Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2015) 44, 479—484
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COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES ET OBSTÉTRICIENS FRANC ¸ AIS (CNGOF)
Groupement régional de Bordeaux et du Sud-Ouest. Réunion du 9 avril 2014 Meeting of the ‘‘Bordeaux et Sud-ouest’’ group. April 9th, 2014
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Électroconvulsivothérapie au cours de la grossesse : à propos d’un cas A. Bracq a,∗ , A.-L. Sutter-Dallay b,c , E. Bosc b , D. Dallay a Pôle d’obstétrique-gynécologie-reproduction, hôpital Pellegrin, centre Aliénor-d’Aquitaine, CHU de Bordeaux, Bordeaux, France b Service de psychiatrie périnatale, centre hospitalier Charles-Perrens, Bordeaux, France c Inserm U657, Université de Bordeaux, Bordeaux, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Bracq)
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Introduction La grossesse est une véritable période de vulnérabilité aux troubles psychiques, liée à des facteurs psychiques, biologiques et sociaux. La grossesse ne protège pas contre la survenue de troubles dépressifs. La dépression au cours de la grossesse est une pathologie fréquente, avec 7 à 13 % d’états dépressifs majeurs, plus fréquents au cours du premier trimestre (T1). Il existe une réelle difficulté au diagnostic, surtout lors du premier trimestre, n’ayant pas d’outil diagnostique spécifique et la symptomatologie dépressive pouvant être confondue avec les signes sympathiques de grossesse (asthénie, trouble du sommeil et de l’alimentation, labilité émotionnelle). Cependant, la dépression de la grossesse étant un facteur de risque reconnu de trouble dépressif du postpartum avec un retentissement potentiel sur le développement du fœtus et de l’enfant (hypotrophie, mauvaise adaptation néonatale, trouble du sommeil, trouble du développement psychoaffectif. . .), ainsi qu’un risque maternel (auto- et hétéro-agressif), il est primordial d’identifier les populations à risque le plus rapidement possible, en recherchant les facteurs de risques identifiés ainsi
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que les antécédents personnels de troubles psychiatriques ou de traitements. Il existe un réel enjeu thérapeutique chez la femme enceinte ; en effet, les risques materno-fœtaux en l’absence de traitement sont à mettre en balance avec les risques liés aux traitements (tératogénicité lors de la période embryonnaire, foetotoxicité lors de l’organogenèse et toxicité néonatale avec des risques de sevrage et de surdosage). Une prise en charge multidisciplinaire est donc nécessaire, et la prescription de psychotropes doit respecter certaines règles : recommandés dans les dépressions d’intensité modérée à sévère ou pour tout trouble dépressif persistant après T1, en monothérapie, à posologie minimale efficace et de durée courte. Selon l’American Psychiatric Association (APA), la sismothérapie est un traitement de choix, efficace et fiable aux trois trimestres de la grossesse et pourrait être une alternative thérapeutique de la dépression au cours de la grossesse dans des indications précises (dépressions graves avec des caractéristiques psychotiques et/ou chimiorésistantes). Cas clinique Nous rapportons le cas d’une primigeste de 22 ans, aux antécédents personnels de psychose dysthymique diagnostiquée à l’âge de 20 ans et familiaux de troubles bipolaires. La patiente a été amenée par son compagnon aux urgences psychiatriques en décembre 2012 pour un épisode dépressif majeur avec mélancolie, associé à des idées délirantes. En rupture de suivi psychiatrique depuis 6 mois, elle était enceinte de 4 mois et avait arrêté toute thérapeutique à l’annonce de la grossesse vers 6—7 SA. Lors de l’hospitalisation, la résistance aux différents traitements médicamenteux (en bi- ou trithérapie) a amené l’équipe médicale à opter pour un traitement par électroconvulsivothérapie (ECT), avec le consentement de son compagnon. Cela a permis l’obtention en trois séances d’une normothymie et la disparition de tout élément
