La responsabilité du médecin prescripteur de produits sanguins labiles

La responsabilité du médecin prescripteur de produits sanguins labiles

Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227 MISE AU POINT La responsabilité du médecin prescripteur de produits sanguins labiles The respon...

83KB Sizes 3 Downloads 127 Views

Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227

MISE AU POINT

La responsabilité du médecin prescripteur de produits sanguins labiles The responsibility of the physician prescriber of blood products E. Hergon a,c,*, J.F. Quaranta b, G. Moutel c, C. Hervé c, P. Rouger a a

Institut national de la transfusion sanguine, 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris, France Centre hospitalier universitaire de Nice, hôpital de Cimiez, pavillon Victoria, 4 avenue Reine-Victoria, BP 1179, 06003 Nice cedex 01, France c Département d’éthique médicale et de médecine légale et institut international de recherche en éthique biomédicale (IIREB), faculté de médecine des Saints-Pères, Paris V, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris, France b

Disponible sur internet le 28 octobre 2004

Résumé La transfusion sanguine présente des risques principalement virologiques, bactériens, immunohématologiques et volémiques ; les deux derniers concernent plus particulièrement les acteurs de l’établissement de santé. La maîtrise des risques transfusionnels se caractérise par une abondante réglementation. Cet article précise la responsabilité du prescripteur de produits sanguins labiles. Compte tenu de la réglementation qui encadre l’activité, le prescripteur doit connaître et mettre en œuvre les exigences relatives à sa pratique pour éviter de voir engager sa responsabilité, ou celle de l’établissement de santé dans lequel il travaille, en cas de dommage occasionné au patient du fait de l’absence de leur respect. L’article a pour objectif d’identifier les principales exigences réglementaires afin de les maîtriser malgré un environnement difficile, dans le respect des droits des patients au regard des bénéfices et des conséquences de l’acte transfusionnel. Ces exigences portent notamment sur l’information et le consentement à la transfusion sanguine, la prescription des produits sanguins labiles ainsi que sur l’information et le suivi posttransfusionnel des patients. Pour chacun de ces aspects des éléments de preuve du respect des exigences doivent pouvoir être apportés. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Blood transfusion presents mainly virological, bacteriological, immunohaematological and volemic risks; with the latter two particularly concerning health establishment employees. This article tackles the physician’s responsibility in blood transfusion. Taking into account the regulations that surround the activity, prescribing physicians must know and put into action the relative requirements in their practises in order to avoid taking on its responsibility, or that of the health establishment in which they work, as any lack of respect for the rules and regulations could result in being held liable for any side affects suffered by the patient. The article has the objective of identifying the main regulation requirements in order to control them despite a difficult environment, from the point of view of patients’ rights regarding the benefits and the consequences of transfusion. These requirements focus mainly on information and patient consent, the prescription of blood products as well post transfusion information and the follow-up care. Proof of respect for these rule requirements must be available for each of these aspects. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Transfusion sanguine ; Risques transfusionnels ; Responsabilité ; Bonnes pratiques transfusionnelles Keywords: Blood transfusion; Transfusion risks; Responsibility; Good transfusion practises

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Hergon). 1246-7820/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S1246-7820(04)00110-7

