EDITORIAL
La maladie de Beh et M. HAMZA*
Behget's disease.
Rev Med Interne 1989 ; 10 : 299-301.
L a maladie de Beh~et a cinquante ans, si on admet que sa description princeps a 6t6 6tablie en 1937 par le dermatologiste turc H. Behget. Elle demeure une maladie d'actualit6, du fait de son aspect multisyst6miclue int6ressant la majorit6 des sp6cialit6s m6dicochirurgicales. L o t s de ces dix derni~res ann6es, de tr~s nombreuses 6tudes lui ont 6t6 consacr6es et ont permis de mieux comprendre son 6tiopathog6nie et sa physiopathologie. A d6faut d'identifier la cause directe, les acquisitions les plus importantes sont domin6es par les r6sultats des 6tudes immunog6n6ticlues prouvant l'association ~t certains antigbnes du syst~me H L A et le dysfonctionnement des effecteurs de l'inflammation et de la r6ponse immune clue sont les polynucl6aires et les lymphocytes. Si l'6tiologie de la maladie de Behget est inconnue, les donn6es 6pid6miologiques laissent supposer q u ' o n peut incriminer un facteur environnemental dans son 6closion. Ce facteur p o u v a n t &re d'origine toxique, virale ou bact6rienne (1, 2). Actuellement les th6ories 6tiopathog6niques les plus en vogue sont la th6orie streptococcique d6fendue par le comit6 j a p o n a i s de recherche sur la maladie de Beh~et et la th6orie virale d6fendue par Lehner. A u plan cliniclue, une meilleure connaissance des manifestations art6rielles, essentiellement les an6vrysmes art6riels pulmonaires, est l'une des acquisitions les plus importantes durant ces dix dernitres ann6es grace surtout aux travaux de plusieurs 6quipes fran~aises. Syst~me H L A
A de rares exceptions pros, il est admis que la maladie de Beh~et est associ6e A l'antig~ne H L A - B 5 , plus pr6cis6ment HLA-B51. Actuellement on s'int6resse de plus en plus aux antig~nes de classes II et III. Dans *
Service de rhumatologie, hOpital La Rabta, Tunis.
Tir6s /~ part : Dr M. Hamza, BP 45, E1 Menzeh, 1014 (Turdsie).
certaines 6tudes japonaises, c'est l'antig~ne H L A DRw52 qui est augment6, alors les antig~nes H L A DR1 et D Q w l sont diminu6s r6alisant des g~nes de protection de la maladie. Dans une s6rie italienne off tous les patients ont une uv6ite est 6galement signal6e une augmentation significative du H L A - DRw52 et une augmentation du H L A - DQw3, toutefois non significative apr~s correction par le nombre des antig~nes test6s. Darts l'6tude anglaise de Lehner il y a une augmentation significative du H L A - DR7 dans les formes oculaires et neurologiques ainsi clu'une association avec l'antig~ne DR2 dans les formes articulaires et cutan6o-muqueuses. Dans l'6tude tunisienne il y a une augmentation significative du H L A - DQw3 et une diminution significative des H L A - DRw6 et D Q w l , q u a n d on s6pare les patients selon les manifestations cliniques, il y a une association entre H L A - DR2 et les formes oculaires, entre DR7 et DR4 et formes sans uv6ite. Dans les uv6ites r6fractaires au traitement, des travaux j a p o n a i s ont montr6 une augmentation de l'antig~ne H L A - DQw3 et une diminution du D Q w l , dans ces m~mes formes il y a 6galement des modifications dans la r6gion H L A - DQ d ' u n fragment 1,9 Kb par restriction enzymatique (endonucl6ose). Les antig~nes de classe I I I sont 6galement concern6s dans la MB. Dans une 6tude japonaise on a not6 une augmentation du C4AQ0 dans les formes avec uv6ite r6fractaire au traitement. Dans une 6tude tunisienne il y a une augmentation du C4A6 (4-6). A u plan pratique, le typage H L A n'est pas d ' u n grand secours pour le diagnostic, il permet peut-Stre de pr6voir les formes s6v~res, notion sur laquelle nous avons insist6 avec l'antig~ne H L A - B5 et qui se d6gage actuellement avec certains antig~nes de classe II et III. I1 est possible q u ' u n e haute expression