Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
Article hors thème
La sensualité : une voie originale pour penser les ambiguïtés de la relation d’aide chez les travailleurs sociaux The sensuality: An original way to think the ambiguousness of the help relation among the social workers L. Raufast ∗,1 Équipe « figures du traumatique dans le lien social », laboratoire Circples, université de Nice Sophia-Antipolis, 24, avenue des Diables-Bleus, 06357 Nice cedex 04, France Rec¸u le 1er janvier 2008 ; accepté le 1er mai 2008
Résumé Lorsque le corps à corps sensoriel avec l’usager devient trop désagréable, de nombreux travailleurs sociaux désinvestissent partiellement leur propre sensorialité. Cet article contribue à comprendre ce phénomène énigmatique. Il montre que le retrait partiel des investissements de la sensation a, pour les travailleurs sociaux, une fonction défensive proche de ce que P. Aulagnier appelait « pare désinvestissement ». Il s’agit d’éviter de fuir complètement une rencontre traumatique avec l’usager, quitte à la vider de tout son poids de chair. À l’inverse, la transgression des processus secondaires par la sensorialité originaire pourrait avoir une dimension subjectivante. C’est cette capacité, que nous proposons de nommer « sensualité ». En prenant appui sur quelques travaux pionniers, nous conclurons provisoirement en posant quelques jalons visant à enrichir les groupes d’analyse de pratique professionnelle de cette capacité sensuelle de symbolisation. © 2008 Société franc¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract When the body to sensory body with the user becomes too unpleasant, many social workers partially disinvest their own sensoriality. This article contributes to understand this enigmatic phenomenon. It shows
∗ 1
15, grand rue, 34680 Saint-Georges-d’Orques, France. Adresse e-mail :
[email protected]. Docteur en psychologie clinique.
1269-1763/$ – see front matter © 2008 Société franc¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.prps.2008.05.010
302
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
that the partial withdrawal of the investments of the sensation has, for the social workers, a defensive function close to what P. Aulagnier called “pare désinvestissement”. It is about avoiding to escape a traumatic meeting completely with the user, even though it is necessary to empty it of all its flesh weight. Inversely, the transgression of the secondary processes by the original sensoriality could have a subjective dimension. It is this capacity that we propose to name “sensuality”. While taking support on some works pioneers, we will conclude temporarily while putting some poles aiming to enrich the groups of analysis of professional practice of this sensual capacity of symbolization. © 2008 Société franc¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Sensualité ; Sensorialité ; Travail social ; Pare désinvestissement ; Groupes d’analyse de pratique Keywords: Sensuality; Sensoriality; Social work; Pare désinvestissement; Groups of practice analysis
1. Pour une clinique psychanalytique du sensoriel dans le champ du travail social La rencontre du travailleur social et de l’usager est bien souvent un « corps à corps » où les interactions sensorielles baignent les échanges en contrepoint des associations verbales. Au cours de plusieurs années de groupe d’analyse de pratiques professionnelles au sein de conseils généraux de la région Paca, nous avons pu observer la répétition d’un phénomène énigmatique. Les travailleurs sociaux ont tendance à mettre en sourdine les sollicitations sensorielles issues de la rencontre avec l’usager. Le présent article tente de comprendre les enjeux de cette mise en sourdine provoquant un sérieux appauvrissement du lien d’aide. Nous travaillerons autour d’une hypothèse centrale. Si les travailleurs sociaux n’extraient aucun véritable outil d’intervention de la rencontre sensorielle avec l’usager, ce ne serait pas à cause d’un quelconque « déficit de compétence ». Nous serions plutôt en face des effets d’un mécanisme défensif proche de ce que Piera Aulagnier (2001) a décrit sous le concept de pare désinvestissement. Il s’agirait, lorsque le contact sensoriel devient trop insupportable au registre économique, de désinvestir partiellement ses propres éprouvés sensoriels pour pouvoir continuer à rencontrer l’usager. La relation d’aide s’appauvrirait alors considérablement. Nous verrons d’abord que nos dispositifs de groupe d’analyse de pratique sont loin de se situer dans un contexte institutionnel neutre. Nous clarifierons ensuite un point. Les sollicitations sensorielles que nous allons étudier ne se confondent pas avec les sensations conscientes. Elles relèvent d’un mode originaire et atmosphérique de la sensorialité qui concerne le champ métapsychologique. Nous aborderons donc brièvement les travaux qui nous semblent les plus fondateurs d’une clinique psychanalytique de la sensorialité. En nous appuyant sur nos rencontres cliniques, nous verrons que le contact sensoriel quotidien avec l’usager n’est pas mis au travail par de nombreux travailleurs sociaux. Nous proposerons au lecteur une piste d’explication. Si le savoir sensoriel des travailleurs sociaux reste lettre morte, ce serait en raison d’un mécanisme défensif proche du pare désinvestissement (Aulagnier, 2001) et non à cause d’un prétendu déficit de compétence. Lorsque la confrontation sensorielle est trop intenable au registre économique et pour pouvoir continuer de venir en aide à l’usager, le travailleur social désinvestirait en partie ses éprouvés sensoriels. La relation d’aide s’appauvrirait alors d’une partie de sa richesse. Ce procédé défensif, se jouant sur le registre économique de l’investissement et du désinvestissement pulsionnel, il serait compatible avec des modes de défenses plus topiques ou dynamiques comme le clivage psychosomatique (Mellier, 2003) ou les contre-attitudes (Descombey, 2004).