222

E. Hergon et al. / Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227

1. INTRODUCTION La transfusion sanguine est une thérapeutique salvatrice dont bénéficient environ 520 000 malades chaque année, en France. Comme toute thérapeutique, elle présente des risques de nature diverse qui doivent être pesés au regard des bénéfices attendus. Certains sont plutôt spécifiques à l’établissement français du sang tels que les risques infectieux, d’autres sont liés à l’utilisation des produits sanguins dans l’établissement de santé tels que notamment les risques immunohématologiques et celui de surcharge volémique. Le risque viral résiduel n’a cessé de diminuer [1–4]. Sur la période 2000–2002, les risques résiduels ont été estimés à 1/2 500 000 dons pour le VIH, 1/6 650 000 dons pour le VHC, 1/400 000 pour le VHB et 1/8 000 000 pour l’HTLVI/II. Le risque de contamination bactérienne des produits sanguins labiles est aujourd’hui le plus important des risques infectieux de la transfusion sanguine [3]. Les concentrés de plaquettes sont majoritairement à l’origine des accidents et le risque résiduel d’incident transfusionnel lié à la contamination de concentrés de plaquettes reste stable à environ un cas tous les 25 000 unités distribuées [5]. Le risque immunohématologique par incompatibilité érythrocytaire est connu depuis longtemps [6] et sa fréquence reste élevée. Aujourd’hui ce risque, vraisemblablement sous-estimé [7], est de 1 sur 30 000 unités de sang transfusées. Les incidents par surcharge volémique représentent un problème transfusionnel et médical sous-évalué ; en 2001, 52 menaces vitales et sept décès ont été déclarées, soit près de la moitié des décès imputables à la transfusion [8]. Afin d’éviter le risque ou sinon de réduire sa probabilité d’occurrence, les activités transfusionnelles, à la suite de la crise sanitaire consécutive à la contamination transfusionnelle par le VIH, ont été encadrées par un important dispositif réglementaire. Il porte sur les activités des établissements de transfusion sanguine et sur les pratiques transfusionnelles des établissements de santé. La sécurité transfusionnelle du patient est assurée en respectant ce référentiel et avec la participation de l’ensemble des acteurs intervenant aux différentes étapes de la transfusion sanguine. À cet égard, il faut souligner le rôle essentiel que joue dans les établissements de santé le Comité de sécurité transfusionnelle et d’hémovigilance (CSTH) dans la diffusion des connaissances, la mise en œuvre et le respect des règles de prescription. Il rappelle la responsabilité des prescripteurs. Cet article est consacré à la responsabilité du prescripteur de produits sanguins labiles (PSL). La transfusion sanguine étant réglementairement encadrée, il doit connaître les exigences relatives à sa pratique au risque de voir engager sa responsabilité, ou celle de l’établissement de santé dans lequel il travaille, en cas de dommage occasionné au patient du fait de l’absence de leur respect. L’article a pour objectif d’identifier les principales exigences réglementaires afin de les maîtriser malgré un environnement difficile et dans le

respect des droits du patient au regard des bénéfices et des conséquences de l’acte transfusionnel. 2. L’INFORMATION ET LE CONSENTEMENT RELATIF À LA TRANSFUSION SANGUINE 2.1. L’information du patient transfusé 2.1.1. L’information sur la thérapeutique et les risques transfusionnels Le médecin est tenu d’informer son patient quant aux effets de sa maladie et aux risques liés à la thérapeutique transfusionnelle proposée. Cette obligation d’information est énoncée à l’article 35 du code de déontologie médicale. En outre, la transfusion sanguine fait l’objet d’informations spécifiques précisées par les circulaires DGS/DH no 96/609 du 1er octobre 1996 relative aux analyses et tests pratiqués sur des receveurs de produits sanguins labiles et DGS/SQ no 98-231 du 9 avril 1998 relative à l’information des malades, en matière de risques liés aux produits sanguins labiles et aux médicaments dérivés du sang, et sur les différentes mesures de rappel effectuées sur ces produits. L’information pré-transfusionnelle du patient porte sur : • la nécessité de l’utilisation de la thérapeutique transfusionnelle du fait de son état clinique et/ou biologique et sur les examens immunohématologiques nécessaires à cette transfusion ; • les effets indésirables de la thérapeutique transfusionnelle, leur fréquence et les moyens mis en œuvre pour les éviter ; • la proposition d’un bilan virologique pré-transfusionnel conformément au recommandations de la circulaire suscitée. Il faut rappeler que depuis les deux arrêts de la première chambre civile de la cour de cassation du 7 octobre 1998 [9], dans le cadre de l’exercice libéral, l’obligation d’information est clairement étendue aux risques graves même exceptionnels, alors que la jurisprudence constante depuis 1969 [10] ne visait que les risques normaux et prévisibles. La jurisprudence administrative s’est alignée sur la jurisprudence judiciaire par deux arrêts du conseil d’état du 5 janvier 2000 « AP-HP contre Guilbot » et « Consorts Telle » [11]. Les deux secteurs privé et public sont soumis à l’obligation, seuls les risques mineurs et rares semblent demeurer hors du contenu de l’obligation d’information. En outre, l’irruption d’une nouvelle catégorie de risques, les risques potentiels, va venir compliquer singulièrement la notion d’information du patient. Jusqu’alors, le risque avait une définition scientifique probabiliste. Il se caractérisait par une incidence mesurée par l’épidémiologie, donc « en l’absence de risque, pas de risque » [12]. Dorénavant, le risque potentiel doit être pris en considération. Ceci est recommandé par la circulaire DGS/SQ no 98-231 du 9 avril 1998 relative à l’information des malades, en matière de risques liés aux produits sanguins labiles et aux médicaments