antig6nique du H L A - B51 dans certains organes conditionne le spectre clinique de la maladie. Le m6canisme de l'association H L A et MB peut s'explicluer par plusieurs th6ories. D'apr~s la th6orie pl6iotropiclue les g~nes H L A peuvent d6terminer non seulement les antig~nes H L A mais aussi la suscepfibilit6 ~t la maladie. Dans une deuxi~me th6orie, les g~nes H L A peuvent 8tre 6pistatiques avec d'autres g~nes sur un c h r o m o s o m e diff6rent qui d6termine la susceptibilit6 ~ la maladie. La troisi~me th6orie est le d6s6quilibre de linkage = le g~ne H L A &ant en d6s6quilibre
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M. Hamza
de linkage avec le g~ne qui d6termine la susceptiblit6 de la maladie. Le syst~me H L A est incrimin6 6galement dans le m6canisme physiopathologique ou 6tiopathog6nique de la maladie. Les g~nes de la r6ponse immune sont suppos6s exister dans la r6gion classe II du syst~me HLA et en d6s6quilibre de linkage avec certains g~nes HLA. I1 peut y avoir une expression aberrante des antig~nes de classe II • une r6action inflammatoire h une infection virale permet une augmentation de l'interf6ron gamma qui ~ son tour est responsable d'une augmentation de l'expression des mol6cules de la r6gion HLA - D, sur les lymphocytes B et les macrophages. Une autre th6orie est la mim6crie mol6culaire qui se base sur la similitude de fragments peptidiques de certains composants viraux ou bact6riens et certains antig~nes HLA. I1 serait int6ressant de rechercher par exemple une similitude de certains antig~nes streptococciques et les antig~nes H L A - B51, DR4, DR2 ou DR7. La derni~re hypoth~se postule que l'antig~ne HLA peut se comporter comme un r6cepteur d'une membrane cellulaire. Ces diff6rents m6canismes nous am~nent ~ envisager l'action ou l'interf6rence de certains agents viraux ou bact6riens dans la maladie de Behget avec les g~nes ou les antig~nes de classe I ou II avec comme cons6quence une r6ponse immune responsable de l'6closion de la maladie. L a thdorie herp~tique
Actuellement, le virus de l'herp~s est sp6cialement incrimin6 dans la pathog6nie de la maladie de Beh~et. Les lymphocytes des sujets atteints, stimul6s de fagon appropri6e, ne permettent pas une croissance de virus herp&ique. Les immuns complexes circulants peuvent contenir des anticorps antiherp6tiques chez certains patients. En s6parant les cellules T4 et T8, il y a un d6ficit significatif de la prolif6ration des cellules T4 en pr6sence du virus de l'herp~s type 1, ce comportement para3t sp6cifique de l'infection herp6tique et ne se voit pas dans les infections par le cytom6galovirus et le virus du zona (7). Dans une 6rude personnelle non publi6e les anticorps antiherp6tiques sont augment6s de fa~on significative surtout dans les formes neurologiques et oculaires. Cette augmentation n'est pas en rapport avec un traitement corticoi'de ou immunod6presseur ; le taux des anticorps des virus de la grippe du zona et Epstein-Barr 6tant normal. L a thdorie streptococcique
L'infection streptococcique rut incrimin6e il y a tr~s longtemps dans l'6tiopathog6nie de la maladie. Actuellement elle est reprise avec force par le comit6 de recherche japonais sur la maladie de BehCet. On salt que les amygdalites, les caries dentaires et les p6riodontites sont plus fr6quentes dans la maladie de Behget que chez les t6moins sains ou malades. Les soins dentaires peuvent induire une exacerbation des symptfmes. Les tests cutan6s aux antig~nes streptococciques entrainent de fortes r6actions locales et patrols mSme des r6actions locales h distance avec pouss6es
La Revue de M~decine Interne Juillet-Aoat 1989
