Rev MPd lnterne
0 Elsevier,
1996:
17:576-W!
Paris
Communication
La paralysie
g6n6rale existe-t-elle
b&e
encore chez les non sidkens ?
K Masmoudi 1, H Joly2, A Rosa]*, JP Mizonl ‘Service
de neurologie,
‘service I, place
d’explorationsfon~tinnnelles Victor-Pawhet. X0054
du Amiens
systhne nerveux. cedex.
(Regu le 24 mars 1995 : accept& le 8 fk%~
CHU
Amiens
Not-d,
France
1996)
R&urn6 - Un homme jeune dont la positiviti de la serologic syphilitique avait CtC dkouverte lors d’un emprisonnement, plusieurs arm&s avant, fut hospitalis& B deux reprises en psychiatric pour un tpisode dCpressif atypique. Au cows d’une hospitalisation Wrieure 1 la suite d’une crise convulsive, la dkouverte d’une dkmence, de troubles neurologiques et la mise en evidence de la positivitk des stkologies syphilitiques dans le sang et dans le liquide kphalorachidien permirent de poser le diagnostic de paralysie &n&ale. Complication tardive de la syphilis, la paralysie gtntrale est devenue exceptionnelle g&e h I’efficacitC du dkpistage et du traitement des formes prkoces de la maladie. La plupart des cas rapport& actuellement concernent des malades du sida. Toutefois, la rialisation des skologies syphilitiques reste justifike devant tout syndrome dCmentiel ou tout &at depressif atypique. paralysie
g&&ale
/ neurosyphilis
I dkmence
/ syndrome
frontal
Summary
- Does general paralysis always exist in non-AIDS patients? A 33 pear-old man was twice admitted in psychiat~for a non qpical depression. He was later hospitalizrdfora convulsiveseizure. Then, the discovery of dementia, necrologic trouble, positivit) ofsyphilitic reaction in blood and in cerebra-spinal fluid allowed to diagnose genrralparalwis. Generalparal~sis is a late complication of syphilis and it has become exceptional because of efficacy qfdetection and treatment of early state qf syphilis. Now. most of c,ases aflects AIDS patients. Nevertheless, this case shows that realisation of syphilitic reaction is alway justified by an? dementia or any non &pica1 depression. general
paralysis
/ neurosyphilis
/ dementia
/, frontal
syndrome
Le dkpistageprknuptial et antinatal de la syphilis ainsi que l’introduction de la pknicilline ont permis un recul des formes primaires et des formes tardives de cette affection. Depuisle dCbutde 1’CpidCmie par le VIH, une augmentationnette desformes prkcocesde la syphilis a CtCsignalke.C’est pourquoi le diagnosticdeparalysie g&%-ale devra encore 2tre CvoquCdevant tout syndrome dkmentiel ou confusionnelou tout &at dkpressif atypique. OBSERVATION k deuxreprises, en I989 puisen 1090,un hommede 33ans, cklibataire,Ctaithospita1isC en milieupsychiatriquepour un syndrome dkpressif.La famille signalaitdesmodifications
*Correspondance
et tlrks
ii part
: A Rosa, m&me adresse
rkentes desoncomportement : agressivitC, troubles de I’humeur et de la mkmoire, apragmatisme et aussi ivresses fr& quentes. Le bilan effect& comportant un scanner c6rCbral et un EEG &tait saris particularitC. En dkembre 1990, il Ctait hospitalis dans un service de rkanimation pour un coma postcritique. Le premier bilan ne permettait pas de porter un diagnostic Ctiologique. Le scanner revtlait une atrophie cortico-sous-corticale diffuse & prkdominance frontale. Dans le liquide ckphalorachidien (LCR), la protkinorachie Ctait legkrement Clevke et les recherches d’anticorps antivirus neurotropes nkgatives. Le patient a CtCensuite transfkk en neurologie. Son &at gCnCral Ctait mkdiocre. II avait des ulckrations suintantes au niveau de la rCgion susclaviculaire. L’examen neurologique rCvClait un syndrome pyramidal aux quatre membres, une inCgalitC du diamktre pupillaire, un syndrome frontal avec un ~msping des mains bilatCra1, une prkhension buccale (sucking), un agrippement du regard pour chaque objet present6 devant lui et un com-
