J Pidiatr PuLriculture 1997;10:356-363 © Elsevier, Paris
PSYCHIATRI E ET PSYCHOLOGI E
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Iournee annuelle de psychiatrie infantile J M ry
Service
de psychiatrie infantile, h6pitol Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, av Denfert-Rochereau, 75014 Paris
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arler de la sp~cificit~ du champ psychop~dagogique renvoie aux questions : qu'est-ce I que la psychop~dagogie et qu'est-ce qu'un psychop~dagogue ? Pourquoi, dans un lieu de soins, introduire le terme de p~dagogie et avec lui I'id~e d'une pratique p~dagogique, bien que le mot p~dagogie soit reli~ 6 celui de psychologie et que j'ajoute moi-m~me ~ cette expression I'adjectif ,~ analytique ,,. J'expose ici ce que je d~nomme la psychop~dagogie analytique que j'ai pratiqu~e pendant plus d'un quart de si~cle au CMPP Claude-Bernard.. Je d~fendrai le principe ~ d'une approche globale de I'enfant ~ comme I'a d~crit Hochmann en tentant ~ d'associer soJns et ~ducation dans une perspective dialectique o~ les deux d~marches se compl~tent et s'~clairent mutuellement ~ [7]. Je chercherai 6 travers I'histoire d'un cas 6 vous
*Communicationlors de la 10c journ6e annuellede psychiatrieinfantile de l'h6pital Saint-Vincent-de-Paul (Pr B Golse), consacrge au th~me ,, Moyens et stratdgies th~rapeutiques en clinique infantile ~, Paris, le 18 juin 1993. 356
montrer comment j'ai utilis~ hors lesmurs comme I'a ~crit Laplanche les apports de la psychanalyse dans ma pratique de psychop~dagogue. J'ai conscience de I'ambition de ma d~marche, mais plus encore de la difficult~ E la rendre communicable et transmissible, ce que j'essaierai n~anmoins de faire.
historique Pour que vous compreniez le mode de prise en charge assez particulier que j'ai employ~ aupr~s des enfants qui m'~taient confi~s, il est n~cessaire que je le situe dans le contexte institutionnel dans lequel j'ai travaill~, et fasse un bref rappel historique de cette institution. Si j'~prouve le besoin de retourner ainsi au passe, c'est que cette reconnaissance de ce que rues pr~d~cesseurs m'ont apport~ me permet d'appr~hender ma t~iche en la situant dans la mouvance de l'histoire, c'est-~-dire dans son passe, son present et son devenir. Le CPP Claude-Bernard, ~l l'origine CPP et non CMPP, dans lequel je suis entree en 1959 en tant qu'enseignante mise ~ la disposition du centre, fut fond~ en
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1946 par Favez-Boutonier et Mauco. Tous deux ~taient ~t la fois enseignants et psychanalystes, madame FavezBoutonier ~tant de surcrolt mddecin. Cettx-ci avaient voulu ~lcette ~poque d'apr~s-guerre faire b~n~ficier parents, enfants, ~ducateurs, des apports que la psychanalyse avait apport~ ~ila psychologie de l'enfant. La cooperation psychanalyse-pddagogie permettrait, espdraient-ils, d'atteindre ~ ~ cette connaissance totale de l'enfant et de son milieu >, - comme le dit aujourd'hui Hochmann ~i peu pros dans les mSmes termes - et rendrait ~ possible la comprdhension du cas )~.L'on pourrait alors ddterminer l'action r~dducatrice ~ ~ envisager >, [10]. En cr~ant le CPP Claude-Bernard en 1946, J FavezBoutonier et Mauco s'inscrivaient eux-mSmes dans leur ddmarche dans la lign~e d'un courant qui s'dtait manifest~ dans les ann~es t 920 ~t1938 dans les pays de langue allemande et qui tentait, ddj~i ~ l'dpoque, de rapprocher p~dagogie et psychanalyse. Les travaux effectu~s dans ces anndes-l~t avaient ~td interrompus par la guerre mais pas totalement cependant. En Suisse, les activitds du centre mddico-p~dagogique c r ~ en 1930 par Repond s'dtaient maintenues et c'est dans ce pays que FavezBoutonier et Mauco accompagnds par Berge et Lebovici se rendent d~s la fin de la guerre pour s'inspirer du travail accompli par Repond avant de rdaliser leur projet.
