Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile

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MEDLEG-218; No. of Pages 6 La revue de médecine légale (2017) xxx, xxx—xxx

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FICHE PE´DAGOGIQUE

Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile Item 55: Mistreatment and children in danger. Mother and child protection J. Hiquet, O. Dubourg, J. Fougas, E. Christin, S. Gromb-Monnoyeur * ´ decine le ´ gale, ´ethique et droit Centre d’accueil en urgence des victimes d’agression (CAUVA), laboratoire de me ´ dical, service de me ´ decine le ´ gale, CHU de Bordeaux, place Amelie-Raba-le ´ on, 33076 Bordeaux cedex, France me

Les objectifs de cet item sont les suivants :  repérer un risque ou une situation de maltraitance chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent ;  argumenter la démarche médicale et administrative nécessaire à la protection de la mère et de l’enfant. Les notions-clés pour cet item sont :  facteurs de risque de maltraitance ;  anamnèse incohérente/prise en charge inappropriée/ attitude inadaptée ;  examen cutané/organes génitaux externes/ostéologique/neurologique ++ ;  retard staturopondéral/psychomoteur ;  radiographie squelette entier : syndrome de Silverman ;  examen ophtalmologique avec fond d’œil ;  bilan d’hémostase : NFS-Plaquettes/TP-TCA ;  TDM cérébrale pour recherche de processus hémorragiques si signes neurologiques ;  hospitalisation  ordonnance de placement provisoire (OPP) (procureur de la République) ;  certificat médical initial descriptif ;

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Gromb-Monnoyeur).

 signalement : procureur de la République ;  information préoccupante : conseil départemental (CRIP) ;  évaluation pluridisciplinaire globale/traitement symptomatique  aide sociale à l’enfance et/ou enquête ;  PMI : pluridisciplinaire/éducation/planning ;  consultation petite enfance/femme enceinte. Ne pas oublier :     

examiner la fratrie—photographies ++ ; étude du carnet de santé ; plaie = SAT-VAT ; hospitalisation ; signalement.

Éléments de compréhension Définitions La maltraitance des enfants est une situation fréquente en pratique courante dont le repérage et le diagnostic requièrent la plus grande prudence [1]. Elle nécessite systématiquement une prise en charge pluridisciplinaire urgente et ce du fait du risque de reproduction des violences en l’absence de judiciarisation [2,3].

http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2017.01.002 1878-6529/# 2017 Publié par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Hiquet J, et al. Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile. La revue de médecine légale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2017.01.002

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Son dépistage requiert une vigilance permanente en tant que professionnel de santé [4]. Elle se définit comme « toute violence physique, tout abus sexuel, tout sévice psychologique sévère, toute négligence lourde, ayant des conséquences préjudiciables sur l’état de santé de l’enfant et sur son développement physique et psychologique » (Observatoire national de l’enfance en danger — ONED). La violence physique se caractérise comme toute blessure infligée à un enfant par un mécanisme de traumatisme pour quelque raison que ce soit, à savoir une lésion tissulaire (ecchymose, fracture, piqûre, brûlure, perte de fonction d’un membre ou d’un organe. . .). Elle associe donc toutes les formes de traumatismes subis et souvent associés : cutanés, osseux, neurologiques, ophtalmologiques. . . Les sévices psychologiques sont définis comme toute agression psychologique sévère prolongée ou répétée, une manifestation de cruauté mentale ou de rejet affectif, une punition ou une exigence éducative inadaptées à l’âge de l’enfant ou à ses possibilités, le sadisme verbal, l’humiliation, l’exploitation. L’abus sexuel est décrit comme toute participation d’un enfant à des activités sexuelles, inappropriées à son âge et à son développement psychosexuel, qu’il subit sous la contrainte ou par la violence ou encore la séduction ou qui transgressent les tabous sociaux. Quant à la notion de négligence lourde, il s’agit de toute carence sévère prolongée ou répétée, de nature physique (alimentation, hygiène, soins médicaux, prévention), affective (sécurité) ou sociale (éducation, socialisation, instruction). Le syndrome de Münchhausen par procuration est un type particulier de maltraitance, au cours duquel les parents, habituellement la mère, allèguent des symptômes chez l’enfant, conduisant à de multiples examens ou interventions (le professionnel de santé étant utilisé comme « promoteur de sévices »). Le terme d’enfants en risque regroupe des enfants qui ne sont pas à proprement dit maltraités, mais dont les conditions d’existence risquent de mettre en danger leur santé, sécurité, moralité, éducation ou la qualité des réponses aux besoins psychologiques quotidiens. Depuis la loi du 5 mars 2007, « la protection de l’enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et d’accompagner les familles. L’intérêt de l’enfant, la prise en charge de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant. » [5].

