La suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech

La suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech

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Journal of Algebra 406 (2014) 290–307

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La suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech Claire Tête UMR 7348, Université de Poitiers, Téléport 2 – BP 30179, Boulevard Marie et Pierre Curie, 86962 Futuroscope Chasseneuil Cedex, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Reçu le 8 avril 2013 Disponible sur Internet le 20 mars 2014 Communiqué par Michel Broué MSC : 13D99 13D45 13D02 05E45 Mots-clés : Cohomologie de Čech Suite exacte de Mayer–Vietoris Complexe simplicial

r é s u m é Cet article est consacré à la mise en place de la suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech, cohomologie relative au complexe de Čech augmenté, complexe encore appelé « the stable Koszul complex ». Notre approche se veut élémentaire et se distingue de celle de Grothendieck, dont le cadre est la cohomologie locale des faisceaux, ou de celle des algébristes qui utilisent la cohomologie locale noethérienne. Nous travaillons uniquement avec des objets explicites, à savoir deux suites finies a et b d’un anneau commutatif et différents complexes de Čech bâtis à partir de ces suites. Précisément, notre stratégie consiste à exhiber une suite exacte courte de complexes de « type Čech » ayant les cohomologies attendues. Intervient alors un complexe simplicial sur (a, b, ab) à la combinatoire relativement étonnante. © 2014 Elsevier Inc. Tous droits réservés.

a b s t r a c t This article is about the foundation of the Mayer–Vietoris exact sequence in Čech cohomology, with respect to the augmented Čech complex, often called “the stable Koszul complex”. Our treatment is elementary and uses neither the local cohomology of Grothendieck nor the widespread noetherian local cohomology. We use explicit objects giving us an elementary algebraic treatment in a general nonnoetherian context, i.e. two finite sequences a, b of a commutative ring and some Čech complexes built from these sequences. More precisely, our strategy

Adresse e-mail : [email protected]. http://dx.doi.org/10.1016/j.jalgebra.2014.02.015 0021-8693/© 2014 Elsevier Inc. Tous droits réservés.

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consists in producing a short exact sequence of “type Čech“ complexes having the expected cohomologies. Then arises a simplicial complex on the set (a, b, ab) with a relatively surprising combinatory. © 2014 Elsevier Inc. Tous droits réservés.

0. Introduction Cet article est consacré à la mise en place de la suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech, cohomologie relative au complexe de Čech augmenté, complexe encore appelé « the stable Koszul complex ». Notre approche se veut élémentaire pour plusieurs raisons et est radicalement différente de celle de Grothendieck, dont le cadre est la cohomologie locale des faisceaux. En effet, il ne sera pas question de faisceaux injectifs ou flasques, comme dans l’exposé de Grothendieck, ni de constructions relativement éthérées comme celle conduisant à la cohomologie locale noethérienne des algébristes. Interviendront uniquement des objets effectifs permettant d’éventuelles implémentations. Pour mieux situer notre travail, donnons quelques détails concernant ces diverses théories cohomologiques.  et un fermé Pour un schéma affine X = Spec(A), un faisceau quasi-cohérent M Y = V (a) de X (où a une suite finie d’éléments d’un anneau A et M un A-module), ) de cohomologie locale des faisceaux s’identifient aux modules les modules HYi (X, M i ˇ Ha (M ) de cohomologie de Čech. Cette identification permet non seulement de travailler avec un anneau commutatif A et un A-module M , mais aussi de rester avec des objets terre-à-terre sans invoquer le spectre premier de A. Parmi ces objets explicites, il faut ˇ • (M ) sur M d’une suite citer celui sur lequel tout repose, à savoir le complexe de Čech C a a = (a1 , . . . , an ) ˇ • (M ) : C a

ˇ 0 (M ) −→ C ˇ 1 (M ) −→ · · · −→ C ˇ n (M ) −→ 0 0 −→ C a a a

ˇ k (M ) de degré k est une somme directe de localisés Ma de M (où I est dont le terme C a I  une partie de {1, . . . , n} et aI = i∈I ai ) et dont la différentielle est donnée par d:

 #I=k

MaI −→

 #J=k+1

MaJ ,

mI −→

 (−1)εj (I) (mI )I∨j j ∈I /

où εj (I) est le nombre d’éléments de I strictement inférieurs à j. Par définition, la ˇ i (M ) de cohomologie de Čech de M cohomologie de ce complexe fournit les modules H a relativement à a. En ce qui concerne la différentielle du complexe de Čech sur A, il s’avère efficace d’en donner une représentation matricielle (comme dans [7, pp. 57–58]). Par exemple, ˇ 2 (A) → C ˇ 3 (A) peut être représentée pour n = 4 et k = 2, la différentielle d2 : C a a matriciellement par :

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123 124 134 234

⎡ ⎢ ⎢ ⎢ ⎣

12

13

14

23

24

34

1 1 0 0

−1 0 0 −1 1 −1 0 0

1 0 0 1

0 1 0 −1

0 0 1 1

⎤ ⎥ ⎥ ⎥. ⎦

Une autre manière expéditive pour définir le complexe de Čech de a sur A consiste à ˇ • (A) où pour un le réaliser comme le produit tensoriel de n complexes élémentaires C ai scalaire a ∈ A, on a : degrés : ˇ • (A) : C a

