J. Le Sein, 2004, t. 14, n° 3, pp. 243-246 © Masson, Paris, 2004
CAS CLINIQUE
LE KYSTE HYDATIQUE DU SEIN. À PROPOS DE DEUX CAS Hydatid cyst of the breast: two cases
H. RAJHI, R. MAHJOUB, A. SALEM, H. BOUCHOUCHA, N. MNIF, L. KRIBI, R. HAMZA Service d’Imagerie Médicale, EPS Charles Nicolle, Tunis, Tunisie.
RÉSUMÉ
SUMMARY
Le kyste hydatique du sein est une affection bénigne provoquée par l’echinococcus granulosus. L’hydatidose mammaire est rare même en pays d’endémie. Elle peut être isolée ou associée à d’autres localisations. Les auteurs rapportent deux cas de kyste hydatique du sein chez deux femmes dont l’une a comme antécédent un kyste hydatique du foie opéré. L’échinococcose mammaire est d’évolution lente et de bon pronostic. Elle se présente sous la forme d’une tuméfaction isolée du sein et c’est le couple écho-mammographie qui permet l’approche diagnostique. La recherche d’autres localisations en particulier hépatique et pulmonaire doit être systématique. Le traitement est chirurgical. L’évolution est en général favorable.
Hydatid cyst is a benign lesion due to infestation by echinococcus granulosus. Even in endemic areas the breast location is uncommon. Cysts in other organs may be present. We report two cases of hydatid cyst of the breast, one of our patients had a history of liver hydatid cyst. Breast hydatidosis often grows slowly with a favorable prognosis. Mammographic and ultrasound patterns of breast hydatid cyst are frequently suggestive. Cysts should be looked for in other organs, particularly in the lungs and liver. Surgical removal of the mammary cyst, the only treatment, ensures recovery.
Mots-clés : kyste hydatique, sein, mammographie, échographie.
Key words: hydatid cyst, breast, mammography, ultrasonography.
INTRODUCTION L’hydatidose ou maladie hydatique est une parasitose due à la présence et au développement dans l’organisme de la forme larvaire d’un taenia du chien : echinococcus granulosus. Elle sévit de façon endémique dans certains pays du bassin méditerranéen dont la Tunisie. La localisation mammaire du kyste hydatique est rare, caractérisée par son évolution lente et par l’efficacité du traitement chirurgical. Le diagnostic de cette affection est habituellement aisé grâce au couple mammographie-échographie. À travers deux cas d’hydatidose mammaire, nous rappelons les aspects épidémiologiques, cliniques et radiologiques de cette affection.
de kyste hydatique du foie opéré. Dans les deux cas, la masse était de découverte fortuite lors d’un examen clinique systématique. Chez les deux patientes, il s’agissait d’une masse bien limitée du quadrant inféro-interne du sein droit. Cette masse était mobile par rapport aux plans cutané et profond, sans adénopathies axillaires. Chez les deux patientes, la mammographie a mis en évidence une opacité dense, bien limitée (figures 1a et 2a). Dans le premier cas, l’échographie a montré une lésion kystique avec décollement de membrane hydatique (figure 1b). Dans la seconde observation, la présence de vésicules hydatiques à l’échographie a permis de poser le diagnostic (figure 2b). Les deux patientes ont été opérées et le diagnostic de kyste hydatique a été vérifié.
OBSERVATIONS Il s’agit de deux patientes âgées respectivement de 25 et 48 ans. La première avait des antécédents Tirés à part : H. RAJHI, Service d’Imagerie Médicale, EPS Charles Nicolle, boulevard 9 Avril 1934, 1006 Tunis, Tunisie. E-mail :
[email protected]
DISCUSSION L’hydatidose ou maladie hydatique est une parasitose cosmopolite commune à l’homme et à de nombreux mammifères. Elle sévit de façon endémique dans certains pays du bassin méditerranéen
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FIG. 1. — a) Mammographie. Opacité interne arrondie, homogène, bien limitée du sein droit ; b) échographie. Formation liquidienne, ovalaire à contours nets avec décollement de membrane. FIG. 1. — a) Mammography. Well-delineated and homogeneous mass of the inner quadrant of the right breast; b) ultrasonography. Fluid mass with well-defined contours containing a floating membrane.
