, Hôpitaux de Rouen, Rouen (76) 3. Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Haute-Normandie, Rouen (76) 4. Conseil général de Seine-Maritime, Rouen (76)

Correspondance :

Reçu le 30 novembre 2004 Accepté le 18 novembre 2005

Joël Ladner, Département d’épidémiologie et de santé publique, CHU, Hôpital Charles Nicolle, 1 rue de Germont, 76031 Rouen Cedex. Tél. : 02 32 88 82 50 Fax : 02 32 88 86 37 [email protected] et [email protected]

■ Summary

■ Résumé

Prevention and treatment of undernutrition in hospitals and institutions Cross-sectional study in 116 health facilities in HauteNormandie (France), 2003

Introduction > Les personnes âgées sont les plus exposées au risque de dénutrition, notamment au cours de séjours en institution ou en secteur hospitalier. La dénutrition est faiblement identifiée et peu traitée chez cette population. Objectif > Identifier les actions mises en œuvre par les établissements hospitaliers et institutions en Haute-Normandie pour la prise en charge et la prévention de la dénutrition. Méthodes > En janvier 2003, une étude transversale a été conduite dans tous les établissements de santé en Haute-Normandie : 36 établissements publics de santé (EPS), 28 établissements privés de santé (EPrS), 161 établissements d’hébergement pour les personnes âgées et dépendantes (EHPAD). Résultats > Vingt-deux pour cent des établissements avaient mis en place un protocole spécifique pour la prise en charge de la dénutrition : 30,3 % pour les EPS, 13,6 % pour les EHPAD non médicalisées (p = 0,22). Soixante-sept pour cent de l’ensemble des établissements déclaraient faire un relevé de consommation de repas : 81,8 % pour les EPS, 45,5 % pour les EHPAD non médicalisées (p = 0,10).

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Introduction > The elderly, especially the institutionalized elderly, are at risk of undernutrition, which institutions do not appear to identify or treat adequately. Objective > To identify activities undertaken to manage and prevent undernutrition in the elderly in institutions in Haute-Normandy (France). Methods > In February 2003, all institutions in Haute-Normandy likely to house the elderly received questionnaires for this cross-sectional study: public hospitals (PH) responded, private hospitals (PRH), and retirement homes, classified into two groups according to the medical services provided (RH, retirement homes, NH, nursing homes). Results > Slightly more than half the institutions responded: 34/36 PH, 20/28 PRH, and 62/161 RH and NH. Half Only 22% reported specific protocols for undernutrition; this figure ranged from 30.3% for PH to

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13.6% for RH (p=0.22). Patients’ food intake was tracked at 67% of the institutions – from 81.8% of the PH to 45.5% of the retirement homes (p = 0.10). Meal choices were offered at 54% of the institutions: 85.0% of PRH hospitals offered a choice, but only 45.4% of the PH and of the RH (p = 0.01). Overall, 51% asked about eating habits and preferences at admission. Nurses’ aides provided help during meals in 46.9% of institutions, and 49% considered they had sufficient staff to help patients during meals: 95.5% in RH, but only 20.7% in PH (p<0.001). Discussion > Institutions for the elderly are well aware of the problems of undernutrition, but not enough of them appear to have a specific protocol to deal with it. Earlier screening for undernourishment would be useful. The study also shows the important role of nurses’ aides in this area. Conclusion > Institutions in Haute-Normandy agree about the need to screen for and treat undernutrition, but their interventions are not effective. Better organization and special training of health workers could improve this screening and treatment. Bailly L, Ladner J, Petit A, Carpentier MC, Baude C, Bohic-Peneau N et al. Prise en charge et prévention de la dénutrition dans les établissements hospitaliers et institutions d’hébergement. Une étude transversale dans 116 établissements, Haute Normandie, 2003. Presse Med. 2006; 35: 578-83 © 2006, Masson, Paris

Cinquante-quatre pour cent des institutions permettaient le choix du repas : 85,0 % pour EPrS, 45,4 % pour les EPS (p = 0,01). Cinquante et un pour cent réalisaient un recensement des habitudes alimentaires. L’aide au cours du repas était apportée par les aides-soignantes dans 46,9 % des institutions. Quarante-neuf pour cent estimaient disposer de moyens humains suffisants pour l'aide du patient au cours du repas : 95,5 % pour les EHPAD non médicalisées, 20,7 % pour les ESP (p < 0,001). Discussion > Ces résultats montrent une sensibilisation importante des établissements au problème de la dénutrition, mais une mise en œuvre encore insuffisante de procédures systématisées. Le rôle central des aides-soignantes est démontré, leur proximité auprès du patient pourrait être bénéfique dans la prévention et la prise en charge de la dénutrition. Conclusion > Un consensus existe dans les institutions de HauteNormandie sur la nécessité de dépister et prendre en charge la dénutrition, mais ceci n'est cependant pas toujours appliqué. Une meilleure organisation des soins et la possibilité pour les soignants de partager leurs expériences et savoir-faire dans la prise en charge de la dénutrition pourrait améliorer la qualité des soins dans ce domaine.