Épidémiologie L’ONED a été créé par la loi no2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance. Il a pour objectif de « mieux connaître le champ de l’enfance en danger pour mieux prévenir et mieux traiter » et fournit de nombreux éléments sur l’évaluation du nombre d’enfants en danger, qu’il s’agisse d’enfants en risque ou maltraités. Ainsi, sur le territoire français en 2008 [6], il était dénombré près de 100 000 enfants en danger—20 000 maltraités, dont 44 % sont âgés de moins de 6 ans et 80 000 en risque de danger. Parmi ces cas, un tiers concernait des violences physiques, un tiers des sévices psychologiques et un tiers des abus sexuels.

Près de 59 % de ces cas ont été judiciarisés, c’est-à-dire, ont fait l’objet d’une procédure judiciaire. Environ 75 % des enfants hospitalisés pour mauvais traitements sont âgés de moins de 3 ans et près de 50 % de moins de 1 an. L’augmentation croissante observée du nombre de cas recensés est le reflet d’une double interprétation :  la fréquence du nombre d’enfants en danger augmente ;  le repérage de ces situations par les professionnels de santé s’améliore et s’accroît. Un dernier chiffre-clé à retenir, probablement sousestimé et qui fait de la maltraitance une des pathologies graves de l’enfant les plus fréquentes à intégrer dans les problèmes de santé publique : en France, deux enfants meurent chaque jour des suites de mauvais traitements.

Repérage d’une situation de maltraitance Circonstances Un certain nombre de circonstances diagnostiques retrouvées en pratique doivent nécessiter prudence et vigilance avec la notion de maltraitance en arrière-pensée [4,7—9] :  des consultations répétées pour des motifs banals (chutes, traumatismes. . .) ;  des symptômes divers (céphalées, douleurs abdominales, nausées/vomissements. . .) ;  certaines complications, aiguës ou chroniques (convulsions, malaises avec pâleur, dénutrition. . .) ;  certains troubles psychocomportementaux (troubles du sommeil, troubles anxio-dépressifs, difficultés à l’école. . .) ;  la maltraitance étant un diagnostic difficile, la simple existence de l’une des précédentes circonstances décrites ne suffit pas à évoquer d’emblée une situation inquiétante. En revanche, la conjonction de ces éléments avec des données cliniques et paracliniques pourra la faire évoquer [7].

Anamnèse L’interrogatoire des parents est primordial dans ces situations. Le recueil anamnestique doit être fait de manière objective (non interprétative), rigoureuse et progressive. Les faits rapportés doivent être consignés dans le dossier médical sans y apporter une quelconque notion d’interprétation. À l’anamnèse, il s’agira de rechercher : elle a :  l’analyse du motif de consultation et des circonstances dans lesquelles se sont produites la ou les lésions (cf. chapitre précédent) (discordance entre le motif décrit et les lésions constatées, histoire du traumatisme incohérente, événement suspect) ;  la chronologie : le retard à la consultation par rapport à la date supposée de l’événement traumatique doit interroger, qui plus est lorsqu’il est mis en évidence des lésions diverses et d’âge différent ;

Pour citer cet article : Hiquet J, et al. Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile. La revue de médecine légale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2017.01.002