0 0

A

1 loc

Aa

0

De son côté, la cohomologie locale d’un espace topologique X à coefficients dans un faisceau F de groupes abéliens et à support dans un fermé Y a été introduite par Grothendieck lors de son séminaire de 1961 intitulé « Local Cohomology ». Elle est définie à partir du foncteur F → ΓY (X, F) des sections globales à supports dans Y qui est un foncteur covariant exact à gauche. Son i-ème foncteur dérivé à droite, c’est-à-dire le i-ème groupe de cohomologie du complexe ΓY (X, Q• ) où Q• désigne une résolution injective de F, est le i-ème groupe de cohomologie locale des faisceaux. Dans ce cadre très général, la suite exacte de Mayer–Vietoris s’énonce ainsi Soit X un espace topologique, F un faisceau de groupes abéliens et Y1 , Y2 deux fermés de X. On a une longue suite exacte, dite de Mayer–Vietoris : · · · −→ HYi 1 ∩Y2 (X, F) −→ HYi 1 (X, F) ⊕ HYi 2 (X, F) −→ HYi 1 ∪Y2 (X, F) −→ · · · Et la preuve (cf. exercice III.2.4, p. 212 de [5]) dans ce contexte est quasi-immédiate car le formalisme de Grothendieck est très efficace (la preuve fait intervenir la notion de faisceau flasque et le fait qu’un faisceau injectif de groupes abéliens est flasque, cf. lemma 1.5 de [4]). Pour étendre cet énoncé (et sa preuve) à la catégorie des faisceaux de OX -modules sur un espace annelé (X, OX ), il suffit d’utiliser la proposition 2.6 de [5], ˇ i (M ) )  H chapitre III. Grâce à l’isomorphisme mentionné au début HVi (a) (Spec(A), M a (cf. [4, Theorem 2.3]), « débarque » la suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech ! Mais cet argument de force n’en fournit pas une description s’inscrivant dans le cadre algébrique élémentaire que nous nous sommes imposés. La vocation de cet article est de donner naissance à cette suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech et non d’invoquer le formalisme très puissant de Grothendieck. Vu l’abondance de la littérature sur la cohomologie locale algébrique avec notamment la parution des deux ouvrages [2] et [1], il nous paraît intéressant de présenter succintement cette théorie et le traitement mis en place pour obtenir la suite exacte de

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Mayer–Vietoris, bien que cette cohomologie ne mesure pas toujours la même chose que la cohomologie de Čech. La cohomologie locale algébrique de M à support dans un idéal a de A est définie à partir du A-module : Γa (M ) = {x ∈ M | a ⊂



Ann x } = {x ∈ M | ∀a ∈ a, x = 0 dans le localisé Ma }

qui est aussi, lorsque a est de type fini, égal à Γa (M ) = {x ∈ M annulés par une puissance de a}. Il est facile de voir que l’on obtient un foncteur covariant M → Γa (M ) exact à gauche. On définit alors le i-ème module de cohomologie locale Hai (M ) de M à support dans a comme étant le i-ème foncteur dérivé à droite, c’est-à-dire le i-ème module de cohomologie du complexe Γa (Q• ) où Q• désigne une résolution injective de M . Il est bon de remarquer que le foncteur M → Γa (M ) est le pendant algébrique du  et Y = V (a). En effet, une secfoncteur F → ΓY (X, F) lorsque X = Spec(A), F = M  tion globale de Γ√ V (a) (Spec(A), M ) s’identifie à un x de M nul dans tous les (Mp )p∈V / (a) i.e. tel que a ⊂ Ann x. On voit donc une analogie flagrante entre cohomologie locale faisceautique et cohomologie locale algébrique. Mais cette analogie n’a lieu qu’en apparence et est en fait trompeuse car ces deux cohomologies sont différentes, en témoignent d’ailleurs les propos d’Eisenbud dans [3] : « If A is non-noetherian, then the Čech complex does not always compute the derived functors in the category of A-modules of Γa (), even for finitely generated a. Rather, it computes the derived functors in the category of (not necessarily quasi-coherent) sheaves of OSpec(A) -modules. For this and other reasons, the general definition of the local cohomology modules should probably be made in this larger category. See [Hartshorne/Grothendieck 1967] for a treatment in this setting ». Bien que différentes en général, les cohomologie locale algébrique et de Čech sont ˇ p (A) ⊗A Qq )p0, q0 où Q• est une étroitement liées ; la considération du bicomplexe (C a résolution injective de M , fournit un morphisme canonique (en notant a = a ) : ˇ i (M ) Hai (M ) −→ H a qui est un isomorphisme si A est noethérien. En fait, il y a une condition bien plus précise que la noethérianité qui assure l’isomorphie des deux cohomologies. Et cette condition porte non plus sur l’anneau, mais sur la suite a elle-même cf. la notion de suite faiblement pro-régulière chez Schenzel [8], ou la condition de Mittag-Leffler chez [10, pp. 117–118]. Signalons à ce sujet que tout ceci figure dans l’exposé de Grothendieck sous l’appellation « système inverse essentiellement nul » (cf. [4, p. 23]). La preuve la plus répandue de la suite de Mayer–Vietoris en cohomologie locale est basée sur la réalisation de Hai (M ) comme lim Exti (A/a , M ) (cf. par exemple [10, −−→ p. 115]) et fait appel au lemme d’Artin–Rees, lemme qui requiert bien entendu un anneau de base noethérien. Concernant le comportement de cette limite, profitons-en pour

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rapporter les propos de Mustata [6] : « In general, this limit is not well behaved: the natural maps Exti (A/a , A) → Hai (A) are not injective and it is difficult to understand how their images converge to Hai (A) ». Dans l’ouvrage [1], on peut également trouver (Theorem 15.1, p. 153) une approche reposant sur la notion d’enveloppe injective et ses propriétés noethériennes. Au regard de ces deux théories cohomologiques (cohomologie locale faisceautique et algébrique) et des preuves fournies dans leur contexte, on comprend qu’établir la suite exacte de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech, en des termes algébriques élémentaires, ne va a priori pas de soi. Donnons l’énoncé précis que nous allons démontrer dans cet article. Théorème. Soit A un anneau commutatif et M un A-module. On considère a = (a1 , . . . , an ) et b = (b1 , . . . , bm ) deux suites de A. On note ab la suite constituée des nm termes ai bj dans un certain ordre. Alors on dispose d’une suite exacte longue explicite, dite de Mayer–Vietoris, 0