E. Hergon et al. / Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227

dérivés du sang, et sur les différentes mesures de rappel effectuées sur ces produits. Elle prend position pour l’information systématique des patients a priori sur les risques liés au traitement et précise que les risques visés sont non seulement les risques avérés mais aussi les risques potentiels. S’agissant de l’information a posteriori, elle préconise une information systématique lorsque le risque est avéré, mais précise ensuite : « lorsque le risque identifié est théorique, le principe d’information systématique a posteriori de chaque patient n’est pas retenu conformément à l’avis du CCNE ». En effet, en 1998, le comité consultatif national d’éthique saisi par le ministre de la santé n’avait pas recommandé d’informer les patients à propos du risque théorique de transmission de l’agent de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) par des composants du sang [13]. Enfin, la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé affirme, dans son chapitre 1er, le droit du patient à l’information et précise les diverses situations dans lesquels il s’exerce. 2.1.2. Le support de l’information prétransfusionnelle L’information donnée au patient doit être écrite et orale [14]. Le support écrit est indispensable pour fournir une information générale homogène et systématique, pour apporter au patient un support de réflexion et pour laisser au médecin une trace de cette information. À cet égard, un modèle type a été proposé en annexe de la circulaire DGS/SQ no 98-231. Quant à l’information orale, elle est indispensable pour s’adapter au patient et à sa pathologie, ainsi que pour répondre aux interrogations particulières du patient et privilégier la qualité du dialogue médecin-malade. 2.1.3. La preuve de l’information pré-transfusionnelle Depuis l’arrêt Hédreul de la cour de Cassation du 25/02/1997, la charge de la preuve de l’information prétransfusionnelle incombe au médecin prescripteur et non plus au patient transfusé. Dans l’objectif d’apport de preuve, le double de l’information remise au receveur de produit sanguin doit être systématiquement présent dans le dossier transfusionnel établi à son nom. De nombreux prescripteurs sont enclins à faire signer le patient pour l’impliquer dans l’acceptation de la transfusion sanguine, et ainsi pouvoir apporter, le cas échéant, la preuve de cette information. Cette signature n’a de valeur qu’en tant que présomption, et dans la mesure où l’information a bien été assimilée et comprise à partir d’un dialogue fructueux. Elle ne doit pas être recueillie dans un simple esprit de précaution afin de se prémunir contre toute contestation. 2.2. Le refus de consentement du patient La loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé impose au