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
303
Nous terminerons en proposant le concept de sensualité comme le mouvement inverse de la défense que nous aurons étudiée. La transgression des processus secondaires par la sensorialité originaire s’y ferait subjectivante. Nous ferons référence à quelques travaux pionniers pour montrer que des groupes d’analyse de pratique peuvent mettre au travail ce que nous nommons « sensualité » de manière créative (Mellier, 2002 ; Korff-Sausse, 2006). Nous conclurons en proposant d’y accoler de manière complémentaire des dispositifs psychodramatiques tant le concept de pensée scénique (Avron, 2004) nous semble pouvoir être extrêmement heuristique en matière de sensualité. 2. Contextualisations épistémologiques et institutionnelles 2.1. La sensorialité : un champ psychanalytique ? Comme le précisent plusieurs auteurs (Despinoy et Pinol-Douriez, 2002 ; Korff-Sausse, 2006 ; Konicheckis, 2002), peu de recherches métapsychologiques ont été consacrées au champ de la sensorialité. Pourtant, une clinique psychanalytique de la sensorialité existe bel et bien. Le cadre restreint de cet article ne nous permet pas de la déplier totalement. Nous renvoyons le lecteur à l’étude approfondie qu’en propose l’ouvrage Clinique psychanalytique de la sensorialité2 pour en apprécier toute la richesse. Nous nous bornerons ici à tracer quelques repères fondamentaux. Nous ne partageons pas complètement la proposition Schmidt-Kitsikis (2002) qui considère que la sensorialité et la sensualité ne font pas à proprement parler de la métapsychologie freudienne. Il est vrai que le problème épistémologique est complexe. Freud a bien donné à la sensation une place importante. Mais les sensations y sont conc¸ues comme des processus élémentaires, toujours intégrés dans des ensembles conceptuels plus larges (Thomson, 2002). C’est surtout grâce aux travaux anglo-saxons que la sensorialité a pu acquérir ses titres de noblesse au sein du corpus psychanalytique. Les travaux de Bion (1962) sont ici fondateurs. La sensation constitue, en effet, l’élément de base de la théorie de « l’activité de pensée ». La sensorialité brutale, effractive et chaotique des éléments ß peut laisser place à la sensorialité germinative des éléments ␣. Cette dernière serait plus assimilable et signifiante, car liée à des émotions stables et échangeables. Ce passage symboligène serait assuré par les capacités de contenance et de rêverie maternelle. Ces éléments sont bien connus de tous les psychanalystes. Nous désirons insister sur un point peutêtre moins connu. Dès le début, Bion considère que la sensorialité des éléments ␣ ne se confond pas avec la sensation consciente ordinaire. Il propose même de considérer que les impressions des sens d’une expérience émotionnelle ont un dispositif de réception différent de celui des sensations usuelles d’objets concrets (Bion, 1962). Le psychanalyste crée ici une coupure épistémologique qui permet d’inscrire un type particulier de sensorialité au chapitre de la recherche en psychanalyse. À sa suite, de nombreux auteurs anglo-saxons et franc¸ais s’inscriront dans cette voie. L’intérêt suscité par les sensorialités émanera alors des nombreuses situations psychopathologiques non névrotiques, comme les stéréotypies et les automutilations autistiques, les dissociations schizoïdes ou encore, les pathologies issues des défaillances majeures de la fonction à contenir. La clinique psychanalytique de la sensorialité s’enrichira alors de multiples concepts heuristiques et originaux. Il nous est impossible de détailler ici chacun de ces concepts3 . Une revue
2
Boubli, M., Konicheckis, A., et al., 2002. Clinique psychanalytique de la sensorialité. Dunod, Paris.