ˇ 0 (M ) H a,b

ˇ 0 (M ) ⊕ H ˇ 0 (M ) H a b

ˇ 0 (M ) H ab

ˇ 1 (M ) H a,b

ˇ 1 (M ) ⊕ H ˇ 1 (M ) H a b

ˇ 1 (M ) H ab

···

La stratégie adoptée pour démontrer cet énoncé consiste à exhiber une suite exacte courte de complexes de « type Čech » ayant les cohomologies attendues. Ces nouveaux ˇ =C ˇ a,b,ab (M ) en complexes de « type Čech » sont obtenus à partir du complexe de Čech C sélectionnant certains localisés, i.e. en sélectionnant certaines parties de P(a, b, ab). Une façon naturelle et rigoureuse de traduire cela est d’introduire un complexe simplicial Δ sur les sommets étiquetés par les scalaires de (a, b, ab) et de considérer le complexe ˇ C ˇ Δ où C ˇ Δ est un sous-complexe ad hoc de C ˇ dépendant de Δ. Pour des quotient C/ complexes simpliciaux judicieusement choisis, on retrouve certains complexes de Čech habituels et la suite exacte courte de complexes évoquée ci-dessus prend la forme suivante ˇ C ˇ Δ −→ C ˇ a,ab ⊕ C ˇ b,ab −→ C ˇ ab −→ 0 0 −→ C/ où Δ est un complexe simplicial sur (a, b, ab) qui sera bien sûr précisé par la suite. Au milieu et à droite, on voit apparaître, grâce à l’invariance par idéal de la cohomologie de Čech, les cohomologies attendues. Tout le travail consiste à cerner la cohomologie ˇ C ˇ Δ (dont on aimerait qu’elle donne la cohomologie de a, b qui est celle du complexe C/ ˇ ˇ Δ est acyclique. Intervient alors une comde C) ou plutôt à prouver que le complexe C binatoire relativement étonnante, combinatoire intimement liée à la forme du complexe simplicial Δ. C’est elle qui permettra d’expliciter une homotopie contractante montrant ˇ Δ. largement l’acyclicité de C

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1. Des complexes de « type Čech » On rappelle qu’un complexe simplicial Δ sur un ensemble fini V est un ensemble de parties de V stable par inclusion : si J ∈ Δ et J  ⊂ J, alors J  ∈ Δ. Dans toute cette section, on considère M un A-module et a = (a1 , . . . , an ) une suite d’éléments de A. ˇ Δ (M ) associé à un complexe simplicial Δ 1.1. Le complexe de Čech C a Définition 1. À un complexe simplicial Δ sur {1, . . . , n}, on associe le sous-complexe de  ˇ a (M ) noté C ˇ Δ (M ) dont le A-module sous-jacent est C a J ∈Δ / MaJ où aJ = j∈J aj : ˇ Δ (M ) = C a



MaJ .

J ∈Δ /

ˇ Δ (M ) est celle du complexe C ˇ a (M ). Pour J ∈ La différentielle d de C / Δ et mJ ∈ MaJ : a d : mJ −→

 (−1)εi (J) (mJ )J∨i i∈J /

où εi (J) désigne le nombre d’éléments de J strictement inférieurs à i. ˇ Δ (M ) est bien un sous-complexe de C ˇ a (M ) car si J ∈ Remarque 2. Notons que C / Δ alors a J ∨i ∈ / Δ. Par ailleurs, en prenant pour Δ le complexe simplicial n’ayant aucune face, on retrouve le complexe de Čech habituel. Exemple 3. On prend n = 4, Δ = P(a1 , a2 , a4 ) et on pose b = a3 . Ci-dessous, figurent ˇ Δ (M ) : les degrés cohomologiques et les termes du complexe C a 0

1

2

3

4

0

Mb

Mba1 ⊕ Mba2 ⊕ Mba4

Mba1 a2 ⊕ Mba1 a4 ⊕ Mba2 a4

Mba1 a2 a4

Notation. Dans ce qui suit, il sera commode d’étiqueter le sommet i par le scalaire ai , voire même de considérer une partie J de {1, . . . , n} comme la suite de scalaires qui lui correspond. Ainsi MJ désignera le localisé de M en le produit des scalaires de J. ˇ a (M )/C ˇ Δ (M ) 1.2. Le complexe quotient C a ˇ a (M )/C ˇ Δ (M ) ce qui Dans la proposition suivante, on cerne le complexe quotient C a permettra d’identifier facilement ce dernier complexe dans le cas particulier Δ = P(a ) où a est une sous-suite de a.

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ˇ a (M )/C ˇ Δ (M ) Proposition 4. Soit Δ un complexe simplicial sur a. Le complexe quotient C a est isomorphe au complexe dont le A-module est J∈Δ MJ et dont la différentielle est εx (J) mJ → x∈J ϕJ, J∨x (mJ ) où ϕJ, J∨x est la flèche de localisation si J ∨ x ∈ Δ / (−1) et la flèche nulle sinon. Preuve. Laissée au lecteur. 2 Voici une conséquence directe de la proposition précédente : Corollaire 5. Soit a une sous-suite de a et posons Δ = P(a ). Alors le complexe quotient ˇ a (M )/C ˇ Δ (M ) est isomorphe à C ˇ a (M ). C a 1.3. Invariance par radical de la cohomologie de Čech Dans le point (iv) de la proposition suivante est prouvé l’invariance par radical de la cohomologie de Čech. Cela repose notamment sur la longue suite exacte en cohomologie de Čech établie grâce au point (i). Une autre manière d’obtenir cette longue suite exacte consiste, avec les notations de la proposition suivante, à utiliser l’isomorphisme ˇ a (M )  C ˇ a (M ) (cf. par exemple [9, pp. 4–6]). ˇ b (A) ⊗A C de complexes C Proposition 6. Soit b l’un des a et considérons la sous-suite a = a \ b de a. ˇ Δ (M ) est, au signe près de la différentielle, égal (i) Pour Δ = P(a ), le complexe C a ˇ au complexe localisé et twisté Ca (Mb )[−1]. En particulier, ces deux complexes ont même cohomologie. (ii) On dispose de la suite exacte longue en cohomologie de Čech ···

ˇ i−1 H a (M )b

ˇ i (M ) H a

ˇ i  (M ) H a

localisation

ˇ i  (M )b H a

ˇ i+1 (M ) H a

ˇ i+1 H a (M )

···

ˇ • (M ) sont de a -torsion ; où l’on rappelle qu’un module E est (iii) Les A-modules H a de a-torsion si pour tout c ∈ a, le localisé Ec est nul1 (ce qui est équivaut, si a est de type fini, au fait que tout élément de E est annulé par une puissance de a). (iv) La cohomologie de Čech est invariante par radical et donc a fortiori par idéal, c’est-à-dire que pour deux suites a et b de A, on a a= b 1

Une autre formulation est Γa (E) = E.