Article original

Prise en charge et prévention de la dénutrition dans les établissements hospitaliers et institutions d’hébergement

Voir aussi dans ce numéro : • l’éditorial d’Isabelle Bourdel-Marchasson, Prise en charge et prévention des risques nutritionnels : qu’attendons-nous des établissements d’hospitalisation ou d’hébergement accueillant des personnes âgées ?, p. 561-2.

es modifications physiologiques du vieillissement exposent les personnes âgées au risque de dénutrition, surtout si elles souffrent de pathologies chroniques associées. La dénutrition est

Ce qui était connu • L’hospitalisation aggrave la dénutrition, notamment chez la personne âgée. • La dénutrition est associée à un risque de mortalité et de morbidité, surtout infectieuse, accru. • Des mesures simples et efficaces pour la prévention et la prise en charge de la dénutrition sont connues. • Des recommandations nationales ont été diffusées pour prévenir et améliorer la prise en charge de la dénutrition en milieu hospitalier et en institution.

Ce qu’apporte l’article • Les actions de prévention et prise en charge de la dénutrition varient fortement selon le type d’établissement. • L’organisation des soins dans le domaine de la dénutrition demeure encore peu standardisée. • Bien que conscients de l’importance de la dénutrition, les établissements n'ont pas encore mis en place les structures nécessaires pour améliorer sa prise en charge.

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fréquente chez les personnes âgées en milieu hospitalier et institutionnel, estimée respectivement à 20 et 37 % [1]. Elle constitue le principal facteur de mauvais pronostic chez la personne âgée. La dénutrition multiplie de deux à six fois le risque de morbidité infectieuse et multiplie par deux, voir par quatre le risque de mortalité [2, 3]. En outre, du fait du vieillissement démographique de la population, la demande de soins à domicile et à l’hôpital est croissante. Des études montrent que l’hospitalisation expose à la survenue ou à l’aggravation rapide de la dénutrition, en rapport avec des apports énergétiques insuffisants, avec une augmentation de la morbi-mortalité et des coûts [4-6]. Les différentes études mettent en évidence le fait qu’une grande partie des patients hospitalisés ont une consommation alimentaire insuffisante ; les effets de la malnutrition touchent plusieurs fonctions essentielles de l’organisme avec des conséquences péjoratives, non seulement sur la cicatrisation, mais également sur les fonctions respiratoires et immunitaires [7, 8]. Une supplémentation nutritionnelle adaptée, même chez la personne âgée hospitalisée, permet de corriger les effets de la malnutrition [9]. Dans une situation d’agression, comme dans une situation d’urgence imposant l’hospitalisation, les besoins énergétiques et le renouvellement protéique sont souvent majorés, et le plus souvent insuffisamment couverts par l’alimentation [10, 11]. Malgré ces constats, la dénutrition est faiblement identi-

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Bailly L, Ladner J, Petit A, Carpentier MC, Baude C, Bohic-Peneau N et al.

bution, recensement des habitudes alimentaires et goûts des patients, possibilité de proposer une texture de repas adaptée à la personne âgée et disponibilité de collations. Les données ont été saisies sur Epi-info (6.0) et analysées sous Staview® (SAS Institute Inc.) Les associations entre les caractéristiques de la prise en charge et le type d’établissement ont été recherchées avec un test du χ2 (variables qualitatives) ou par analyse de variance (variables quantitatives). Les différences entre les types d’établissements ont été testées, d’une part entre toutes les catégories, d’autre part entre établissements publics et privés (type MCO, SSR et SLD) et entre EHPAD médicalisés et non médicalisés.

fiée et insuffisamment prise en charge chez les patients âgés [12-14]. Des mesures simples et efficaces d’ordre diététique, gastronomique et de supplémentation peuvent être proposées. Les recommandations dans ce domaine sont connues : fractionnement des repas, atmosphère conviviale, suppression des régimes restrictifs et apport de compléments nutritionnels. Dans le cadre de la déclinaison régionale du Programme national nutrition santé (PNNS) [2], cette étude avait pour objectif d’identifier les mesures mises en œuvre dans tous les établissements de Haute-Normandie pour dépister et prévenir la dénutrition de la personne âgée.

