Rec¸u le : 5 mai 2015 Accepte´ le : 5 octobre 2015 Disponible en ligne 28 novembre 2015
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Me´moire original
Jeux d’asphyxie chez les e´le`ves de CE1 et CE2 Choking games among 2nd and 3rd graders C. Corteya, E. Godeaub,c, V. Ehlingerc, C. Bre´hina, I. Claudeta,*,c a Service d’accueil des urgences pe´diatriques, hoˆpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, TSA 70034, 31059 Toulouse cedex 9, France b Service me´dical du rectorat, acade´mie de Toulouse, 31003 Toulouse cedex 6, France c Inserm UMR1027, universite´ Toulouse III, 37, alle´es J.-Guesde, 31000 Toulouse, France
Summary It is suspected that elementary school age children engage in ‘‘the choking game’’ or other asphyxial practices, but the prevalence is unknown. Objective. This study was conducted to determine the prevalence among 2nd and 3rd graders. Methods. Twenty-five schools in a region in Southeastern France were sampled on the following criteria: school size, rural/urban location, underprivileged neighborhood or not, and private/public school. Second and third grade classes were randomly sampled in each school. Another sample of 25 schools was selected in case a school refused to participate. A self-administered questionnaire, previously validated in two nonsampled schools, was administered in selected classes by the pediatrician leading the project. Results. A total of 1125 questionnaires were distributed and 95% were completed. The mean (SD) age of children was 8.3 (0.7) years. Forty percent of children reported they had already played choking games. Among all the declared players (n = 401), the male to female ratio was 1.4; 13% of them played this game every day or several times a day (91% were male). This prevalence varied between schools (16–75%) and games and was significantly higher among children schooled in underprivileged neighborhoods. Seventy-six percent of non-players and 48% of players were aware of the potential life-threatening risk. Conclusions. The mean prevalence in elementary school (40%) appears to be higher compared to middle and high schools (5– 10%). Motivation differs in elementary school children compared to older children and teenagers. Prevention of choking games should start at elementary school and determinants leading to the continuation of such practices from elementary school to high school need to be explored. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Re´sume´ Introduction. Un de´but pre´coce, de`s le cours e´le´mentaire, de la pratique des jeux de non-oxyge´nation (JNO) a e´te´ e´voque´ mais sa pre´valence a` cet aˆge n’est pas connue. Objectif. De´terminer cette pre´valence parmi un e´chantillon d’e´le`ves de classe e´le´mentaire premie`re anne´e (CE1) et deuxie`me anne´e (CE2). Me´thodes. Vingt-cinq e´coles de l’acade´mie de Toulouse ont e´te´ tire´es au sort en proportion des crite`res suivants : taille de l’e´cole, localisation rurale/semi-rurale ou urbaine, publique ou prive´e, appartenance au re´seau ECLAIR. Le mode d’enqueˆte a e´te´ un questionnaire anonyme pre´valide´ dans deux e´coles non incluses dans l’e´chantillon et distribue´ aux e´le`ves par le meˆme investigateur. Re´sultats. Mille cent vingt-cinq questionnaires ont e´te´ distribue´s, 95 % ont e´te´ comple´te´s. L’aˆge moyen (+ de´viation standard) des enfants e´taient de 8,3 0,7 ans. Quarante pour cent des enfants ont de´clare´ avoir de´ja` joue´ a` au moins un JNO. Parmi les pratiquants (n = 401), le sex-ratio e´tait e´gal a` 1,4, 13 % d’entre eux pratiquaient tous les jours ou plusieurs fois par jour. Cette pre´valence variait selon les e´tablissements (16 a` 75 %) et selon les JNO. Le risque vital associe´ e´tait connu par 76 % des non-pratiquants et 48 % des pratiquants. Conclusion. La pre´valence globale de cette pratique (40 %) e´tait plus e´leve´e compare´e a` celle connue chez les colle´giens et lyce´ens (7–12 %). Les motivations aux diffe´rents aˆges n’e´taient pas les meˆmes, les de´terminants de leur poursuite du cours e´le´mentaire au lyce´e ne´cessitant d’eˆtre explore´s. Pre´vention et information des jeunes e´le`ves doivent de´buter toˆt et se poursuivre tout au long de la scolarite´. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
* Auteur correspondant. e-mail :
[email protected] (I. Claudet). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.10.009 Archives de Pe´diatrie 2016;23:45-52 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
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Archives de Pe´diatrie 2016;23:45-52