304
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
de question d’une centaine de pages ne suffirait pas à épuiser ce sujet pourtant réputé marginal ! Nous proposerons cependant, avec Konicheckis (2002), de caractériser une direction qui semble fédérer, à minima, l’ensemble de ces recherches fondatrices et des concepts qui y sont produits. Les empreintes sensorielles formeraient des embryons originaires de sens qui se présenteraient comme la semence à partir de laquelle toute la vie psychique pourrait ou non s’épanouir. La qualité psychique de cette matrice sensorielle, à la fois lien et origine, se révélerait par ses possibilités transformatrices. Son dysfonctionnement se repérerait plutôt dans la répétition immuable du trauma au cœur de sensorialités effractives devenues difficilement symbolisables. En complémentarité du courant « post-bionien » de recherche sur la sensorialité, se positionnent deux auteurs plus atypiques qui nous sont chers. Reik (1948, 1935) a cherché à caractériser une modalité originaire et atmosphérique de la sensorialité qui n’aurait rien à voir avec la sensorialité ordinaire. Cette modalité sensorielle originaire, suffisamment bien accueillie dans le contretransfert par l’analyste, pourrait enrichir d’un « plus de corps » l’activité interprétative. Aulagnier (1975) propose, quant à elle, de considérer l’existence de processus originaires à côté des classiques processus primaires et secondaires. Ce monde originaire serait tissé de pictogrammes. Ces derniers emprunteraient à la sensorialité son matériel pour métaboliser une relation mère–enfant, au plus près du flux pulsionnel. Au sein du pictogramme, on ne pourrait clairement distinguer l’objet de sa zone complémentaire ainsi que l’affect de la représentation. La sensorialité originaire se distinguerait ainsi de la sensorialité consciente. Elle formerait le fond représentatif du psychisme humain. Une perturbation à ce niveau de symbolisation signerait les pathologies psychotiques. Mais la pathologie ne serait pas l’unique destin de la sensorialité originaire. À la suite des travaux de P. Aulagnier, Despinoy et Pinol-Douriez (2002) ont repéré une version non pathologique et germinative de l’écriture pictographique qu’ils nomment les noyaux protoreprésentatifs. Au final, malgré sa relative marginalité, nous voyons que la sensorialité est un objet de recherche à part entière pour la psychanalyse qui en propose une analyse se différenciant radicalement de celle que peut en faire la psychologie consciente. Dans le champ plus quotidien du travail social, les travaux psychanalytiques sur la sensorialité se font très rares. Les apports de Mellier (2003) sont ici incontestables. L’auteur montre que le quotidien institutionnel, dans lequel gravitent les travailleurs sociaux, est aussi en prise avec des souffrances très archaïques, en dec¸à du verbal et proche du corps (Mellier, 2003 ; p. 425). La fonction à contenir du clinicien est sollicitée quotidiennement par cette sensorialité originaire dans le cadre des groupes d’analyse de pratiques. C’est justement dans ce cadre que se situe le terrain de notre étude. Nous allons maintenant en préciser quelques modalités concrètes. 2.2. Contextes institutionnels Ce travail est issu des rencontres organisées autour de groupes d’analyses de pratiques. Ils se sont déroulés pendant trois ans au sein de trois conseils généraux de la région Paca. Ces groupes se déroulaient deux fois par mois et comprenaient aussi bien des éducateurs, que des assistantes
3 Comme l’identification adhésive et le démantèlement (Meltzer, 1975), les objets sensoriels (Tustin, 1985 ; SchmidtKitsikis, 2002), les traces et les accrochages sensoriels autistiques (Tustin, 1985), les procédés autocalmants (Smadja, 1993 ; Boubli, 2002) ou encore, les fondements sensoriels de la fonction contenante (Anzieu, 1994 ; Haag, 1997 ; Mellier, 2003). Faudrait-il citer ici les travaux de Winnicott (1971) sur l’intégration du psychésoma.