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La paralysie gCnCrale
portementd’utilisation.11existaitaussiun syndromeconfusionnelavecuned&orientationtemporospatiale importante, destroublesmnesiques, destroublesdu comportement (urination)et du langageet deshallucinations visuelleset auditives. La serologicsyphilitiquedansle sangCtaitpositive (TPHA : l/l0 240 ; VDRL : positif,PTA adsorb6IGM : positif a l/10, test de Nelson: positif a 100%). Le LCR etait clair : proteinorachiea 0,81 g/L, lymphocytose: 6 CICments/mm3 et hypergammaglobulinorachie a 51,9 %. Le TPHA etait positif a l/5 120.Le diagnosticde syphilisCvolutive Ctaitdoneretenu(annexe). Leslesionscutanees quiavaientdansunpremiertempsCtC consider& commedesescarres duesa une compression prolongkeautours du comaCtaientenfait deslesionssyphilitiques.Le premierbilanpsychometrique montraitune deteriorationintellectuelleglobaleet des signes frontaux: undeficit de la memoirevisuelle,un troublede la denomination,une reductionde la fluenceverbale,destroublesde la memoire enrappel,enevocationet enapprentissage. Le diagnosticde paralysieg&r&aleCtaitposesurl’associationd’unedeteriorationmentaleprogressive,de troubles neurologiques, de signesserologiques syphilitiquesspecifiquesdansle serumet dansleLCR et d’uneatrophiecerebrale au scanner. Parla suite,leselements dementiels seprecisaient alorsque ladeteriorationphysiquettait dejatrbsimportante.Le patient etaitamaigriet invalide.Le syndromefrontaletaitaupremier plan avecdesactivitesd’imitation,uneprehension pathologiquemanuelleet buccale,desconduitesd’urination,une aphasieadynamique. I1 avait aussi des troubles de la m&moire, du jugement,du raisonnement.Hormisquelquesphenombneshallucinatoires transitoires,on nesignalaitpasdedelire. Le traitementantibiotiquecomportaitinitialementdela penicillineG a dosesrapidementcroissantes, associee a une corticotherapiependant1 semaine, puis 1 MU/j de penicilline G par voie intramusculaire pendant20jours. Un relais par la forme retard (Extencilline@: 1,2MUkern) pendant 6 moisCtaitentreprisavantunenouvellecuredepenicilline G a la dosede 1 MU/j pendant1 mois.Aprks l’instauration du traitement,la serologicsyphilitiquesemodifiait.Dansle sang,diminutiondu tauxdu TPHA (l/5 120)et du FTA abs serique(l/l 280) le VDRL restaitdouteux.Dansle LCR. diminutionde l’hyperproteinorachie (0,48 g/L) et du pourcentagede gammaglobulines (17,9 %) ; persistance de valeursCleveesdu TPHA (l/l 280) ; diminutiondu taux du PTA abs(l/l 280). Un deuxiemebilan psychometrique effectue1 moisaprb le debutdu traitementantibiotiquemontrait uneamelioration,puisun troisiemebilan (2 moisplus tard) uneleg&e aggravation.L’IRM realisbe1 an aprbsle diagnosticnemontraitpasdegommesyphilitiquemaisdecelait unemajorationdel’atrophiecerebrale,devenuealorsplus globale. En raisonde la persistance d’une deteriorationintellec-
tuelle severe,de troublesdu comportementet d’une perte totalede l’autonomie,lepatientneputregagnersondomicile. DISCUSSION Le diagnosticdeparalysie get&ale fut port6 chez notre patient B1’Sgede 36 ans,apresplusieursepisodespsychiatriques et neurologiques,a l’occasion d’une crise convulsive et d’un coma. Toutefois, le debut de la maladie Ctait probablementanttrieur de 2 ansau diagnostic, sarisqu’il puisseCtredate avec precision.L’installation fut insidieuse, ponctuee par des troubles du comportement,un repli et un isolementprogressif, des sympt8mesdepressifset une alteration de l’etat general. Une serologic syphilitique positive avait Ctt decouverte au tours d’un bref sejouren prison en 1981. Lors de saliberation quelquesjours plus tard, un traitement antibiotique fut prescrit mais non suivi par le patient. Le mode et la date de la contamination de m&meque l’eventualite d’une transmissionde la maladie ne sont pasconnus. Notre