Actualités pharmaceutiques hospitalières • n° 14 • Mai 2008
pharmacotechnie nutrition parentérale
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La mise en place de la nutrition parentérale La nutrition parentérale est une technique de nutrition artificielle administrée par voie veineuse, centrale ou périphérique. Son initiation doit se faire après évaluation quantitative et qualitative des besoins nutritionnels du patient afin de déterminer précisément les apports nutritionnels. L’administration d’une solution de nutrition parentérale, en continu ou cyclique, se fait généralement par voie intraveineuse, cependant le recours à la voie sous-cutanée est possible.
L
a dénutrition est une conséquence d’apports ou de stocks énergétiques insuffisants pour répondre aux besoins métaboliques de l’organisme. Elle toucherait 50 % des patients hospitalisés mais également 5 % des personnes de plus de 65 ans vivant à leur domicile. La dénutrition a des répercussions sur la qualité de vie des personnes, une sensibilité accrue aux infections, un retard de cicatrisation voire une réponse moindre aux traitements de chimiothérapie anticancéreuse. Il est donc essentiel de prévenir et traiter tout état de dénutrition au cas par cas afin de mettre en place une nutrition artificielle la mieux adaptée aux attentes et aux besoins des patients. On dispose aujourd’hui de deux voies de nutrition artificielle : entérale et parentérale.
Définition La nutrition parentérale (NP) est une technique de nutrition artificielle administrée par voie veineuse, centrale ou périphérique. Elle s’adresse aux patients ne pouvant satisfaire leurs besoins en nutriments énergétiques, en vitamines et en oligoéléments et permet de prévenir ou corriger une situation de dénutrition.
La NP devrait être théoriquement utilisée lorsque la nutrition entérale ne peut être mise en place, principalement à cause d’une insuffisance intestinale ou d’un intestin inaccessible. Le recours à ce type de nutrition doit donc se faire en connaissance de ses risques et de son coût afin de limiter la survenue de complications et d’assurer un confort nutritionnel pour le patient.
Mise en place d’une nutrition parentérale
Indications et contre-indications
Critères cliniques • Interrogatoire et examen clinique L’interrogatoire du patient ou de son entourage peut mettre en évidence un changement des habitudes de vie consécutif à l’état de dénutrition : difficultés de concentration, asthénie, diminution des capacités physiques, entre autres. De même, un examen clinique simple peut découvrir des anomalies physiques : modifications des phanères, teint terne, globes oculaires saillants, pétéchies, par exemple. • Poids L’évaluation du poids corporel doit se faire de préférence le matin à jeun, vessie vide, le patient n’étant vêtu que de ses sous-vêtements. Elle permet de calculer le déficit pondéral ou le pourcentage d’amaigrissement en prenant comme référence le poids antérieur habituel du patient (ou à défaut le poids idéal) : déficit corporel = [poids habituel (ou idéal) – poids actuel/poids habituel] x 100.
La NP s’utilise dans des situations bien spécifiques.
Indications La NP est indiquée devant toute situation pathologique associant : – un état de dénutrition établi ou un risque prévisible de dénutrition imposant le recours à une nutrition artificielle ; – une nutrition entérale impossible (obstruction du tube digestif, colites inflammatoires, par exemple) ou une intolérance (diarrhée, etc.), une inefficacité (intestin grêle court, etc.) ou un refus de la nutrition entérale. La NP peut être exclusive (on parle alors de nutrition parentérale totale) ou associée à la nutrition entérale, voire orale, si ces dernières sont insuffisantes, afin de maintenir une motricité digestive satisfaisante. Ce type de nutrition artificielle est par conséquent généralement utilisé en cas de : – situations aiguës (comas, chirurgie digestive lourde, certaines pancréatites et diarrhées sévères) ; – situations chroniques (pathologie digestive, anorexie psychogène).
Contre-indications La NP ne doit pas être employée : – si la durée prévue d’hospitalisation est inférieure à sept jours ; – en période périopératoire s’il n’existe pas de dénutrition sévère ou si la renutrition par voie orale doit intervenir dans la semaine qui suit l’intervention ; – à la phase initiale (trois premiers jours) d’un état d’agression sévère : traumatisme, état de choc, brûlures... ; – si le patient refuse le recours à ce type de nutrition malgré les informations apportées.