=⇒

ˇ • (M )  H ˇ • (M ). H a b

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Preuve. (i) C’est évident car les parties qui ne sont pas dans Δ contiennent forcément b. Pour fixer les idées, on peut consulter l’exemple 3. (ii) On a la suite exacte courte de complexes ˇ Δ (M ) −→ C ˇ a (M ) −→ C ˇ a (M )/C ˇ Δ (M ) −→ 0 0 −→ C a a ˇ Δ (M ) que l’on applique au complexe simplicial Δ = P(a ). A gauche, le complexe C a ˇ a même cohomologie que le complexe Ca (Mb )[−1] grâce au point (i). Et à droite, le ˇ Δ (M ) est égal au complexe C ˇ a (M ) d’après le corollaire 5. ˇ a (M )/C complexe quotient C a On déroule la suite exacte longue en cohomologie associée à la suite exacte courte de complexes ci-dessus en utilisant que la localisation commute avec la cohomologie de Čech. ˇ i (M )b = 0 pour tout élément b de la suite a. Soit (iii) Il s’agit de montrer que H a donc b l’un des a . On onsidère la longue suite exacte obtenue en (ii) dont le morphisme ˇ i  (M ) −loc ˇ i  (M )b . On localise cette longue suite exacte par b : −→ H de liaison est ∂i : H a a elle reste exacte et le morphisme de liaison ∂i de localisation par b est alors l’identité ˇ i  (M )b . On se retrouve donc dans la situation suivante de H a id ˇ i  (M )b −id ˇ i  (M )b −→ H ˇ i (M )b −→ H ˇ i+1 ˇ i+1 H −→ H −→ H a a a a (M )b − a (M )b

ˇ i (M )b = 0. L’exactitude entraîne H a √ ˇ • (M )  H ˇ • (M ). La suite exacte longue du (iv) Soit b ∈ a et montrons que H a a,b point (ii) appliquée à la suite (a, b) et sa sous-suite a est : ˇ i−1 (M )b −→ H ˇ i (M ) −→ H ˇ i (M ) −→ H ˇ i (M )b −→ · · · · · · −→ H a a,b a a ˇ • (M )  H ˇ • (M ). D’après le point (iii), les modules aux extrémités sont nuls, donc H a a,b √ √ • • ˇ (M )  H ˇ (M ). Et en échanOn termine ensuite comme suit : si b ⊂ a, alors H a a,b ˇ • (M )  H ˇ • (M )  H ˇ • (M ). 2 geant le rôle de a et b, on obtient H a a,b b Contexte pour la suite. On considère deux suites a = (a1 , . . . , an ) et b = (b1 , . . . , bm ) d’éléments de A et M un A-module. Pour alléger les notations, on pose ˇ =C ˇ a,b,ab (M ) C En posant N = n + m + nm, c’est un complexe ayant N + 1 termes, du degré 0 au degré N . Les complexes qui interviendront dans la suite sont des sous-complexes ou des comˇ Précisons également que le complexe C ˇ a même plexes quotients de ce complexe C. ˇ cohomologie que celle de Ca,b (M ) (d’après l’invariance par idéal de la cohomologie de Čech, cf. le point (iv) de la proposition 6).

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2. La suite exacte courte de Čech–Mayer–Vietoris Proposition 7. On a la suite exacte courte baptisée « suite exacte courte de Čech–Mayer– Vietoris » ˇ C ˇ Δ −→ C ˇ a,ab ⊕ C ˇ b,ab −→ C ˇ ab −→ 0 0 −→ C/

(Č–M–V )

où Δ est le complexe simplicial P(a, ab) ∪ P(b, ab). Pour la preuve, le lemme facile suivant nous sera utile. Lemme 8. Soit E un A-module et E1 , E2 deux sous-A-modules de E. Alors on a la suite exacte courte 0 −→

E E E [x]1 ⊕[y]2 →[x−y] E [z] →[z] ⊕[z]2 −−−12−−−−1−−−− → ⊕ −−−−−−−−−−−→ −→ 0 E1 ∩ E2 E1 E2 E1 + E2

Preuve de la proposition 7. On considère les deux complexes simpliciaux sur (a, b, ab) : Δa = P(a, ab) et Δb = P(b, ab). On note Δa ∨ Δb leur réunion et Δa ∧ Δb leur intersection, de sorte que ˇ Δa ∩ C ˇ Δb = C ˇ Δa ∨Δb C

et

ˇ Δa + C ˇ Δb = C ˇ Δa ∧Δb . C

ˇ et aux sous-complexes C ˇ Δa et C ˇ Δb . On a On va appliquer le lemme au complexe C alors la suite exacte courte de complexes 0 −→

