FLAS H-I N FO RMATI O NS la c o q u e l u c h e
en France
:
n e c e s s i t e d e m i s e en p l a c e d ' u n e surveillance P. B I = G U I ~ * , E. G R I M P E L * / * * ,
introduction
L
A coqueluche atteint encore,
selon I'OMS, pros de 60 millions de sujets par an avec une mortalit6 estim6e ~ 600 000 d~c~s par an, p r i n c i p a l e m e n t parmi les petits nourrissons (flg6s de moins d' 1 an) et dans les pays ~i bas d6veloppement socio-dconomique off la vaccination est insuffisante ou absente. Le premier vaccin coquelucheux (de type cellulaire) a dt6 introduit aux Etats-Unis dans les ann~es 40 et sa g ~ n & a l i s a t i o n en 1951 a entrain6 un effondrement rapide de la morbidit6 et de la mortalitC 20 ans plus tard, l'6pid6miologie de la maladie s'est progressivement transform& dans ce pays au profit d'infections survenant chez le petit nourrisson, contamin6 le plus s o u v e n t par l ' u n de ses parents anciennement vaccin~ (8, 9). On note en plus, depuis 1976, une rdsurgence de la maladie malgr6 le maintien d'une bonne couverture vaccinale. L'explication de
C. R O U R E * * * ,
N. G U I S O * *
ce ph6nom~ne paradoxal fait intervenir un affaiblissement progressif de l'immunit6 protectrice vaccinale chez les adultes du fait de l'absence de rappel vaccinal tardif (apr~s 6 ans) et de la diminution de l'effet-rappel naturel (diminution de la morbidit6). situation en France
type de vaccin (2). Les situations ~ p i d ~ m i o l o g i q u e s frangaise et am&icaine sont donc tr~s comparable ~ 15 ans dqntervalle et l'on pourrait donc redouter en France, avec ce m~me d~lai de 25 ans apr~s la g~n&alisation de la vaccination coquelucheuse, c'est-~-dire partir de 1990, une r&urgence similaire de la maladie.
La vaccination a n t i - c o q u e l u cheuse a 6t~ i n t r o d u i t e pour la premiere fois en France en 1959 (Vaxicoq| ; cependant, la couverture vaccinale coquelucheuse frangaise n'est bonne que depuis 1966 grace au vaccin combin~ cellulaire (T&racoq| et DTCP), soit 15 ans apr~s les Etats-Unis. Depuis 1966, une spectaculaire r~gression de la m o r b i d i t ~ et de la m o r t a l i t 6 coquelucheuse a pu &re observ& (Fig. 1 et 2), t6moignant ainsi de la remarquable efficacit~ de ce
I1 n'existe actuellement malheureusement aucune surveillance 6pid~miologique de la coqueluche en France depuis 1986, date laquelle la d&laration de la maladie n'a plus ~t~ obligatoire. De plus, le diagnostic de la maladie est devenu plus difficile que par le pass6 : les quintes observ6es chez Padulte et les jeunes nourrissons sont souvent atypiques (le classique chant du coq est g~n6ralement absent) et la confirmation en laboratoire est rarement obtenue. En effet, la culture bact~rienne sur
cas/d~c&s
Nombre
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* Consultation de p~diatrie, urgences p~diatriques, pathologie infectieuse et tropicale, H6pital d'enfants ArmandTrousseau, 26, avenue du Dr-ArnoldNetter, 75571 Paris cedex 12. ** Unit6 de bact~riologie mol6culaire et m~dicale, Institut Pasteur, 28, rue du Dr-Roux, 75724 Paris cedex 15. *** Bureau des maladies transmissibles. Direction g6n~rale de la Sante. 360
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Ann6es
FIG. 1. - Nornbre de cas et de deces par coqueluche declares en France. Journal
de
PE~DIATRIE et de PUt~RICULTURE n ~ 6-1993