cutan6o-muqueuse, articulaire ou oculaire ; ce ph6nom~ne peut ~tre dfi soit ~t l'effet adjuvant de la toxine bact6rienne, soit h une r6elle r6ponse immunologique. Cependant il faut remarquer que beaucoup d'autres antig~nes peuvent induire des r6actions focales comme les antig6nes pneumococciques, la salives et le fameux antigbne Bouzerzour ~tbase d'extrait ganglionnaire. Le taux de l'antig6ne streptococcique dans le plasma est augment6. Cette non-61imination d'exc~s d'antig~ne streptococcique est expliqu6e par le taux significativement bas des anticorps streptococciques. La flore buccale est riche en streptocoque sanguis, le m~me s6rotype est trouv6 chez les patients h Tunis et dans le district d'Hokkaido au Japon. I1 y a 6galement une corr61ation entre le nombre de germes et l'hyperr6activit6 des leucocytes p6riph6riques. La r6ponse lymphocytaire un antigone solUble du streptocoque sanguis ne semble pas modifi6e. Le test de transformation ~t la salive autologue est fr6quemment positif, il semble traduire l'excr6tion par la salive d'antig~ne solubles microbiens, viraux ou tissulaires (8, 9). Dualit~ polynucl~aire-lymphocyte
On a l'impression que les polynucl6aires et les lymphocytes se disputent la physiopathologie des 16sions rencontr6es dans la MB en tant qu'effecteurs de la r6ponse immune. En effet certains travaux insistent sur le r61e des polynucl6aires, d'autres sur les lymphocytes. En fait la physiopathologie de la maladie de Behget est tr~s probablement due ~t la conjonction de perturbations fonctionnelles des polynucl6aires des lymphocytes et des phagocytes mononucl6s avec possibilit6 d'interaction entre eux. Pendant longtemps on a pens6 que les 16sions cutan6es sont en rapport avec un infiltrat polynucl6aire. En fait les biopsies de 16sions cutan6o-muqueuses jeunes ont montr6 que la r6action inflammatoire est faite d'infiltration lymphocytaire, les polynucl6aires se voyant ~t un stade tardif et en petit nombre. Les 6tudes immunohistochimiques des pr61~vements biopsiques montrent que la majorit6 des lymphocytes pr6sents sont des cellules T, les lymphocytes B 6tant en trbs petit nombre, les cellules NK sont absentes. Des 6tudes des populations lymphocytaires circulantes avec les anticorps monoclonaux OKT4 et OKT8 reconnaissant respectivement les cellules Helper et les cellules suppressives cytotoxiques ont montr6 une baisse significative des cellules OKT4 et une augmentation des cellules OKT8 avec diminution du rapport OKT4/OKT8. Ce rapport augmente ~ la phase de r6mission de la maladie. Les r6sultats obtenus apr~s culture mixte lymphocytaire autologue ont sugg6r6 un d6faut de la population lymphocytaire induisant la suppression qui correspondrait ~tune diminution du nombre des cellules OKT4. L'activit6 des cellules NK diminue lots des pouss6es, le nombre de ces cellules augmente lors de la phase inactive. Le d6ficit de l'activit6 des cellules NK peut ~tre expliqu6 par un d6ficit de l'interf6ron gamma ou de l'interleukine 2 (IL - 2) ou par l'existence de cellules NK immatures. Le taux de l'interf6ron gamma produit par les lymphocytes T
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La maladie de Behfet
est modifi6 : il diminue lors des pouss6es et augmente lots des r6missions (10). La production d'IL - 2 par les lymphocytes T e s t normale, cependant la r6ponse lymphocytaire h I ' I L - 2 est diminu6e. Ce d6ficit est dfi ~t une diminution du nombre des cellules portant les r6cepteurs IL - 2 dans les formes actives ;dans les formes inactives il y a une diminution de la densit6 des r6cepteurs IL - 2 sur les cellules T portant ces r6cepteurs. Les lymphocytes B diff~renci6s sont augment~s, l'activation polyclonale des lymphocytes Best due h une dysfonction des cellules T Helper et T suppressive, une activation directe des cellules B para~t tr6s improbable. Les lymphocytes circulants des sujets qui ont une maladie de Beh9et ou une aphtose buccale isol6e poss6dent un effet cytotoxique sur les cultures de