C. Cortey et al.
1. Introduction Depuis les anne´es 2000, la pre´valence des jeux d’asphyxie a pu eˆtre assez pre´cise´ment e´value´e chez les colle´giens et lyce´ens. Elle se situe entre 5 et 10 % selon les se´ries [1–10]. Une pratique pre´coce de`s l’e´cole primaire est fortement suspecte´e par les pe´diatres, les pe´dopsychiatres et les associations de parents d’enfants victimes. A` notre connaissance, aucune e´tude n’a encore e´te´ conduite en milieu scolaire chez des enfants de classe e´le´mentaire premie`re anne´e (CE1) et deuxie`me anne´e (CE2). L’objectif de cette e´tude e´tait d’estimer la pre´valence de la pratique de jeux d’asphyxie parmi des e´le`ves de CE1 et CE2 et de comparer les donne´es en fonction du sexe de l’e´le`ve, du niveau de formation (CE1/CE2), du caracte`re prive´ ou public de l’e´tablissement, de la localisation ge´ographique de l’e´cole (urbaine, rurale et semi-rurale).
2. Population et me´thodes 2.1. Population – participants Toute e´cole e´le´mentaire publique ou prive´e sous contrat de l’acade´mie de Toulouse (Haute-Garonne) comprenant au moins une classe de CE1 et une classe de CE2 e´tait e´ligible. Les crite`res d’exclusion e´taient : les e´tablissements prive´s hors contrat ; les e´coles comportant 5 e´le`ves ou moins dans les niveaux de formation retenus ; les e´coles avec des classes de CE1 ou CE2 rassemblant plusieurs niveaux de formation. La me´thode de se´lection de l’e´chantillon retenue a e´te´ celle du sondage en grappes. L’unite´ d’e´chantillonnage e´tait l’e´tablissement scolaire. Au sein de chaque e´cole se´lectionne´e, une seule classe de CE1 ainsi qu’une seule classe de CE2 ont e´te´ se´lectionne´es au hasard par application de la me´thode du cube [11]. Largement utilise´ dans les e´chantillonnages en milieu scolaire re´alise´s par le service de la Direction de l’e´valuation, de la prospective et de la performance (DEPP), le programme cube d’e´chantillonnage e´quilibre´ a e´te´ de´veloppe´ par l’Institut national de la statistique et des e´tudes e´conomiques (Insee) (documentation comple`te disponible sur le site Internet de l’Insee). L’algorithme de´veloppe´ permet d’obtenir, parmi tous les e´chantillons possibles, un e´chantillon repre´sentatif de la population au regard de certaines variables auxiliaires avec des probabilite´s de sondage calcule´es en fonction de ces variables. Les variables auxiliaires utilise´es ont e´te´ : secteur public/prive´, type de commune, localisation en zone ECLAIR (programme e´cole, colle`ge, lyce´e, pour l’ambition, l’innovation et la re´ussite– programme alternatif d’e´ducation se substituant aux zones d’e´ducation prioritaire [ZEP] depuis 2012). La re´partition des e´coles se´lectionne´es, en termes de type de commune (rural/ semi-rural, urbain), localisation en zone ECLAIR et secteur e´tait donc identique ou quasiment identique dans la population e´ligible et dans l’e´chantillon se´lectionne´. Dans l’e´chantillon,
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les hypothe`ses de de´part e´taient une re´partition garc¸on/fille et CE1/CE2 a` 1:1, une pre´valence entre 5 et 10 %, une proportion de refus des parents de 15 %, une puissance de 80 %. Le nombre d’e´coles ne´cessaires au calcul de pre´valence et de comparaison entre CE1 et CE2 et les deux sexes a e´te´ de´termine´ a` 25. Un autre e´chantillon « miroir » de 25 e´coles a e´te´ se´lectionne´ en cas de refus d’une e´cole de la premie`re liste.