Avant toute initiation d’une NP, il est essentiel d’évaluer précisément l’état de dénutrition et les besoins énergétiques du patient.
Évaluation de l’état nutritionnel L’évaluation de l’état nutritionnel s’effectue par des critères cliniques et biologiques.
Le déficit corporel associé à la rapidité de cet amaigrissement permet de distinguer deux situations : – un état de dénutrition si la perte de poids atteint 5 % en un mois ou 10 % en six mois ; – un pronostic vital en jeu devant une perte aiguë de 25 % ou une perte chronique de 50 %. • Indice de Quételet ou indice de masse corporelle (IMC) L’indice de masse corporelle est le paramètre nutritionnel le plus utilisé. Il est calculé à partir du poids (kg) et de la taille (m) du patient, selon la formule suivante : IMC = poids (kg)/taille2 (m). L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a établi des valeurs limites (tableau I).
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nutrition parentérale
Tableau I
du rétinol (retinol-binding protein : RBP), la transferrine, la fibronectine.
IMC et état nutritionnel IMC (kg/m2)
Classification Dénutrition grade V
< 10
Dénutrition grade IV
10-12,9
Dénutrition grade III
13-15,9
Dénutrition grade II
16-16,9
Dénutrition grade I
17-18,4
Maigreur (dénutrition)
< 18,5
Normal
18,5-24,9
Surpoids
25-29,9
Obésité
> 30
Ces chiffres sont à prendre avec précaution car le seuil définissant une dénutrition augmente avec l’âge : ainsi chez les sujets de plus de 70 ans, on parle de dénutrition dès que l’IMC est inférieur à 21 kg/m2.
Critères biologiques L’Anaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) a recommandé de mesurer au niveau plasmatique deux protéines : – l’albumine, dont la demi-vie est de 21 jours, ne reflète pas les changements récents dans le statut nutritionnel d’un patient. De plus, une hypoalbuminémie peut également être mise en évidence en cas de syndrome inflammatoire, d’insuffisance hépatocellulaire ou de fuites glomérulaires ; – la transthyrétine (anciennement appelée préalbumine), dont la demi-vie est plus courte (deux jours). Son suivi permet de détecter toute modification de l’état protéinoénergétique du patient. Ces deux protéines sont des marqueurs de bonne sensibilité d’un état de dénutrition mais leur spécificité n’est pas optimale. Leur dosage isolé est mal adapté pour évaluer l’état nutritionnel du patient (tableau II). D’autres marqueurs biologiques plasmatiques de moindre importance peuvent également être dosés : la protéine vectrice Tableau II
Variation des concentrations en albumine et transthyrétine (préalbumine) en fonction de l’état nutritionnel Transthyrétine
État nutritionnel
Albumine
0,20-0,40 g/L
normal
35-50 g/L
0,15-0,20 g/L
dénutrition modérée
30-35 g/L
0,10-0,15 g/L
dénutrition sévère
25-30 g/L
dénutrition profonde
< 25 g/L
< 0,10 g/L
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Évaluation des besoins et des apports nutritionnels Toute initiation d’une NP doit se faire après évaluation quantitative et qualitative des besoins nutritionnels du patient afin de déterminer précisément les apports nutritionnels. Apports énergétiques Seules les calories lipidiques et glucidiques sont prises en compte car par convention, on considère que les calories apportées par les protéines permettent d’assurer la construction ou la réparation tissulaire. Pour rappel, 1 g de lipides apporte 9 kcal et 1 g de glucides, 4 kcal (1 kcal = 4,18 Joules). • Estimation des besoins Les besoins du patient doivent être corrélés avec sa dépense énergétique estimée afin d’éviter les risques de malnutrition ou au contraire d’“hypernutrition”, tout aussi délétère (hyperproduction de dioxyde de carbone, stéatose hépatique). Trois techniques d’estimation des besoins existent : – les formules empiriques. Chez l’adulte, les besoins caloriques totaux journaliers sont estimés à 20-30 kcal/kg de poids corporel. Ils sont augmentés en cas d’agression (infection sévère, brûlure grave, pancréatite nécrotique, etc.), pouvant alors atteindre jusqu’à 40 kcal/kg ; – les formules de Harris et Benedict permettent d’évaluer la dépense énergétique de repos (DER) en fonction du sexe, de l’âge (A en années), du poids (P en kg) et de la taille (T en cm) du patient : • chez la femme : DER = 655,1 + 9,56 P + 1,85 T – 4,68 A ; • chez l’homme : DER = 66,47 + 13,75 P + 5 T – 6,76 A. Afin de déterminer la dépense énergétique totale (DET), la DER est pondérée par des facteurs de correction, ou coefficients de Long (tableau III), différents selon l’activité et l’état pathologique du patient : DET = DER x facteur activité x facteur pathologique ; – la calorimétrie indirecte évalue au plus près les besoins énergétiques des patients en situation stable mais elle est peu utilisée en pratique. Grâce à un appareil de