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
305
sociale ou des spécialistes du logement. Des rencontres individuelles pouvaient avoir lieu à la demande des travailleurs sociaux mais elles restaient exceptionnelles. Le contexte institutionnel de chacun de ces groupes, bien que différent, répétait une sorte de respiration commune que nous désirons porter à l’attention du lecteur. L’ambiance institutionnelle dévaluait, lentement mais sûrement, la relation à l’usager en lui préférant la rationalisation des pratiques autour de procédures techniques précises à appliquer. L’intervention de Christine au sein d’un groupe gapenc¸ais nous semble ici paradigmatique. Christine se sent « robotisée ». Si elle tente de prendre en compte les effets d’histoire au cœur d’une relation, le temps passe et les demandes s’accumulent. Sa hiérarchie exerce alors une pression évaluative formulée selon le nombre de dossiers traités par mois. Christine se transforme donc, selon ses propres mots, en « administratrice de dossier » et le travail social devient pour elle une réalité désincarnée. Nous insistons sur le fait que le discours qu’a porté ce jour-là Christine à Gap s’est répété au sein des trois conseils généraux que nous avons fréquentés à cette époque. La temporalité et la « rationalisation des procédures » y constituaient progressivement un moyen efficace de barrer toute tentative d’enrichir la relation à l’usager d’une dimension de rencontre subjective. Ce qui nous semble le plus troublant ici c’est que, sous la forme d’un « désinvestissons la relation pour être plus efficace », ce discours institutionnel semble indiquer la direction des mécanismes défensifs que nous allons maintenant étudier. Il est vrai que Mellier (2002) a montré que les pactes dénégatifs à l’œuvre dans l’institution ne sont pas sans effet sur ce qui se passe à l’intérieur d’un groupe d’analyse de pratiques. Nos dispositifs n’ont, à l’évidence, pas échappé à cette règle. Venons en maintenant au premier point central de notre travail. Les travailleurs sociaux ont bien conscience que leurs rencontres avec les usagers ne font pas l’économie d’une expression sensorielle parfois précieuse mais potentiellement traumatique. Quelques vignettes cliniques, vont pouvoir nous aider à le faire « sentir4 ». 2.3. Un savoir sensoriel précieux mais potentiellement traumatique À Nice, Nadine, assistante sociale, me demande un rendez-vous individuel en marge de l’analyse de pratique à laquelle elle n’a pas pu se rendre la semaine dernière. Cette procédure est tout à fait exceptionnelle et nous convenons qu’une partie de ce qui sera dit pourra être repris, avec son accord, par le groupe le mois prochain. Nadine me demande tout de suite si « sa » stagiaire peut participer à l’entretien. Il s’agirait pour elle de contribuer à sa formation. J’accepte. Mon objectif est bien d’intégrer Assia au sein de l’entretien et de lui faire prendre une place de sujet et non d’élève en formation. Le discours de Nadine est d’emblée assez bloqué. Nadine se retourne souvent vers Assia. J’ai le sentiment qu’elle lui fait une sorte de lec¸on. Assia se tait et hoche de la tête. Au cœur de cette posture de « directrice de stage », le discours de Nadine est un discours de maîtrise. Elle me précise qu’elle est en train de me dire des « trucs bateaux » un peu comme « tout le monde ». Nadine me propose une précision qui pourrait être la métonymie de la plus grande partie de son discours : « Je crois qu’on peut tout faire si on peut maîtriser ». Le discours de Nadine ronronne dans une tonalité défensive où le principal semble être de garder la maîtrise de la situation. Je tente une dernière relance en abordant la question du corps sensoriel. Je demande à Nadine si les travailleurs sociaux écoutent leur corps. Je précise que ce n’est pas tant le corps
4 Le cadre restreint de cet article nous contraint à ne proposer que des vignettes assez courtes. Nous renvoyons le lecteur à notre travail de Doctorat (Raufast, 2007) pour enrichir sa réflexion d’un matériel clinique plus riche et déployé.
306
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
« apparence » qui m’intéresse mais le corps des sensations. Je ne sais si Nadine saisit réellement ce que je veux dire par-là, mais son visage change d’expression. Elle me dit comprendre ce que je veux dire par sensorialité. L’entretien va bientôt se débloquer de manière inespérée. Nadine reconnaît que ses sensations « professionnelles » sont entièrement prises dans les moments de rencontre avec les usagers. Elle tente alors de sentir le « feeling » de la rencontre. Il arrive qu’elle se sente alors plus ou moins proche d’eux et de leurs problèmes : « Je les sens ou je les sens pas ! ». Nadine me précise alors un point qui lui tient visiblement à cœur. Les « sensations professionnelles » issues de la rencontre avec l’usager peuvent devenir extrêmement désagréables. Les odeurs d’alcool, par exemple, l’agressent particulièrement. Mais Nadine m’avoue avoir honte d’aborder ce thème en analyse de pratique. Assia prend soudain la parole. Elle me dit qu’elle « sent » très bien ce dont je veux parler. Dans son pays d’origine, on connaît bien ce que j’appelle « sensorialité » et cela fait partie d’une sorte de savoir-faire culturel. Elle ajoute, qu’au-delà de l’odeur, le corps de l’usager est parfois blessé, sa peau est pleine de plaies ou de maladies qu’il exhibe de manière « plus ou moins consciente ». Assia poursuit et m’entretient d’un cas qu’elle a connu : celui d’un usager ayant la gale. Assia me dit être restée une semaine à éprouver des démangeaisons et des tensions diffuses. La gale semblait s’être déployée « partout et nulle part ». Nadine hoche de la tête et me fait remarquer que les usagers qu’elle rencontre sont de toutes les manières rarement neutres aux niveaux corporels et sensoriels. Ils sont souvent blessés, malades