ˇ C ˇ Δa ∨Δb C

−→

ˇ ˇ ˇ C C C ⊕ −→ −→ 0 ˇ Δa ˇ Δb ˇ Δa ∧Δb C C C

Or ˇ C ˇ Δa ∨Δb C

=

ˇ C ˇΔ C

ˇ ˇ C C ˇ a,ab ⊕ C ˇ b,ab ⊕ C ˇ Δa ˇ Δb C C

ˇ C ˇ Δa ∧Δb C

ˇ ab C

les deux derniers isomorphismes étant dûs au corollaire 5. 2 3. La cohomologie de la suite exacte courte (Č–M–V) Désormais, Δ désignera le complexe simplicial P(a, ab) ∪ P(b, ab). La suite (Č–M–V) fournit la suite exacte longue en cohomologie, schématisée par le triangle ci-dessous ˇ• ˇ•  H (à gauche) exact en chacun de ses sommets. En vertu de la proposition 6, on a H a a,ab • • ˇ ˇ . Pour obtenir la suite exacte de Mayer–Vietoris, schématisée par le triangle et H  H b,ab b ˇ (car ˇ C ˇ Δ ait la même cohomologie que celle de C de droite, on souhaiterait donc que C/

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ˇ H ˇ • ). Ceci fait l’objet du théorème 9 suivant (plus précisément de son corollaire) H• (C) a,b qui sera prouvé à la prochaine section. Cohomologie de la suite (Č–M–V) ˇ• ⊕ H ˇ• H a,ab b,ab

Suite exacte de Mayer–Vietoris ˇ• ⊕ H ˇ• H a

b

Corollaire 10

ˇ C ˇ Δ) H• (C/

ˇ• H ab

liaison

ˇ• H a,b

liaison

ˇ• H ab

ˇ Δ est contractile, donc en particulier exact. Théorème 9. Le complexe C Preuve. Cela fait l’objet de la section 4 et plus précisément de la sous-section 4.3.

2

ˇ C ˇ Δ)  H ˇ• . Corollaire 10. On a H• (C/ a,b Preuve. On a la suite exacte courte de complexes ˇ Δ −→ C ˇ −→ C/ ˇ C ˇ Δ −→ 0 0 −→ C qui, une fois déroulée en cohomologie, donne

Δ



Δ ˇ ˇ −→ Hi C/ ˇ C ˇ Δ −→ Hi+1 C ˇ · · · −→ Hi C −→ Hi (C) −→ · · · ˇ Δ ) = 0 donc H• (C) ˇ  H• (C/ ˇ C ˇ Δ ), par conséquent D’après le théorème 9, on a H• (C • • Δ ˇ  H (C/ ˇ C ˇ ). 2 H a,b 4. Le ab-théorème Dans cette section, nous allons établir un résultat combinatoire vérifié par le comˇ Δ où Δ = P(a, ab) ∪ P(b, ab). Le théorème 9 en sera une conséquence directe. plexe C 4.1. L’énoncé ˇ Δ . Rappelons que : Pour alléger les notations, on notera parfois C le complexe C C =



MI

I ∈Δ /

Notons également que les parties I ∈ / Δ sont les parties de (a, b, ab) qui rencontrent à la fois a et b. Par exemple, pour n = m = 2 , en notant νk le nombre de parties I ∈ / Δ de cardinal k, on a k νk

0 1 2 0 0 4

3 4 5 6 7 8 20 41 44 26 8 1

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Grâce à la formule du crible, on dispose d’une formule close pour le nombre νk de parties I ∈ / Δ de cardinal k :  νk =

       n + m + nm nm n + nm m + nm + − − . k k k k

Définition 11. À une partie I ∈ / Δ, on associe l’élément ab(I) = ai bj où ai ∈ I et bj ∈ I avec i et j les plus petits possibles. On qualifiera d’admissible une partie I telle que ab(I) ∈ / I. On a la décomposition de A-modules : C = C  ⊕ C 

avec C  =



MI et C  =

I adm



MI

I non-adm

Par ailleurs, il y a une correspondance biunivoque entre les parties admissibles et les parties non-admissibles via I → I ∨ ab(I) et dans l’autre sens, J → J \ ab(J). A noter que cette correspondance respecte la localisation dans le sens où pour toute partie J non-admissible, on a MJ = MI pour I = J \ ab(J). Remarque 12. En notant respectivement νk , νk , νk le nombre de parties I ∈ / Δ, ad  missibles et non admissibles de cardinal k, on a la relation νk = νk + νk et grâce à la bijection ci-dessus :  νk = νk + νk−1

On montre alors aisément que νk =

k

k−i νi . i=2 (−1)

Théorème 13 (Le ab-théorème). On note ι : C  → C l’injection canonique, π : C  C  la projection canonique et d la différentielle de C . L’application π ◦ d ◦ ι : C  → C  de degré +1 est un isomorphisme. 4.2. La preuve Pour montrer que γ = π ◦d◦ι est un isomorphisme, on peut supposer que M = A (ensuite il suffira de tensoriser par M ). Dans l’introduction, on a signalé que la différentielle de n’importe quel complexe de Čech sur A peut être décrite efficacement grâce à une matrice ; et ceci s’applique bien sûr à la différentielle de C , sous-complexe du complexe ˇ de Čech C. Donnons quelques précisions à ce sujet. La différentielle d du complexe C = I ∈Δ / AI est définie à l’aide des morphismes de localisation canoniques ϕI,J : AI → AJ où I ⊂ J. En restant volontairement vague sur les signes, on peut écrire de manière synthétique que