223

médecin de respecter la volonté du patient après l’avoir informé des conséquences de son choix. Cette obligation est-elle absolue ou trouve t-elle sa limite dans l’engagement professionnel du médecin de protéger la santé et la vie du patient ? En transfusion sanguine le refus du patient peut porter sur les examens prétransfusionnels mais, situation beaucoup plus critique, sur la thérapeutique elle-même ! 2.2.1. Le refus de consentement du patient à la réalisation des examens prétransfusionnels La première situation de refus a été envisagée dans la circulaire DGS/DH no 96/609. Le consentement du patient est requis afin de réaliser les examens prétransfusionnels. Après information par son médecin, il est en droit refuser leur réalisation. Ce refus, qui ne requiert pas un document signé par le patient, doit être notifié par le médecin et retrouvé dans le dossier transfusionnel. 2.2.2. Le refus de consentement à la thérapeutique transfusionnelle La seconde situation rencontrée, en particulier avec les patients témoins de Jéhovah, est beaucoup plus délicate, il s’agit du refus de transfusion. À cet égard, trois décisions rendues en août 2002 ont suscité un certain émoi [15]. Par une ordonnance du 9 août 2002, le tribunal administratif de Lyon a enjoint au centre hospitalier de Saint-Étienne de s’abstenir de pratiquer des transfusions sanguines sur une patiente hospitalisée en soins intensifs qui avait refusé par écrit de tels actes. Cependant, le tribunal a précisé que « cette injonction cesserait si la patiente venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ». Sur appel de la patiente et de sa sœur, en tant que personne de confiance, le Conseil d’Etat dans une ordonnance no 249552 du 16 août 2002 a partiellement réformé cette ordonnance en précisant qu’avant de recourir à une transfusion dans le cas où la patiente se trouverait dans une situation extrême, « il incombe aux médecins d’une part d’avoir tout mis en œuvre pour convaincre la patiente d’accepter des soins indispensables, d’autre part de s’assurer qu’un tel acte soit proportionné et indispensable à la survie de l’intéressée ». Par une ordonnance no 02-3138 du 25 août 2002, le tribunal administratif de Lille a enjoint au centre hospitalier de Valenciennes de ne pas faire de transfusion sanguine à une patiente « contre son gré et à son insu ». La patiente hospitalisée en réanimation après un accouchement dans un établissement privé avait mentionné oralement et en signant par écrit une décharge de responsabilité, son refus de transfusion sanguine en raison de ses convictions. Ayant fait néanmoins l’objet d’une transfusion et craignant que cela ne se reproduise, elle avait saisi le tribunal administratif. Ces trois décisions font du droit d’accepter ou de refuser des soins une liberté fondamentale en accord avec la loi du 4 mars 2002. Pour autant, les analystes n’y voient pas de nouveauté particulière [15–17] car d’une part le conseil d’état dans son arrêt du 12 octobre 2001 n’a pas érigé en

224

E. Hergon et al. / Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227

règle de droit de portée générale l’obligation de faire prévaloir la sauvegarde de la vie du patient sur le respect de sa volonté [16], d’autre part ces décisions ne modifient pas la position exprimée dans cet arrêt. En effet, face à la contradiction entre les deux devoirs, le respect de la vie et le refus de soins, le Conseil d’Etat insiste sur l’impossibilité de faire valoir l’un sur l’autre. Par ailleurs, il précise les conditions dans lesquelles le choix du médecin d’avoir privilégié son devoir de sauver la vie n’est pas fautif, c’est-à-dire que tout a été mis en œuvre pour éviter la transfusion, que tout a été fait pour tenter de convaincre le patient d’accepter la thérapeutique, qu’il n’existe pas d’autre alternative et que le traitement est proportionné aux besoins du malade [17]. En outre, concernant ces affaires de refus de transfusion sanguine, il faut noter que la jurisprudence disponible est administrative. Les instances suprêmes en matière civile ou pénale n’ont jamais été saisies [17]. En conséquence, chaque situation doit s’apprécier au cas par cas et le médecin doit prendre sa décision en conscience. Il n’existe pas d’attitude de principe. Quoi qu’il en soit, dans l’un ou l’autre cas, le médecin doit être capable de justifier sa décision et pouvoir produire les éléments tangibles qui la fondent. 3. LA PRESCRIPTION DE LA TRANSFUSION SANGUINE 3.1. Les règles de prescription Le prescripteur dispose de la circulaire DGS/DHOS/ AFSSAPS no 03-582 du 15 décembre 2003 relative à la réalisation de l’acte transfusionnel. Elle comporte quatre fiches techniques dont les deux premières portent sur les exigences en matière de demande d’examens d’immunohématologie et de demande de produits sanguins labiles. 3.1.1. La prescription des examens immunohématologiques La prescription des examens immunohématologiques doit respecter les exigences de la circulaire DGS/DHOS/ AFSSAPS no 03-582 du 15 décembre 2003 relative à la réalisation de l’acte transfusionnel. Cette dernière est ellemême conforme aux exigences de l’arrêté du 26 novembre 1999 relatif à la bonne exécution des analyses de biologie médicale (GBEA) et du décret no 2002-660 du 30 avril 2002 relatif aux conditions de transmission de prélèvements biologiques aux laboratoires d’analyses de biologie médicale. En outre, ces textes stipulent que le biologiste doit refuser l’échantillon prélevé ou transmis dans des conditions non conformes aux procédures techniques et réglementaires et d’en informer le prescripteur ou le professionnel de santé qui a effectué le prélèvement. Ce refus pour nonconformité peut avoir des conséquences préjudiciables pour le malade. La prescription des examens peut être rédigée sur un support préimprimé, à cet égard le GBEA propose un modèle minimal de fiche de suivi médical.