ou hypertendus. Les associations se bousculent, Assia me parle du corps des usagers déprimés. Elle décrit un corps lourd, vide, dispersant autour de lui des sensations et des ambiances de pesanteur. Le climat sensoriel « pesant » du dépressif met littéralement Assia « hors jeu » et elle met des heures à pouvoir dissiper les sensations de lourdeur qui hantent son bureau. L’odeur ! Nadine coupe la parole à Assia et revient me parler de « l’odeur de la rencontre avec l’usager ». En prenant exemple sur « monsieur Chat », un usager nimbé d’une odeur d’urine aussi insaisissable qu’insoutenable, elle me dit sortir de certains entretiens « en apnée » et avoir envie de vomir toute la matinée. Son corps semble imprimé par toutes ces « horreurs ». Elle ne sait plus bien qui souffre alors et qui ressent ces mauvaises sensations qui « flottent tout autour ». Une seule solution s’offre alors à elle : fuir la rencontre en usant « intelligemment » des méandres des procédures administratives. Faisons maintenant une courte pause pour ne pas perdre de vue l’essentiel de notre propos. Ce qui insiste ici, c’est l’importance d’une rencontre avec l’usager qui se fait au niveau sensoriel et non uniquement au niveau verbal. Nous désirons faire remarquer au lecteur que, lorsque Nadine et Assia parlent de leur « sensorialité professionnelle », elles ne font pas état de sensations localisées et faciles à repérer consciemment. Elles font plutôt référence à une sorte d’ambiance diffuse qu’elles « sentent » sans pouvoir toujours l’expliquer et la localiser précisément. La dimension de la sensorialité, elles parlent est à référer avec cette dimension originaire de la sensorialité dont nous avons vu que la psychanalyse avait fait un objet de recherche à part entière. Nadine et Assia nous ont enseigné que, dans un contexte où l’usager est bien souvent en grande vulnérabilité, ce corps à corps sensoriel vire vite au traumatique. La fuite directe ou plus larvée du corps de l’usager reste une solution tentante. La richesse de la rencontre est sérieusement diminuée. En tous les cas, les enjeux sensoriels de la rencontre avec l’usager ne sont pas travaillés dans l’après coup. Une question se pose alors. Quel est ce « quelque chose » qui bloquerait la mise au travail de la rencontre sensorielle avec l’usager et donnerait le signal de la fuite ? L’explication d’un « déficit de compétence » ne nous convainc pas. L’étape suivante s’annonce donc en filigrane. . .
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
307
3. L’hypothèse d’un mécanisme défensif de « pare désinvestissement » 3.1. Le lapsus d’Aimée comme un aiguillage Il convient de rendre compte au lecteur comment est née notre hypothèse de l’existence d’un mécanisme défensif. À Gap, Aimée me parle, lors d’une séance de groupe, des sensations désagréables qui impactent son corps lorsqu’elle rencontre certains usagers, notamment toxicomanes. Un certain nombre de séances d’analyse de pratiques professionnelles en groupe se sont déjà déroulées, et Aimée a bien investi notre dispositif. Je l’invite à associer sur les sensations qui accompagnent ses rencontres quotidiennes avec ce type d’usagers. Aimée me répond qu’elle aurait une très grande difficulté à les décrire avec des mots. En voulant ponctuer ses propos, elle me propose un lapsus particulièrement intéressant : « Alors moi, je peux pas m’empêcher de les “déconnecter” du contexte que j’ai ressenti. ». Elle est très surprise de son lapsus mais n’associe pas davantage. Je tente de relancer. Elle sourit mais reste silencieuse et continue peu après sur les apports de ses diverses formations continues. Il faut préciser qu’Aimée est enceinte et elle sait que c’est sa dernière séance de groupe avant un long congé maternité. Ce lapsus est une sorte de pavé dans la marre qui scande une sortie réussie et énigmatique des groupes d’analyse de pratique sous la forme de trois points de suspension. Reste que le lapsus d’Aimée, même si je n’ai pas eu le temps de le travailler avec elle, m’a tout de même permis d’être aiguillé sur la piste d’un désinvestissement partiel et défensif des éprouvés sensoriels trop brutaux générés par la rencontre avec l’usager. 3.2. La notion de pare désinvestissement selon Piera Aulagnier L’hypothèse du mécanisme de pare désinvestissement émerge au cœur de la rencontre avec le lapsus d’Aimée. Mais, avant d’en éprouver cliniquement sa portée, il convient de s’arrêter un moment pour en proposer une définition à partir des propositions Piera Aulagnier (2001). Que se passe-t-il lorsque les processus secondaires sont confrontés à un corps qui irradie majoritairement des éprouvés sensoriels de souffrance ? Il faut bien que le « Je » trouve une solution créative pour éviter une solution radicale de désinvestissement total de la sensorialité relationnelle. Thanatos régnerait alors en maître absolu. Pour ce faire, le « Je » va avoir recours à un mécanisme défensif que Aulagnier (2001) propose de nommer pare désinvestissement. Pour ne pas désinvestir complètement les éprouvés sensoriels traumatiques, le « Je » peut opter pour deux solutions « classiques ». Il peut associer à l’éprouvé sensoriel traumatique un autre éprouvé sensoriel orienté vers le « plus de plaisir ». C’est ici la consolation qui permet au « Je » de continuer d’investir son corps sensoriel souffrant. Il peut aussi chercher ailleurs que dans l’éprouvé sensoriel la causalité de la souffrance. Quelque chose dans le désir tout puissant de l’Autre sera reconnu comme responsable du trauma. Ce désir pourra alors être interrogé pour espérer changer la donne tout en continuant d’investir le corps sensoriel souffrant positionné comme simple victime5 . Le mécanisme de pare désinvestissement aura donc évité un désinvestissement massif des éprouvés sensoriels traumatiques en acceptant, a minima, les désagréments qu’ils lui imposent.