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mesure des gaz inspirés et expirés sur une courte période, la consommation d’oxygène (VO2), la production de CO2 (VCO2) et la DER sont calculées puis comparées aux valeurs obtenues par les formules de Harris et Benedict. Cette méthode d’évaluation permet également de calculer le quotient respiratoire (QR = VCO2/VO2) et de déterminer la participation respective de divers nutriments à la DER. Pour obtenir la DET, la DER obtenue doit être comme précédemment majorée par les coefficients de Long. • Substrats utilisables en NP Généralement les calories apportées par les glucides et les lipides se repartissent de façon suivante : – 50 % glucides et 50 % lipides ; – 60 % glucides et 40 % lipides. Cette répartition doit cependant être corrigée suivant la situation pathologique préexistante tels une hyperlipidémie ou un diabète. • Les glucides sont apportés sous forme de glucose en concentration variable, de 5 à 70 %. Les apports ne doivent pas dépasser 4 à 5 g/kg/j, ceci correspondant à une utilisation optimale du glucose et évite le stockage sous forme de triglycérides. Au-delà de cette posologie, il se produit une hyperproduction de CO2 avec un risque de décompensation respiratoire et une stéatose hépatique peut apparaître. • Les lipides sont apportés sous formes de triglycérides à chaînes longues (≥ 16 atomes de carbone) en solution aqueuse stabilisés par des phospholipides de soja ou d’œuf, à des doses ne devant pas dépasser 2 g/kg/j chez l’adulte.
Tableau III
Coefficient de Long Facteurs de correction Activité
Pathologie
Alité
1
Non alité
1,5
Fièvre
1,1
Chirurgie mineure
1,2
Sida
1,3
Traumatisme
1,35
Sepsis
1,6
Brûlure
2
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On distingue quatre types d’émulsions lipidiques : – les émulsions de triglycérides à chaînes longues (≥ 16 atomes de carbone) à 10, 20 ou 30 %. Il faut savoir que du fait de la formulation galénique, les solutés à 10 % sont plus riches en émulsifiants, reconnus comme hépatotoxiques. Il est donc préférable d’orienter son choix vers des concentrations en lipides plus élevées ; – les émulsions contenant à parts égales un mélange de triglycérides à chaînes longues et de triglycérides à chaînes moyennes (6 à 12 atomes de carbone). Leur utilisation étant plus rapide, elles seraient moins hépatotoxiques et induiraient un effet immunosuppresseur moindre que les émulsions précédentes ; – une émulsion contenant des huiles de poissons riches en acides gras poly-insaturés à chaînes longues de la lignée n–3 (série de l’acide linolénique), utilisée en supplémentation d’une NP pour leurs propriétés anti-inflammatoires et anti-agrégantes plaquettaires ; – les émulsions à base d’huile d’olive, qui auraient comme avantage une meilleure tolérance hépatique et un moindre effet sur le système immunitaire du fait de leur composition moins riche en acides gras poly-insaturés remplacés par des acides mono-insaturés. Elles sont riches en vitamine E antioxydante. Apports azotés L’azote est apporté sous forme de protéines : 6 g de protides apportent 1 g d’azote, soit 2,12 g d’urée ou 30 g de masse maigre (os, viscères, muscles, eau). • Estimation des besoins Les besoins du patient vont varier en fonction de son état pathologique, de son âge et de son état nutritionnel antérieur. Deux méthodes différentes permettent d’estimer ces besoins : – une approche empirique. Chez l’adulte, les pertes quotidiennes en azote peuvent atteindre 200 à 250 mg/kg lors d’une pathologie non compliquée et 300 à 400 mg/kg en cas d’agression sévère ; – une estimation des pertes urinaires. Les pertes azotées urinaires peuvent être estimées à partir de l’urée urinaire (en mmol/L) qui rend compte en moyenne de 85 % des pertes azotées urinaires, selon la formule : Ntu = (urée urinaire x débit urinaire des 24 h (L) x 0,06 x 1,2)/2,14.