Concernant la thérapeutique transfusionnelle, cette prescription concerne le plus souvent le groupage ABO-RH1 (RhD), le phénotypage RH-KEL1 (Rh K) et la recherche d’agglutinines irrégulières (RAI). Un document de groupage sanguin valide nécessite la réalisation de deux prélèvements différents effectués si possible par deux préleveurs différents. En effet, les résultats de deux déterminations de groupage ABO-RH1 (RhD) et le phénotype RH-KEL1 (Rh K) sont obligatoires pour l’attribution nominative de produits sanguins labiles selon l’arrêté du 10 septembre 2003 portant homologation du règlement de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé définissant les principes de bonnes pratiques dont doivent se doter les établissements de transfusion sanguine, et ce conformément à l’arrêté du 26 avril 2002 modifiant l’arrêté du 26 novembre 1999 relatif à la bonne exécution des analyses de biologie médicale. La transfusion réalisée à partir d’une seule détermination n’est autorisée qu’en cas d’urgence. Le phénotypage RH-KEL1 est réalisé chez les patients de sexe féminin jusqu’à la ménopause afin d’éviter des problèmes lors des grossesses ultérieures. Le phénotypage étendu, c’est-à-dire concernant les antigènes courants FY1, FY2, JK1, JK2, MNS3 et si possible MNS4, doit être réalisé systématiquement dans les cas d’allo-immunisation antiérythrocytaire complexe et proposée, à titre préventif, chez certains patients transfusés de manière itérative. La recherche d’agglutinines irrégulières doit être réalisée obligatoirement chez tout patient susceptible d’être transfusé. L’arrêté du 10 septembre 2003 stipule que le délai habituel de validité d’une RAI est de trois jours mais il précise que sur indication formelle du prescripteur ou dans le cadre d’un protocole transfusionnel préétabli, en l’absence d’antécédents transfusionnels ou d’autres épisodes immunisants dans les six mois précédents, le délai de validité de la RAI pourra être porté à vingt et un jours. Lorsque la recherche d’agglutinines irrégulières est positive ou lorsqu’un nouveau-né présente un test à l’antiglobuline positif ou bien s’il est né d’une mère immunisée, une épreuve directe de compatibilité au laboratoire doit être réalisée. 3.1.2. La prescription des produits sanguins labiles et le respect des indications thérapeutiques La prescription des produits sanguins labiles est une ordonnance médicale remplie avec précision et répondant aux exigences précisées dans l’arrêté du 10 septembre 2003 puis dans la circulaire DGS/DHOS/AFSSAPS no 03-582 du 15 décembre 2003 relative à la réalisation de l’acte transfusionnel. Le rapport bénéfice risque doit toujours être établi avec soin et les indications des produits doivent être respectées. Afin d’aider le prescripteur dans sa décision, l’Afssaps pro-