5 Reste que, dans ces cas-là, le « Je » n’aura pas son mot interprétatif à dire et l’aliénation ou le masochisme seront au rendez-vous.
308
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
Mais en revenant à la clinique et au lapsus d’Aimée, le lecteur aura sans doute entendu que l’apparition du terme « déconnexion » nous amène à proposer une troisième voie inédite pare désinvestissante. Cette voie inédite adopterait une formule paradoxale : « désinvestir partiellement le corps sensoriel pour ne pas avoir à le désinvestir complètement ». Bavarder longuement autour d’un lapsus, fut-il le bienvenu, n’apporterait rien de décisif en ce sens. Le lecteur devra nous suivre encore un peu pour se faire une opinion et voir jusqu’où notre hypothèse peut nous mener. 3.3. Progressions sur la piste du désinvestissement partiel de la sensorialité chez les travailleurs sociaux À Nice, la séance d’analyse de pratique qui suit l’entretien avec Assia et Nadine tourne autour de la question de ce que les travailleurs sociaux appellent leur « malaise » professionnel. Je lance alors une invitation à faire le lien entre malaise et sensation. C’est le silence qui me répond dans un premier temps. Le sujet est sans doute trop abstrait. Je reformule le thème en prenant appui sur ce qui a déjà été dit. La question des « mauvaises sensations » se répète jusqu’à présent dans la description que font les travailleurs sociaux de leur « malaise » face aux publics « sensibles ». Je leur fais remarquer que beaucoup de leurs mots renvoient au champ de la sensorialité. Quelques hochements de tête me font espérer que la consigne est, cette fois, mieux passée. Olivia, intervenante sociale dans le secteur du logement et d’habitude assez discrète, prend alors la parole. Elle me dit que son malaise, lorsqu’elle rencontre par exemple des usagers « très délabrés », a effectivement à voir avec les « mauvaises sensations » de son propre corps. Mais alors que le groupe est particulièrement attentif, elle bute lorsque je lui demande d’en dire plus : « . . .c¸a se sent. . . vraiment. . . c¸a se sent. . . hein ? ». Béatrice, spécialiste de l’économie sociale, a une proposition à faire au groupe. Elle est une adepte farouche de ce qu’elle appelle les « métaphores ». De son passage par la formation continue aux approches systémiques, elle a gardé, semble-t-il, un goût jamais rassasié des images et des exemples allégoriques pour tenter de faire comprendre ce dont elle parle. Elle prend appui ici sur un passage d’une nouvelle de M. Yourcenar. L’eau des « mauvaises sensations » monte et envahit tout l’espace de la rencontre avec l’usager. L’inondation ne donne pas lieu à un mouvement de panique angoissée, mais accouche d’un univers monotone où la rencontre devient pesante et dévitalisée : « comme un bateau fantôme ou une éponge qui dérive lentement ». Je demande alors au groupe ce qui pourrait expliquer ce que Olivia et Béatrice viennent de décrire. C’est Nadine qui prend la parole. La tonalité de sa voix a changé et s’est chargée d’émotion. Elle désire revenir sur notre dernier entretien individuel et le travailler avec le groupe. Elle affirme qu’elle aussi ressent souvent ces inondations de « mauvaises sensations », notamment quand elle rencontre une « ambiance alcoolique irrespirable ». Nadine se sent alors mal à l’aise pendant plusieurs jours. Je lui demande ce que c’est que cette ambiance alcoolique. Elle me répond qu’elle est constituée de tensions, de vapeurs, d’odeurs, de texture de peau, de sons et de rythmes qui lui sont « balancés » « comme de l’eau qui monte », me dit-elle, en reprenant la métaphore de Béatrice. Dans ce cas là, Nadine précise qu’elle tente de ne pas penser à ce qu’elle ressent, elle le « met de côté », et ce, même si parfois « elle en tremble ». Je lui demande de préciser. Elle ajoute : « ce que je veux dire c’est que dans ces cas-là, il ne faut pas trop aller vers ce que l’on ressent ». La piste d’un désinvestissement partiel pare désinvestissant n’a donc pas tardé pas à surgir. Assia intervient alors. Elle approuve ce que dit Nadine. Elle a, d’ailleurs, déjà été menacée corporellement. Elle dit au groupe à quel point son corps a accumulé, à cette occasion, des sensations désagréables dont elle n’a pu ni se défaire, ni parler. Assia évoque aussi de la maladie mentale où la rencontre impacte le corps du travailleur social de sensations issues d’une ambiance