2.2. Proce´dure Apre`s obtention de l’autorisation du rectorat de l’acade´mie de Toulouse (janvier 2013), la Direction de chaque e´cole se´lectionne´e a e´te´ informe´e de l’e´tude et pouvait refuser de participer. En cas de refus, les raisons alle´gue´es ont e´te´ collecte´es et une e´cole e´quivalente de l’e´chantillon « miroir » a e´te´ sollicite´e. En cas d’acceptation, les documents informatifs sur l’e´tude ont e´te´ adresse´s aux enseignants ainsi qu’un formulaire de consentement passif pour les parents. Les familles pouvaient refuser que leur enfant participe. Le questionnaire de l’e´tude avait e´te´ pre´alablement teste´ dans 2 classes d’une e´cole n’appartenant pas a` l’e´chantillon, se´lectionne´ et valide´ par le rectorat. Ce test pre´liminaire de notre questionnaire avait mis en e´vidence le fait que le « jeu de la tomate » correspondait aussi a` un jeu de ballon re´pandu en re´cre´ation. Au moment du de´ploiement de l’e´tude, l’investigateur a clairement averti les e´le`ves que le jeu de la tomate du questionnaire ne faisait pas re´fe´rence au jeu de ballon. Le meˆme investigateur a visite´ toutes les e´coles entre les mois d’avril et juin 2013. Il a explique´ dans chaque classe le but de l’e´tude, et pre´cise´ son caracte`re volontaire et anonyme. Les questionnaires ont e´te´ distribue´s et collecte´s le meˆme jour. Un peu d’aide e´tait dispense´e lorsque certains enfants avaient des difficulte´s de compre´hension de certaines questions mais aucun indice de re´ponse n’e´tait fourni. Le questionnaire comprenait 13 questions : quel est ton a ˆ ge ? ; coche ou entoure le(s) jeu(x) que tu connais (jeu de la tomate, jouer a` s’e´trangler, jeu du foulard, de la serviette, de la grenouille, de la mort subite, des poumons, du reˆve bleu, du cosmos, je ne connais aucun de ces jeux) ; coche ou entoure le(s) jeu(x) au(x)quel(s) tu as de ´ ja` joue´ ; si tu as de ´ ja` joue´ a` un ou plusieurs de ces jeux, en quelle classe as-tu commence´ ? (maternelle, cours pre´paratoire [CP], CE1 or CE2) ; combien de fois joues-tu a ` ce (ces) jeu(x) ? (tous les jours, plusieurs fois par jour, plusieurs fois par semaine, parfois, je n’ai jamais joue´ a` ces jeux) ; quand tu joues a ` ce(ces) jeu(x), est-ce que tu joues tout(e) seul ou avec des copains (copines) (tout seul, avec mes copains, les deux, je n’ai jamais joue´ a` ces jeux) ; ou ` est-ce que tu joues a` ce(s) jeu(x) (a` l’e´cole, dans ma chambre, ailleurs, je n’ai jamais joue´ a` ces jeux) ; apre ` s avoir joue´ a` ce(s) jeu(x) est-ce que tu as mal a` la teˆte ? (oui/non, je n’ai jamais joue´ a` ces jeux) ;
Jeux d’asphyxie est-ce que tu trouves ces jeux amusants ? (oui/non, je ne sais pas) ; est-ce que tu penses qu’on peut mourir en jouant a ` ce(s) jeu(x) (oui/non, je ne sais pas) ; est-ce que tu parles de ce(s) jeu(x) avec (tes copains, ton maıˆtre/ta maıˆtresse, ta maman/ton papa). A` la fin du questionnaire, l’enfant disposait d’un espace libre pour e´crire ou dessiner en relation avec le sujet. Chaque questionnaire e´tait ensuite scelle´ et collecte´. L’investigateur prenait ensuite le temps d’informer les enfants, avec un support adapte´ a` leur aˆge, sur le me´canisme de la respiration et les risques lie´s au manque d’oxyge`ne. Des brochures e´dite´es par une association de parents d’enfants victimes ont aussi e´te´ distribue´es. Chaque enseignant recevait un CD contenant deux articles en franc¸ais sur le sujet, le Guide d’intervention en milieu scolaire e´dite´ par le ministe`re de l’E´ducation nationale en 2007 et le Synopsis du projet de l’e´tude.
2.3. Analyse statistique Les re´ponses ont e´te´ collige´es dans un tableau Microsoft excel. L’analyse statistique a e´te´ effectue´e a` l’aide des logiciels StatView 5.1 (SAS Institute Inc., Cary, NC) et Epi Info 6.04fr (VF, ENSP epiconceptW, Paris, France). Dans l’analyse descriptive, les donne´es sont pre´sente´es en valeur moyenne avec leurs e´carts-type, leur me´diane avec les valeurs extreˆmes selon indication. Le poids de certaines variables d’exposition a e´te´ exprime´ par l’odds ratio (OR) et son intervalle de confiance a` 95 % (IC95 %). Pour comparer les variables qualitatives, un test de Chi2 (Mantel-Haenszel) a e´te´ applique´ et un test exact de Fischer quand les valeurs attendues e´taient infe´rieures a` 5. Pour les variables inde´pendantes quantitatives, un test de Student bilate´ral a e´te´ utilise´. La diffe´rence e´tait significative pour p < 0,05.