S'il m'a sembl~ ndcessaire de vous faire ce bref rappel historique, c'est du fait que moi-m~me, enseignante lorsque je suis entree ~ Claude~Bernard, j'ai ~t~ influencde par l'atmosph~re psychanalytique qui y r~gnait, c'est-~-dire par le mode d'approche qu'avait toute l'~quipe soignante vis-~t-vis des enfants qui venaient consulter, et j'ai dt~ induite fi utiliser la th~orie psychanalytique pour ~clairer ma pratique. Tr~s vite, cette connaissance th~orique de la psychanalyse m'a laissde insatisfaite et j'ai ~prouvd le besoin de vivre moi-mSme l'exp~rience analytique. Je suis devenue par la suite psychanalyste. Mais malgr~ le chemin que j'ai parcouru, je n'ai pas abandonnd m a pratique psychopddagogique. Ma formation analytique et mon attachement ~ la lecture de textes litt~raires que je consid~rais avoir pour t~che de transmettre aux enfants qui m'dtaient confids, m'ont conduite en jouant des interactions entre mes deux pratiques, ~tdlaborer une rdflexion sur Hmpact des obje~s culturels que sont les textes dcrits dans la construction, le d~veloppement et l'Spanouissement de tout enfant et de tout adolescent en parucul~er. J al pu observer leur fonction thSrapeutique quand ils sont utilisds dans le cadre d'une prise en charge psychop~dagogique. •
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Pour moi-m~me, ~tre psychanalyste ne se rdduisait pas ~tpratiquer des actes analytiques, c'&ait un mode d'etre avec les autres : je tentais d'etre ~l l'dcoute de ce qui se cache derriere le contenu manifeste d'une conduite comme d'une parole, d'un discours comme d'un texte ~crit, afin d'en faire surgir le contenu latent. De plus, l'ddairage que m'apportait la th~orie analytique pouvait m'aider ~t donner sens ~ mes observations, fine pas me laisser enfermer dans le cycle de la rdpdtition et permettre de Iibdrer chez les enfants une dnergie qui pourrait alors ~tre mise au service de la vie. Si j'ai poursuivi ma pratique de psychopddagogue, sans doute est-ce du fait, comme je l'ai ddj~ dit, de mon propre gofit pour lalecture et pour ce r61e, comme l'dcrit Proust, d'incitatrice ~ fi la lecture, celle-ci devenant alors une sorte de discipline curative >,. Sans doute est-ce aussi du fait de mon statut au centre qui me maintenait dans ce r61e de psychopddagogue. Mais, ce qui m'am~ne ~ etre aujourd hui parml vous, ce sont les particularites des enfants qui m'~taient adressds. Ceux-ci faisaient partie pour la majoritd d'entre eux de ces enfants ~ qui n'ont pas un appareil mental assez organisd et investi positivement pour ~tre source d'un plaisir ~ipenser et ~t r~ver >>[5]. Un travail de rdconciliation avec une partie d'eux=m~mes dont ils semblaient coupds paraissait ndcessaire pour qu'ils trouvent ou retrouvent le plaisir d'un fonctionnement psychique et intellectuel. Je pense qu'un mode de prise en charge tel que celui qu'offre la psychop~dagogie peut leur ~tre bdndfique. En effet, ~Ces enfants qui n'avaient pas de mots pour dire leur souffrance et leur ddsarroi, ~t ces enfants qui dtaient t0us en situation d'~chec scolaire et qui avaient des di~cult~s sur le plan de la communication ~crite, paradoxalement j'ai 0ffert des m0ts qui n'dtaient pas les miens et des reprdsentations qui n'~taient pas les miennes, mais ceux et celles des ~crivains qui, comme l'a dcrit Bachelard, ont le ~ g~nie de l'imagination >~[3]. Pour aller ~ leur rencontre, les pontes et les romanciers sont devenus mes allids. Pour ces enfants, j'ai ~td conduite ~t imaginer; fi crder une forme de prise en charge qui me permettait d!utiliser les deux aspects inh~rents ~ ma t~tche de psychop~dagogue, c'est-~t-dire mon r61e p~dagogique dont la vis~e est l'enfichissement intellectuel et culturel de l'enfant, et sa fonction thdrapeutique qui consiste ~ rechercher tout ce qui a pu entraver le processus de croissance de l'enfant pour parvenir file d~bloquer. travers l'histoire d'un cas clinique, je tenterais de vous exposer les particularit~ s de ce travail. Je suis consciente du danger qu'il y a ~ illustrer par un exemple clinique ce que je souhaiterais ~tre un exposd d'un ordre plus gdndral, mais d'une part cela me semble malgrd tout une fa~on plus vivante p0ur que vous vous rendiez compte de m a pratique, d'autre part la thdorisation que ^
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je tente d'dlaborer, les hypotheses mfitapsychologiques que j'dmets sur la dynamique de cette relation transf& rentielle &ablie dans ce cadre psychop~dagogique, sont fond&s sur ce va-et-vient clinique-th~orie, les observations que j'ai faites me conduisant ~irechercher des fondements thdoriques et les avanc&s th~oriques enrichissant ma pratique.
