JCC Open (2013) 1, 17—19
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CAS CLINIQUE
Kyste hydatique du sein de découverte fortuite Fortuitous discovery of breast hydatid cysts K. Chaabane a,∗, K. Sahbi a, M. Raoudha a, D. Louati a, A. Khabir b, M. Guermazi a, T. Boudawara a a
Service de gynécologie obstétrique, EPS Hédi-Chaker, 3029 Sfax, Tunisie Laboratoire de cytologie et d’anatomopathologie, l’EPS Habib-Bourguiba, faculté de médecine de Sfax, Sfax, Tunisie
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Rec ¸u le 30 avril 2012 ; accepté le 30 mai 2012
L’hydatidose mammaire est très rare, même dans les pays endémiques. Elle pose essentiellement un problème de diagnostic. La notion de séjour en zone d’endémie, les données de la clinique et la mammographie permettent parfois de suspecter la nature hydatique de la lésion. Le diagnostic de certitude reste histologique et le traitement est toujours chirurgical. Nous rapportons une observation d’hydatidose mammaire de découverte fortuite.
Observation Une femme âgée de 46 ans, originaire d’une zone rurale, ayant comme antécédent personnel une hypothyroïdie traitée par lévothyroxine depuis deux ans et ayant des antécédents familiaux de cancer du sein, consultait pour nodule du sein gauche découvert fortuitement à l’autopalpation. Ce nodule évoluait depuis deux ans augmentant progressivement de taille. À l’examen clinique, le nodule était dur, siégeant à la jonction des quadrants inférieurs du sein gauche, mobile et non adhérent au plan profond. Il mesurait 4 cm de diamètre et était indolore à la mobilisation. Il n’existait pas de signes inflammatoires locaux ni d’adénopathies locorégionales. Le sein controlatéral était sans anomalies et le reste de l’examen clinique était sans particularités.
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (K. Chaabane).
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18 L’échographie mammaire avait mis en évidence, à l’union des quadrants inférieurs du sein gauche, une lésion hypoéchogène hétérogène de contours lobulés mesurant 35 × 31 mm contenant des calcifications. La mammographie trouve un nodule bien limité, calcifié de 3 cm de diamètre entouré de multiples calcifications. L’examen a été classé ACR4 (Fig. 1) La tumeur était classé T2N0 Mx. La décision était de réaliser une tumorectomie associée à un examen extemporané. À l’étude macroscopique, la pièce opératoire mesurait 5 × 5 × 4 cm avec siège d’une cavité kystique de 3 cm de grand diamètre à la coupe. Cette cavité kystique était bordée par des foyers jaunâtres indurés sans lésion tumorale. À l’étude histologique, la cavité kystique était tapissée de matériel nécrotique et fibrinoleucocytaire mêlée à des débris de membranes, lamellaire, anhiste faiblement éosinophile et PAS positive (Fig. 2). Elle était bordée par un tissu de granulation abondant et polymorphe avec de nombreuses cellules spumeuses et cellules géantes à corps étranger sur cristaux de cholestérol et sur fragment de cuticule hydatique. Le tissu mammaire présentait, par ailleurs, une inflammation granulomateuse avec des canaux parfois dilatés tapissés d’un épithélium cubique bi-stratifié régulier sans signes de malignité. Le diagnostic final retenu était celui de kyste hydatique associé à une importante réaction inflammatoire granulomateuse du sein gauche. L’évolution en postopératoire était bonne. L’examen clinique était sans particularités deux ans plus tard.
Discussion L’hydatidose est une affection parasitaire due au développement de la forme larvaire du taenia E. granulosus. C’est
Figure 1. Opacité bien limitée de 3 cm de diamètre entourée de multiples calcifications. Opacity well circumscribed, 3 cm in diameter surrounded by multiple calcifications.
K. Chaabane et al.
Figure 2. Périkyste inflammatoire. En cartouche, cuticule anhiste lamellaire (HE × 200). Inflammatory perikyst. Inset, structureless lamella cuticle (HE × 200).
une parasitose cosmopolite qui sévit de fac ¸on endémique dans certains pays du bassin méditerranéen dont la Tunisie. Le cycle parasitaire se déroule en deux phases successives : le stade adulte survient chez l’hôte définitif qui est souvent le chien mais aussi le renard ou le loup et le stade larvaire chez l’hôte intermédiaire qui est souvent le mouton. L’homme intervient comme un hôte intermédiaire accidentel en impasse parasitaire. Le parasite s’engage ainsi dans la circulation veineuse mésentérique puis portale pour gagner le foie et moins fréquemment le poumon ou la grande circulation où il peut se fixer en n’importe quel point de l’organisme [1]. Les localisations extrahépatiques et extrapulmonaires les plus fréquentes sont : le cerveau, le rein, l’os et les tissus mous [2]. La recherche d’autres localisations, notamment hépatique et pulmonaire, par une radiographie du thorax et une échographie abdominale, s’impose. La localisation hydatique mammaire représente 0,27 % de l’ensemble des kystes hydatiques, 2,5 % des localisations inhabituelles [3] et 0,3 % des tumeurs mammaires [4]. L’hydatidose mammaire touche essentiellement la femme entre 30 et 50 ans. Elle se caractérise par sa longue période de latence clinique. Ainsi, le diagnostic est souvent tardif et la découverte peut être fortuite [3,8]. Typiquement, le kyste hydatique mammaire est souvent de découverte fortuite [5,6], se présente comme un nodule de consistance rénitente ou ferme, de taille variable, à contours nets, mobile et souvent indolore. Il est parfois calcifié et sans phénomène inflammatoire ni adénopathie. Le kyste est infecté mal limité et pseudotumoral dans 5 % des cas simulant ainsi un abcès ou éventuellement une tumeur maligne [4,7]. La mammographie peut mettre en évidence un aspect hautement évocateur : opacité dense homogène bien circonscrite par un liseré de calcifications ou calcifiée dans
Kyste hydatique du sein de découverte fortuite sa quasi-totalité [3]. L’échographie permet de visualiser le kyste et d’en définir cinq types selon la classification de Gharbi [9]. Toutefois, des aspects moins caractéristiques peuvent être observés, faisant suspecter d’autres affections, en particulier tumorales. Dans ces cas, l’imagerie par résonance magnétique trouve son intérêt en montrant un aspect de lésion kystique bien circonscrite associée à un rehaussement capsulaire évocateur de kyste hydatique [10]. Ainsi, le diagnostic de kyste hydatique du sein n’est retenu en préopératoire que dans 25 % des cas. La confirmation se fonde alors sur les données histologiques, à savoir une paroi composée de deux membranes propres : cuticule et membrane germinative. La cytoponction du kyste a été réalisée par certains auteurs ; toutefois, le risque de dissémination constitue une limite à ce geste. Le traitement de l’hydatidose mammaire reste chirurgical. Il consiste en une exérèse du kyste avec périkystectomie qui protégerait contre son effraction, source potentielle de réinfestation. Seule une prophylaxie efficace dans le but de rompre le cycle de l’E. granulosus permettra de voir régresser cette pathologie Aucune chirurgie reconstructrice n’est proposée même dans les cas de kystes géants du sein. La cytoponction du kyste n’a aucune place dans le traitement [10]. Le pronostic est bon et la récidive est exceptionnelle [10].
Déclaration d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.
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