3. Re´sultats 3.1. Analyse descriptive Neuf e´coles ont refuse´ de participer. Les raisons e´taient : « trop plein » de sollicitation pour e´tude en milieu scolaire ; e´cole de´ja` incluse dans une autre e´tude ; peur d’encourager de telles pratiques ; e´cole de´ja` en zone difficile ne souhaitant pas ajouter « d’autres proble´matiques » ou aucune raison avance´e. Un e´tablissement n’a jamais re´pondu malgre´ plusieurs rappels e´crits ou par courriel. Seize e´coles du premier e´chantillon et neuf e´coles de la seconde liste (« miroir ») ont participe´ soit un total de 1125 enfants. Les caracte´ristiques des e´coles participantes se re´partissaient en secteur publique (n = 23)/prive´ (n = 2) et milieu urbain (n = 23)/rural ou semi-rural (n = 2). Soixante-six familles (6 %) ont refuse´ que leur enfant participe a` l’enqueˆte. La principale raison e´tait une barrie`re linguistique et la non-compre´hension du
but de l’e´tude. Cinq cent cinquante et un enfants e´taient en CE1. Le sex-ratio e´tait e´gal a` 1,1, et l’aˆge moyen a` 7,6 ans (extreˆmes 7 a` 9 ans, me´diane 8 ans) en CE1 et 8,7 ans (extreˆmes 7 a` 11 ans, me´diane 9 ans) en CE2. Cent deux questionnaires ont e´te´ exclus en raison de re´ponses comple`tement illogiques ; 95 % des e´le`ves ont re´pondu a` toutes les questions et le taux global de re´ponse pour chaque question a e´te´ de 98 %. La pre´valence de connaissance et de pratique a e´te´ calcule´e a` partir de 1023 questionnaires. Soixante et onze pour cent des re´pondeurs connaissaient au moins un jeu d’asphyxie. Les trois jeux de non-oxyge´nation (JNO) les plus connus et les plus pratique´s e´taient : le jeu de la tomate (retenir sa respiration le plus longtemps possible et re´aliser une manœuvre de Valsava en meˆme temps pour devenir « rouge comme une tomate ») (respectivement 65 % [« Je connais »] et 59 % [« J’ai de´ja` joue´ »]), le jeu du foulard et jouer a` s’e´trangler (s’e´trangler ou se pendre a` l’aide d’un foulard ou autre lien ou se faire e´trangler par un tiers) (respectivement 61 et 50 % [jeu du foulard] et 58 et 26 % [jouer a` s’e´trangle]). La pre´valence globale de la pratique des JNO e´tait variable d’une e´cole a` l’autre (moyenne 40 %, me´diane 39 %), (extreˆmes 16 a` 75 %) (fig. 1) ; la re´partition des sites par tranche de pre´valence e´tait la suivante : < 25 % (n = 3), 25–5 % (n = 7), 36–50 % (n = 9) et 51 % (n = 6). La re´partition de ces pratiques selon le sexe, la classe, l’appartenance ge´ographique et le secteur public ou prive´ est re´sume´e dans le tableau I. A` la question concernant le de´but de telles pratiques, 33 % des enfants ont re´pondu de`s la maternelle. La majorite´ des e´le`ves jouait a` plusieurs (64 %), mais 7 % des enfants ont de´clare´ pratiquer seuls, majoritairement des garc¸ons (69 %). Sept pour cent des « joueurs » pratiquaient tous les jours et 6 % plusieurs fois par jour (91 % d’entre eux e´taient des garc¸ons). L’e´cole e´tait le lieu le plus fre´quent de ces pratiques suivie de l’item « ailleurs ». Parmi l’ensemble des pratiquants (n = 401), 36 % ont rapporte´ avoir mal a` la teˆte apre`s avoir joue´ a` ce(s) jeu(x). Cinquante-trois pour cent des pratiquants trouvaient ces jeux amusants. Concernant le risque vital associe´, 76 % des non-joueurs et 48 % des joueurs ont re´pondu qu’on pouvait en mourir. Interroge´s sur le fait d’en discuter avec un adulte, 30 % des joueurs ont de´clare´ en discuter avec leurs parents et 12 % avec leurs enseignants.
