La réimplantation cervicale de la grossesse, une complication méconnue des interruptions volontaires de grossesse. À propos d’un cas

La réimplantation cervicale de la grossesse, une complication méconnue des interruptions volontaires de grossesse. À propos d’un cas

Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2012) 41, 587—590 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE...

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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2012) 41, 587—590

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

La réimplantation cervicale de la grossesse, une complication méconnue des interruptions volontaires de grossesse. À propos d’un cas Cervical pregnancy: A rare case of reimplantation after abortion. A case report A.C. Pizzoferrato a,∗,b, G. Legendre b, F. Demaria b, J.-L. Benifla b a

Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, centre hospitalier intercommunal de Poissy/Saint-Germain-en-Laye, 10, rue du Champ-Gaillard, 78303 Poissy, France b Service de gynécologie-obstétrique, groupe hospitalier Armand-Trousseau — La Roche-Guyon, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France Rec ¸u le 23 avril 2012 ; avis du comité de lecture le 24 juin 2012 ; définitivement accepté le 13 juillet 2012 Disponible sur Internet le 24 aoˆ ut 2012

MOTS CLÉS Grossesse cervicale ; Grossesse ectopique ; Hystérectomie ; Traitement conservateur

KEYWORDS Cervical pregnancy; Ectopic pregnancy; Hysterectomy; Conservative treatment

Résumé La grossesse cervicale est une forme rare de grossesse ectopique définie par l’implantation du blastocyste en dessous du niveau de l’orifice interne du col. La plupart des cas de grossesse cervicale ont été décrits chez des patientes ayant des antécédents d’aspiration—curetage ou de césarienne. Les auteurs rapportent un cas de grossesse cervicale survenue après échec d’une interruption volontaire de grossesse médicamenteuse. Une revue de la littérature a permis de discuter la possibilité d’une réimplantation secondaire de la grossesse au niveau cervical et de décliner les différents types de prise en charge conservative et non conservative. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Cervical pregnancy is a rare form of ectopic pregnancy defined by the implantation of the blastocyst in the cervical canal. Most of the cervical pregnancies have been reported in patients with a history of vacuum curettage or caesarean section. The authors report a case of cervical pregnancy occurred after a failure of medical abortion. A literature review discusses the possibility of a cervical secondary implantation and describes the management of such pregnancies. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction ∗

Auteur correspondant. Adresse e-mail : ac [email protected] (A.C. Pizzoferrato).

La grossesse cervicale est une forme rare de grossesse ectopique définie par l’implantation du blastocyste en dessous

0368-2315/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.07.002

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A.C. Pizzoferrato et al.

du niveau de l’orifice interne du col. Sa gravité est liée essentiellement à ses complications hémorragiques pouvant mettre en jeu le pronostic vital de la patiente. Nous rapportons ici un cas de grossesse cervicale révélée par une hémorragie cataclysmique au décours d’une aspiration dans un contexte d’échec d’interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse. Le but de l’article est de discuter de la possibilité d’une réimplantation d’une grossesse initialement intra-utérine au niveau cervical et de décliner les prises en charge médicamenteuses et chirurgicales existantes.

Observation Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 36 ans, G3P2 (deux antécédents de césariennes) adressée dans notre service de gynécologie-obstétrique pour prise en charge de métrorragies persistantes six semaines après une IVG médicamenteuse. Une échographie réalisée avant l’IVG était en faveur d’une grossesse intra-utérine évolutive de six SA + trois jours. La patiente a bénéficié de la prise en charge recommandée, soit trois comprimés de mifépristone suivis de deux comprimés de misoprostol 48 heures après. Lors de la consultation 15 jours après, l’échographie de contrôle retrouvait la persistance d’un sac intra-utérin contenant un embryon sans activité cardiaque. Une aspiration endo-utérine sous anesthésie générale a donc été réalisée. La persistance des saignements sept jours après a motivé le transfert de la patiente dans notre service. À l’arrivée aux urgences, l’échographie retrouvait une image intra-utérine, hétérogène de 40 × 15 mm, sans embryon. La vélocimétrie Doppler n’a pas été réalisée en préopératoire. L’examen clinique retrouvait un utérus augmenté de volume ; l’orifice cervical externe était fermé au toucher vaginal. Le taux de ␤hCG plasmatiques était de 516 UI/mL. Une seconde aspiration sous anesthésie générale s’est révélée rapidement très hémorragique avec des pertes sanguines estimées à 1,5 L en 20 minutes nécessitant la transfusion de trois culots globulaires. Les diagnostics évoqués à ce stade étaient la grossesse cervicale ou la grossesse implantée dans la cicatrice de césarienne. Le cerclage du col par un fil de mersuture 6, associé à un tamponnement de l’endocol par une sonde de Folley no 14, s’est révélé inefficace. L’état hémodynamique de la patiente étant instable et l’échographie peropératoire retrouvant une hématométrie rapidement évolutive, l’embolisation des artères utérines ne nous a pas semblé envisageable. La ligature première des artères hypogastriques par laparotomie (au vicryl 2/0) s’est révélée inefficace ; une hystérectomie totale extrafasciale a donc dû être réalisée. L’examen macroscopique de la pièce a confirmé le diagnostic de grossesse cervicale (Fig. 1). La réanimation active, par perfusion de culots globulaires et de plasmas frais congelés, a permis le contrôle permanent de l’état hémodynamique pendant toute la durée de l’intervention. En postopératoire immédiat, les constantes hémodynamiques de la patiente étaient stables (PA = 110/70 mmHg), le taux d’hémoglobine à 12 g/dL et