caa e psycnope
agoglque
I1 est n&essaire que je prddse la sp&ificitd du cadre que le psychopddagogue met en place. C'est un champ schdma ternaire qui indut le psychopddagogue, l'enfant et un objet culturel, cet objet &ant pour rnoi une oeuvre Iittdraire. Des interactions continues se jouent entre ces trois objets mis en prdsence. L'&olution de l'enfant sera favorisde ou frein& par celles-ci et ne pourra &re saisie qu'fi travers elles. J'emploie le mot objet anssi bien pour ddnommer les personnes que sont le psychopddagogue et l'enfant, que les objets-choses que sont les textes &rits, ces derniers &ant comme l'a &rit W i n n i c o t t , un objet que l'on peut utiliser, qui est rdel et fait partie d'une rOalitd partag&, qui est une chose en sol ~, [17]. J'ai empruntd ce concept d'objet intermddiaire ~lRend Kaes grace aux travaux duquel j'ai pu dlaborer cette construction du champ psychopddagogique [8]. Le terme d'intermddiaire renvoie fi une double fantasmatisation, ce que ne fait pas le terme de mddiateur souvent employd : - d'un c6td la pensde de l'intermddiaire soutiendrait la valorisation de tout ce qui a trait k la transformation, la m&amorphose, ~ la crdation et au passage ; - d'un autre c6td, cette pens& serait entachde de la valeur ndgative qui s'attache au neutre, ~il'&re mixte, au b~tard et ~l l'impur. Ce p61e ndgatif est essentiel car ,~ rnoteur fondamental pour toute remise en cause et progression ,, [16]. Au cours de l'&olution du processus relationnd engagd dans le champ psychopddagogique, l'intermddiaire sera indiffdremment l'un des trois objets mis en prdsence, c'est-h-dire tanttt l'objet culturel, tant6t le pddagogue, rant& t'enfant. Ce n'est qu'au terme du parcours suivi par ce dernier, que l'on pourra parler de relation mangulaire &ablie entre les trois ~ldments de ce champ, l'objet culturel ayant alors pris sa place de tiers symbolique. Si le psychopddagogue introduit des objets culturels darts son champ, c'est du fait des relations qu'il a luim~me prd&ablies avec ces objets et de la croyance qu'il a quant ~t leur fonction et ~l leur r61e dans [a psychd de tout individu sur les ptans &onomique, dynamique et 358
topique, ce que je ne pourrais d&elopper ici, mais apparaltra, je l'esp~re, dans l'exposd du cas que je feral. Je dens cependant ~t souligner d& maintenant le r61e de liaisons que jouent les textes que je fais lire aux adolescents, liaisons intrapsychiques et intersubjectives, liaisons avec le champ social et culturel dans lequel nous vivons. Ces lectures conduiraient ~tr&ablir chez l'enfant ta possibilitfi ~ d'associer ~l des repr&entants de choses et fi des affects des motions pulsionnelles rendues repr& sentables et communicables puisqu'elles sont articul&s ~i des repr&entants de mots et ~labor&s en figurations symboliques ~ [1]. Je voudrais aussi vous sensibiliser aux aspects parad 0 ~ u x de ces objets qui sont ~ comme une t&e de Janus, regardant d'un c6t6 comme de l'autre, d u c6t6 du narcissisme et du c6td objectal ,, [15]. Ils nous font vivre l'illusion qu'ils sont n6tres et n'appartiennent qu'~ nous, alors que par ailleurs ils nous relient aux autres et au monde environnant. La diversit6 de ces objets est telle que le psychop~dagogue salt qu'il existe pour chaque enfant qu'il rencontre un objet addquar qui lui permettra ~i un moment ou un autre de revivre cette illusion qu'il existe ,, une rdalit~ ext~rieure qui correspond ~ la propre capacit~ de cr6er de l'enfant ,, [17]. Vivre une teUeexp~rience permettra peu ~l peu fi celui-ci de retrouver ses capacitgs de cr6ativit& I1 aura d&ouvert que ces objets qu'il croyait ne pouvoir acqu~rir existent pour lui aussi. Enfin, autre aspect paradoxal de ma d~marche : alors que Winnicott dit que les objets culturels se d6posent en nous dans cet espace transitionnel ,, territoire intermddiaire entre la r~alitd psychique interne et le monde externe >~[17], j'ai pu observer que chez ces enfants et adolescents que je suivais et qui, comme je viens de le dire, n'avaient pas ac&s ~t ces objers, la rencontre avec ceux-ci, faite aux cbt6s d'un adulte, leur permettait, apr~s les avoir v&us comme des objets trouv6s-crd6s, de se les approprier ou rdapproprier. ,, U n livre dolt &re comme la hache qui brise la met gel& en nous ~, a &rit Kafka. Or, pour moi, cette rencontre avec ce que je ddnomme les textes de la verticalitd [11] r~animerait, redonnerait vie ~t cette pattie de sol qui chez ces enfants semb aLt etre devenue comme un d&ert de glace. L'on peut parler l~i de l'utilisation que l'enfant fait du cadre que le psychopddagogue a mis en place pour lui, de l'utilisation qu'il fait des objets qu'il trouve dans ce cadre, les objets culturels et le psychopddagogue lui-m~me dans sa double polarit& •
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textes que je donne
lire
J'ai appris ~ilire non seulement avec mon propre regard JOURNAL DE PI~D~TRIE ET DE PUERICULTURE n ° 6 - 1997
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et ma propre sensibilitY, mais en me plac~nt dans la position de celui ou de ceux ~ qui je les pr&ente. Bien que correspondant ~imes gofits personnels, je choisis ces textes en fonction de ce que j'ai per~u ou imaging de la subjectivitd de l'autre, dans la relation que nous avons ou allons engager. Mais il m'a fallu avoir moi-m~me cette pratique de questionner l'oeuvre et de me laisser aller ~tr&er ~ partir de ce qu'elle &eille en moi pour &re capable d'&outer les r&onances qu'elle a sur celui ou ceux auxquets je la donne ~llire et de recevoir sans jugement de valeur tous Ies &hos qui me sont renvoyds. J'ai acquis cette technique par tfitonnement et en c o n f r o n t a n t mon experience ~t celle d'autres psychopddagogues. Elle apparaltra sans doute plus clairement dans l'expos~ du cas de Thierry que je vais vous exposer maintenant.