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d=



 ψI,J

avec ψI,J =

I ∈Δ / J ∈Δ /

±ϕI,J 0

301

si I ⊂ J et #J = #I + 1 sinon

Le morphisme canonique ϕI,J a l’immense avantage de pouvoir être codé de manière unique2 par la matrice [1] de taille 1 × 1 à coefficients dans AJ . Et comme d est construit à partir de ces « briques canoniques », on peut parler de la matrice de d (et donc de γ) sans aucune confusion possible, à condition d’avoir pris le soin auparavant d’indiquer la relation d’ordre sur les parties que l’on considère. Grâce à l’expression synthétique ci-dessus, il est évident que cette matrice est à coefficients dans {−1, 0, 1}, ce qui nous permettra de représenter d par une matrice à coefficients dans A. A présent, occupons-nous de construire un ordre total sur les parties de (a, b, ab) de façon à ce que la matrice de γ soit, dans la mesure du possible, relativement simple. On  peut d’ores et déjà signaler que nous travaillerons avec la matrice de γk : Ck → Ck+1 , pour un k fixé. 4.2.1. Ordre total sur les parties de (a, b, ab) Equipons (a, b, ab) d’une structure d’ordre total de sorte que a < b < ab. On peut par exemple ranger a et b de la façon suivante a1 < a2 < · · · < an < b1 < · · · < bm et mettre sur ab, qui s’identifie au produit cartésien a×b, l’ordre lexicographique pour <. On a donc bm < a1 b1 < a1 b2 < · · · < a1 bm < a2 b1 < · · · < an bm De cela, découle un ordre total sur les parties de (a, b, ab) : pour comparer deux parties (non nécessairement de même cardinal), on les range par ordre croissant puis on les compare lexicographiquement. 4.2.2. L’exemple n = m = 2 avec k = 6 Dans le cas n = m = 2 , en notant νk le nombre de parties admissibles de cardinal k, on a : k νk

0 1 2 0 0 4

3 16

4 25

5 19

6 7 8 7 1 0

On se propose ici d’expliciter la matrice de γk avec k = 6 . Voici les 7 parties admissibles I / I et les 7 parties non-admissibles J de C7 i.e. ab(J) ∈ J (qui sont de C6 i.e. ab(I) ∈ obtenues via J = I ∨ ab(I)) : 2 En effet, pour deux monoïdes S et T de A avec S inclus dans le saturé de T , un morphisme de A-modules u : S −1 A → T −1 A est déterminé par u(1) ∈ T −1 A.

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302

I1 = (a1 , a2 , b1 , b2 , a1 b2 , a2 b1 )

J1 = I1 ∨ a1 b1

I2 = (a1 , a2 , b1 , b2 , a1 b2 , a2 b2 )

J2 = I2 ∨ a1 b1

I3 = (a1 , a2 , b1 , b2 , a2 b1 , a2 b2 )

J3 = I3 ∨ a1 b1

I4 = (a1 , a2 , b1 , a1 b2 , a2 b1 , a2 b2 )

J4 = I4 ∨ a1 b1

I5 = (a1 , a2 , b2 , a1 b1 , a2 b1 , a2 b2 )

J5 = I5 ∨ a1 b2

I6 = (a1 , b1 , b2 , a1 b2 , a2 b1 , a2 b2 )

J6 = I6 ∨ a1 b1

I7 = (a2 , b1 , b2 , a1 b1 , a1 b2 , a2 b2 )

J7 = I7 ∨ a2 b1

On a par exemple :  4

6

d(1I1 ) = (−1) 1J + (−1) 1J 

avec

J = I1 ∨ a1 b1 = J1 J  = I1 ∨ a2 b2

Mais J  est admissible car a1 b1 ∈ / J  d’où γ(1I1 ) = 1J1 . Voici la matrice de γ6 : C6 → C7 :

J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7

⎡ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎢ ⎣

I1

I2

I3

I4

I5

I6

1 0 0 0 0 0 0

0 1 0 0 0 0 0

0 0 1 0 0 0 0

0 0 0 −1 0 0 0

0 0 1 0 1 0 0

0 0 0 0 0 −1 0

I7

⎤ 0 ⎥ 1 ⎥ ⎥ 0 ⎥ ⎥ 0 ⎥ ⎥ 0 ⎥ ⎥ ⎥ 0 ⎦ −1

Donnons les détails pour la dernière colonne : γ(1I7 ) = (−1)0 1J2 + (−1)5 1J7 = d(1I7 ). 4.2.3. Deux propriétés vérifiées par les parties de même cardinal Donnons pour commencer un lemme général concernant les parties finies d’un ensemble totalement ordonné. Signalons que nous appliquerons ce résutat uniquement dans le cas particulier où #F = #F  = 1. Lemme 14. On considère un ensemble totalement ordonné et on note F l’ensemble de ses parties finies ordonné lexicographiquement. Pour E, E  , F, F  ∈ F, on a l’implication : 

E  E #E = #E 

et

F  F #F = #F 

et

E∩F =∅ E ∩ F  = ∅

 =⇒

E ∪ F  E ∪ F 

Preuve. Tout d’abord, on peut supposer que E et F sont deux parties non vides (donc E  et F  non vides également), sinon le résultat est immédiat. On pose

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x = min(E ∪ F )

303

 et x = min E  ∪ F  .

On distingue deux cas. 1. x ∈ E, x ∈ E  ou bien x ∈ F , x ∈ F  . Par symétrie, on peut supposer x ∈ E et x ∈ E  c’est-à-dire x = min E et x = min E  . Comme E  E  , on a x  x . Si x < x , c’est terminé car on a alors E ∪ F < E  ∪ F  . Si x = x , on écrit

 E ∪ F = {x} ∨ E \ {x} ∪ F

 et E  ∪ F  = {x} ∨ E  \ {x} ∪ F 

et on conclut par récurrence avec E \ {x}  E  \ {x} et F  F  . 2. x ∈ E, x ∈ F  ou bien x ∈ F , x ∈ E  . Par symétrie, on peut supposer que x ∈ E et x ∈ F  , c’est-à-dire x = min E et x = min F  . Comme E ∩ F = ∅, on a x < min F . Avec l’inégalité F  F  , on obtient x < min F  min F  = x c’est-à-dire x < x . Par conséquent, E ∪ F < E  ∪ F  .