E. Hergon et al. / Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227

pose des recommandations de bonnes pratiques [18] portant sur : • la transfusion de globules rouges homologues : produits, indications, alternatives (août 2002, mise au point février 2003) ; • la transfusion de plasma frais congelé : produits, indications (août 2002, mise au point février 2003) ; • la transfusion de plaquettes : produits, indications (juin 2003) ; • la transfusion de granulocytes : produits, indications (juin 2003). En outre, afin de faire face à l’urgence, la circulaire DGS/DHOS/AFSSAPS no 03-582 du 15 décembre 2003 stipule que des procédures spécifiques sont rédigées par l’établissement de santé. Elles doivent intégrer les notions d’urgence vitale immédiate, d’urgence vitale et d’urgence relative conformément à l’arrêté du 10 septembre 2003. 3.2. L’ouverture du dossier transfusionnel Un dossier transfusionnel est ouvert au nom du patient. Il doit être unique, il fait partie du dossier du patient et son contenu, défini réglementairement, est précisé par la circulaire du 15 décembre 2003. Il est destiné à recevoir les différents éléments retraçant l’histoire transfusionnelle tels que le consentement prétransfusionnel pour les examens, éventuellement celui pour la transfusion, les résultats des analyses immunohématologiques valides, le résultat des différents examens biologiques, la fiche transfusionnelle, les exemplaires restants de l’ordonnance de PSL et des médicaments dérivés du sang, le double de la fiche de distribution nominative, le double de l’attestation pré-imprimée de l’information post-transfusionnelle, le double de la lettre préimprimée de recommandations posttransfusionnelles envoyée au médecin traitant [14,19]. La bonne tenue de ce dossier transfusionnel est essentielle du point de vue médicolégal. C’est un incontestable moyen d’apport de preuves. 4. LA RÉALISATION DE LA TRANSFUSION SANGUINE En tant qu’acte médical délégué l’acte thérapeutique transfusionnel est sous la responsabilité du médecin prescripteur. Ce dernier doit donc s’assurer que les conditions de réalisation de la transfusion sanguine apportent le niveau de sécurité auquel le patient est en droit de s’attendre. Elles sont spécifiées dans deux fiches techniques de la circulaire DGS/DHOS/AFSSAPS no 03-582 du 15 décembre 2003, et elles doivent être formalisées dans des protocoles ou des procédures [20]. L’absence de respect de certains points critiques de cette étape sont à l’origine d’accidents et peuvent engager la responsabilité des professionnels ou de l’établissement de santé. Ces points sont évoqués successivement.

225

4.1. Le contrôle des produits à réception et le délai d’utilisation Le contrôle des produits à réception dans le service de soins est obligatoire. Il est indispensable de s’assurer que les produits reçus sont bien destinés au service. Il faut vérifier la conformité des conditions de transport, la concordance entre l’ordonnance, les PSL reçus et la fiche de distribution nominative, ainsi que l’aspect, l’intégrité de la poche et la date de péremption des PSL délivrés. Ce contrôle étant effectué, les PSL doivent être utilisés dans un délai de six heures après leur attribution nominative par le service de distribution de l’établissement français du sang ou par le dépôt de l’établissement de santé, sous réserve que les transformations effectuées l’y autorisent. Les interventions chirurgicales d’une durée supérieure à six heures peuvent faire l’objet d’une dérogation dont les conditions sont précisées dans une procédure cosignée par les responsables de l’établissement de transfusion et de l’établissement de santé. 4.2. L’administration du produit sanguin labile Le médecin ou la sage-femme ou l’infirmier(e), placé(e)s sous son autorité, qui procède à l’administration du PSL doit : • informer le patient de la procédure ; • effectuer la vérification ultime pré-transfusionnelle ; • appliquer les éventuelles consignes prescrites dans le dossier transfusionnel ; • administrer le PSL selon le protocole défini ; • surveiller le patient et rester près de lui au début de la transfusion afin de dépister précocement tout incident transfusionnel, en particulier immunohémolytique ; • participer aux actions mises en œuvre lors de la survenue d’un incident transfusionnel ; • assurer la traçabilité du PSL administré. Lorsque l’administration est effectuée par un(e) infirmier(e), le prescripteur, en cas d’absence, doit s’assurer qu’un médecin est joignable dans l’établissement. La circulaire DGS/DHOS/AFFSAPS no 03-582 du 15 décembre 2003 rappelle que la sécurité de l’acte transfusionnel repose notamment sur : • une unité de lieu, le contrôle prétransfusionnel est effectué en présence du patient ; • une unité de temps, le contrôle de l’identification du receveur et du produit sanguin est effectué simultanément ; • une unité d’action, l’ensemble des contrôles est réalisé par la même personne. À l’issue de la transfusion sanguine, les poches transfusées doivent être conservées pendant au moins deux heures afin, le cas échéant, de faciliter un diagnostic biologique d’un incident transfusionnel par contamination bactérienne survenu durant ce délai.