FLASH-INFORMATIONS milieu frais et enrichi de BordetG e n g o u ?l p a r t i r de sdcr~tions naso-pharyng&s est difficile ~t r~aliser en routine et, sauf exceptions, la plupart des laboratoires frangais, par manque d'habitude, n'isolent qu'exceptionnellement Ia bact6rie. De plus, la s~rologie coqueluche g~n6ratement pratiqu6e dans les laboratoires frangais manque totalement de sensibilit6, qu'il s'agisse de l'agglutination, de l'immunofluorescence ou de la fixation du compl~ment. C'est pour cela qu'?i la demande de la D i r e c t i o n g6n~rale de la Sant~, un travail collaboratif de r e c h e r c h e sur la c o q u e l u c h e a d6butd en 1991, associant pour la pattie clinique et ~pid6miologique l ' ~ q u i p e d u Pr P i e r r e Bdgu~ (consultation et urgences p6diat r i q u e s de l ' h 6 p i t a l A r m a n d Trousseau, Paris) et pour les diag n o s t i c s b a c t ~ r i o l o g i q u e et 's&ologique celle de Mme Nicole G u i s o (unit6 de b a c t ~ r i o l o g i e mol6culaire et m~dicale, Institut Pasteur, Paris). Dans ce cadre, une surveillance de la coqueluche a ~t6 d6but~e depuis 1991 ?i la consultation et aux urgences p~diatriques de l'h6pital Armand-Trousseau. bilan prelirninaire apr&s 14 mois
Techniques Les malades ont tous 6t6 s~lectionnds sur la base des critbres cliniques et biologiques proposes par Olin en 1991 (4) et retenus depuis par I'OMS : toux p a r o x y s t i q u e (quinteuse) 6voluant depuis plus de 21 jours avec confirmation par identification bact6riologique par c u l t u r e et/ou d 6 t e c t i o n sdrologique d'anticorps sp~cifiques de Bordetella pertussis : anticorps antitoxine pertussique (PTX) et/ou antih~magglutinine filamenteuse (FHA). La confirmation bact&iologique et s~rologique a 6t6 effectu~e dans le laboratoire des bordetelles de l'Institut Pasteur de Paris. La cul-
ture bact6rienne est pratiqu~e sur milieu frais (pr6par~ le jour m~me) de Bordet-Gengou apr~s un enrichissement pr6alable sur milieu liquide de Stainer. La sensibilit6 obtenue selon cette m6thode est voisine de 85 % chez l'enfant. La technique s6rologique utilis6e est le Western blot, elle a 6t6 mise au point ~t l'Institut Pasteur (Nicole Guiso) et elle recherche les a n t i c o r p s s p 6 c i f i q u e s dirig6s contre 4 antigbnes de virulence de Bordetella pertussis : PTX, FHA, adenylate-cyclase-h6molysine (AC-Hly) et pertactin (69 kDa). Sa s e n s i b i l i t 6 est e x c e l l e n t e , notamment chez l'enfant et elle est depuis 1 an appliqu6e en routine par le laboratoire de biologie m6dicale sp6cialis6e (CBMS) de l'Institut Pasteur de Paris. Rdsultats Sur la p&iode de 14 mois (juin 91-aofit 92) g l'h6pital d'enfants Armand-Trousseau, 72 cas p6diatriques de coqueluche ont dt~ suspect6s devant l'existence d'une toux paroxystique 6voluant depuis plus de 7 jours. Prbs de la moiti6 de ces cas ( 3 0 / 7 2 ) n'a p u ~tre interpr&6e du fair d'un manque de donn6es : culture non faite, un seul s6rum pr61evd trop pr&ocement ou bien trop tardivement chez des sujets vaccin6s et absence d'enqu~te familiale. Parmi les 42 enfants restants, 29 (69 %) se sont r6vdl6s &re d'authentiques infections ~ Bordetella pertussis grRce ?i l'identification bact&ienne et/ou l'analyse s&ologique. Les 13 cas restants correspondaient soit ~t une infection ?i Bordetella parapertussis
(2 cas), soit ?i une absence d'infection par une bordetelle (11 cas). En outre, 20 cas suppldmentaires (adultes) de coqueluche ont 8t6 diagnostiqu~s au sein de la famille de ces enfants parmi les parents et grands-parents.