2

Lemme 15. Relativement à l’ordre construit, I → I ∨ ab(I) est une bijection strictement croissante de l’ensemble des parties admissibles de cardinal k sur l’ensemble des parties non-admissibles de cardinal k + 1. Preuve. Soient I = (c1 < · · · < ck ) et I  = (c1 < · · · < ck ) avec I, I  admissibles et I < I  . On doit montrer que I ∨ ab(I) < I  ∨ ab(I  ). On va utiliser à plusieurs reprises que ( ) ai bj est strictement supérieur à ap et bq , pour tout i, j, p, q. Notons l’indice qui discrimine I et I  i.e. c < c et cs = cs pour s < . On distingue deux cas. 1. c est un ai ou un bj ; alors il en est de même de c (car c < c et utilisation de ( )). Par conséquent, l’inégalité c < c continue à discriminer I ∨ ab(I) et I  ∨ ab(I  ) puisque ab(I) > c et ab(I  ) > c (grâce à ( )). Autrement dit, on a I ∨ ab(I) < I  ∨ ab(I  ). 2. c est un ai bj . On note a(I  ) la sous-suite de I  formée des éléments ap ∈ I  , même chose pour b(I  ). Alors a(I  ) ∨ b(I  ) forme un segment initial de I  précédant c , d’après ( ). Puisque cs = cs pour s < , le segment a(I  ) ∨ b(I  ) forme également un segment initial de I. Visuellement, on a : I = (.. . . . . . .  . . . . . . . . .. c . . . . . .) = ∧

    I = a(I ) ∨ b(I ) . . . c . . . . . .

304

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Ainsi, a(I) = a(I  ) et b(I  ) est un segment initial de b(I). Par définition de ab(−), on obtient ab(I) = ab(I  ). Le lemme 14 permet d’obtenir l’inégalité large I ∨ ab(I)  I  ∨ab(I  ). Et comme l’application en question est bijective, on a I∨ab(I) < I  ∨ab(I  ). 2 4.2.4. La matrice de γk attachée à la relation d’ordre établie précédemment Nous allons à présent prouver ce que l’on a pu constater sur l’exemple à la page 301.  Proposition 16. En rangeant les parties intervenant dans Ck et Ck+1 par ordre croissant, la matrice de γk est triangulaire supérieure à diagonale ±1.

Preuve. On s’intéresse à d(1I ) avec I ∈ / Δ partie admissible de cardinal k et on sou haite connaître l’organisation de ses composantes sur AJ où J parcourt les parties non-admissibles de cardinal k + 1 qui ne sont pas dans Δ. Il faut se rappeler que d(1I ) est une somme signée de 1I∨x pour x ∈ / I. On s’intéresse aux x ∈ / I tels que I ∨ x soit non-admissible. On distingue deux cas. 1. Si x est du type ap bq , la partie I ∨ x est non-admissible si et seulement si x = ab(I). Dit autrement, la seule façon de rendre non-admissible I en lui ajoutant un élément ap bq est de lui ajouter ab(I). 2. Si x est du type ap ou bq , les parties I ∨x (non-admissibles ou pas) sont inférieures à I ∨ab(I), en vertu du lemme 14 appliqué à E = E  = I, F = {ap } ou {bq } et F  = {ab(I)} (à noter que l’on utilise à nouveau la propriété ( ) de la preuve du lemme 15). On vient donc de montrer que pour I admissible, γ(1I ) = ±1I∨ab(I) + une somme de termes ± 1J

avec J < I ∨ ab(I)

Par ailleurs, le lemme 15 affirme que I → I ∨ab(I) est une bijection strictement croissante  . Par conséquent, en entre les parties intervenant dans Ck et celles intervenant dans Ck+1   rangeant les parties intervenant dans Ck et Ck+1 par ordre croissant, la matrice de γk est triangulaire supérieure à diagonale ±1. 2 4.2.5. Conclusion concernant la preuve du ab-théorème  On vient d’établir que γk : Ck → Ck+1 est représenté par une matrice triangulaire supérieure à diagonale ±1 donc en particulier par une matrice inversible. Mais ce n’est pas pour autant que nous avons montré que γk est un isomorphisme. Il suffit de constater que pour deux scalaires α et β de A, le morphisme canonique de A-modules Aα → Aαβ est représenté par la matrice inversible [1] et est rarement un isomorphisme de A-modules ! Lemme 17. Soit (Si )1iq une famille finie de monoïdes de A. Considérons u : E → E q un endomorphisme du A-module E = i=1 Si−1 A. Si u est représenté par une matrice inversible à coefficients dans A, alors u est un automorphisme de E. Preuve. L’hypothèse dit qu’il existe une matrice inversible U à coefficients dans A représentant u. On sait alors qu’il existe un polynôme P ∈ A[X] tel que

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305

U P (U ) = P (U )U = Iq . Ainsi u ◦ P (u) = P (u) ◦ u = idE , prouvant que u est un automorphisme de E.

2

Achevons maintenant la preuve du ab-théorème. Notons μk+1 l’isomorphisme  μk+1 : Ck+1 −→ Ck ,

1J −→ 1J\ab(J)

dont l’inverse est fourni par 1I → 1I∨ab(I) . Considérons l’endomorphisme de Ck suivant τk = μk+1 ◦ γk : Ck −→ Ck Alors il est facile de voir que la matrice de τk est la même que celle de γk . On peut la relever en une matrice à coefficients dans A (car constituée uniquement de −1, 0, 1) et inversible (puisque triangulaire supérieure à diagonale ±1). En appliquant le lemme précédent à l’endomorphisme τk de Ck , on en déduit que τk = μk+1 ◦ γk est un automorphisme. Et comme μk+1 est un isomorphisme, il en est de même de γk .  Remarque 18. Le morphisme γk : Ck → Ck+1 possède une propriété remarquable (que ne possède pas la différentielle dk ) : il respecte la localisation en un sens fort. Plus précisément, pour une I partie admissible de cardinal k, on a

γk (1I ) =



±1J

(J = I ∨ x parcourant les parties non-admissibles de cardinal k + 1)