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Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile  le refus d’hospitalisation de l’enfant et/ou des examens complémentaires ;  le nomadisme médical (consultation de plusieurs médecins) ;  l’attitude parentale inadaptée (pas de contact avec l’enfant, indifférence quant à la gravité des lésions, responsabilité reportée sur un tiers). L’étude du carnet de santé de l’enfant est également primordiale. Elle aura pour but de mettre en relief :  des antécédents personnels et/ou familiaux (pathologies de l’hémostase, consultations médicales fréquentes, notamment dans des services d’urgence);  le calendrier vaccinal (respecté ou non) ;  le développement staturopondéral et psychomoteur (retards) ;  le mode de garde et l’entourage de l’enfant concerné (identité de la personne qui accompagne, événements intrafamiliaux récents. . .). Enfin, un certain nombre de facteurs de risque sont classiquement décrits et leur existence doit inciter le praticien à une vigilance accrue dans ces situations (Tableau 1). Il faut souligner que la maltraitance est présente dans tous les milieux sociaux et de surcroît son diagnostic en l’absence de difficulté économique est complexe et largement sous-estimé. L’entourage est responsable dans près de 80 % des cas.

Examen clinique Cet examen physique de l’enfant doit être réalisé précautionneusement, chez un enfant mis en confiance, entièrement déshabillé et en présence d’un témoin (personne connue et rassurante de préférence). Il a pour but de dresser

Tableau 1

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un bilan lésionnel complet. La prise de photographies est très importante dans ce contexte (l’accord parental n’est pas nécessaire) [10,11]. Les étapes de l’examen clinique peuvent être décrites de la manière suivante :  observation comportement général de l’enfant, réactions, état général ;  évaluation : développement staturopondéral (cassure de la courbe), développement psychomoteur, mobilité des membres et des articulations ;  palpation : fontanelles (signes d’hypertension intracrânienne), périmètre crânien ;  inspection : téguments, organes génitaux externes et région anale (signes d’abus), zones d’alopécie. Un certain nombre de lésions sont évocatrices de maltraitance. Lésions tégumentaires :  ecchymoses, hématomes et plaies : chez le petit enfant les ecchymoses sont fréquentes, notamment lorsqu’il commence à se déplacer. Elles sont principalement situées sur des zones exposées telles que les genoux, les faces antérieures des jambes ou encore le front. Elles restent exceptionnelles avant 8 mois et une localisation non plausible de lésions (cf. Fig. 1) doit attirer l’attention, qui plus est si elles tendent à reproduire l’empreinte d’un objet (boucle de ceinture par exemple) ou de doigts (lésions dites « en forme »).  brûlures : en cas de brûlures à bords nets (parfaitement rondes par exemple, pouvant faire évoquer une brûlure de cigarette) ou de lésions localisées sur des zones normalement non exposées et protégées par des vêtements (fesses. . .), un traumatisme infligé doit être évoqué.  morsures : les morsures d’enfant sont en général présentes sur des zones exposées et accessibles ; de plus la distance interincisives est généralement inférieure à

Facteurs de risque de maltraitance.

Risques familiaux Grossesse précoce et/ou non déclarée Addictions (drogues, alcool) Pathologie psychiatrique familiale Maltraitances subies dans l’enfance Contexte socio-économique (chômage, pauvreté) Structure familiale (jeune âge parental, monoparentalité, famille nombreuse) Risques liés à l’enfant et à son histoire Prématurité et séparations néonatales Handicap physique et maladies chroniques Maladies psychiatriques et troubles du comportement (troubles du sommeil, pleurs incessants) Risques liés à la fratrie Antécédents médicaux (hospitalisations fréquentes et répétées, mort inattendue du nourrisson) Antécédents administratifs (placements, décisions judiciaires)

Figure 1 En jaune, localisations habituelles traumatologiques de l’enfant ; en orange, localisations suspectes de lésions infligées.