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
309
« bizarre ». Je demande à Assia ce qu’elle fait alors de cette « ambiance bizarre ». Elle me confirme qu’elle ne la met pas au travail et que cette tendance est une tendance générale de l’univers du travail social. Nadine intervient et impute cette mise en sourdine aux aveuglements de la tradition intellectualiste occidentale. Je crains un moment que Nadine ne retourne à un discours défensif, où la théorie l’empêche de prendre une place de sujet. Il n’en est rien. Le groupe l’écoute, d’ailleurs, très attentivement. Pour elle, il y aurait un intérêt majeur à ne pas vouloir « écouter et ressentir son propre corps » : éviter de partir en courant ! Assia fait alors remarquer comme en écho de ce que vient de dire Nadine : « Ce n’est pas pour rien qu’on met nos sensations de côté. . . y’a des intérêts. . . parce que sinon c¸a risque de nous faire remonter des choses trop difficiles à supporter. ». Nadine reprend la parole et précise que si elle met son corps sensoriel « en sourdine », c’est bien pour ne pas partir d’une manière ou d’une autre et laisser l’usager seul. Le groupe acquiesce et bruisse de discussions. Arrêtons-nous encore un moment. Notre hypothèse sort renforcée de cette séance de groupe que nous considérons comme paradigmatique de l’ensemble des rencontres cliniques qui nous ont enseignées sur ce sujet. Le désinvestissement partiel de l’éprouvé sensoriel permettrait au travailleur social d’éviter de déserter totalement la rencontre avec l’usager lorsque celle-ci se fait particulièrement traumatique. Il est à noter que ce type de défense se déploie sur un registre spécifiquement économicopulsionnel. Il est parfaitement compatible avec des modalités défensives déjà repérées comme le clivage psychosomatique (Mellier, 2003) ou les contre-attitudes (Descombey, 2004). Ces dernières défenses se jouant, selon nous, sur un registre plus topique et dynamique. Il est aussi à noter que Konicheckis (2002) avait déjà relevé, pour le compte de psychopathologies plus lourdes, le retrait de l’investissement de la sensation comme une manière de lutter contre une sensorialité trop brutale au registre économique. Il avait placé ce retrait partiel des investissements au sein d’une série de modes défensifs (dont ferait partie le clivage) permettant au psychisme de ne pas éprouver des sensations menac¸ant son existence (Konicheckis, 2002 ; p. 128). À partir du présent travail, nous le rejoignons donc doublement. Il est temps maintenant de conclure provisoirement en revenant à notre proposition centrale, pour l’abandonner définitivement à la réflexion du lecteur. 4. La sensualité comme alternative au pare désinvestissement Nous avons donc tenté de proposer quelques pistes inédites pour mieux comprendre les enjeux de la rencontre sensorielle entre le travailleur social et l’usager. Lorsque le corps sensoriel est devenu le dépositaire d’un savoir trop douloureux, un mécanisme de pare désinvestissement inédit se met alors en place. Il s’agit de désinvestir partiellement l’éprouvé sensoriel originaire pour pouvoir continuer d’investir une rencontre qui s’appauvrit alors massivement. Un quelconque déficit de compétence n’a vraiment rien à voir dans la mise en place de ce mécanisme défensif dont le registre économique est compatible avec des défenses plus topiques ou dynamique comme le clivage psychosomatique ou la contre-attitude. Que proposer alors en guise de prospective ? Y a t-il une alternative à ce cabrement défensif du travailleur social face à l’inondation sensorielle originaire ? Il nous semble qu’un mouvement inverse est possible. Nous proposons même de nommer « sensualité » ce mouvement où la transgression des processus secondaires par le jaillissement sensoriel originaire a des effets, non plus traumatiques, mais subjectivants et créatifs. Mêmes s’ils n’emploient pas ce terme, certains travaux vont dans un sens voisin en s’appuyant des expérimentations menées depuis plusieurs années au cœur des institutions du travail social. Mellier (2002) a montré qu’en travaillant spécifiquement sur le déploiement de la fonction à contenir, le psychologue pouvait accueillir, au sein des groupes