Figure 1 Grossesse cervicale. Examen macroscopique (flèche). 1 : corps utérin ; 2 : isthme utérin ; 3 : col utérin. On note l’implantation du blastocyste en dessous du niveau de l’orifice interne du col. Cervical pregnancy. Macroscopic aspect.

l’hémostase normale. La sortie de la patiente était autorisée au cinquième jour postopératoire. L’examen anatomopathologique définitif a retrouvé des vestiges de villosités chorioniques placentaires dans l’endocol avec développement de vaisseaux nourriciers ectasiques, confirmant ainsi le diagnostic de grossesse ectopique avec implantation cervicale.

Discussion La grossesse cervicale est une forme rare de grossesse ectopique. Sa fréquence varie entre 1/1000 et 1/95 000 grossesses avec une fréquence moyenne estimée à 1/20 000 grossesses [1]. Le diagnostic clinique de la grossesse cervicale reste aujourd’hui encore très difficile ; celle-ci se manifestant souvent par des métrorragies indolores. À l’examen, le col est mou avec un orifice cervical externe partiellement ouvert et un utérus non augmenté de volume. Il peut être évoqué sur l’échographie précoce qui retrouve un sac gestationnel et un trophoblaste entièrement situés au contact direct de l’orifice interne du col avec une cavité utérine peu augmentée de volume, sans ligne de vacuité visible. Les facteurs de risque de grossesse cervicale sont classiquement mis en rapport avec l’incapacité de l’endomètre à accueillir l’œuf fécondé ou un transport trop rapide de l’œuf dans l’utérus. Ils incluent les antécédents de césarienne, d’IVG avec curetage, les malformations utérines, l’atrophie endométriale, les endométrites ou la fécondation in vitro (FIV) [1]. Une série de 102 cas de grossesse cervicale rapportée par Ushakov et al. [2] retrouve un taux de 70 % d’IVG