226

E. Hergon et al. / Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227

5. L’INFORMATION ET LE SUIVI POST-TRANSFUSIONNEL L’article R 710-2-7-1 du code de la santé publique rend l’information post-transfusionnelle obligatoire sous forme écrite, en application du décret no 94-68 du 24 janvier 1994 relatif aux règles d’hémovigilance. 5.1. Le contenu et le support de l’information Cette information porte sur : • la date de la transfusion et de l’hospitalisation pendant laquelle elle a été réalisée ainsi que l’identification de l’établissement et du service où elle a été effectuée ; • la nature et la quantité du ou des produit(s) transfusé(s) ; • l’intérêt du dépistage post-transfusionnel à trois mois dans le cadre des recommandations de la circulaire DGS/DH no 96/609 relative aux analyses et tests pratiqués sur des receveurs de produits sanguins labiles. Ce dépistage est pris en charge par l’assurance maladie et des prescripteurs y ajoute souvent la recherche de l’antigène HBs ; • la mesure d’ajournement définitif au don du sang des receveurs de produits sanguins labiles. Puisque la charge de la preuve de l’information posttransfusionnelle incombe au médecin, le double de cette information écrite, obligatoire, remis au receveur doit être systématiquement présente dans le dossier transfusionnel ainsi que les prescriptions établies à la sortie du patient, notamment l’ordonnance du dépistage post-transfusionnel à trois mois (décret no 92-329 du 30 mars 1992 relatif au dossier médical et à l’information des personnes accueillies dans les établissements de santé publics et privés). Le contenu de ces documents doit s’inspirer des recommandations faites dans la circulaire DGS/DH no 96/609. Cependant, si l’information écrite est obligatoire, elle ne dispense pas pour autant d’une information orale. Elle est indispensable pour rappeler au patient l’intérêt du dépistage post-transfusionnel pour lui-même et son entourage, et pour répondre à ses éventuelles interrogations.

entretien médical par le médecin traitant. Si une anomalie est retrouvée, elle fait obligatoirement l’objet d’une déclaration d’incident transfusionnel par le correspondant d’hémovigilance et des investigations appropriées sont mises en œuvre. Notons pour finir que le suivi post-transfusionnel pourrait bénéficier prochainement d’un allègement. 5.3. L’accès du patient à l’information Le dossier transfusionnel étant un des éléments du dossier du patient, il doit lui être communiqué à sa demande conformément aux dispositions de la loi du 4 mars 2002.

6. CONCLUSION Dans le respect du droit des patients au regard des bénéfices et des conséquences de l’acte transfusionnel, le prescripteur de produits sanguins labiles doit connaître et respecter les exigences réglementaires relatives à la thérapeutique transfusionnelle. En outre, il doit pouvoir apporter des éléments de preuve de la conformité de sa pratique à ces exigences réglementaires. Cependant la sécurité transfusionnelle ne concerne pas seulement les acteurs de l’établissement de santé, elle implique l’ensemble des acteurs du processus transfusionnel intervenant du don de sang jusqu’à la transfusion sanguine et à son suivi. Elle nécessite la collaboration des acteurs de l’établissement de transfusion sanguine et de l’établissement de santé afin de mettre en œuvre les différentes procédures de maîtrise des risques transfusionnels.

RÉFÉRENCES [1]

Pillonel J, Saura C, Couroucé AM. Prévalence du VIH, de l’HTLV et des virus des hépatites B et C chez les donneurs de sang en France, 1992-1996. Transfus Clin Biol 1998;5:305–12.

[2]

Coste J. Le dépistage des génomes viraux en transfusion sanguine. Transfus Clin Biol 2000;7(Suppl 1):11–7.