Pour citer cet article : Hiquet J, et al. Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile. La revue de médecine légale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2017.01.002

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3 cm. Une morsure de dimension supérieure doit faire évoquer une situation suspecte.  fractures : une fracture chez le petit enfant qui ne se déplace pas est très suspecte. En majorité, les fractures d’origine accidentelle surviennent après l’âge de 5 ans. Au même titre que les lésions tégumentaires, le type et la localisation de fractures peuvent faire évoquer une maltraitance. Citons notamment :  fractures et arrachements métaphysaires,  fractures d’os longs et/ou profonds (fémur, vertèbres),  fractures du crâne,  fractures de côtes,  décollements épiphysaires (humérus, fémur). Le syndrome de Silverman est une entité qui sera traitée de façon plus détaillée par la suite dans cet item. Il correspond à la description initiale des lésions osseuses radiologiques multiples d’âge différent. Lésions neurologiques et/ou ophtalmologiques : un grand nombre de lésions neurologiques traumatiques peuvent être rencontrées dans le contexte de maltraitance et peuvent entraîner d’importantes séquelles. De même, des lésions ophtalmologiques diverses peuvent être identifiées ; elles sont la conséquence de traumatismes directs induisant des plaies et/ou contusions palpébrales et cornéennes ou indirectes, secondaires à des secousses, induisant des hémorragies rétiniennes. Une entité bien connue est le syndrome du bébé secoué qui est un traumatisme crânien infligé avec saignements intracrâniens, majoritairement des hématomes sous-duraux et des hémorragies rétiniennes [12,13].

Examens paracliniques En cas de forte suspicion ou de situation avérée de maltraitance, il convient de réaliser [11,12] :  de manière systématique :  bilan d’hémostase (NFS-Plaquettes-facteur XIII-TP/ TCA-fibrinogène),  radiographies du squelette entier  scintigraphie osseuse (si absence d’images franches sur les radiographies standard),  avis ophtalmologique : fond d’œil bilatéral à la recherche de décollement rétinien, d’hémorragies rétiniennes, d’un œdème papillaire;  de manière orientée :  si anomalie neurologique : TDM cérébrale sans injection (recherche d’un hématome sous-dural sous forme de lentille biconcave, d’un hématome parenchymateux, d’hémorragie intracérébrale ou de signes d’hypertension intracrânienne),  si traumatisme abdominal : échographie abdominale, bandelette urinaire,  si suspicion de rachitisme carentiel : bilan phosphocalcique,  si notion d’intoxication : ionogramme, toxiques sanguins et urinaires, transaminases,  si sévices sexuels : prélèvements locaux (recherche de liquide séminal, gonocoque/Chlamydia) et sanguins (sérologies IST  b-hCG).

Diagnostics différentiels Il convient de garder à l’esprit un certain nombre de diagnostics différentiels à évoquer selon le type de lésions constatées :  ecchymoses, hématomes, abrasions : tâches mongoloïdes (tâches bleutées « ardoisées » physiologiques chez les enfants à peau foncée), Cao Gio (frottement par métal chaud à but antipyrétique chez certaines populations asiatiques), jeux scolaires, rituels d’endormissement, troubles de l’hémostase ++, maladie cœliaque (carence en vitamine K) ;  brûlures : lésions vésiculo-bulleuses d’origine infectieuse ou allergique ;  fractures : ostéogenèse imparfaite (« maladie des os de verre »), ostéomyélite, cancer, rachitisme, scorbut.

Argumentation de la démarche médicale et administrative Au terme des examens cliniques et éventuellement paracliniques, le médecin a la possibilité d’une prise en charge ambulatoire et en hospitalisation selon l’appréciation du niveau de risque et de la sévérité du tableau clinique [11,12]. Le choix de l’hospitalisation ne doit pas être uniquement guidé par une nécessité médicale absolue, mais aussi par l’importance de réaliser un bilan psychosocial [14,15] dans le cadre d’une évaluation plus globale de l’enfant et enfin d’extraire l’enfant du milieu potentiellement violent. Cette hospitalisation permet en outre de réaliser les différentes mesures médico-administratives ou médico-judiciaires. En cas de maltraitance avérée ou de complications graves évocatrices de maltraitance, l’hospitalisation doit être la règle, consentie par la famille si possible. S’il existe un danger immédiat, avéré ou potentiel et que les parents refusent l’hospitalisation, le praticien doit avertir sans délai le procureur de la République en formulant une demande d’ordonnance de placement provisoire afin de permettre cette hospitalisation.