3.2. Analyse comparative Les garc¸ons se distinguaient significativement par un taux global de pratique plus e´leve´, le fait de jouer a` s’e´trangler, de jouer fre´quemment ou a` de multiples jeux et de de´clarer en connaıˆtre le risque vital (tableau II). Les e´le`ves de CE1 diffe´raient de ceux de CE2 par une pre´valence de pratique du jeu du foulard plus e´leve´e, une plus grande proportion de joueurs fre´quents et une moindre notion du risque vital associe´. Il n’existait pas de diffe´rence selon la ge´ographie ou l’appartenance publique ou prive´e de l’e´cole.
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C. Cortey et al. 80 70
Prevalence (%)
60 50 40 30 20 10 0 0
1
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3
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5
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7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Numéro des écoles
Figure 1. Distribution des pre´valences de pratique des jeux de non-oxyge´nation entre les diffe´rentes e´coles.
4. Discussion Les JNO sont connus et pratique´s toˆt, de`s l’e´cole maternelle. Ce constat avait e´te´ e´voque´ par deux sondages issus d’instituts franc¸ais et par les associations de parents d’enfants victimes (Association de parents d’enfants accidente´s par strangulation [APEAS], www.jeudufoulard.com, association SOS Benjamin, www.jeuxdangereux.fr) [1,2]. Inde´pendamment du type de jeu, la pre´valence moyenne trouve´e dans notre e´tude est e´leve´e (40 %). En ne conside´rant que les jeux non e´quivoques (ex. jouer a` s’e´trangler) ne partageant pas la meˆme de´nomination que d’autres jeux de cour de re´cre´ation (ex. jeu de la tomate qui est aussi un jeu de ballon), cette pre´valence reste e´leve´e (26 %) chez les e´le`ves de CE1 et CE2 comparativement celle connue chez les e´le`ves de colle`ges ou lyce´es (5 a` 10 %) [1–10]. En 2007 et 2012, deux enqueˆtes te´le´phoniques ont e´te´ mene´es par deux instituts de sondages franc¸ais (TNS-Sofres et Ipsos-Public-Affairs) sur un e´chantillon repre´sentatif de parents et de leurs enfants (pre´sents a` la maison au moment de l’appel), enfants aˆge´s respectivement de 7 a` 17 ans (n = 489, 26 % aˆge´s de 7 et 8 ans) et de 6 a` 15 ans (n = 1012, re´partition des aˆges non fournie) : le taux de connaissance de tels jeux e´tait globalement similaire a` celui de notre e´tude (70 % en 2007 et 54 % en 2012), donc stable dans le temps et reproductible alors que la pre´sence du ou des parents aupre`s de l’enfant au moment de l’appel aurait pu avoir limite´ la spontane´ite´ des re´ponses. Chez les jeunes enfants, les deux pratiques les plus alle´gue´es sont le jeu de la tomate et le jeu du foulard [1,2]. Il existe des diffe´rences de pre´valence selon le type de jeu et le sexe. Jusqu’a` pre´sent, une sur-repre´sentation masculine e´tait la re`gle a` l’exception du jeu du foulard pratique´ autant par les deux sexes [9]. Cette influence lie´e au sexe se modifie avec l’aˆge, voire s’inverse
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chez les colle´giens [3,5]. Dans notre e´tude, les garc¸ons se distinguaient aussi par un taux plus e´leve´ de joueurs multijeux. Cette pratique ne re´pond pas aux meˆmes motivations chez les jeunes enfants et les adolescents. Les premiers sont curieux de nouvelles expe´riences a` partager ou de pratique collective « pour jouer comme les autres », ou parce que tout le monde y joue a` l’e´cole [1,2]. Il s’agit d’un phe´nome`ne de groupe, d’inte´gration a` un groupe, sans relation avec un profil psychologique particulier (tout le monde y joue !) a` la diffe´rence de la poursuite de pratiques solitaires ou des pratiques a` l’adolescence. Chez les colle´giens et lyce´ens, les pratiques isole´es, seuls dans leur chambre, sont reconnues