Méthodes Résultats

En janvier 2003, un questionnaire a été adressé à tous les établissements de santé de type MCO (médecine-chirurgie-obstétrique), de soins de suite et réadaptation (SSR) et de soins de longue durée (SLD), ainsi qu’aux établissements d’hébergement pour les personnes âgées et dépendantes (EHPAD) de HauteNormandie. Le questionnaire a été adressé par la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Haute-Normandie à la direction de chaque établissement. Concernant les EHPAD, le questionnaire distinguait les établissements médicalisés, qui assuraient la surveillance et l’assistance dans la vie quotidienne et des soins infirmiers et médicaux si nécessaires, des établissements non médicalisés. Au sein de chaque établissement, le questionnaire a été complété par un professionnel de santé (cadres infirmiers, infirmières, diététiciennes). Le questionnaire recherchait les modalités du dépistage de la dénutrition par les équipes soignantes: relevés de consommation de repas, modalités de la prise en charge médicale (préparations enrichies, compléments industriels). Afin de déterminer si la prise en charge de la dénutrition suivait une procédure standardisée, le questionnaire recueillait la fréquence de protocoles spécifiques mis en place ou en projet dans ce contexte. Les questions étaient toutes fermées. Le questionnaire recherchait également l’importance accordée par l’établissement à l’aspect convivial et gastronomique des repas : possibilité de choisir ou non son repas, et sous quelles conditions, prise de commande des repas ainsi que leur distri-

Au total, le questionnaire a été adressé à 225 établissements, 116 d’entre eux ont répondu (51,6 %). Parmi les 36 établissements publics de santé en Haute-Normandie, 34 ont répondu (94,4 %), 20 (55,6 %) des 36 cliniques privées et établissements participant au service public hospitalier (PSPH) et 62 (38,5 %) des 161 EHPAD ont répondu au questionnaire envoyé (p < 0,001). Les recueils de consommation de repas des patients étaient réalisés par 67,0 % de l’ensemble des institutions. Les aides-soignantes intervenaient dans 45,8 % des cas, les diététiciennes et infirmières dans respectivement 20,0 et 19,2 % des cas. La mise en place en pratique de ces relevés se faisait principalement selon deux modèles: par l’observation dans 39,3 % des établissements et par l’entretien direct avec le patient dans 16,6 % d’entre eux. Ces relevés étaient effectués à partir de la fiche de surveillance alimentaire dans 60,8 % des établissements, les fiches de suivi du patient dans 17,4 % et les dossiers infirmiers dans 14,5 % des établissements. Au total, 54,4 % des établissements offraient le choix du repas aux patients ou aux résidants. Le recensement des habitudes alimentaires, goût et préférences était effectué à l’admission dans l’établissement dans 51,3 % des cas, avec des variations importantes selon la catégorie d’établissements, en particulier entre cliniques privées et EHPAD. Les résultats par type d’établissement figurent dans le tableau I. Le rôle de l’aide-soignante

Ta b l e a u I Modalités de dépistage de la dénutrition et de prise en charge du patient, selon le type d’établissement, Haute-Normandie, 2003 (résultats exprimés en pourcentages) Établissements de santé

EHPAD

Total

p

0,17

66,9

0,01

0,66

54,4

0,02

0,91

51,3

0,01

Publics

Privés

p

Médicalisés

Non médicalisés

p

Évaluation de la consommation de repas

81,8

75,0

0,35

62,5

45,5

Possibilité de choix du repas

45,4

85,0

0,01

51,8

45,4

Recensement des habitudes alimentaires

33,3

15,0

0,30

72,5

72,7

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EHPAD: établissements d’hébergement pour les personnes âgées et dépendantes.