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délirant. Les séances ont été stoppées par un passage en fibrillation auriculaire au décours de la troisième séance. Après avis cardiologique et un bilan cardiologique normal, il n’existait pas de contre-indication à la réalisation d’autres séances d’ECT en veillant cependant à obtenir une euvolémie et un réveil très progressif afin d’éviter les variations trop rapides de fréquence cardiaque. La patiente a pu regagner son domicile avec un traitement thymorégulateur. Elle fut suivie à domicile par une sage-femme de PMI, par un obstétricien tous les mois et par un psychiatre tous les quinze jours. Elle accoucha par voie basse à 39 SA + 5 j d’un garc ¸on pesant 3540 g. La relation mère-enfant fut bonne et la patiente fut mise sous traitement thymorégulateur. On observa une rechute dépressive avec idées suicidaires à 15 jours du post-partum. La symptomatologie fut améliorée avec une nouvelle cure d’ECT. Cependant, la patiente refusa de continuer après la 7e séance. Discussion Découverte en 1938 par Ugo Cerletti et Luciano Bini et introduite en France en 1940 par Marcel Lapipe et Jacques Rondepierre, elle eut un succès grandissant auprès des psychiatres jusque dans les années 1960. On observa par la suite, une nette régression de son utilisation avec l’essor de la psychopharmacologie et l’apparition d’un vaste mouvement d’opposition, méthode jugée « barbare » et d’utilisation trop systématique, sans indication précise. La représentation comme acte soignant dans les productions cinématographiques et la littérature est rare, donnant une image négative de l’ECT dont la pratique s’éloigne de celle actuellement utilisée (« vol au-dessus d’un nid de coucou », « voyage au bout de la nuit »). En ce qui concerne la physiopathologie, encore controversée de nos jours, l’ECT aurait des effets semblables aux traitements antidépresseurs, en augmentant les concentrations du neurotransmetteur BNDF et la neurogenèse hippocampique, deux éléments observés dans les différentes études chez les patients en rémission. Selon l’APA en 2001 et l’Anaes en 1998, les indications de l’ECT durant la grossesse sont les suivantes : mise en jeu du pronostic vital materno-fœtal (auto-agressif avec risque suicidaire majeur et risque hétéro-agressif comme la mélancolie délirante ou catatonie), contre-indications médicamenteuses, résistances au traitement psychotrope. Après une information claire, il est indispensable d’obtenir le consentement écrit du patient ou de la personne de confiance en cas d’incapacité du patient à consentir. Le consentement peut être retiré à tout moment. La seule contre-indication absolue au traitement est l’hypertension intracrânienne. Il existe un risque d’engagement cérébral secondaire à l’élévation de la pression intracrânienne lors de la crise convulsive provoquée par l’ECT. Le principe du traitement est de provoquer une crise tonicoclonique généralisée (CTCG) d’au moins 25 secondes par l’application transcrânienne d’un courant électrique d’intensité constante composé de trains d’ondes brèves pulsées, sous anesthésie générale. La charge électrique nécessaire dépendant de plusieurs paramètres, il est nécessaire de déterminer le « seuil épileptogène » au cours de la première séance par une méthode de titration. L’enregistrement de l’activité électrique cérébrale par un électroencéphalogramme est indispensable afin de vérifier la présence d’une crise électrique (bouffées de pointes ondes caractéristiques) et l’absence d’état de mal épileptique et de rechercher les critères d’efficacité d’une séance d’ECT (crise tonicoclonique de plus de 20 secondes et/ou crise électrique de plus de 25 secondes, présence de la suppression de l’activité bioélectrique corticale). Lors de la cure initiale, les séances sont administrées à raison de deux à trois par semaine, non consécutives, pendant plusieurs semaines. Un traitement d’entretien peut être proposé en prévention de la récidive. L’arrêté du 5 décembre 1994 assimile l’ECT à un acte anesthésique. Selon les recommandations de la SFAR en 1990, une consultation anesthésique et visite pré anesthésique sont requises. Le seul examen obligatoire avant la séance est l’ECG (grade C Anaes). La séance se déroule dans un site dédié au sein de l’unité psychiatrique ou au bloc opératoire dans une salle de surveillance post-interventionnelle, en présence de l’anesthésiste, de l’obstétricien, du psychiatre et de l’infirmier référent. L’anesthésie de courte durée d’action