parcours de Thierry Thierry a 13 ans lorsque je le rencontre pour la premiere fois. II a &d envoy~ au centre sur les conseils du centre d'informarion er d'orientarion ~ la fin du premier trimestre de 5 ° du fair de ses difficuk~s scolaires. Ses rSsultats en fran~ais et en anglais sont insuffisants et il reste faible en mathdmatiques. Par contre, aux tests pratiquds au C I O il se situe dans la catdgorie supfirieure mais, en classe~ il ne peut utiliser ses capacit& intellectuelles. Sa m~re, lors du premier entretien qu'elle a eu au centre avec un psychologue lui dira que Thierry, bien qu'il ait horreur de l'&ole, souhaite malgrd tout poursuivre ses &udes jusqu'en 3 e, ce qui incitera le mddecin de consultation qui le verra ~tlui proposer une aide psychopddagogique. Je ne vous raconterai pas maintenant l'histoire de Thierry telle que sa m~re t'a narr& lors de cette premiere visite au centre. Je ne pense pas en effet qu'il soit suffisant de connattre tes &dnements de la rdalitd qu'un enfant a v&us pour d&eler les causes de son inhibition intellectuelle et la lever, ce qui est mavis&. C'est dans le ,, hic et nunc )~ de notre relation que son histoire va peu ~ipeu se d~voiler et prendre sens pour Thierry qui pourra peu ~ peu au lieu de la subir, la faire sienne et devenir capable de se projeter dans l'avenir. Le fait que j'ai rencontr~ Thierry au dSbut de son adolescence, c'est-~t-dire ~l cette pdriode de reprise dans l'apr~s-coup des traumas subis dans l'enfance mais aussi fi celle du r~am~nagement de cousles investissements libidinaux, a certainemenc favorisd son &olurion. Je savais qu'fi cette pdriode de sa vie, un adolescent a la fois besoin de communiquer et besoin de ne pas communiquer, et les objers intermddiaires que j'utilisais pourraient lui permettre l'un et l'autre. Son exp&ience
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personnelle avait fortifi~ sa m~fiance vis-a-vis des adultes en gdn&al. I1 gardera toujours ses distances vis-a-vis de moi ce qui rendra souvent difficile sa prise en charge surtout durant les premiers mois de son traitement.