Prise en charge médicale Dans tous les cas, la prise en charge de la douleur s’impose. Des prises en charges spécifiques, en milieu chirurgical ou neurologique par exemple, peuvent être nécessaires. Les lésions cutanéo-muqueuses et les brûlures feront l’objet de mesures adéquates (antisepsie, sutures, injection de sérum antitétanique et vaccination anttétanique en cas de vaccination non à jour). Dans les cas de suspicions de violences sexuelles, la prise en charge devra être coordonnée entre le pédiatre et le médecin légiste (unités médico-judiciaires). En effet, il convient de ne pas multiplier les examens cliniques (en particulier gynécologique) réalisés par différents intervenants. Une prise en charge conjointe, pédiatrique et médico-légale doit être la règle. Elle permet de réaliser le bilan lésionnel nécessitant éventuellement des soins, d’effectuer (si besoin) des prélèvements de biologie moléculaire ou à la recherche d’infections sexuellement

Pour citer cet article : Hiquet J, et al. Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile. La revue de médecine légale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2017.01.002

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Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile transmissibles. Au terme de l’examen clinique, il sera discuté l’indication d’une prophylaxie antivirale (VIH, VHB) et antibactérienne (Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae). Par ailleurs, une contraception orale d’urgence peut être nécessaire. Un soutien psychologique doit être apporté à l’enfant et à son entourage.

Prise en charge médico-administrative et médico-judiciaire Un certificat médical initial, descriptif, rédigé par un médecin thésé, sera systématiquement réalisé (Cf. Item 9). Deux situations sont à distinguer, celle du danger potentiel et celle du danger avéré. Ces situations constituent une dérogation au secret professionnel. Sont également à prendre en compte dans la décision de la nature de la prise en charge la nature des faits et la coopération de la famille [16,17]. L’information préoccupante Il s’agit de l’ancien « signalement administratif » abrogé par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Elle est définie comme « tout élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger, puisse avoir besoin d’une aide et qui doit faire l’objet d’une transmission à la cellule départementale pour évaluation et suite à donner ». La notion de danger n’a pas de définition légale, elle est donc à l’appréciation de l’équipe pluridisciplinaire prenant en charge l’enfant. Cependant, l’article 43 (article R.4127-43 du code de la santé publique) dispose que « le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage ». Le terme de santé doit être pris dans sa définition globale de l’OMS intégrant les dimensions bio-psycho-sociales. L’information préoccupante (IP) est transmise à la cellule de recueil et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) dépendant du conseil départemental et fera l’objet d’une évaluation de la situation du mineur afin de déterminer les actions de protections et d’aide pouvant être mises en œuvre. Il s’agit d’une instance pluridisciplinaire centralisant l’ensemble des IP et les renvoyant vers les centres d’action sociale compétents dont dépend la protection maternelle et infantile (PMI). Les centres de PMI sont constitués par des équipes pluridisciplinaires (médecins, sages-femmes, puéricultrices, auxiliaires de puériculture) assurant le suivi des enfants, des mesures de prévention et de protection de l’enfant. Des mesures d’aide éducative (prestations à domicile) peuvent être proposées et nécessitent la coopération de la famille : accompagnement en économie sociale et familiale, action d‘un technicien de l’intervention sociale et familiale, intervention d’un service d’action éducative. . . Le signalement judiciaire Dérogation au secret médical, il s’agit d’un écrit objectif portant à la connaissance du procureur de la République la situation d’un mineur présumé en danger. Bien que le signalement ne soit pas une obligation légale, l’infraction par omission que constitue la non-assistance à personne en péril peut être reprochée au médecin [17].

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La loi du 5 novembre 2015, tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé modifie l’article 226-14 du code pénal qui dispose que « le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi ». En pratique, le médecin doit signaler au procureur (24 h/ 24), par téléphone suivi d’un courrier en cas d’urgence ou par courrier seul, tout élément dont il a été témoin ou dépositaire susceptible de constituer un danger pour le mineur. Il existe un modèle-type téléchargeable sur le site de l’Ordre national des médecins. Un double peut être transmis par le médecin à la CRIP, cette dernière étant toujours informée soit par le procureur de la République soit par le médecin luimême. Le procureur de la République peut renvoyer au président du Conseil départemental ou saisir le juge des enfants. Ce dernier peut décider des mesures suivantes :  assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) visant à apporter conseil et aide à la famille ;  obligations particulières : le maintien de l’enfant dans la famille est conditionné par la soumission à des obligations telles que la fréquentation d’établissements éducatifs etc. ;  le placement : l’enfant est confié à un tiers, à un autre membre de la famille, à un service, à un foyer, suite à une ordonnance de placement provisoire (OPP). En cas d’urgence, le parquet peut lui-même ordonner une OPP avant de saisir le juge des enfants. L’OPP doit être motivée et notifiée aux titulaires de l’autorité parentale qui n’ont aucun recours possible. Le placement est valable huit jours.