Diagnostic bactgriologique La culture sur milieu enrichi de Bordet-Gengou a 8t8 positive chez 12 nourrissons sur 21 enfants pr& levSs (Tabl. I). Les 9 c u l t u r e s nSgatives ont dt~ prSlev~es tardivement au cours de la maladie. U n e c u t t u r e p o s i t i v e n'a ~t8 retrouv~e que dans 3 cas sur 8 chez les adultes, mais ces pr618vements ont tous 6t~ 8galement pratiquds tardivement, soit plus d'un mois aprbs le d6but de la toux ; or, la sensibilit~ de la c u l t u r e est maximale en phase catarrhale de la maladie et se ndgative rapidement d~s la phase des quintes, ce d'autant que le sujet a une immunit6 r~siduelle (apr~s maladie dans l'enfance ou aprbs vaccination).
Diagnostic sgrologique La recherche d'anticorps agglutinants ( A G G ) par la m & h o d e classique d'agglutination n'a 6t~ positive chez aucun des 29 enfants pr~lev~s, c o n f i r m a n t ainsi le m a n q u e de sensibilit8 de cette m&hode ?i cet ~ge. En outre, l'agglutination n'a ~t~ positive que chez 10 adultes sur 20. Par contre, dans t o u s les cas, e n f a n t s et parents confondus (49 sur 49), le diagnostic a pu &re confirm~ par la recherche en Western blot d'anticorps a n t i - P T X , a n t i - F H A et anti-AC-Hly (Tab/. I).
Tableau I. - Resultats comparatifs obtenus selon la methode diagnostique employee. N 29 enfants. 20 adultes Total 49 .............
Journal de pF:DIATRIE et de PUI~RtCULTURE n ~ 6-1993
Culture
Agglutination
Westernblot
12/21 (57%) 3/8 (37 %)
0/29 (0 ~ 10/20 (50 ~
29/29 (100 %) 20/20 (~0O ~
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10/49 (20 %)
(lOO ~
49/49 361
FLAS H-I N FORMATIONS s&ologiquement reconnus comme 6tant un contaminateur potentiel pour l'enfant. Parmi ces 23 contaminateurs, 8 avaient 4t~ vaccin& dans l'enfance contre la coqueluche : 3 injections : 2 cas, 4 injections : 3 cas et 5 injections: 3 cas. En outre, 3 des 15 contaminateurs non vaccin& (2 m~res et 1 p~re) avaient eu la coqueluche dans l'enfance. Au total, 49 cas de coqueluche (29 enfants et 20 parents) ont 6t~ diagnostiqu& au cours des 14 premiers mois de surveillance. Ces chiffres repr6sentent une augmentation franche du nombre de cas de coqueluche diagnostiqu6s dans notre h6pital. En effet, habituellem e n t , s e u l e m e n t 4 ~ 5 cas de coqueluche sont enregistr6s par an l'h6pital Armand-Trousseau.
I n t e r p r & a t i o n des rdsuhats Parmi les 29 cas confirm~s de c o q u e l u c h e , on r e t r o u v a i t 23 petits nourrissons (79 %) Rg6s de moins de 1 an (Fig. 2). 11 d'entre eux avaient moins de 2 mois et n'auraient pu &re protdgds par la vaccination selon le calendrier de v a c c i n a t i o n a c t u e l l e m e n t en v i g u e u r (3 injections ~ 1 mois d'intervalle ~ 2, 3 et 4 mois). Les 12 a u t r e s a u r a i e n t dfi ~tre au moins partiellement vaccin& ; or, 3 seulement avaient regu au prdalable une seule injection de T~tracoq| les autres n'&ant pas vaccin&. Les 6 enfants restants (Fig. 2) ~taient ~gds de plus de 2 ans et 4 d'entre eux (Rg~s respectivement de 8, 14 et 15 ans) avaient ~t6 correctement vaccin6s dans leur premitre enfance (4 ou 5 injections).
Dans la majorit~ des cas (23 sur 29), il s'agissait d'une infection survenant chez un petit nourrisson de moins de 1 an, non vaccin~ ou mal vaccin~ contre la coqueluche et dont la contamination par l'un des parents ( p r i n c i p a l e m e n t la m}re) a pu &re &ablie. Pr}s de la m o i t i ~ de ces c o n t a m i n a t e u r s identifi6s (11 sur 20) n'&ait donc pas protegee ~ l'Rge adulte contre une infection par Bordetdla pertussis et ce, malgr6 une vaccination ou une maladie dans leur enfance.