phase de tftonnement Avec Thierry, il me faudra ffttonner 18 mois avant de trouver pour lui un objet ad4quat ators qu'avec beaucoup d'enfants d6s le d4but de notre rencontre, nous sentons tout de suite quelles lectures peuvent leur convenir et les int4resser, et nous vivons alors durant un certain laps de temps une hre d'illusion durant laquelle nous avons le sentiment que les objets que nous leur pr&entons ont dtd crdds pour eux er ne sont destinds qu'h eux. Que s'est-il donc passd durant ces 18 mois ? J'instaure avec Thierry, durant 6 mois, un mode de fonctionnement qui m'&ait tout ?i fait inhabituel, l~tant donnd ses difficult& en anglais, nous ddddons d'un c o m m u n accord de travailler cette matihre une semaine sur deux, et il me laisse le choix de nos activitds la deuxihme semaine. Je me montre vis-~t-vis de lui d'une s&&itd et d'une rigueur qui me surprennenr moi-m4me mais en m4me temps, il me confronte a mon incapacit4 aussi bien en tant que p4dagogue - je suis incapable de mettre de l'ordre dans son d4sordre - que psychoth4rapeure. Rien de ce que je lui propose ne semble le satisfaire et ne me satisfait moi-m4me. Je lui offre routes les formes d'activit4s que j'avais exp4rimentdes avec d'autres enfants et qui semblaient avoir favoris4 chez eux la reprise de leur fonctionnement intellectuel et stimul4 leur imagination. Sachant qu'il aime les sports et en pratique, je lui demande de se hisser aller ~ trouver des mots en rapport avec le mouvement et je l'invite ensuite ~ &rite un texte en rapport avec ce thhme. Cet exercice de collecte de mots a en g4n4ral un effet euphorisant sur ceux qui le font, aussi bien sur les adultes que sur les enfants. En effet, l'on retrouve 1~ une activitd jadis utilis4e : associer les roots par leurs sons avant de les regrouper par leur sens, se laisser aller ~ ses libres associations au lieu de se plier hun ordre rationnel. L'on regagne ainsi en quelque sorte quelque chose que l'on avait perdu, ce qui ~ la fois procure le plaisir de transgresser des interdits et favorise la lev& des inhibitions. Le r&it de Thierry, tr~s court, me d ~ o i t par sa panvret~ apparente. I1 raconte le souvenir d'un &~nement v&u : un soir, chez lui, la maison tremble et &rit-il ~,nous avons pensd que c'&ait un tremblement de terre )~ mais ajoute+il aussit6t en annulant le caract&e traumatique de cet & S n e m e n t , il n'a pas dt8 trop d8vastateur mais il aurait pu l'&re ,,. 359
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Pourquoi Thierry 6voque-t-il un tremblement de terre comme l'avait fait aussi une jeune fille que je suivais et qui, comme lui, avait vdcu dans son enfance des 6v6nements familiaux traumatisants ? Pour eux, le mouvement 6voquerait non pas la maltrise de leur corps et le plaisir qui y est liE, mais le sol qui s'effondre sous leurs pieds et le risque d'y 8tre englouti. )i travers ce texte, l'histoire de Thierry commence prendre sens et il peut lui-m~me en transcrire quelque chose mais sous une forme m&aphorique. Thierry est un enfant naturel que son p~re n'a pas reconnu ~ sa naissance et qu'il a refuse de voir. I1 porte donc le nom de sa m~re, c'est-~t-dire celui de son grandp~re maternel d'origine slave, et il a longtemps cru que celui-ci &ait son p~re. Durant 6 mois, sa m~re a vtcu avec lui chez ses parents puis s'est install~e de son cttE avec son fds. Ils sont rest~s tous deux seuls pendant 6 ans. Sa m~re a alors rencontre un homme qu'elle Epousera quand Thierry aura 10 ans. Quelques mois plus tard naltra un petit fr~re. La m~re de Thierty cependant avait toujours gard6 contact avec un ami du p~re de son fils et avait de ses nouvelles par son intermtdiaire. Quand Thierry a 8 ans, elle lui tdEphone un jour et 1 an plus tard, sans que Thierry en soit prEvenu d'aucune faqon, son p~re fait irruption chez lui et d'embl~e lui dit :~ Bonjour, je suis ton p~re ,,. On peut juste titre penser que, ce jour-l~t, le sol lui a manqud sous les pieds. Son comportement ainsi que celui qu'il induit chez moi commencent aussi fi prendre sens. En effet, j'avais le sentiment que Thierry aurait pu facilement devenir un bon ~l~ve d'oh ma sEvttitd envers lui, comme si je minimisais tout ce qui pouvait entraver son fonctionnement intellectueL I1 devait me cacher ses failles, ses peurs, ses inqui&udes quant ~ ses origines comme il les cachait ~ sa m~re, personnalit6 fragile et ddpressive sur laquelle il ne pouvait s'appuyer sans craindre qu'elle ne s'effondre. Son beau-p~re &ait pour lui un camarade plut6t qu'une figure paternelle, et Etant alors au ch6mage, il &air trop accablE par ses propres probl~mes pour le soutenir.