pour eˆtre associe´es a` une mortalite´ plus e´leve´e (absence de possibilite´ de secours imme´diat). La moyenne d’aˆge des de´ce`s secondaires est e´gale a` 13 ans mais rapporte´e de`s l’aˆge de 7 ans [12–15]. La pratique isole´e est rare chez les tre`s jeunes enfants qui devraient eˆtre oriente´s vers une consultation pe´dopsychiatrique. Les pratiques adolescentes sont plus en relation avec la recherche de sensations nouvelles, bizarres, d’expe´riences de de´corporation ou de mort imminente, de transgression des interdits, de conduites ordaliques, de plaisir sexuel (paraphilie), sorte de queˆte identitaire. Chez l’adolescent, elles correspondraient a` des profils psychologiques particuliers associe´s a` d’autres conduites a` risque (sexualite´, autres addictions) [10,16–22]. La maturation mentale et une meilleure inte´gration des risques associe´s pourraient expliquer une diminution du pourcentage des joueurs parmi les e´le`ves de CE2 compare´s a` ceux en CE1 (exemple de « Jouer a` s’e´trangler » 20 % versus 36 %, p = 0,0003). La repre´sentation de la mort est acquise progressivement durant l’enfance et pourrait eˆtre encore perc¸ue par les jeunes enfants de CE1 comme un phe´nome`ne re´versible et peu probable a` leurs yeux. Ceci explique sans doute l’absence d’effet dissuasif de la
Jeux d’asphyxie
Tableau I Pre´valence des jeux de non-oxyge´nation (JNO) (%) selon l’aˆge, la classe, la localisation ge´ographique de l’e´cole (rurale ou urbaine) et son caracte`re public ou prive´. Garc¸on/fille
CE1/CE2
Rural/urbain
Public/prive´
Je connais, n (%) J’ai de´ja` joue´, n (%) Oui, on peut en mourir, %
383 (74)/348 (70) 235 (46)/166 (34) 69/60
341 (71)/389 (74) 200 (42)/201 (38) 56/72
62 (79)/668 (72) 38 (50)/363 (39) 64/65
669 (71)/61 (71) 370 (40)/31 (38) 64/69
Pratiquants (n = 401) Fre´quence (%) Parfois (n = 241) Hebdomadaire (n = 87) Journalie`re (n = 29) Pluriquotidienne (n = 22)
52/48 60/40 62/38 91/9
44/56 46/54 79/21 77/23
12/88 5/95 14/86 0/100
92/8 91/9 97/3 91/9
Nombre de JNO pratique´s Au moins 1, % 2 JNO 3 JNO ou plus
30/39 19/19 38/28
32/36 18/20 37/31
32/34 24/19 42/33
33/48 19/23 35/19
Mode de pratique, % Seul(e)
8/5
6/8
5/7
7/6
Lieu de pratique, % E´cole Chambre Ailleurs Caracte`re amusant, % Avise´(e) du risque de mourir, %
48/57 36/33 52/44 54/51 55/37
48/55 41/29 53/44 56/50 42/53
58/51 45/34 42/49 51/53 42/48
52/45 35/29 48/57 52/58 48/45
142 (60)/98 (59) 113 (48)/88 (53) 79 (34)/32 (19) 58 (25)/35 (21) 49 (21)/30 (18) 42 (18)/25 (15) 41 (17)/22 (13) 47 (20)/15 (9)
104 (52)/136 (68) 105 (53)/96 (48) 71 (36)/40 (20) 55 (27)/38 (19) 47 (24)/32 (16) 35 (18)/32 (16) 39 (20)/24 (12) 36 (18)/26 (13)
24 (63)/216 (59) 23 (60)/178 (49) 8 (21)/103 (28) 12 (31)/81 (22) 4 (11)/75 (21) 10 (26)/57 (16) 6 (16)/57 (16) 5 (13)/57 (16)
16 (61)/224 (52) 189 (51)/12 (39) 105 (28)/6 (19) 90 (24)/3 (10) 78 (21)/1 (3) 65 (18)/2 (6) 58 (16)/5 (16) 59 (16)/3 (10)
JNO pratique´s, n (%) Tomate (n = 240) Foulard (n = 201) S’e´trangler (n = 111) Grenouille (n = 93) Poumons (n = 79) Serviette (n = 67) Reˆve bleu (n = 63) Cosmos (n = 62)
perspective de mort associe´e a` ces pratiques parmi les plus jeunes. Expliquer le risque de se´quelles et de handicap par privation d’oxyge`ne au niveau du cerveau aurait un e´cho beaucoup plus repre´sentatif a` leur aˆge. Le lieu privile´gie´ de pratique est l’e´cole, la cour de re´cre´ation en particulier (73 a` 84 % des enfants aˆge´s de 6 a` 11 ans) [1,2]. Selon les e´coles, la pre´valence variait largement (fig. 1). Trois e´coles de l’e´tude (70 e´le`ves interroge´s) qui appartenaient a` un re´seau ECLAIR avaient une pre´valence moyenne plus e´leve´e de pratiquants (56 % vs 39 %, p = 0,004). Nous avons e´tudie´ l’influence du caracte`re prive´ ou public de l’e´tablissement sur la pre´valence de