Cette formule est à corriger en cas d’insuffisance rénale ou de pertes azotées extrarénales. Le bilan azoté est obtenu par la différence entre les apports et les pertes estimées en azote sur une journée. En situation normale, ce bilan est nul mais négatif en cas d’agression. • Substrats utilisables en NP Il existe de nombreuses solutions d’acides aminés (AA), se différenciant par : – leur concentration en azote, de 6,6 à 30 g/L ; – leur composition en acides aminés dits essentiels (AAE). Le rapport AAE/ azote doit être compris entre 2,2 et 3,6 (le rapport optimal étant fixé à 3) ; – la présence d’autres acides aminés : AA ramifiés (meilleure tolérance hépatique), arginine (effet favorable sur l’immunité) ou glutamine (effet favorable sur le tube digestif et sur l’immunité). Le choix de la solution d’acides aminés se fera donc en fonction des besoins du patient mais aussi de son état pathologique.
de cicatrisation et dans l’activation du système immunitaire. Il existe des solutions commerciales sous forme d’ampoules permettant d’apporter neuf ou dix oligoéléments. • Vitamines Les réserves en vitamines dans l’organisme sont faibles et leurs demi-vies varient de 6 à 10 jours. Il est donc essentiel d’apporter régulièrement toutes les vitamines, la vitamine K mise à part, lors de l’instauration d’une NP, d’autant plus si celle-ci est exclusive, sous forme de préparations polyvitaminiques commerciales. Des apports spécifiques en vitamines peuvent également se faire : – folates ; – vitamine B12 (apport mensuel) ; – vitamine K (apport hebdomadaire) ; – vitamines B1 et B6, insuffisamment dosées dans les préparations polyvitaminiques ; – vitamine C pour son rôle antioxydant ; – vitamine E en cas de perfusion d’émulsions lipidiques, pour réduire la peroxydation des lipides grâce à son pouvoir antioxydant.
Apports en micronutriments Les apports en micronutriments sont sous forme d’électrolytes, d’oligoéléments, de vitamines. • Électrolytes Les principaux ions doivent être mesurés régulièrement au niveau plasmatique et urinaire pour adapter au mieux les apports en électrolytes en fonction des besoins du patient. Des variations sont observées selon l’âge, les pertes urinaires et digestives, selon la situation clinique. D’une façon générale : – les besoins en magnésium sont augmentés en cas d’entéropathies, de pertes digestives abondantes ou de renutrition ; – les besoins en phosphore sont élevés chez les malades dénutris et en situation d’agression. L’hypophosphorémie est fréquente au démarrage d’un apport glucidique et en période postopératoire. – les besoins en potassium sont augmentés en cas de dénutrition. • Oligoéléments En cas de NP exclusive, une supplémentation en oligoéléments doit se faire dès le premier jour. Par exemple, le zinc et le sélénium jouent un rôle important dans les processus
• Enfant avec une chambre implantable pour une alimentation parentérale.
© BSIP/Deloche
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La nutrition parentérale en pratique Pour une nutrition parentérale, il est nécessaire de choisir la voie et les modalités d’administration.