d~voileme,nt de la souffrance psychique DEcouragEe de ne pas trouver pour lui d'objets addquats, je lui propose d'amener ceux qui peuvent l'intEresser et il arrive justement ~lla sdance suivante avec le magazine Ca rn ~ntLresse. I1 me demande de lire avec lui un article sur la graphotogie. Une psychanalyste, avec laquelle j'avais des 6changes rdguliers et qui respectait mon mode de fonctionnement avec les enfants, m'a fait remarquer la pertinence du 360
choix de Thierry car, me dit-elle, ,, L'Ecriture, c'est ce qu'on donne ~t voir de soi mais sans savoir ce que l'on donne ~ voir ni pourquoi c'est cela que l'on montre tout en le cachant ,,. Or l'Ecriture serrde, chaotique, dysharmonieuse de Thierry est pour moi une reprdsentation de sa souffrance psychique, et ~ travers elle, il me touche. Sa m~re que je rencontre peu de temps apr~s me rappelle que Thierry avait exprimE chez lui, quelques mois auparavant, des iddes de suicide mais qu'il n'en parle plus depuis qu'il vient au centre, ce qui la rassure beaucoup. Je cherche ~tme rapprocher de Thierry en essayant de le rejoindre dans ses intErets. II aime lire des bandes dessin6es et je lui sugg~re d'en imaginer une, de la dessineret de l'Ecrire pendant nos sdances. N'Etant pas du tout moi-m~me une lectrice de bandes dessinEes, je suis mal fi l'aise dans ce travail, et les dessins informes de Thierry aussi bien que son texte accentuent mon malaise. I1 intitule sa bande dessinEe ,, La plan&e des sans efforts ,,, ce qui montre 1~ son sens de l'humour et par cet aspect est positif. Je participe au travail qu'il fait en prenant certains r61es des personnages qu'il crEe.
la capacit~ de r~verie du psychop~dagogue tk partir de ce moment, un ph~nom~ne extr~mement important survient dans notre relation. Alors qu'avec Thierty j'avais le sentiment de ne plus avoir aucune imagination, que ma capacit~ de reverie 6tait comme fig~e, elle est comme rtactivEe par ce travail mais ,, mon activitE prospective ,, [13] est celle d'un psychoptdagogue : ce qu'6crit Thierry fait Emerger en moi d'autres textes, ceux d'Ecrivains que j'ai lus, qui ont su rendre presentable et communicable quelque chose de leur vrai soi sous une forme ~ la lois socialiste - ils se sont pli6s au code de la langue -, et personnelle tant par leur style que par le contenu de leurs oeuvres. Je pouvais ~ nouveau 6tayer ma pensEe sur celle d'un crEateur, et alimenter ainsi ma propre fantasmatisation. Chose curieuse, le titre d'un livre s'impose ~ moi : SaMajestLdesMoucbesdeWilliam Golding. Je le lirai pendant I'&E en pensant que cette lecture me permettrait de rejoindre Thierty dans une region qui m'Etait j usqu'alors ~ moi inconnue et qu'il ne parvenait pas lui-m~me ~t rendre communicable sur un plan verbal.. ,, Je savais pour l'avoir dEiStobserv6 dans ma pratique de psychopEdagogue comme dans celle de psychanalyste, que l'oeuvre qui s'introduit ainsi dans le processus d'une relation dEj~ engagEe, qu'elle soit duelle ou groupale, ne vient pas lh par hasard m~me si son apparition peut, comme dans le casque je relate, paraltre incongrue. Elle n'est pas amenEe pour rompre le processus en cours, mais vient, au contraire, signifier quelque chose qui a Et6 v6cu ou est en train de se vivre entre
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les partenaires mis en prdsence mais ne peut ~tte communiqud directement cat trop charg~ d'affects et porteur d'une trop grande violence. [11] ~, Cet emprunt des mots et des repr6sentations d'un autre qui a su ~ttravers son oeuvre nous faire part de ce qu'il ressent, mais sons une apparence voil~e et d~guis~e, nous permettrait d'accdder fi ce qui ~tait indicible et incommunicable en nous, ~,la violence immanente du v6cu infantile qui perdure dans le trdfonds de tout ~tre humain ,, [9]. Le plaisir esth~tique que nous procurent ces oeuvres adoucit le choc des rdv6lations auxquelles elles nous conduisent. Au retour des vacances, je parterai ~l Thierry de ma lecture, introduisant ainsi dans notre champ une fantasmatisation interpersonnelle qui nous lie et cr~e entre nous un nouveau mode de relation. Elle permettra peut~tre ~ Thierry 2 ans plus tard de revenir lui-m~me fi ce point de bifurcation oth je l'avais devanc6, pour prendre lui-m~me son propre chemin, en utilisant sa capacit~ personnelle de creativitY.