associe un hypnotique (délai d’action bref, durée d’action courte et interférent le moins possible avec le seuil épileptogène, tel que l’étomidatel) et un curare myorelaxant (chlorure de suxaméthonium Celocurine) permettant d’induire une crise comitiale uniquement cérébrale et ainsi limiter les risques de lésions ostéoarticulaires. Des règles particulières sont à respecter chez la femme enceinte : ces femmes sont à considérer « comme estomac plein » à partir de 26 SA, ce qui amènera à prescrire un antiacide et à éviter les anticholinergiques ; afin d’éviter le risque de compression aortocave et donc d’hypo-perfusion fœtale, il est recommandé de mettre les patientes en décubitus latéral gauche au cours de la séance, d’hydrater la patiente en intraveineux et d’administrer une oxygénation suffisante sans hyperventilation. Une surveillance échographique de l’état fœtal (Manning) et électrocardiotocographique à partir de 24 SA est recommandée avant et après chaque séance. Une prise en charge rapide des différentes urgences obstétricales devra être mise en place. Une revue de la littérature « ECT in pregnancy » d’Anderson et Reti, portant sur 57 articles de 1941 à 2007, recense 339 cas de patientes traitées par ECT pour différentes indications. Sur les 339 cas recensés, hormis les complications classiques des ECT, 20 cas de complications maternelles ont été retenus : 12 cas de contractions utérines et menace d’accouchement prématuré, 2 cas de fausses couches (non imputables chronologiquement aux ECT), 2 cas de saignement endo-utérin, 1 cas d’état de mal épileptique, 1 cas de douleurs abdominales, 1 cas de décollement placentaire, 1 cas d’hématurie. Aucun décès maternel n’a été rapporté. Sur les 339 cas, 25 complications fœtales ou néonatales ont été rapportées : 11 décès (1 seul imputable aux ECT et faisant suite à un état de mal épileptique chez la mère), 11 anomalies congénitales (faible imputabilité aux ECT), 1 cas d’infarctus cérébraux multiples chez une patiente ayant rec ¸u le traitement mais avec une pré-éclampsie à 36 SA. Il est donc recommandé de rediscuter le traitement par ECT lors d’une pathologie obstétricale surajoutée. Dans cette revue, les données étaient disponibles pour 62 patientes et les indications étaient les suivantes : dépression (37 cas), troubles bipolaires (7 cas dont 4 épisodes dépressifs et 3 épisodes maniaques), schizophrénie (8 cas). Les pourcentages de répondeurs étaient respectivement 83,8 %, 85,7 %, 61,1 % et le taux de rémission respectivement de 70,3 %, 71,4 %, 33,3 %. Rares sont les études qui s’intéressent au devenir des enfants post-ECT au cours de la grossesse. O’Reardon et Cristancho retrouve un développement strictement normal chez un enfant suivi jusqu’à 18 mois, dont la mère traitée pour une dépression grave, a rec ¸u 18 séances d’ECT au cours de sa grossesse. Conclusion L’ECT semble être une option sûre et efficace pour les troubles de l’humeur graves de la femme enceinte. Elle reste cependant une thérapeutique à part malgré l’évolution des connaissances et l’amélioration constante de sa méthodologie (contrainte des soins sous anesthésie générale, image erronée qui lui est attachée). Il serait nécessaire de recenser tous les cas de patientes traitées par ECT au cours de leur grossesse dans un registre national pour un jour avoir assez de recul sur les complications spécifiques à la grossesse et ainsi généraliser son utilisation dans cette situation. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2015.02.007 2
Prise en charge prénatale et postnatale d’un chorioangiome placentaire symptomatique : à propos d’un cas C. Agiri a , L. Cherier a,∗ , G. André b , C. Vayssiere c , D. Dallay a Pôle d’obstétrique-gynécologie-reproduction, hôpital Pellegrin, centre Aliénor-d’Aquitaine, CHU de Bordeaux, Bordeaux, France
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