Réimplantation cervicale de la grossesse : une complication méconnue des IVG avec curetage dans les antécédents des femmes ayant une grossesse cervicale. Dans le cas rapporté, l’histoire clinique est en faveur d’une réimplantation secondaire de la grossesse au niveau cervical après l’échec d’une IVG médicamenteuse. En effet, la première échographie réalisée avant l’IVG est en faveur d’une grossesse intra-utérine évolutive de six SA et demie. La deuxième échographie 15 jours après la prise de mifépristone retrouve également un sac endocavitaire hypotonique avec un embryon sans activité cardiaque. Les césariennes antérieures, en altérant les qualités de l’endomètre, voire en créant des synéchies utérines ont pu favoriser une mauvaise évacuation de la grossesse et sa réimplantation au niveau du col. L’aspiration—curetage a pu également favoriser une réimplantation cervicale par traumatisme cervical, comme dans les cas de grossesse cervicale après FIV [3]. Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature de cas de réimplantation de grossesse au niveau cervical. Ceux-ci sont décrits après traitement cœlioscopique conservateur des grossesses extra-utérines (GEU) tubaires et peuvent survenir dans 5 à 8 % des cas de salpingotomie pour GEU [4]. Dans la plupart des cas, le trophoblaste résiduel est retrouvé dans le site de la GEU, mais des cas de réimplantation péritonéale ou viscérale, voire au niveau des orifices de trocart, ont été décrits [5]. Le tissu trophoblastique est donc capable de se réimplanter après un « traumatisme » chirurgical. L’examen anatomopathologique ne retrouve pas de décidualisation du chorion cytogène de la muqueuse endométriale dans le corps utérin. Il ne peut pourtant pas éliminer de fac ¸on formelle une ancienne implantation de la grossesse dans le corps utérin car la mifégyne est connue pour inhiber la décidualisation de l’endomètre induite par la progestérone en entraînant des changements architecturaux de l’endothélium des capillaires déciduaux [6]. Ces lésions vasculaires sont à l’origine d’une nécrose déciduale. Sur le plan thérapeutique, nous avons dans un premier temps tenté de stopper l’hémorragie par un tamponnement intra-utérin à l’aide d’un ballonnet de sonde urinaire associé à un cerclage du col. Ce traitement s’est révélé inefficace et a nécessité une hystérectomie d’hémostase. Fylstra et Coffey ont rapporté trois cas de grossesses cervicales traitées par cerclage, tamponnement cervical et curetage. Le cerclage hémostatique était réalisé en premier lieu, suivi d’une aspiration puis d’un tamponnement de la loge cervicale à l’aide du ballonnet d’une sonde de Folley. Le cerclage était enlevé immédiatement après l’insertion de la sonde de Folley [7]. Il s’agit de techniques simples, rapides et peu invasives, mais elles semblent efficaces surtout pour des grossesses cervicales jeunes (moins de huit SA). Elles ne compromettent pas la réalisation des autres techniques, elles peuvent donc toujours être réalisées dans un premier temps. Les traitements médicamenteux utilisés pour traiter une grossesse cervicale sont basés essentiellement sur le méthotrexate soit en injection parentérale, soit en instillation intra-amniotique. Le taux de succès rapporté varie de 40 à 90 % selon la présence ou non d’une activité cardiaque fœtale [8]. La mifépristone per os a également été utilisée par certains auteurs comme De Greef et al. après échec du méthotrexate [9]. Dans notre cas, la mifégyne a permis

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un arrêt de l’activité cardiaque par nécrose déciduale alors que le trophoblaste est resté actif entraînant une érosion du col jusqu’à la rupture comme le retrouve l’examen anatomopathologique. Le diagnostic initial de grossesse intra-utérine en cours d’expulsion était le diagnostic le plus probable à l’arrivée aux urgences au vu de l’histoire clinique et de la présence d’une image intra-utérine à l’échographie. L’étude de la vascularisation utérine aurait pu nous orienter vers le diagnostic de grossesse cervicale en visualisant le trophoblaste sous l’orifice interne du col. Le diagnostic plus précoce de la grossesse cervicale aurait peut-être permis d’entrevoir la possibilité de traitements conservateurs et éviter un traitement radical potentiellement catastrophique. Il apparaît donc indispensable de réaliser une échographie Doppler dans tous les cas de patientes référées après échec d’un traitement initial ou de complications d’une IVG, idéalement par un échographiste référent.

Conclusion La grossesse cervicale est une forme rare de grossesse ectopique. Le diagnostic clinique est difficile et trop souvent méconnu. Des métrorragies importantes au premier trimestre de grossesse constituent souvent le seul signe d’appel et le diagnostic doit être évoqué en cas d’antécédent de curetage endo-utérin, de FIV ou de césarienne. Elle peut, par ailleurs, constituer une complication des interruptions volontaires de grossesse ; le tissu trophoblastique étant capable de se réimplanter dans un site inapproprié, comme dans les cas de grossesse tubaire. Malgré les progrès des techniques de dépistage des grossesses extra-utérines, il existe encore à l’heure actuelle des cas de grossesse cervicale faite en peropératoire. Ces cas de grossesses cervicales dépassent souvent les techniques radiologiques ou chirurgicales conservatrices de par la survenue de saignements vaginaux abondants et nécessitent une hystérectomie d’hémostase en urgence. Il apparaît donc indispensable de réaliser une échographie-doppler dans tous les cas de patientes référées après échec d’un traitement initial ou de complications d’une IVG, idéalement par un échographiste référent.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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A.C. Pizzoferrato et al. [8] Hung TH, Shau WY, Hsieh TT, Hsu JJ, Soong YK, Jeng CJ. Prognostic factors for an unsatisfactory primary methotrexate treatment of cervical pregnancy: a quantitative review. Hum Reprod 1998;13:2636—42. [9] De Greef I, Berteloot P, Timmerman D, Deprest J, Amant F. Viable cervical pregnancy with levonorgestrel containing intrauterine device, treated successfully with methotrexate and mifepristone. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2005;120:233—5.