310
L. Raufast / Pratiques psychologiques 15 (2009) 301–310
d’analyse de pratiques, des expressions primitives, infraverbales et extrêmement proche du corps pour en faire une matière commune à symboliser. Korff-Sausse (2006) a également repéré la possibilité du versement créatif de la transgression sensorielle au compte de la relance du désir des sujets rencontrés. Mais celle-ci ne pourrait advenir que si cette transgression subjectivante est d’abord opérée par le clinicien au sein de l’analyse de son contretransfert. Bion (1965) appelait cette tolérance du clinicien et cette pensée aux limites du représentable la « capacité négative ». Attention particulière au déploiement de la fonction à contenir, travail du clinicien sur sa propre capacité contretransférentielle à accueillir la sensorialité originaire, voilà fixés quelques repères pour que les groupes d’analyse de pratique en institution s’enrichissent d’une véritable capacité sensuelle. Nous proposerons, pour finir, la possibilité de scander les réunions des groupes d’analyse par des moments de psychodrame. Les travaux d’Avron (2004) sur cette matrice de liaison groupale interrythmique, en dec¸à du verbal, nous semblent tout à fait appropriés pour continuer de travailler, à même l’acte créateur, la capacité sensuelle au sein des groupes d’analyse de pratique. Reste encore à l’institution de référence de préférer l’innovation et l’incertitude aux effets mortifères de la rationalisation objectiviste. Qui peut présager de l’issue. . . Références Anzieu, D., 1994. Le Penser. Du Moi-peau au Moi-pensant. Dunod, Paris. Aulagnier, P., 2001. Un interprète en quête de sens. Payot, Paris. Aulagnier, P., 1975. La violence de l’interprétation, 7e éd. PUF, Paris (2003). Avron, O., 2004. La pensée scénique. In: Groupe et psychodrame. Eres, Paris. Bion, W.R., 1965. Transformations. PUF, Paris (1982). Bion, W.R., 1962. Aux sources de l’expérience. PUF, Paris (1979). Boubli, M., 2002. Autosensualité, procédés autocalmants et créativité. In: Clinique psychanalytique de la sensorialité. Dunod, Paris, pp. 59–83. Descombey, J.P., 2004. La répétition des contre-attitudes. Psychotropes 10, 83–101. Despinoy, M., Pinol-Douriez, M., 2002. Sensations et perceptions dans la clinique psychanalytique. In: Clinique psychanalytique de la sensorialité. Dunod, Paris, pp. 5–26. Haag, G., 1997. Contribution à la compréhension des identifications en jeu dans le Moi corporel. In: Journal de psychanalyse de l’enfant 20, 104–125. Konicheckis, A., 2002. Des sens aux sens, sensorialité et signification. In: Clinique psychanalytique de la sensorialité. Dunod, Paris, pp. 125–156. Korff-Sausse, S., 2006. Contretransfert, cliniques de l’extrême et esthétique. Rev. Fr. Psychanal. 2, 507–520. Mellier, D., 2003. L’intégration psyché-soma et le temps de l’intrigue, ce que nous apprennent les bébés. Champ Psychosom. 2, 27–43. Mellier, D., 2002. Le groupe d’analyse de la pratique (GAP), la fonction « à contenir » et la méthodologie du groupe balint. Rev. Psychother. Psychanal. Groupe 39, 85–102. Meltzer, D., 1975. Explorations dans le monde de l’autisme. Payot, Paris (1984). Raufast, L., 2007. Une étude psychanalytique de la sensualité. Le malaise institutionnel des travailleurs sociaux comme convocation à une étude psychanalytique du corps sensuel au cœur du lien social. Thèse en Psychologie clinique de l’université de Nice Sophia-Antipolis. Reik, T., 1948. Écouter avec la troisième oreille. In: L’expérience intérieure d’un psychanalyste. EPI, Paris (1976). Reik, T., 1935. Le psychologue surpris. Denoël, Paris (2001). Schmidt-Kitsikis, E., 2002. Sensorialité et sensualité : ferments de la sexualité infantile. In: Clinique psychanalytique de la sensorialité. Dunod, Paris, pp. 95–124. Smadja, C., 1993. À propos des procédés autocalmants du Moi. Revue franc¸aise de Psychanalyse 2, 9–26. Thomson, C., 2002. Destins de la sensation. In: La clinique à l’épreuve des sens. PUF, Paris. Tustin, F., 1985. Les objets autistiques. Lieux de l’enfance 3, 199–220. Winnicott, D.W., 1971. Jeu et réalité. Gallimard, Paris (1975).