cellules 6pith61iales de muqueuse buccale homologue et autologue. Ces faits prouvent que, dans la maladie de Beh9et, it y a une lymphocytotoxicit6 directe contre les cellules 6pith61iales (8). Certaines manifestations cliniques 6voquent un r61e des potynucl6aires dans la physiopathologie de la maladie comme les 16sions cutan6es papulo-v6siculeuses et papulo-pustuleuses spontan6es ou provoqu6es par la piqfire et l'hypopion. C'est ce qui a incit6 Mizushima /t 6tudier le chimiotactisme des polynucl6aires. Or, d'une part l'infiltration inflammatoire est compos6e presque exclusivement de lymphocytes au d6but, m~me dans les 16sions pustuleuses et dans l'hypersensibilit6 cutan6e aux points de piqfire, d'autre part des 6tudes faites ~tTunis trouvent que l'hypopion est un s6diment de lymphocytes et non de polynucl6aires. En fait le chimiotactisme des polynucl6aires est beaucoup plus complexes qu'on ne le pense ; il semble que les facteurs lymphocytaires interviennent dans sa r6gulation. Une augmentation de l'activit6 chimiotactique et une mobilit6 d6sordonn6e des polynucl6aire sont rapport6es dans plusieurs 6tudes ; leur activit6 phagocytante et macrophagique est 6galement augment6e. Un facteur s6rique et un composant du cytoplasme des polynucl6aires seraient responsables de l'augmentation de l'activit6 chimiotactique. I1 semble qu'il y a 6galement un facteur lymphocytaire responsable de cette anomalie, la phagocytose des particules de latex par les poly-
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nucl6aires neutrophiles est augment6e, mais le pouvoir phagocytant diminue lorsque les particules sont recouvertes d'IgG ou de C3. Ce comportement particulier des polynuc16aires neutrophilees n'est pas expliqu6. L'&ude des enzymes lysosomiales des leucocytes montre que l'activit6 my61operoxidasique est diminu6e au cours des pouss6es, alors que l'activit6 des phospharases acides et des b&a-glucuronidases leucocytaires est normale. Dans un autre travail on a montr6 que les polynucl6aires neutrophiles lib~rent la b6taglucuronidase en quantit6 anormalement 61ev6e. La morphologie et la distribution des microtubules cytoplasmiques des polynucl6aires sont diff6rentes dans la maladie de Beh9et par rapport aux sujets normaux et subissent des modifications au cours de la phase aigu~ par rapport h la r6mission. Ces microtubules jouent un r61e important dans le transport cytoplasmique des lysosomes et dans les mouvements de la membrane cellulaire. La colchicine induit une d6polym6risation des microtubules cytoplasmiques. Les polynucl6aires neutrophiles produisent 6galement un taux 61ev6 de radicaux oxydrils libres qui sont cytotoxiques pour les cellules endoth61iales ; l'adjonction de superoxide dismutase inhibe cette action n6faste. Le r6sultat de toute r6ponse immune h une stimulation antig6nique est la production d'immuns complexes circulants (ICC) qui n'ont un r61e pathog~ne que s'ils se d6posent dans les tissus. On a beaucoup parl6 des immuns complexes circulants dans la maladie de Beh~et qui sont pr6sents dans 50 p. 100 des cas. Leur r61e pathog~ne est des plus douteux. L'6tude en immunofluorescence cutan6e des 16sions papulo-v6siculeuses spontan6es ou provoqu6es par la piqfire ainsi que l'6ryth~me noueux ne montre pas de d6p6t d'immunoglobuline dans notre exp6rience et dans celle de beaucoup d'autres. Tout au plus y a-t-il un d6p6t de C3 dans les vaisseaux du derme. Les tissus darts lesquels on a trouv6 un d6p6t d'immunoglobuline sont rarement atteints comme le rein et le poumon. En fait les d6p6ts dans le rein ne s'accompagnent pas de modifications cliniques ou histologiques notables comme si dans la maladie de Beh~et les ICC se d6posaient passivement sur la membrane basale des gtom6rules r6naux.
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