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était prépondérant, avec une intervention dans 45,8 % des établissements, les diététiciennes et infirmières, respectivement, dans 20,0 % et 19,2 % des établissements. La prise en charge médicale des patients atteints de dénutrition commençait par l’apport de compléments nutritionnels. Au total, 92,2 % des établissements ont déclaré proposer ces suppléments. Tout établissement confondu, le recours aux compléments nutritionnels était proposé soit par le médecin (50,3 % des établissements), soit par les infirmières (26,4 % des établissements). Globalement, 62,8 % des établissements ont été amenés à utiliser une sonde pour certains de leurs patients ou résidants, avec des différences importantes entre les institutions: 87,9 % des établissements publics de santé, 75,0 % des cliniques privées et établissements PSPH, 47,5 % des EHPAD médicalisées et 36,4 % des EHPAD non médicalisées (p < 0,001); la comparaison entre les établissements publics de santé versus les cliniques privées et PSPH n’était pas significative (p = 0,06). Quatre-vingt dix-huit pour cent des établissements ont affirmé pouvoir proposer une texture de repas adaptée aux patients ou résidants. Par ailleurs, 93,5 % d’entre eux déclaraient proposer des collations à leurs patients à différents moments de la journée (matinée, goûter, soirée). L’aide apportée aux patients et résidants lors des repas provenait d’une aide-soignante dans 46,9 % des institutions, d’une infirmière dans 12,1 % des cas et dans 40,9 % des cas d’une personne autre (hôtelière, famille, proches, animateur). Quarante-neuf pour cent des établissements estimaient avoir des moyens humains suffisants pour apporter une aide au moment des repas aux patients ou résidants qui le nécessitaient. Les différences observées se font essentiellement entre le public et le privé et les EHPAD médicalisés et non médicalisés: 79,3 % des établissements publics de santé, 45,0 % des cliniques privées et PSPH, 4,5 % des EHPAD non médicalisés et 52,6 % des EHPAD médicalisés estimaient ne pas avoir de moyens suffisants (p < 0,001). Le ratio moyen de personnel par résidant était en moyenne de 1 personne pour 8 résidants pour l’ensemble des établissements

(médiane : 1 personne pour 10), avec de faibles variations autour de ces valeurs selon le type d’institution (tableau II). Le tableau III décrit les diverses procédures d’évaluation et d’actions menées dans le domaine de la nutrition. Pour être efficaces ces procédures devaient toucher l’ensemble des intervenants en nutrition, notamment grâce aux commissions de liaison alimentation nutrition (CLAN) existant dans l’établissement. Les CLAN étaient créées dans 7,9 % des établissements (16,1 % dans les établissements publics), le projet de mise en place de CLAN était trouvé chez 44,4 % des participants (tableau III).

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Prise en charge et prévention de la dénutrition dans les établissements hospitaliers et institutions d’hébergement

Discussion À notre connaissance, ce travail est le premier en France qui a cherché à préciser de façon systématisée la démarche des établissements de toute une région en termes de dépistage et prise en charge de la dénutrition chez les personnes âgées institutionnalisées. Il met en évidence une sensibilisation importante des professionnels de santé dans les établissements, mais une mise en œuvre encore insuffisante de procédures standardisées. Les principales limites de notre travail sont au nombre de quatre. Premièrement, le taux de participation des établissements (1 sur 2) en soulignant toutefois la répartition homogène des différents types d’établissement. Deuxièmement, l’absence de définition standardisée des données à collecter lors de l’envoi du questionnaire peut constituer un éventuel biais de mesure. Troisièmement, les données recueillies étaient seulement déclaratives du fait de la difficulté d’une validation externe. Enfin, les établissements de grande capacité, n’ayant retourné qu’un seul questionnaire, n’ont pu garantir une homogénéité des données recueillies, applicables à tous les services, notamment lorsqu’ils disposaient à la fois de services de SSR et SLD. La possibilité de choisir son repas est proposée majoritairement par les cliniques privées. C’est le cas également pour les établissements où le séjour est le plus court, alors que les EHPAD médicalisés et non médicalisés, où les séjours sont souvent plus longs et plus difficiles à supporter, ne semblent pas prendre en compte de façon nette ce facteur. Les facteurs psychologiques

Ta b l e a u I I Ratio soignant patient disponible et souhaité par les professionnels de santé selon le type d’établissements, Haute-Normandie, 2003 Établissements de santé

EHPAD

Publics

Privés

p

Médicalisés

Non médicalisés

p

1/7 (0,08)

1/9 (0,09)

0,52

1/8 (0,07)

1/7 (0,06)

0,53

1/9

1/10

1/11

1 / 10

1/5 (0,07)

1/8 (0,1)

1/4 (0,13)

1/10 (0,01)

1/6

1/8

1/7

1 / 10

Total

p

1/8 (0,08)

0,48

Disponible Moyen (ET) Médian

1/10

Souhaité Moyen (ET) Médian

0,32

0,92

1/5 (0,08)

0,67

1/7

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ET: écart type; EHPAD: établissements d’hébergement pour les personnes âgées et dépendantes.