Choix de la voie d’administration L’administration d’une solution de nutrition parentérale se fait généralement par voie intraveineuse. Cependant, le recours à la voie sous-cutanée chez le patient âgé et dans les pays en développement est possible. Voie veineuse périphérique La voie périphérique est utilisée : – pour les solutions possédant une osmolarité inférieure ou égale à 750 mOsm/L ; – lorsque la durée prévue de la nutrition artificielle est inférieure à 10 jours ; – lorsque le capital veineux est préservé. Cette voie doit également être privilégiée en cas de déficit immunitaire et de septicémie alors qu’elle est mal adaptée à une nutrition au domicile du patient. Voie veineuse centrale La voie centrale permet d’administrer des solutions très hypertoniques grâce à la pose de cathéters centraux au niveau de gros troncs veineux profonds (veines sous-clavières, jugulaires, fémorales). Elle nécessite une surveillance radiologique de la position du cathéter et expose à des risques de complications septiques (septicémie ou bactériémie), de thrombose et de pneumothorax. Son utilisation impose donc une bonne connaissance des techniques de pose et des règles strictes d’asepsie lors de la manipulation du cathéter.
Modalités d’administration On distingue deux modalités d’administration, la nutrition parentérale continue et la nutrition parentérale cyclique. Nutrition parentérale continue La NP continue consiste à perfuser les solutions nutritives sur 24 heures sans interruption. Elle est généralement utilisée chez le patient instable de réanimation ou de soins intensifs car elle permet d’assurer des apports constants sans à-coups glycémiques et lipidiques et d’éviter les surcharges hydriques.
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Nutrition parentérale cyclique La NP cyclique consiste à administrer les solutions nutritives sur 8 à 12 heures, généralement la nuit. Elle est particulièrement adaptée à la nutrition à domicile et permet la mobilité et les activités du patient. Un pseudo-cycle nycthéméral est institué, plus proche de l’apport physiologique d’où une efficacité supposée meilleure. Cependant, un apport cyclique est contreindiqué en cas d’insuffisance cardiaque car il existe un risque de surcharge hydrique du fait d’un apport élevé sur une courte période.
Conditionnements commerciaux des nutriments Les nutriments se présentent sous forme de flacons séparés, de mélanges prêts à l’emploi ou à reconstituer. Flacons séparés Des solutions séparées de glucose, lipides et acides aminés sont perfusées en parallèle et simultanément. Ce type de conditionnement est peu onéreux mais les manipulations de lignes de perfusion le rendent plus dangereux sur le plan septique. Mélanges prêts à l’emploi ou à reconstituer Les mélanges nutritifs industriels prêts à l’emploi ou devant être mélangés de façon extemporanée se présentent sous forme de poches souples mono- ou multicompartimentées et peuvent être de deux types : – soit binaires (glucose + acides aminés), les lipides étant ajoutés en Y des glucides ; – soit ternaires (glucose + acides aminés + lipides). Ces poches garantissent une excellente qualité microbiologique, une composition nutritionnelle équilibrée et une bonne stabilité de leur conservation dans le temps. Après reconstitution, les solutions doivent être utilisées dans les 24 heures en cas de conservation à température ambiante. Les pharmacies hospitalières disposant d’une unité de fabrication de nutrition parentérale peuvent également fabriquer des poches prêtes à l’emploi adaptées aux besoins de chaque patient. Cependant, une fois le mélange réalisé, la conservation, de durée plus courte, doit se faire entre +2 et +8 °C.
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Quel que soit le type de conditionnement des nutriments, aucune solution ne comprend dans sa composition des oligoéléments et des vitamines. Leur apport se fait préférentiellement après dilution dans une solution de glucose à 5 %. La durée de perfusion est différente selon le micronutriment : vitamines sur 6 heures (dégradées par la lumière) ; oligoéléments et électrolytes sur la durée de perfusion de la NP.