J

où I et les parties J définissent le même localisé. Considérons donc I une partie admissible et J = I ∨ x une partie non-admissible. Notons ab(J) = ai bj . Par définition, ai , bj ∈ J et puisque J est non-admissible, ai bj ∈ J. Comme J = I ∨ x, au moins deux éléments parmi ai , bj , ai bj sont dans I. En fait, on va montrer que deux exactement sont dans I et par conséquent le troisième est x. Ceci prouvera que I et J définissent le même localisé. Il suffit donc de prouver que les éléments ai , bj , ai bj ne peuvent pas être tous les / I démontrée. trois dans I. C’est évident, une fois l’implication ai , bj ∈ I ⇒ ai bj ∈ L’appartenance ai , bj ∈ I implique que ab(I) = ai bj (car ai est le premier a de J, a fortiori de I ; idem pour bj ) et cet élément n’est pas dans I car I est admissible. ˇ Δ est contractile 4.3. Le complexe C = C Nous avons maintenant toutes les cartes en main pour fournir la preuve du théorème 9. Preuve du théorème 9. La décomposition de A-modules C = C  ⊕ C  permet d’écrire  d=

α γ

β δ



306

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et le ab-théorème dit que γ : C  → C  est un isomorphisme. On peut donc considérer l’application h de degré −1 définie par  0 γ −1 . h= 0 0 

On a alors 

0 d◦h+h◦d= 0

  IdC  αγ −1 + IdC  0

 γ −1 δ . 0

Comme γα + δγ = 0 (car d ◦ d = 0), on a αγ −1 + γ −1 δ = 0. Ainsi d ◦ h + h ◦ d = IdC , prouvant que h est une homotopie contractante. 2 5. Le morphisme de liaison Les sections 3 et 4 ont permis d’établir la suite exacte longue de Mayer–Vietoris en cohomologie de Čech. On souhaite à présent expliciter le morphisme de liaison qui intervient dans cette suite exacte longue. Pour cela, on reprend la suite (Č–M–V) et on suit la preuve du lemme du serpent. Autrement dit, dans le diagramme ci-dessous, on part de la droite et on remonte le courant pour arriver en bas à gauche. ˇk ⊕ C ˇk C a,ab b,ab

ˇ C ˇ Δ )k+1 (C/

ˇk ker d ⊂ C ab

ˇ k+1 ⊕ C ˇ k+1 C a,ab b,ab

ˇ ab , d) un élément de ker d. On le relève en un élément de C ˇ a,ab ⊕ C ˇ b,ab . Soit donc xI ∈ (C Deux éléments naturels conviennent xI ⊕ 0 et 0 ⊕ −xI . Choisissons xI ⊕ 0. On applique ˇ a,ab ⊕ C ˇ b,ab à cet élément. On trouve n (xI )a ∨I ⊕0 alors la différentielle du complexe C p p=1 (il n’y a pas de signe dans cette formule car pour c ∈ ab, on a ap < c pour tout p) ; en effet les termes sur J∈P(ab) MJ sont nuls (car xI vérifie d(xI ) = 0 où d est la différentielle ˇ ab ). de C Ensuite, il s’agit de trouver l’unique antécédent (il existe pour des raisons de com n ˇ ˇΔ mutativité de rectangles) de p=1 (xI )ap ∨I ⊕ 0 dans (C/C , ∂) grâce à l’injection de n gauche. Il s’agit de p=1 (xI )ap ∨I . Par conséquent, la flèche que l’on vient d’expliciter est ker d  xI −→

n  (xI )ap ∨I ∈ ker(∂) p=1

Si on fait l’autre choix, à savoir 0 ⊕ −xI , on tombe sur

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ker d  xI −→ −

307

m  (xI )bq ∨I ∈ ker(∂) q=1

Or ces deux flèches définissent la même flèche ker d → ker(∂)/Im(∂). En effet, il s’agit de vérifier que la différence entre les deux éléments ci-dessus est dans l’image de ∂. Ce qui est bien le cas car on a ∂(xI ) =

n  p=1

(xI )ap ∨I ⊕

m  (xI )bq ∨I q=1

grâce à l’hypothèse d(xI ) = 0. Remerciements Je tiens à remercier Lionel Ducos pour les discussions que nous avons pu avoir sur le sujet. ˇ Δ , un programme Magma a été Pour comprendre la structure contractile de C = C écrit : je remercie Claude Quitté pour l’aide qu’il m’a apportée dans le développement de ce programme. Je tiens également à remercier Jean-Pierre Jouanolou pour avoir attiré mon attention sur la cohomologie locale faisceautique. Références [1] S. Iyengar, G.J. Leuschke, A. Leykin, C. Miller, E. Miller, A.K. Singh, U. Walther, Twenty-Four Hours of Local Cohomology, Grad. Stud. Math., vol. 87, American Mathematical Society, 2007. [2] Brodmann, Sharp, Local Cohomology: An Algebraic Introduction with Geometric Applications, Cambridge Stud. Adv. Math., vol. 60, Cambridge University Press, 2007. [3] Eisenbud, Geometry of Syzygies — A Second Course in Commutative Algebra and Algebraic Geometry, Springer, 2005. [4] Hartshorne, Local Cohomology, a Seminar Given by A. Grothendieck, Harvard University, Fall 1961, Springer-Verlag, Berlin, New-York, 1967. [5] Hartshorne, Algebraic Geometry, Springer, 1977. [6] Mustata, Local cohomology at monomial ideals, J. Symbolic Comput. 29 (4) (May 2000) 709–720. [7] Miller, Perkinson, Eight Lectures On Monomials Ideals, in: COCOA VI: Proceedings of the International School, Villa Gualino, May–June, 1999, in: Queen Pap. Pure Appl. Math., vol. 120, Queen’s University, Kingston, Ontario, Canada, 2001, pp. 3–105. [8] Schenzel, Proregular sequences, local cohomology and completion, Math. Scand. 92 (2003) 161–180. [9] Schenzel, On the use of local cohomology in algebra and geometry, in: Lectures at the Summer School of Commutative Algebra and Algebraic Geometry, Ballaterra, 1996, Birkhäuser Verlag, 1998. [10] Weibel, An Introduction to Homological Algebra, Cambridge Stud. Adv. Math., vol. 38, Cambridge University Press, 1994.