patient presentaitune forme typique de paralysie g&r&ale : cliniquement, il avait un syndromedCmentiel, la strologie syphilitique Ctait positive dansle sanget dansle LCR, 1’EEG Ctait normal commeil est habitue1dansla paralysie g&r&ale (dans60 % descas pour Chkili et al [2]), le scannercerebral montrait une atrophie cortico-sowcorticale predominant sur les regions frontales, cotnme dansla majorite descasde El Alaoui-Faris et al [3] ou de Michel et al [4]. Notre patient Ctait seronegatifpour le VIH alorsquelesquelques publications recentesde neurosyphilistertiaire portent sur descasde sida [5-81. Bien quele traitement de la paralysie&n&ale ne soit pas codifie, la plupart des auteurs recommandentdes dosesClew&es de penicilline G par voie intraveineuse [2,4] : 20 MU/j pendant3 semaines,BrCpCtertous les 6 mois voire tous les 3 mois. En accord avec les differents cas de paralysie generale publies, le traitement antibiotique n’a petmis dans notre cas qu’une amelioration des signesphysiques, maisn’a pasenrayt le processusde deterioration intellectuelle. Le pronostic de la paralysie g&r&ale reste severe. Plusieursfacteurs semblentZtl’origine du retard diagnostique. Les troubles du comportement, les symptomesdepressifset lespremierselementsde la dedrioration intellectuelle sont survenus chez un patient presentantde frequents episodesd’ivresse depuis de longuesanneeset B I’histoire relativement agitee : petites infractions, faillite, ch6mage.Lamajoration de l’ethylisme et la desocialisation progressive n’ont pas
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K Masmoudi et al
marquCune rupture brutale dansson histoire et n’ont pasattirk l’attention descliniciens. Lestroublesinitiaux et, dansun premier temps, I’Cpisodecomitial, ont CtC consid&& comme une conskquence de I’Cthylisme chronique. De plus, il est probable que l’kthylisme et les troubles du comportement survenus plusieursannCesavant le diagnosticaient Ct6aggravkspar une meningite syphilitique latente. Toutefois, malgr6 la recrudescencede l’infection syphilitique chez les sidkens,la paralysie g&kale demeure une maladie exceptionnelle. L’infection syphilitique est souventdCpistCeet traitCeZ+ la phaseprimaire ou secondaire de la maladie. D’ailleurs, I’Cvolution vers une neurosyphilis des syphilis non traitCesne reprksente pas plus de 10 % des cas [9]. Une syphilis pas&e inaperque?Ila phaseprkoce peut 6tre enrayCe par un traitement antibiotique tr6pon&micide prescrit pour une infection intercurrente telle une grippe ou une angine. La paralysie g&kale qui dominait au sibcle demier la psychiatric et la syphilis l’ensemble de la pathologie sent actuellement exceptionnelles. Devenuesrares,elles sont 2 prksent ignorkes desnouvelles gkntrations de praticiens [lo]. La syphilis et le sida ont descomplications neurologiques et psychiatriques communes: mkningite aigu&ou chronique, enckphalite subaigug,atteintes des nerfs crsniens, accidents ischtmiques ckrkbraux, enkphalopathie dkmentielle, myklopathie [ 1 I]. La neurosyphilis doit &tre considCrCedans le diagnostic diffkentiel de chacunede cesmanifestations chez un patient infect6 par le VIH [7], elle est une des manifestations opportunistes du sida. Elle peut Ctre une complication infectieuse prkcoce ou l’affection r&Clatrice de l’infection par le VIH. La plupart des auteurs recommandent, chez tout patient infect6 par le VIH et atteint tgalement de syphilis, la realisation d’une ponction lombaire pour rechercher des arguments en faveur d’une neurosyphilis, mCmeen l’absencede sympt6me neurologique et quel que soit le stadede l’infection syphilitique [5]. Si la pratique d’une strologie syphilitique sykmatique n’a plus saplace dansun service de mkdecine inteme [l 11,elle garde tout sonink?C!tdansles services de neurologie et de psychiatric.