acc~s aux textes de la vert|calit~ Mais pour y parvenir, encore faut-il qu'il puisse auparavant acc6der ~tce que je d6nomme les textes de la verticaliti [11]. Or ~i ce moment de son parcours, j'ai le sentiment que cela lui est devenu possible. De plus, je m'autorise enfin ~lle rejoindre au plus pros de son sympt6me : l'inappdtence qu'il manifeste vis-~t-vis de tout travail intellectuel. Son ddgofit vis-~t-vis des objets de pens~e est ~ll'antipode de son intdrdt pour la nourriture ; il veut devenir cuisinier. Je rdalise alors que je ne lui ai encore jamais proposd de lectures li~es ~tce th~me de la nourriture. Sans doute n'dtait-ce pas possible de m'approcher plus tbt de ce qui touchait ~t la fois ~ sa psychd mais aussi ~tson corps. Je ressens qu'il est temps maintenant de trouver pour lui des mots qui lui permettront de retourner ~lla source de la pulsion, et qu'il me faut, comme le dit Pontalis revenir ,~ des roots ~l la chair ,,, c'est-~t-dire faire le chemin inverse de celui que fait l'enfant dans son d6veloppement. Pour qu'il puisse ,, transformer ses affects comme tels inconnaissables en des ~motions qu'il pourra alors connaltre, nommer, assumer ~, [14], je dois lui offrir ,, des repr6sentations qui empruntent leurs mat~riattx de choses corporelles ,, [2] et qui en m~me temps enrichiront son capital fantasmatique. Sans possibilitd de verbaliser ses fantasmes, les liens associatifs ne peuvent se faire. Apr~s un travail d'association de mots sur le th~me du gofit comme nous ravions ddj~ifair sur celui du mouvement, je lui offre de choisir un texte parmi les trois que je lui propose et il prend celui de ~,la gaufre ~ de Bachelard [4]. Pour la premiere fois, nous pouvons partager
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le plaisir que procure la lecture d'un texte d'une telle beaut6 et je sais que, comme l'a &rit Freud, ce plaisir rend possible ,~ la liberation d'un plaisir plus grand, 6manant de sources psychiques plus profondes ~ [6]. Le contenu du texte de Bachelard touche, je le pense, profond6ment Thierry, car l'auteur relie la nourriture non pas au besoin mais ~lune experience de satisfaction qu'il avait v6cue dans son enfance. Cette gaufre lui avait ~t~ donn~e par quelqu'un qui l'aimait, sa grand-m~re, et celle-ci la lui avait offerte non pour apaiser sa faim mais pour le plaisir que ce prdsent pouvait lui procurer. Thierry est partictdi~rement sensible ~lla phrase qui traduit les sensations 6prouv~es par l'enfant qu'6tait Bachelard : ,, Alors oui, je mangeais du feu, je mangeais son or, son odeur et jusqu'fi son p6tillement tandis que la gaufre brfilante craquait sous mes dents. ,, Bien que Thierry ne puisse comprendre tousles mots de ce texte, je n'ai pu m'emp~cher de lui en lire les derni&es phrases : ,, Aussi haut qu'on puisse remonter, la valeur gastronomique prime la valeur alimentaire et c'est dans la joie et non pas dans la peine que l'h0mme a trouvd son esprit. La conqu~te du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conqu~te du n6cessaire. L'homme est une creation du d~sir, non pas une creation du besoin. ~, Peut-~tre est-ce de ma part une illusion, mais je pense que ces mots se sonr gravds en lui et qu'ils ont pris sens lorsqu'au cours de son apprentissage quelques ann6es plus tard, de sa propre initiative, il cherchait ~t associer le plaisir des yeux ~icelui du gofit, en pr6sentant ses plats de mani~re attrayante ; il savait que la cuisine n'~tait pas seulement utilitaire mais pouvait aussi ~tre un art. I1 avait pu intdrioriser le fair que ce temps d'attente entre la satisfaction du besoin et le ddsir 6prouvd est d6j~t un plaisir en sol.
les limites du psychop~dagogue Je vais vous dtonner, mais c'est justement peu apr~s avoir v~cu ces moments intenses de partage d'~motion lors de cette lecture, puis d'une autre, celle d'un texte de Colette, que j'dprouve soudain une sorte de d~couragement. J'ai le sentiment que je ne peux conduire Thierry plus loin que 1~ or1 nous sommes parvenus et je songe fi mettre fin ~ son traitement. C'est lui qui me demandera de le poursuivre. Le mouvement de recul que j'ai eu alors envers lui me conduit fi m'arr~ter un moment pour que nous nous posions la question qui, bien que je ne me la sois pas posse en ces termes serait : ,, Jusqu'o~a un psychop~dagogue peut-il aller, jusqu'otl peut-il accompagner un enfant ? ~ Lors du quaranti~me anniversaire du centre 361
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Claude-Bernard, dans la commission ~, Pddagogie du langage &rit et psychanalyse ~)que j'animais, c'est en ces termes qu'un intervenant m'a interpell~e. J'ai eu alors le sentiment que poser une telle question c'&ait implicitement ddnigrer et m~me nier la valeur th&apeutique de mon action, Or, aujourd'hui, je l'entends comme une vraie question que devrait se poser tout adulte ayant en charge des enfants. Reconnax^tre ses limites, loin d'etre une honte, permet d'dvoluer en s&urit~ fi l'int&ieur de celles-ci tout en prenant conscience et de ses capacit~s, et de sa sp&ificitd, sans &re alors tentd de s'engager ou de se hisser entralner dans des aventures p&illeuses pour soi-m~me et ceux qui vous sont confi~s. Rejoindre un enfant en difficult~s, comme l'a dit si joliment ~l sa fille le Dr Schiff, premier psychiatre-psychanalyste qui a os6 entrer dans les prisons; c'est f a i r e u n s a u t d a n s l'autre mais encore faut-il ne passe laisser aller ~tla fascination de plonger dans le gouffre de l'inconnu si l'on n'est pas certain d'Stre capable de pouvoir ensuite revenir ~lla surface. Moi-mSme, si j'ai pu acceder la demande de Thierry de poursuivre son traitement, c'est parce que je savais que, si j'en ~prouvais le besoin, je pourrais ~tre soutenue, guid~e par la psychanalyste avec laquelle j'avais des &hanges r~guliers. L'&oute de quelqu'un qui, au lieu de vous juger cherche ~lvous ddairer en dormant sens~ un v&u et, de ce fait, vous ouvre ~t un nouveau mode de relation avec l'autre au lieu de vous hisser enfermer dans la rdp&ition, me paralt indispensable si l'on veut tenter de faire ces sauts d a m r a u t r e .
