Pathologie Biologie 54 (2006) 467–469 http://france.elsevier.com/direct/PATBIO/
La détection par une PCR multiplex de bactéries responsables de pneumopathies atypiques améliore-t-elle les performances du diagnostic microbiologique des infections du tractus respiratoire ? Simultaneous detection by multiplex PCR of atypical bacterial pathogens involved in infections of respiratory tract. Is it useful for the microbiological diagnosis of respiratory infections P. Honderlicka,*, B. Philippeb, C. Picardb, F. Thalerc, L.-J. Coudercb a
Service de microbiologie, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes cedex, France Service de pneumologie, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes cedex, France c Service de réanimation médicale, hôpital Foch, 40, rue Worth, 92150 Suresnes cedex, France b
Disponible sur internet le 05 octobre 2006
Résumé Dans le but de rechercher l’étiologie microbienne possible chez des patients présentant un tableau de pneumopathie interstitielle d’allure infectieuse, nous avons évalué la trousse commerciale Chlamylege® (Argène–Biosoft–France) destinée à tous types de prélèvements respiratoires. Cette PCR multiplex permet la détection qualitative de Chlamydophila pneumoniae, Mycoplasma pneumoniae et de la plupart des Legionella. Quarante et un patients adultes ont été explorés grâce aux procédures classiques du diagnostic microbiologique (cultures, sérologies, détection antigénique) et aussi grâce à cette amplification génique multiplex. Pour huit patients un autre micro-organisme que ceux détectés par cette technique a été isolé. Nous avons obtenu quatre PCR multiplex positives ; trois des échantillons ont hybridé avec la sonde M. pneumoniae et un avec la sonde Legionella pneumophila type 1. Vingt-neuf épisodes sont demeurés sans aucune documentation microbiologique alors que 23 patients se sont a priori améliorés grâce à un traitement antibiotique adéquat. Hormis le fait que cette technique est rapide, fiable et permet le plus souvent des diagnostics plus précoces comparés aux sérologies par exemple, il n’en demeure pas moins dans cette petite série que le nombre de pneumonies interstitielles dont l’étiologie microbienne est retrouvée, est faiblement amélioré. Une évaluation plus prolongée doublée d’une étude du rapport coût/efficacité est nécessaire. En particulier, il semble souhaitable de mieux cibler la stratégie microbiologique du diagnostic des pneumonies interstitielles, doit-on utiliser le maximum de l’arsenal diagnostique ou non ? Par ailleurs, une étude sous l’optique de l’épargne éventuelle d’antibiotiques liée à l’implantation de ces nouvelles techniques - Biosoft - France nous paraît importante à réaliser. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The aim was to evaluate the “strategical place” of the new commercial test Chlamylege (Argene-Biosoft-France) which allows the simultaneous detection in respiratory samples of Chlamydophila pneumoniae, Mycoplasma pneumoniae and most Legionella species using a PCR multiplex. 41 patients with an atypical pneumonia were included, all standard procedures of diagnosis were done and in addition the chamylege test. A pathogen was identified in 12 patients, an other microorganisms than the 3 targeted by our study was found in 8 patients. 4 positive PCR were obtained, 3 with M. pneumoniae and 1 with Legionella pneumophila 1. That means that for 29 patients no aetiology was found. Among them 23 clearly improved under antibiotic treatment. Though that PCR multiplex is an attractive test, easy to perform, sensitive, specific and convenient, we need further studies to approach the place of this PCR test in the diagnosis of multifaceted atypical pneumonia. We also need to know if the cost associated with the microbiological diagnosis (culture, serology, immunofluorescence, urinary antigen test, PCR…) for atypical pneumonia
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Honderlick).
0369-8114/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.patbio.2006.07.020
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worth value? An algorithm as to be drawn to determine the value of intensive microbiological investigation. An other point to discuss, may be this kind of rapid and multiplex PCR technique could lead to spare the use of some antibiotics. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Pneumonies interstitielles ; PCR multiplex ; Mycoplasma pneumoniae ; Chlamydophila pneumoniae ; Legionella pneumophila ; Stratégie diagnostique Keywords: Atypical pneumonia; Multiplex PCR; Chlamydophila pneumoniae; Mycoplasma pneumoniae; Legionella pneumophila; Diagnostic strategy
Vingt à soixante pour cent des pneumopathies d’allure microbienne demeurent sans étiologie, toutes les études épidémiologiques fournissent des données variables et incomplètes [1–3]. Parmi les agents bactériens responsables de pneumopathie atypique, on retrouve en bonne place Chlamydophila pneumoniae, Mycoplasma pneumoniae et Legionella pneumophila et species. Leur fréquence varierait de 5 à 40 % selon les études et les moyens diagnostics mis en œuvre [1–3]. Streptococcus pneumoniae reste très prépondérant avec une fourchette allant de 30 à 50 % des cas, la prévalence d’Haemophilus influenzae est de 5 à 25 % [1–3]. Les étiologies virales (Influenza, Parainfluenza, VRS, Adenovirus…) [1–3] sont encore peu et mal documentées, on les estime à 10 à 30 % des cas. Les autres bactéries représentent en général moins de 5 % des cas documentés (Branhamella catarrhalis, Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa). Une amélioration du diagnostic microbiologique de cette pathologie infectieuse est à l’évidence souhaitable, une PCR multiplex détectant simultanément plusieurs agents infectieux pourrait être une aide précieuse pour déterminer plus rapidement et spécifiquement l’étiologie d’une pneumonie atypique.