pratique et n’avons pas observe´ de diffe´rence significative. Nous n’avons pas non plus mis en e´vidence de pre´valence plus e´leve´e en milieu rural comme cela avait pu eˆtre e´voque´ dans d’autres e´tudes [5,10]. Soixante-dix-neuf pour cent des re´pondants e´taient au courant du risque de de´ce`s associe´ aux JNO (60 % des lyce´ens dans l’e´tude de MacNab et al. [5]). Ce risque e´tait plus souvent e´voque´ par les non-pratiquants (76 % vs 47 %) et les e´le`ves de CE2 (53 % vs. 43 %). Les enfants indiquant discuter de telles pratiques avec un adulte, le faisaient
pre´fe´rentiellement avec leurs parents (25 a` 60 %) et rarement avec leurs enseignants [1,2,22]. Si les parents sont conscients de la gravite´ de ces pratiques, la majorite´ continue de penser que cela n’arriverait pas a` leur propre enfant : parce qu’il (elle) n’est pas assez mature, parce qu’il (elle) est consciente du danger, parce qu’il (elle) en a compris les risques [1,22]. De nombreux me´decins de famille ou pe´diatres connaissent encore mal ces pratiques [23]. Face a` des symptoˆmes aspe´cifiques de privation d’oxyge`ne (ce´phale´es, malaises ou chutes re´pe´te´s, convulsion, troubles du sommeil, baisse des performances scolaires, changement de comportement [agressivite´ inhabituelle]), tre`s peu sont capables de les relier a` ces pratiques [23–25]. En France, sous la pression des associations de parents d’enfants victimes de JNO, le ministe`re de l’E´ducation nationale avait diligente´ un premier rapport en 2002 (rapport Croissandeau, www. jeuxdangereux.fr/Files/rapport_general_en_jdf_mars_2002. pdf) et publie´ en 2007 un guide d’information a` l’usage du corps enseignant [26]. Le roˆle d’Internet dans l’encouragement, la publicite´ de telles pratiques ayant e´te´ paralle`lement de´nonce´ [27], le gouvernement franc¸ais a le´gife´re´ et puni la publicite´ ou
49
C. Cortey et al.
50 Tableau II Comparaison des connaissances et pratiques selon le sexe, la classe, la localisation ge´ographique de l’e´cole et son caracte`re public ou prive´. Garc¸on/fille 524/499
p
OR [IC95 %]
CE1/CE2 491/532
Pre´valence globale de pratique, n (%) Jeu de la tomate, n Jeu du foulard, n Jouer a` s’e´trangler, n Joueurs re´guliersa (n = 51), n (%) Joueurs multi-jeuxb (n = 136), n (%) Mode de pratique (seul) (n = 29), n (%) Lieu de pratique (e´cole uniquement) (n = 91), n (%) Caracte`re amusant (n = 210), n (%) Parmi les joueurs, pourcentage d’e´le`ves percevant le risque d’en mourir (n = 210) (%)
235 (59)/ 166 (41) 142/98 114/89 79/32
0,0001
1,6 [1,3–2,1]
200 (50)/ 201 (50) 104/136 107/96 71/40
38 (75)/ 13 (25) 90 (38)/ 46 (28) 20 (69)/ 9 (31)
0,01
2,3 [1–4,4]
0,03
1,6 [1,1,2,5]
0,78 0,31 0,002
0,24
OR [IC95 %] 0,26
0,12 0,13 0,0003
2,2 [1,4–3,5]
39 (76)/ 12 (24) 74 (54)/ 62 (46) 13 (45)/ 16 (55)
0,0001
3,8 [1,9–7,5]
0,19 0,57
Rurale /urbaine 78/945
p
38 (9)/ 363 (91) 24/216 23/180 8/103
0,07 0,11 0,20 0,87
4 (8)/ 47 (92) 16 (12)/ 120 (88) 2 (7)/ 27 (93)
0,67 0,26 1
OR [IC95 %]
Public/prive´ 937/86
p
370 (92)/ 31 (8) 222/16 187/11 104/6
0,73
46 (90)/ 5 (10) 130 (96)/ 6 (4) 27 (93)/ 2 (7)
OR [IC95 %]
0,36 0,11 0,29 0,55 0,08 1
47 (52)/ 44 (48)
0,13
40 (44)/ 51 (56)
0,19
11 (12)/ 80 (88)
0,34
80 (88)/ 11 (12)
0,08
127 (60)/ 83 (40) 55/37
0,42
111 (53)/ 99 (47) 43/53
0,21
19 (9)/ 191 (91) 42/48
0,78
192 (91)/ 18 (9) 48/45
0,51
0,0003
OR : Odds ratio ; IC : intervalle de confiance. Pratiquent quotidiennement ou pluriquotidiennement. b Pratiquent trois jeux ou plus a
2,1 [1,3,4]
p
2,1 [1,4–3,2]
0,04
0,7 [0,4–0,9]
0,47
0,77
Archives de Pe´diatrie 2016;23:45-52
Pourcentage en ligne n
Jeux d’asphyxie