RI~FI?RENCES I Chemouilli P, Amarenco P, Roullet E, Marteau R. Neurosyphilis tardive : maladie d’actualitC. Rev Mbd Inteme 1989;10:503-8 2 Chkili T. El Alaoui-Faris M, Yahvaoui M, Ouazzani R. Manifestations neurologiques et psychia&ques de la syphilis ctrkbrale. Encvcl MUChir Paris. Psvchiatrie, 37620 AlO, 10-1989, 10 p 3 El Alaoui-Faris M, Chkili ?, Medejel A et al. Les complications neurologiques de la syphilis. J?tude de 53 cas. Sem H&J Paris 1986;44:351 l-5 4 Michel D, Blanc A, Laurent B, Foyatier N, Portafaix M. &ude biologique, psychomttrique et tomodensitomCtrique de la neurosyphilis traitee. Rev Neural (Paris) 1983;139:737-44 5 Johns DR, Tierney M, Felsenstein D. Alteration in the natural history of neurosyphilis by concurrent infection by the human immunodeficiency virus. N Engl J Med 1987;316: 1569-72 8 Caumes E, Janier M, Janssen F, Feyeux C, Vignon-Pennamen MD, Morel P. Syphilis acquise au tours de l’infection par le virus de I’immunodSicience humaine. Presse M&d 1990;19:369-71 7 Berger JR. Neurosyphilis in human immunodeficincy virus type 1-seropositive individuals. Arch Neural 1991;48:700-2 8 Labauge R, Pages M, Tourniaire D, Blard JM. Infarctus pontique, syphilis nerveuse et infection par le VIH. Rev New-01 (Paris) 1991;147:406-8 9 Clarck EG, Danholt N. The Oslo study of the natural history of untreated syphilis: an epidemiologic investigation based on a restudy of the Boock-Bruusgaased materiel: a review and appraisal. J Chronic Dis 1955;2:31 l-44 10 Wooldridge WE. Syphilis, a new visit to an old enemy. Postgrad Med 1991;89:193-202 11 Brion N, Joly V, Champetier de Ribes D, Meier F, Courtois F, Carbon C. La s&ologie syphilitique systkmatique a-t-elle encore un inttr& dans un service de mCdecine interne ? Presse M&d 1986:15:1851-4
ANNEXE Critbres diagnostiques de neurosyphilis [ I] : - mise en Cvidence d’une production d’anticorps sp&cifiques antitrCponCmiques dans le systkme nerveux central (avec ou sans sympt8mes neurologiques) ; -association de sCrologies spCcifique et non spCcifique positives dans le liquide CCphalorachidien B des anomalies cytochimiques ou s&ologiques specifique seule positive dans le liquide c6phalorachidien associCe a des anomalies cytochimiques de ce dernier ; - sCrologie spCcifique seule positive dans le liquide ctphalorachidien associCe B deux des anomalies suivantes : t%ments supCrieurs a 5/mm3, hyperprotCinorachie, augmentation des gammaglobulines, et a des symptBmes neurologiques.