gorge ont aussi été inclus. Ces prélèvements ont été recueillis dans le cadre des procédures usuelles de diagnostic, c’est sur ces mêmes échantillons qu’a été pratiquée la PCR multiplex qualitative Chlamylege® (Argène–Biosoft–France) [4]. L’extraction, l’amplification, la révélation ont été celles recommandées par le fournisseur [4]. L’extraction d’ADN recommandée utilise la trousse QIAmp DNA blood kit (Quiagen), les régions amplifiées sont OMP2 pour C. pneumoniae (179 pb), le gène de la protéine P1 pour M. pneumoniae (299 pb) et la région intergénique entre les gènes codant pour l’ARN 23S et 5S de L. pneumophila et species (301 pb). Un témoin positif d’amplification et un témoin d’inhibition de PCR sont inclus dans le coffret réactif. L’hybridation s’effectue en microplaque par une sonde générique biotinylée. Un signal positif déclenchera une seconde étape d’hybridation spécifique à partir du même produit d’amplification grâce aux quatre sondes fournies. Seuls ont été inclus les patients pour lesquels ont été prescrites des sérologies incluant au moins celles ciblant les trois bactéries visées par cette étude. Une antigénurie S. pneumoniae et L. pneumophila ont été faites entre l’admission et 48 heures d’hospitalisation. En cas de PCR chlamylege positive la sérologie de contrôle a toujours été réalisée trois semaines après.
2. Méthodes
3. Résultats
La détection de C. pneumoniae, M. pneumoniae, Legionella par les méthodes standards est longue ou peu sensible. C. pneumoniae est accessible à des techniques de culture cellulaire assez fastidieuse, la culture de Mycoplasma est très délicate, celle de Legionella assez longue et dépendante de milieux de cultures spécifiques et une certaine expérience est requise pour repérer et étudier les colonies suspectes. Les sérologies spécifiques sont donc le moyen principal du diagnostic en routine de ces trois bactéries ; mais sauf à retrouver des IgM, il faudra toujours attendre l’interprétation d’une paire de sérums (un précoce, un tardif) pour pouvoir éventuellement conclure. Signalons que le sérum tardif est souvent oublié par le clinicien prescripteur ou encore le patient guéri ne voit pas la nécessité de ce nouveau prélèvement, au final l’étiologie bactérienne suspectée n’est jamais réellement confirmée. Nous avons réalisé une étude ouverte incluant 43 patients présentant des signes cliniques patents et/ou radiologiques de pneumopathies atypiques. Âge moyen : 55 ans (22 à 90 ans) Il s’agissait toujours de tableau sévère de pneumonie aigu communautaire nécessitant une hospitalisation. Une expectoration, une aspiration bronchique ou un liquide bronchoalvolaire ont été réalisés. Une biopsie pulmonaire, et trois prélèvements de
Quarante-trois amplifications interprétables, un seul inhibiteur retrouvé, facilement éliminé par une congélation–décongélation rapide de l’échantillon de départ. Quatre échantillons positifs : trois hybridations positives avec la sonde de M. pneumoniae et une avec L. pneumophila type 1. Trente-neuf PCR chlamylege négatives. Parmi les patients négatifs, huit ont été documentés avec une autre bactérie ; trois avec S. pneumoniae, deux H. influenzae, un Pneumocystis jirovecii associé à EBV et CMV, un VRS (antigène + culture positifs), un S. aureus. Aucune étiologie retrouvée pour 31 épisodes ; parmi ceuxlà, pour huit patients le diagnostic de pneumonies infectieuses sera finalement écarté au regard des différents examens complémentaires réalisés. Les 23 patients restant ont en revanche été améliorés grâce à un traitement antibiotique associant bêtalactamines et/ou macrolides–synergistines ou encore une association bêtalactamines et fluoroquinolones comme le recommandent les sociétés savantes et les conférences d’expert [1– 3]. Pour ces derniers patients, les procédures diagnostiques standards n’ont retrouvé aucun micro-organisme. Concernant les trois pneumonies à M. pneumoniae, deux ont présenté une sérologie initiale positive avec un titre faible
1. Introduction