Quelques entités cliniques et paracliniques Le syndrome du bébé secoué Le syndrome du bébé secoué (SBS) est un sous-ensemble de traumatismes crâniens infligés ou traumatismes crâniens non accidentels provoqué par des secouements avec ou sans impact survenant la plupart du temps chez un enfant de moins de un an. Les conséquences des secousses chez le nourrisson s’expliquent par un rapport poids tête/poids corps élevé, une hypotonie axiale, un cerveau immature (faible myélinisation) et de larges espaces sous-arachnoïdiens. Ainsi, les secouements provoquent la rupture de veines ponts (hémorragie sous-durale et sous-arachnoïdienne), des hémorragies cérébrales bipolaires (fronto-occipitales) et des lésions de cisaillements (accélération—décélération) à l’origine de lésions axonales diffuses. Les signes évocateurs sont :  un bombement de la fontanelle antérieure ;  des troubles de la vigilance, convulsions, hypotonie axiale ;  malaise grave, pâleur, vomissements, pauses respiratoires ;

Pour citer cet article : Hiquet J, et al. Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile. La revue de médecine légale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2017.01.002

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 un changement de couloir de la courbe du périmètre céphalique ;  des lésions contuses (ecchymoses, hématomes) intéressant en particulier les zones de préhension.

 fractures diaphysaires récentes ou anciennes (cal osseux) ;  arrachements métaphysaires ;  décollements sous-périostés.

Le diagnostic de TC infligé par secouement est hautement probable en cas :

En cas de doute sur une radiographie initiale, il convient de répéter l’examen 15 à 21 jours après ou de réaliser une scintigraphie osseuse.

 d’hémorragies intracrâniennes extra-axiales plurifocales : hématome sous-dural, hémorragie sous-arachnoïdienne ;  ET hémorragies rétiniennes profuses ou éclaboussant la rétine périphérique ;  ET histoire absente, fluctuante ou incompatible avec les lésions cliniques ou l’âge de l’enfant. Il peut également être mis en évidence des lésions cérébrales hypoxiques, œdémateuses et des lésions cervicales (hématome intracanalaire, lésions médullaires, lésions occipito-vertébrales ou cervicothoraciques). Le bilan paraclinique comporte :  imagerie :  TDM cérébral + IRM cérébrale et cervicale,  radiographies du squelette entier, scintigraphie osseuse : recherche de fracture récente ou de cal osseux ;  fond d’œil : hémorragies rétiniennes, œdème papillaire (HTIC).

Le syndrome de Münchhausen par procuration Il s’agit d’un syndrome rare décrit en 1977 dans lequel un parent (le plus souvent) ou un proche :  invente une maladie ;  provoque une maladie : injections de toxiques, malnutrition, . . . ;  invente et provoque une maladie ;  simule une maladie. L’enfant est présenté pour le diagnostic ou les soins d’une affection récurrente ou persistante aboutissant à des actes médicaux à visée diagnostique ou thérapeutique. Les symptômes disparaissent lorsqu’on procède à la séparation de l’enfant et du parent ou du proche responsable qui dénie la cause des symptômes.

Le syndrome de Silverman L’existence de fracture chez un enfant non déambulant, en dehors d’un contexte accidentel doit faire évoquer l’hypothèse d’une maltraitance. Le bilan radiographique doit être systématiquement complet. Le syndrome de Silverman est un syndrome radiologique associant des lésions osseuses multiples d’âges différents :

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Pour citer cet article : Hiquet J, et al. Item 55 : maltraitance et enfants en danger. Protection maternelle et infantile. La revue de médecine légale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2017.01.002