Bailly L, Ladner J, Petit A, Carpentier MC, Baude C, Bohic-Peneau N et al.

Ta b l e a u I I I Recensement des actions dans le domaine de la nutrition, selon le type d’établissements, Haute-Normandie 2003 (résultats exprimés en pourcentages) Établissements de santé

EHPAD

Total

p

publics

privés

p

médicalisés

non médicalisés

p

Commission de menus fonctionnelle

63,6

25,0

0,001

70,0

40,9

0,06

54,8

0,01

Au moins une enquête de satisfaction menée

48,5

85,0

0,01

52,5

54,5

0,90

57,4

0,01

Protocole dénutrition

30,3

20,0

0,21

25,0

13,6

0,25

22,3

0,22

42,1

7,1

0,001

41,3

33,3

0,58

21,6

0,20

Fonctionnel

16,1

5,0

0,22

5,0

4,5

0,93

7,9

0,27

Projet de mise en place

60,9

56,3

0,77

43,7

15,8

0,01

44,4

0,02

Déjà existant Projet de mise en place CLAN

EHPAD: établissements d’hébergement pour les personnes âgées et dépendantes; CLAN: commission de liaison alimentaire nutrition.

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et environnementaux sont pourtant primordiaux dans la prévention au long cours et la prise en charge thérapeutique de la malnutrition des personnes âgées [14-16]. De façon similaire, le recensement des habitudes alimentaires est plus souvent mené dans les EHPAD, compensant ainsi sans doute leur faible possibilité de choix des repas, d’autant plus que cette catégorie comprend un certain nombre d’établissements ayant peu de lits et pour lesquels les obligations budgétaires favorisent cette démarche. Bien que la législation recommande la mise en place d’une commission liaison alimentation nutrition dans les établissements de santé, l’affirmation de la volonté de mise en place d’une CLAN n’est retrouvée que dans un peu plus de la moitié des établissements hospitaliers, ce qui peut laisser penser que soit la mesure recommandée n’a pas trouvé d’écho sur le terrain, soit les établissements n’éprouvent pas le besoin de faire évoluer leur structure et notamment les commissions de menu, dont certains objectifs peuvent se trouver confondus avec celui d’une CLAN [17]. L’un des objectifs de l’étude était de faire le point sur les moyens humains mis en œuvre pour l’aide nutritionnelle aux personnes dépendantes. Bien que les limites de l’étude posent un problème évident sur la question, la différence significative entre les établissements publics de santé, où 18 % estiment avoir des moyens suffisants contre 95 % dans les EHPAD non médicalisés, démontre la perception très différente de la charge de travail à laquelle les équipes soignantes ont à faire face [16]. Cette étude avait pour but principal de réaliser un bilan général et ne se voulait pas exhaustive. Il apparaît cependant que plusieurs pistes peuvent désormais être explorées pour améliorer la lutte contre la dénutrition des personnes âgées. La prévention et la prise en charge de la dénutrition [18-20] sont deve-

nues des priorités. Pour que la prise en charge des patients dénutris soit la plus efficace possible, il est nécessaire de dépister la dénutrition le plus précocement chez les patients institutionnalisés, par l’utilisation d’indicateurs simples, tels que l’indice de masse corporelle, le pourcentage de perte de poids et le dosage de l’albumine [14]. Il est également essentiel que l’ensemble du personnel soit sensibilisé au fait que le repas est, à lui seul, un véritable “acte thérapeutique“, pouvant être complété si nécessaire d’un support nutritionnel.

Conclusion La dénutrition en milieu institutionnel est aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique, non seulement à travers l’aggravation des pathologies chroniques et l’augmentation du risque infectieux chez les personnes âgées dépendantes, mais aussi par les conséquences médico-économiques qu’elle sous-tend. En effet, l’allongement des séjours des personnes âgées souffrant de dénutrition apparaissant au cours de leur hospitalisation, notamment dans les services de type MCO, est une cause majeure de dysfonctionnement pour l’ensemble du système de soins [21]. Le prolongement des soins, pour une cause autre que la pathologie aiguë ayant justifié l’hospitalisation, peut être dramatique lorsque la demande de soins augmente lors d’événements aggravant la fragilité des personnes âgées dépendantes. La prévention et la prise en charge de la dénutrition sont non seulement indispensables pour les patients, mais aussi pour assurer une meilleure réactivité et efficience du système de soins [22]. Conflits d’intérêt : aucun

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Références

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Prise en charge et prévention de la dénutrition dans les établissements hospitaliers et institutions d’hébergement