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d’IgG sans IgM, et une sérologie négative pour le troisième patient Les contrôles à trois semaines montreront l’apparition ou l’ascension des IgG anti-M. pneumoniae. Le cas de l’infection à L. pneumophila type 1, était déjà supputé grâce à l’antigénurie et sera confirmé à la fois par la culture et plus tardivement par une sérologie très positive. 4. Discussion Dans notre petite série 35 patients ont eu un diagnostic clinique retenu de pneumonie, dont 12 patients (34 %) avec une documentation microbiologique certaine. Concernant les 23 autres cas, l’amélioration rapide observée après 48 à 72 heures d’antibiothérapie semble attester des lacunes persistantes du diagnostic microbiologique, il est vrai que dans ces tableaux de très nombreux micro-organismes sont incriminables. Une vision pessimiste tend à montrer que le test chlamylege permet le diagnostic de quatre pneumonies à « atypiques » (11 %). Trois n’auraient pas été diagnostiquées aussi rapidement puisqu’il fallait attendre trois à quatre semaines le retour de la seconde sérologie mais, les patients ont reçu des antibiotiques adaptés dès le premier jour d’hospitalisation, peut-être en excès car associant une bêtalactamine (inactive sur Mycoplasma) et un macrolide. Pour le quatrième cas à Legionella, la PCR a simplement confirmé ce qui était déjà objectivé quelques heures après l’admission du patient en pneumologie avec l’antigénurie (uniquement spécifique du type 1), la culture en trois jours et la sérologie très positive viendront en quelque sorte en « excès » de confirmation diagnostique. Une vision plus optimiste serait de considérer que cette PCR multiplex a diagnostiqué 33 % (4/12) des pneumonies microbiologiquement documentées. Autre point fort éventuel, les 39 PCR négatives représentent un diagnostic d’exclusion qu’il ne faut pas négliger, il peut conduire par exemple à l’épargne de certaines familles d’antibiotiques comme les macrolides ou les fluoroquinolones. En absence d’amélioration il est recommandé de prescrire en seconde ligne l’une de ces deux familles d’antibiotiques pour être associée à la bêtalactamine généralement prescrite en première intention pour cibler le pneumocoque. Cet ajout d’antibiotiques à bonne pénétration intracellulaire vise essentiellement les germes atypiques : il faut donc que le délai de réalisation de cette PCR soit rapide sinon son intérêt dans cette stratégie d’épargne antibiotique diminuerait.
peut ou ne veut pratiquer d’exploration trop « agressive » (aspiration, lavage) un simple écouvillonnage bien réalisé de la gorge peut suffire. Il est nécessaire d’évaluer le rapport coût/efficacité d’une telle procédure qui vient s’ajouter à « l’arsenal classique » du diagnostic des pneumopathies infectieuses [5,6]. Un rationnel reste encore à trouver afin d’établir un arbre décisionnel amenant rapidement et avec pertinence au diagnostic microbiologique d’une pneumonie microbienne. Il faut garder en mémoire que dans la littérature entre 20 et 60 % des cas ne sont pas élucidés microbiologiquement pourtant l’éventail diagnostique est conséquent (cultures, détection antigénique, immunofluorescence–sérologies, cultures cellulaires virales, PCR bactéries–PCR virus…) tout cela à un coût indéniable or, à ce jour le coût de traitement antibiotique d’une pneumonie associant pendant dix jours par exemple amoxicilline et un macrolide ou une synergistine est assez bas [5,6], peut-être, estce là un des facteurs qui fait que dans ce cadre précis des pneumonies communautaires chez l’immunocompétent, l’étiologie de l’infection passe parfois au second plan puisqu’un traitement antibiotique empirique mais efficace est possible. Cette méthode de PCR multiplex est sans conteste une avancée supplémentaire dans le cadre du diagnostic des bactéries atypiques responsables de pneumopathies mais en revanche, selon nous, son positionnement tant stratégique qu’économique reste à trouver. Références [1]
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5. Conclusion Chlamylege est une méthode rapide et fiable [4] applicable à tout type de prélèvements respiratoires ce qui en fait un avantage indéniable par exemple pour les patients sur lesquels on ne
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