red~couverte de ses capacit~s de cr~afivit~ Apr~s cette parenth~se, rejoignons ~i nouveau Thierry. Lorsque je le revois ~ la rentr~e suivante, il est entr~ dans un LEP afin de devenir cuisinier et est en apprentissage une semaine sur deux. Je ne le verrai donc plus que tous les 15 jours. C'est durant cette annde-l~t qu'il reddcouvrira en lui ses capacitds de cr~ativit& Comme la majorit~ des adolescents que j'ai suivis, la lecture les a conduits ~i l'dcriture et lorsque je dis (, l'dcriture ~, je veux dire par l~t qu'ils ont alors trouvd teur propre style, et ~lmon grand &onnement se sont inscrits alors dans un des courants de l'imaginaire qu'ont suivis avant eux des &rivains. Lorsque Thierry dcrira son second texte, j'aurai le sentiment de me replonger dans l'atmosph~re trouble et inqui&ante du livre de Golding. L'environnement qui pourrait paraitre paradisiaque n'est pas fiable et est m~me si angoissant qu'~ chaque instant l'on craint de s'enliser ou d'etre attaqud par on ne salt qui ou quoi. Mais, d~s son premier texte que je ne peux relier ~.une oeuvre que je connaisse, Thierry trouve dans son dcriture 362
une forme aussi bien qu'un contenu qui lui sont bien personnels. Lorsqu'il le commence, il &rit sans s'arr&er durant toute une s6ance, il poursuit ensuite ce travail pendant plusieurs semaines et accepte de le reprendre et de le perfectionner. Lorsqu'il est termin~, il d6cide luim~me de le recopier afin qu'il soit propre et lisible. Je le lui lis alors ~t haute voix et sa r6action me d6route ; apr~s ma lecture, il a un visage boulevers& Je lui signifie que j'ai vu son d6sarroi mais je ne comprends par pourquoi au lieu de la satisfaction qu'il aurait pu ou dr1 6prouver du fait d'avoir dcrit un texte que je trouve beau, il ressent une telle douleur. Ce n'est que 2 ans plus tard, lors d'une de ses derni~res s~a_nces, que j'aurais l'impression de saisir ce qui s'est alors pass& Thierry, en effet, arrive un jour en me tendant un cahier et en me disant : ,, Ma m~re voulait que je vous montre cela ,,. ,, Cela ,,, ce sont des textes qu'il avait 6crits lorsqu'il avait 6 ans. I1 montrait pour son age un esprit imaginatif que sa m~re admirait beaucoup, mais par la suite, jusqu'~t ce moment oh, face ~ moi, il avait pu retrouver ses capacit6s cr6atives, il n'avait plus 6crit. ,, O n ne peut recr6er ce qu'on aime qu'en le renon,ant ~, a 6crit Proust. Je pense que durant le long parcours que nous avons suivi, lorsque Thierry a lu le texte de Bachelard, il a pu s'identifier fi cet auteur et retrouver ~ttravers cette lecture des souvenirs d'exp~riences de satisfaction tout en prenant conscience du fait que celles-ci faisaient partie d'un pass6 ~tjamais rdvolu. Dans un second temps, sa crdation aurait dt6 en fait une recr6ation ,, d'un objet autrefois aired ,, et qu'il aurait perdu. Sans doute, peut-il maintenant en faire le deuil, parce qu'il a fait l'exp~rience, ~ travers notre relation, que les objets de son environnement - et j'emploie comme au d~but de cet exposd le mot objet dans ces deux sens objets-choses et objets-personnes, personnes r6elles aussi bien qu'objets internes - non seulement ne sont pas d&ruits mais qu'ils sont redevenus vivants, et que, de plus, lorsque ces objets sont des oeuvres d'art ils sont indestructibles et intemporels.
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