dont la Tunisie, en Océanie et en Amérique du Sud [1]. L’infestation humaine est accidentelle. Elle se fait uniquement par voie digestive par ingestion d’œufs de tænia échinocoque ; ceux-ci libèrent dans l’estomac l’embryon hexacanthe qui franchit la barrière intestinale et emprunte le système porte. Le courant portal emporte cet embryon vers le premier barrage qui est le foie où il s’arrête 6 fois sur 10. Sinon, le parasite gagne le système cave, le cœur droit et le poumon : second barrage qui le retient 3 fois sur 10. Quand ces deux filtres sont dépassés, les parasites gagnent la circulation systémique et peuvent se greffer dans les différents territoires de l’organisme. Une fois fixé, le parasite peut être détruit par une réaction de l’hôte ou continuer son développement en subissant une transformation kystique pour donner le kyste hydatique [5]. L’hydatidose mammaire est exceptionnelle et représente moins de 0,27 % de l’ensemble des localisations hydatiques [1, 5, 6, 8, 9, 11, 14]. À l’institut Salah Azaiez de Tunis, où l’on traite la majorité des tumeurs mammaires de la Tunisie, le kyste hydatique n’a été retrouvé que chez 20 femmes en 13 ans [9]. Quant au mode de contamination, si la voie hématogène est admise par tous, certains auteurs ont rapporté des cas de contage par voie galactophorique (morsure de chien, succion du mamelon) [6]. Comme pour nos deux patientes, le diagnostic d’hydatidose mammaire est souvent fortuit lors d’un examen systématique, ceci est lié à l’évolution lente et souvent latente de la maladie. Le kyste hydatique est classiquement indolore, sauf dans les circonstances rares d’une tumeur volumineuse ou surinfectée [9, 11, 14]. Sa consistance
est habituellement ferme ou rénitente faisant évoquer surtout une pathologie bénigne (adénofibrome ou kyste). Il s’agit en général d’une tumeur unifocale, rarement multifocale sans prédilection pour un sein. Le diagnostic de kyste hydatique du sein se fait sur la symptomatologie clinique et le contexte épidémiologique (notion de contact avec les chiens ou antécédents d’échinococcose) aidés par la mammographie et l’échographie [2, 3, 10]. La mammographie permet de déterminer le caractère bénin de la masse. Elle montre une opacité arrondie, régulière, aux contours nets, présentant souvent des calcifications. Ouedraogo [6] propose une classification en quatre types : — Type I : opacité dense, arrondie, bien limitée ou non ne comportant pas de calcification ; — Type II : opacité dense, arrondie, circonscrite par une fine ligne calcifiée ; — Type III : opacité dense, arrondie, calcifiée dans sa quasi-totalité ; — Type IV : opacité dense, arrondie, à contours nets, comportant des microcalcifications éparses et atypiques. L’image radiologique la plus typique est celle des types II et III. L’échographie a complètement bouleversé la démarche diagnostique du kyste hydatique. Gharbi et al. distinguent quelle que soit la localisation, 5 stades échographiques [1, 3, 6-8] : — Type I : formation liquidienne pure ; — Type II : formation liquidienne avec décollement de membrane ; — Type III : kyste multivésiculaire ; — Type IV : kyste d’échostructure hétérogène ;
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FIG. 2. — a) Mammographie. Opacité de tonalité hydrique, de contours nets du quadrant interne du sein droit ; b) échographie. Masse arrondie, bien limitée, hypoéchogène, hétérogène, avec renforcement postérieur contenant des vésicules filles. FIG. 2. — a) Mammography. Well-circumscribed fluid lesion of the inner right breast quadrant; b) ultrasonography. Well defined hypoechoic mass with marked enhancement of back wall echos. This heterogeneous mass contains multiple secondary vesicles.
— Type V : formation à paroi hyperéchogène avec cône d’ombre acoustique correspondant à un kyste hydatique calcifié. Les types II, III et V sont caractéristiques du kyste hydatique. La fiabilité de cet examen varie selon les auteurs de 90 à 100 % [1]. Nos patientes ont été classées respectivement types III et IV. L’aspect du kyste hydatique en IRM a été rapporté [13]. L’échinococcose mammaire réalise une formation en hyposignal T1, hypersignal T2 qui se rehausse de façon annulaire après injection de produit de contraste. La cytoponction à l’aiguille fine est permise par certains auteurs lorsque la nature kystique d’une tuméfaction mammaire est probable [4, 8]. Si elle est réalisée, elle ramène un liquide « eau de roche » dont l’analyse cytologique permet d’identifier les scolex [12]. Elle est complétée dans tous les cas par une exérèse chirurgicale emportant le trajet de la ponction [8]. Parfois, comme dans nos deux observations, l’aspect écho-mammographique et le contexte d’endémie suffisent à évoquer le diagnostic évitant ainsi les risques liés à la ponction du kyste hydatique. Les examens biologiques ont peu de place dans le diagnostic positif [11]. Le bilan d’extension consiste à rechercher d’autres localisations notamment hépatique et pulmonaire par une radiographie du thorax et une échographie abdominale. Au vu des caractères spécifiques que peut revêtir le kyste hydatique du sein, on peut être porté à croire que le diagnostic ne pose pas de
problème. D’ailleurs, pour nos deux patientes vivant en pays d’endémie le diagnostic a été porté sur les données de la mammographie et de l’échographie. Toutefois, du fait de son caractère exceptionnel, le kyste hydatique pose un véritable problème diagnostique. En effet, il existe peu de cas de diagnostic pré-opératoire. Sur les 20 cas rapportés par Ouedraogo [11], le diagnostic a été porté 12 fois avant l’intervention et sur une série argentine de 25 cas rapportée par Delleur [6], le diagnostic a été porté 5 fois en préopératoire. Dans les autres cas sporadiques rapportés, le diagnostic n’a presque jamais été posé en pré-opératoire. La thérapeutique de l’hydatidose mammaire est chirurgicale et consiste en une kystectomie. Le type d’incision est fonction du siège de la lésion. On réalise une exérèse en prenant soin de ne pas rompre le kyste. En cas d’effraction, il faut imbiber le champs opératoire par du sérum hypertonique [7, 11]. L’évolution post-opératoire est en général favorable.
CONCLUSION En pays d’endémie hydatique, l’échinococcose mammaire, même si exceptionnelle, doit être évoquée devant toute masse kystique du sein d’évolution lente. Le couple mammo-échographie est d’un grand apport dans le diagnostic positif. Le traitement reste chirurgical.
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