Règles de compatibilités En l’absence d’étude spécifique de compatibilité, aucun ajout de médicaments ou d’électrolytes ne doit se faire directement dans la poche car certains nutriments sont des éléments chimiques fragiles (vitamines) ou incompatibles dans certaines proportions (phosphates et calcium, lipides et calcium, bicarbonates et calcium). De la même façon, en l’absence de données précises d’un pharmacien ou d’un médecin, il est déconseillé de perfuser la solution en dérivation sur la tubulure de la nutrition parentérale.
Complications L’administration d’une NP n’est pas sans risque et deux types de complications peuvent survenir à tout moment : techniques d’une part, nutritionnelles et métaboliques, d’autre part. Complications techniques Les complications techniques sont les suivantes : – complications mécaniques liées au cathéter veineux central, suite à la pose du cathéter (pneumothorax, hématomes, mauvaise position, etc.), occlusion, déplacement ou fissuration du cathéter ; – infections liées au cathéter. Il est essentiel de respecter des précautions d’asepsie lors de la pose (lavage des mains, gants et champ stérile et, éventuellement, casaque stérile) et de l’utilisation de la ligne nutritive et de limiter les interventions sur le site ; – thrombophlébite entraînant un risque d’embolie pulmonaire particulièrement lors du retrait du cathéter. Complications métaboliques et nutritionnelles Les complications métaboliques et nutritionnelles surviennent lorsque la NP est mal
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adaptée aux besoins du patient et qu’elle est utilisée au long cours. • Complications hépato-biliaires. Une hépatopathie sous NP peut apparaître avec parfois une élévation rapide des enzymes hépatiques (ASAT, ALAT, PAL) et éventuellement de la bilirubine. Au niveau histologique, il apparaît une inflammation voire une fibrose. Ce risque de complication est d’autant plus élevé que la NP est exclusive avec des apports élevés en lipides notamment en triglycérides à chaînes légères ou TCL (pouvant être remplacés par un mélange TCL-TCM). • L’ostéopénie est une conséquence de la fuite calcique et se manifeste par des douleurs, voire des fractures osseuses.
• L’hyperglycémie, d’apparition fréquente, oblige la prescription d’insuline. • L’hypoglycémie apparaît lors d’un arrêt brutal de la perfusion, particulièrement en cas d’apport cyclique. • Des carences en vitamines, oligoéléments et électrolytes peuvent être notées.
Surveillance La surveillance d’une NP est indispensable et revêt deux aspects : médical et biologique. Surveillance médicale quotidienne La surveillance quotidienne passe par les éléments suivants : – recherche de signes de surcharge ou de déshydratation ; – recherche d’une hyperthermie ;
– examen de la voie veineuse ; – mesure des pertes et des entrées ; – pesée régulière afin de suivre les variations du bilan hydrique (et non l’efficacité de la NP). Surveillance biologique La surveillance biologique doit prendre en compte les éléments suivants : – glycémie capillaire pluriquotidienne au début de la NP ; – recherche d’une glycosurie dans les urines de 24 heures ; – ionogramme sanguin et urinaire quotidien (puis une à deux fois par semaine chez un patient stable) afin d’adapter les apports en électrolytes ; – triglycéridémie régulière, à mesurer si possible après 5 à 6 heures d’arrêt de la perfusion lipidique ; – enzymes hépatiques, numération-formule sanguine (une fois par semaine) ; – évaluation de l’état nutritionnel clinique et/ ou biologique tous les 10 à 15 jours.
Conclusion La NP ne devrait être que la dernière solution de nutrition artificielle lorsque la nutrition entérale ne peut ou ne doit pas être utilisée. En effet, en plus de son coût élevé, cette technique n’est pas dénuée de risque, en particulier bactériologique, et n’est pas plus efficace que la nutrition entérale. Il est également essentiel de rechercher tout sujet à risque de dénutrition afin de mettre en place le plus précocement possible une assistance nutritionnelle orale avant le recours à des méthodes plus lourdes de nutrition artificielle en cas d’inefficacité de la voie orale. Émilie Penet interne,
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Benoît Niquet pharmacien attaché,
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Aline Lagarde pharmacien des hôpitaux
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Pharmacie centrale, CHU de Limoges (87)