L'identification du cas primaire (contaminateur) a pu ~tre r6trospectivement suspect~e dans 23 cas parmi les membres de la famille (3 enfants et 20 aduhes ont ainsi ~t~ identifies), par l ' i n t e r r o g a t o i r e (toux paroxystique ayant prdc~d~ le d~but des sympt6mes de l'enfant) et/ou grRce ~ l'enqu&e s&ologique (presence d'un taux 61ev~ d'anticorps anti-PTX ou s&oconversion en PTX). I1 s'agissait principalement de la m~re (17 cas), accessoirement de la grand-m~re (1 cas), du p~re (2 cas) ou d'une soeur (3 cas, comptabilis& avec les enfants). Dans 2 f a m i l i e s , 2 parents (1 p~re et 1 m~re et 1 m~re et 1 grand-m}re) ont pu ~tre Nombre de
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conclusions
Ces r~sultats, bien que limit& un seul h6pital pddiatrique, sug-
cas
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l m o i s 2mois;3rnois4mois5mols6mois7mois
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FIG. 2. - Repartition des patients selon I'~ge. :362
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2ans 4arts 8arts 14arts 15ans
Age
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g~rent n~anmoins une rSeIie r6surgence de la coqueluche en France. Une @idSmie de coqueluche a dt~ r~cemment rapport~e (1989) dans la rSgion rouennaise (3) et de plus en plus de cas de coqueluche sont signal& en France depuis 2 ans. La situation am&icaine semble donc bien se reproduire actuellement dans notre pays avec 15 ans de retard avec les mSmes modifications @idSmiologiques par rapport ~ l'~re pr&vaccinale ; en effet, 11 cas sur 29 sont survenus chez des petits nourrissons non vaccines contaminds par un parent immun. I1 devient donc ndcessaire de r~apprendre fi d i a g n o s t i q u e r la maladie et notamment ses formes atypiques et ~t l'~voquer rapidem e n t devant une toux paroxystique prolong~e chez un aduhe. Une antibioth6rapie prdcoce des adultes infectds p o u r r a i t ainsi limiter l'extension de la maladie au sein de la famille. Le diagnostic biologique n~cessite 6galement d'&re am~lior6 : la culture reste une m & h o d e de c h o i x et la recherche d'anticorps sp&ifiques par exemple par W e s t e r n blot devrait progressivement remplacer l'agglutination qui manque totalement de sensibilitd, n o t a m m e n t chez le nourrisson. I1 reste ~ apprdcier la r6alit~ actuelle de l'@id6miologie de la maladie en France au sein de notre population largement vaccinde. De ce fair, la mise en place d'un s y s t } m e de s u r v e i l l a n c e de la maladie ~ l'~chelon national est une n&essit6 urgente ainsi que la crdation d'un Centre national de r~f~rence de la coqueluche afin de recueillir ies donn~es biologiques (souches bact~riennes, s~rologies) sur l'ensemble du territoire. Enfin, la pr6vention par la vaccination pr&oce des petits nourrissons d~s Page de 2 mois reste une priorit6 car plus de 40 % des enfants de notre 6tude auraient dfi &re vaccines au moment de leur maladie. La question de Pint&& de rappels vaccinaux tardifs,
J o u r n a l de PISDIATRIE et de PUER]CULTURE n ~ 6-1993
FLASH-INFORMATIONS 6 ans ou fi l'adolescence, m~rite d'etre soulev~e. Cependant, compte tenu de la mauvaise r~putation du vaccin cellulaire actuellement utilis~ en France en ce qui concerne sa tolerance, tant locale que g~n~rale, il n'est pas actuellem e n t envisag~ de r e c o m m a n d e r son utilisation au-del~ de 18 mois. D*autres t y p e s de p r S p a r a t i o n s vaccinales purifi~es et donc mieux tol~rSes ( v a c c i n s a c e l l u l a i r e s ) , pourraient ~tre utilis~s en rappel t a r d i f s a f i n de r e n f o r c e r u n e
i m m u n i t $ p o s t - v a c c i n a l e d~faillante. Ces vaccins sont encore l'$tude et ta durSe de leur efficacit~ protectrice n o t a m m e n t est en cours d'~valuation. U n vaccin de ce type est a c t u e l l e m e n t recommand6 en rappel ~ 6 ans aux EtatsUnis depuis 1992 (1). 9
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Extrait du
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