la promotion des actes de violence sur tout format ou support notamment vide´o d’une peine de prison jusqu’a` trois ans et une amende de 75 000 euros (Loi n82007-297 du 5 mars 2007 - art. 44, JORF, 7 mars 2007). L’application de ces mesures est tre`s limite´e compte tenu du jeune aˆge des implique´s et d’un contenu vide´o pas ille´gal stricto sensu. Depuis 2008, ce type de contenu peut eˆtre signale´ via une plateforme web gouvernementale (Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements [Pharos]) au meˆme titre que d’autres contenus illicites, violents ou portant atteinte a` la dignite´. Les actions judiciaires restent cependant tre`s rares. Une commission interministe´rielle multidisplinaire a e´te´ re´cemment cre´e´e afin de coordonner diffe´rentes actions et un plan national de pre´vention. La pre´vention est en effet essentielle et doit de´buter toˆt au cours de la scolarite´. « Avoir peur d’inciter de telles pratiques par l’information des enfants autour des risques encourus n’a pas plus de fondement que l’appre´hension qui e´tait celle de de´clencher des suicides lorsque la question de la pre´vention du suicide chez l’adolescent a commence´ a` eˆtre aborde´e ! » (Nicole Catheline, pe´dopsychiatre, Poitiers). Compte tenu du jeune aˆge des re´pondants, nos re´sultats doivent eˆtre interpre´te´s avec beaucoup de prudence. Diffe´rents e´le´ments attestent cependant de la validite´ des re´ponses : une meilleure connaissance lie´e a` l’aˆge des risques associe´s chez les e´le`ves de CE2 (maturation psychologique), certains dessins d’enfants produits en fin de questionnaire tout a` fait explicites (fig. 2 et 3), la persistance d’une pre´valence e´leve´e en ne conside´rant que les jeux sans e´quivoque (ex. « Jouer a` s’e´trangler »). L’e´tude a e´te´ re´alise´e sous la stricte supervision de l’investigateur et d’un enseignant et les enfants e´taient assis se´pare´s les uns des autres afin d’e´viter la tentation de recopier les re´ponses de leurs camarades. Les questions a` choix multiple ont pu conduire a` la multiplication
Figure 3. Dessin illustrant « jouer » a` s’e´trangler.
du cochage pour « faire plaisir » a` l’investigateur (biais de de´sirabilite´ connu dans ce type d’e´tude par questionnaire chez le jeune enfant ou` « cocher beaucoup » est perc¸u par l’enfant comme bien faire). Bien que les questions aient e´te´ lues plusieurs fois aux enfants et explique´es si besoin, un de´faut de compre´hension peut avoir conduit a` des re´ponses invalides ou un cochage au hasard.
5. Conclusion Notre e´tude montre que les pratiques de non-oxyge´nation sont courantes en CE1 et CE2, qu’elles de´butent toˆt de`s l’e´cole maternelle, avec une pre´valence e´leve´e compare´e a` celle connue chez les colle´giens ou les lyce´ens. Les de´terminants de leur poursuite ou non avec l’aˆge sont complexes a` e´tudier, probablement multiples et relevant a` la fois de la maturation psychologique et de certains profils qui commencent a` eˆtre identifie´s chez les plus aˆge´s. Il serait inte´ressant d’analyser le niveau socioe´conomique et socioprofessionnel des parents pour mieux appre´hender les diffe´rences de pre´valence intere´tablissements. Une e´tude similaire de dimension nationale permettrait d’affiner ces re´sultats et de mieux cibler les actions de pre´vention et de reme´diation.
De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts. Remerciements
Figure 2. Dessin illustrant le jeu de la tomate.
Les auteurs remercient vivement Mme Claire Walker pour son aide dans la traduction en langue anglaise du re´sume´ de l’article. Les auteurs remercient e´galement les personnels de l’E´ducation nationale
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C. Cortey et al. ayant facilite´ la re´alisation de l’enqueˆte dans leurs e´coles ainsi que les e´le`ves participants et leurs parents.
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Re´fe´rences [1]
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