[3]

David B. Bilan et perspectives du fonctionnement de l’hémovigilance française et des données recueillies sur neuf ans. Transfus Clin Biol 2003;10:131–9.

[4]

Pillonel J, Laperche S, le groupe « Agents transmissibles par transfusion » de la Société française de transfusion sanguine, l’établissement français du sang, le centre de transfusion sanguine des armées. Risque résiduel de transmission du VIH, du VHC et du VHB par transfusion sanguine entre 1992 et 2002 en France et impact du dépistage génomique viral. Transfus Clin Biol 2004;11:81–6.

[5]

Morel P, Deschaseaux M, Bertrand X, Naegelen C, Talon D. Transfusion et bactéries : risque résiduel et perspectives de prévention. Transfus Clin Biol 2003;10:192–200.

[6]

Tissier AM, Le Pennec PY, Hergon E, Rouger P. Les accidents immuno-hémolytiques transfusionnels – IV. Analyse, risques et prévention. Transfus Clin Biol 1996;3:167–80.

[7]

Lefrère JJ, Rouger P. Pratique nouvelle de la transfusion sanguine. Paris: Masson; 2003 65p.

5.2. Le suivi du patient à distance Le suivi post-transfusionnel du patient est sous la responsabilité du médecin prescripteur. Pour autant ce dernier ne peut assurer seul un suivi exhaustif. Une organisation cohérente doit être mise en place au niveau de chaque établissement de santé afin d’aider les prescripteurs dans cette action. Lorsque cela est possible, une organisation centralisée coordonnée par le correspondant d’hémovigilance offre à cet égard bien des avantages. Sa mission est alors de contrôler les éléments contenus dans le dossier puis de relancer le médecin traitant en l’absence de retour de résultat du dépistage post-transfusionnel après trois mois [14]. En règle générale, les résultats du dépistage posttransfusionnel sont communiqués au patient au cours d’un

E. Hergon et al. / Transfusion Clinique et Biologique 11 (2004) 221–227 [8]

[9]

[10] [11] [12] [13]

[14]

Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Synthèse du rapport annuel d’activité des coordonnateurs régionaux d’hémovigilance pour l’année 2001. AFSSAPS; 2003. Cour de Cassation, 1re civ., 7 octobre 1998, no 1567 et 1568. JCP G 1998, II, no 10179, concl. J. Sainte-Rose et note P. Sargos ; DS, 11 mars 1999, note S. Porchy ; Petites affiches, 5 mai 1999. Cour de Cassation., 1re civ., 17 novembre 1969. JCP G 1970, II, no 16507, note J. Savatier. Conseil d’Etat, 5 janvier 2000, no 18118999 « Telle » et no 198530 « Guilbot ». Setbon M. Les risques sanitaires. Médecine/Sciences 2000;16:1203–6. Avis no 55 du Comité consultatif national d’éthique. Information à donner aux patients à propos de la transmission de l’agent de la MCJ par des composants du sang. Rapport no 14. Janvier 1998. Courbil R, Quaranta JF. Prescrire en toute sécurité les produits sanguins labiles. Thoiry: Editions Heures de France; 1999 49p.

227

[15] Cohen A. Les limites au principe du consentement aux soins consacré par la loi du 4 mars 2002. Gestions hospitalières 2002;421:825–7. [16] Chabrun-Robert C. Le médecin face à un refus de transfusion – La situation actuelle. Responsabilité 2002;8:8. [17] Lienhart A. La transfusion sans consentement en cas d’urgence vitale : données récentes. Responsabilité 2002;8:10–1. [18] Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Documentation et publications - Recommandations de bonne pratique. http://afssaps.sante.fr. [19] Chiché P, Quaranta JF. L’hémovigilance. Cahier pratique Tissot. Annecy: Tissot éditions; 2001 30p. [20] Quaranta JF, Hergon E, Mounic V, Marey A, Ferrera V, Moron S, et al., pour le groupe « Recherche et démarche Qualité » de la SFTS. Bonnes pratiques transfusionnelles, un guide pédagogique évolutif. Trans Clin Biol 1998;5(suppl 1):106s–107s.