Correspondance
Kyste hydatique du pancréas A. Achour, M. Daali Service de Chirurgie Générale, Hôpital Militaire Avicenne – Marrakech (Maroc). e-mail :
[email protected] Correspondance : A. Achour, Service de chirurgie 3, Centre Hospitalier Auxerre, 2 avenue de Verdun, F 89000 Auxerre.
Monsieur le Rédacteur, À la suite d’articles paru dans le Journal sur les différentes formes de kystes hydatiques [1, 2], nous voudrions rapporter une situation plus rare. Elle se distingue des kystes hydatiques hépatiques : 1) par une plus grande difficulté diagnostique pré-opératoire en raison de sa rareté (le diagnostic peut ne pas être fait avant la chirurgie) et ; 2) par un traitement qui est plus une résection du dôme saillant qu’une kystectomie totale. Une femme, âgée de 54 ans, hypertendue et insuffisante rénale au stade d’hémodialyse depuis 14 ans, a été admise aux urgences pour douleurs épigastriques aiguës associées à des vomissements et une fébricule. L’interrogatoire fait état d’un épisode semblable 4 semaines auparavant qui s’est résolu sous traitement symptomatique. À l’examen clinique la patiente était en bon état général, avait une tension artérielle à 14/8 et une température à 38,2 °C. L’abdomen était souple avec une nette sensibilité de l’épigastre et de l’hypocondre droit. L’échographie montrait une vésicule biliaire lithiasique à paroi fine, une voie biliaire principale de calibre normal et une image kystique du corps du pancréas mesurant environ 7 cm de diamètre. Le scanner confirmait la présence de la lésion. Son contenu était hypodense et liquidien (figure 1). Sur d’autres coupes (figure 2), on a suspecté la présence de bulles d’air et l’on a constaté une dilatation du canal de Wirsung en amont de la masse (figure 3). Le reste du pancréas était normal
Figure 1 : Tomodensitométrie abdominale : masse kystique rétro-gastrique. J Chir 2005,142, N°5 • © Masson, Paris, 2005
et l’arrière cavité des épiploons semblait libre. Il n’y avait pas de signe inflammatoire en regard de la face postérieure de l’estomac. Biologiquement, on constatait une hyperleucocytose à 12 500/ml, un taux d’hémoglobine à 11,2 g/dl et des dosages hépatiques sans anomalie. Les diagnostics évoqués ont été un faux kyste du pancréas, en raison de la symptomatologie évocatrice et la lithiase biliaire, et une tumeur kystique du pancréas. Nous n’avons pas rattaché l’image à un kyste hydatique du pancréas pour plusieurs raisons, notamment le caractère exceptionnel de la localisation pancréatique isolée, l’absence de signes plus évocateurs de l’hydatidose (décollement de membrane, vésicules, calcifications). Nous n’avons donc pas pensé à faire une sérologie dans ce sens. L’indication chirurgicale a été posée avec deux intentions : réaliser une cholécystectomie et une cholangiographie per opératoire d’une part et faire une exploration pancréatique. La voie d’abord a été une laparotomie médiane sus-ombilicale. Il n’y avait pas de réaction inflammatoire, habituellement trouvées au pourtour des faux kystes du pancréas. L’arrière cavité des épiploons était libre. Après ouverture de l’épiploon gastro-colique, on a découvert un kyste hydatique dont le dôme était blanchâtre. Après protection du champs opératoire à l’aide de mèches imbibées d’eau oxygénée le kyste, dont le contenu était clair, « eau de roche », a été ponctionné. Une résection du dôme saillant a ensuite été faite, permettant l’extraction de la membrane proligère. Le fond de la cavité ne
Figure 2 : Tomodensitométrie abdominale : présence de bulles d’air dans la collection, signant une infection très probable.
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Kyste hydatique du pancréas
Figure 3 : Tomodensitométrie abdominale : dilatation visible du canal de Wirsung en amont de la masse.
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semblait pas communiquer avec les canaux excréteurs du pancréas. Une cholécystectomie a été réalisée et un drainage de la cavité résiduelle a été laissé en place. La patiente a quitté l’hôpital à J5 après des suites simples. Sur 407 kystes hydatiques, toutes localisations confondues, recensés entre 1993 et 2003 dans le service de chirurgie générale de l’Hôpital Militaire Avicenne de Marrakech, nous avons eu un seul cas de kyste hydatique isolé du pancréas, soit 0,24 %. cette valeur est proche des 0,14 à 0,2 % rapportées dans la littérature [3-5]. Le kyste hydatique du pancréas n’a pas de symptomatologie propre. Il peut, en effet, être révélé par une douleur épigastrique chronique, un ictère rétentionnel (localisation céphalique) ou une masse épigastrique [6, 7]. Des complications peuvent être révélatrices et les plus souvent retrouvées sont : suppuration du kyste [8, 9], rupture intrapéritonéale ou rétro-péritonéale, avec comme conséquence une hémorragie ou une réaction péritonéale [8, 10], une fistulisation du kyste dans la voie biliaire principale [6, 11], une ouverture du kyste dans le duodénum [6, 9, 12], une hypertension portale par compression de la veine splénique [13], une pancréatite chronique obstructive [14, 15], une pancréatite aiguë ou une wirsungorragie [14]. Comme c’est le cas pour notre patient, l’imagerie fait le diagnostic du kyste mais il est difficile de rattacher la lésion à la maladie hydatique. Certains signes peuvent cependant, aider à évoquer le diagnostic notamment des calcifications péri kystiques, la présence de vésicules intra-kystiques, un décollement de la membrane hydatique ou l’association d’autres localisations plus évidentes de kyste hydatique [5, 11]. La sérologie hydatique positive trouve là tout son intérêt. Le traitement est chirurgical. L’attitude est différente selon qu’il existe ou non une fistule kysto-canalaire. La résection du dôme saillant est le traitement le plus simple et souhaitable tant que faire se peut. Elle est réalisée en cas d’absence de fistule canalaire attestée par cholangiographie ou wirsungographie. Un drainage externe est ensuite mis en place.
A. Achour, M. Daali
La kystectomie à kyste fermée peut entraîner une fistule pancréatique et ne doit pas être, à notre avis, faite pour un kyste hydatique du pancréas. En cas de fistule canalaire, la résection seule ne peut suffire et la fistule pancréatique postopératoire est inéluctable. Dans ce cas, il faut réaliser : une pancréatectomie gauche si le kyste est corporéo-caudal [5, 16] ; une anastomose entre la cavité résiduelle et le jéjunum peut être indiquée, si le kyste est céphalique [5, 13]. Cette intervention n’est pas sans risque postopératoire de lâchage. Une suture canalaire sur drain tuteur trans duodénal et trans papillaire est une autre alternative. Affection d’une grande rareté, le kyste hydatique du pancréas est de diagnostic difficile si on n’y pense pas en pré-opératoire. Des données épidémiologiques, cliniques, biologiques et radiologiques doivent être prises en considération. Les diagnostics différentiels sont en effet disparates et le traitement est bien sûr très différent selon l’étiologie de l’image kystique pancréatique.
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