La TEP au 18FDG au cours de l'artérite de Takayasu : un marqueur d'activité de la maladie

La TEP au 18FDG au cours de l'artérite de Takayasu : un marqueur d'activité de la maladie

La Revue de médecine interne 27 (2006) 478–481 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ La TEP au 18FDG au cours de l’artérite de Takayasu : un marq...

160KB Sizes 0 Downloads 117 Views

La Revue de médecine interne 27 (2006) 478–481 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/

La TEP au 18FDG au cours de l’artérite de Takayasu : un marqueur d’activité de la maladie 18

FDG PET: a new criterion for disease activity in Takayasu arteritis

C. Lavogiez a, T. Quéméneur a,*, E. Hachulla a, D. Huglo b, D. Launay a, M. Lambert a, V. Queyrel a, P.-Y. Hatron a, M. Steinling b a

Service de médecine interne, hôpital Huriez, CHRU de Lille, rue Polonovski, 59 000, Lille, France b Service de médecine nucléaire, hôpital Huriez, CHRU de Lille, France Reçu le 24 mars 2005 ; accepté le 29 janvier 2006 Disponible sur internet le 09 mars 2006

Résumé Introduction. – L’artérite de Takayasu (AT) est une artérite inflammatoire des gros vaisseaux touchant avec prédilection l’aorte, ses principales branches et les artères pulmonaires. L’artériographie était jusqu’à présent considérée comme l’examen de référence. D’autres explorations se développent cependant dans la prise en charge de l’AT : écho-doppler artériel, angioscanner, angiographie par résonance magnétique et tomographie par émission de positons (TEP) au 18FDG. Ils permettent, en plus de l’exploration de la lumière vasculaire, une étude de la paroi artérielle. Cependant, aucun examen biologique ou radiologique ne permet à l’heure actuelle de déterminer avec certitude l’activité de la maladie. Exégèse. – Nous rapportons le cas d’une jeune patiente pour laquelle la TEP au 18FDG a permis d’affirmer une rechute de la maladie. Conclusion. – La TEP au 18FDG pourrait s’avérer contributive pour évaluer l’évolutivité de l’AT. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Takayasu arteritis (TA) is an inflammatory arteritis affecting large vessels, predominantly the aorta, its main branches, and the pulmonary arteries. Up to now, arteriography was considered as the “gold standard”. But others exams are emerging in the management of TA: vascular ultrasound, angioscanner, magnetic resonance imaging and 18FDG positon emission tomography (18FDG PET). Such investigations allow a study of the lumen but also of the arterial walls. However, at the time, no biological or radiological test is able to determine the activity of TA. 18FDG PET could be effective to estimate the disease activity. Exegesis. – We report the case of a young woman for who 18FDG PET permit to assert a relapse of TA. Conclusion. – 18FDG PET could be effective to estimate the disease activity. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Artérite de Takayasu ; Keywords: Takayasu arteritis;

18

FDG TEP ; Médecine nucléaire

18

FDG PET; Tomography; Emission-computed

1. Introduction L’artérite de Takayasu (AT) est une vascularite de la femme jeune touchant l’aorte, ses principales branches et les artères pulmonaires. Jusqu’alors l’artériographie était considérée

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Quéméneur).

0248-8663/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2006.01.021

comme l’examen morphologique de référence [1]. De nouvelles méthodes d’évaluation non invasives se développent cependant : écho-doppler artériel, angioscanner, angiographie par résonance magnétique (ARM) et plus récemment, la tomographie par émission de positons au 18-Fluoro-2-Desoxyglucose (TEP au 18FDG) [2–7]. Nous rapportons le cas d’une patiente de 24 ans avec maladie de Takayasu pour laquelle la TEP au 18 FDG a permis de mettre en évidence une reprise évolutive de la maladie.

C. Lavogiez et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 478–481

2. Cas clinique En 1999, une jeune femme d’origine caucasienne de 18 ans est suivie pour une suspicion de spondylarthropathie devant les éléments suivants : des lombalgies d’horaire inflammatoire, une sacro-iliite droite et un syndrome inflammatoire biologique (VS : 35 mm/H1, CRP : 35 mg/L). La recherche de l’antigène HLA B27 est négative. En septembre 2001, la patiente est adressée dans notre service en raison de l’aggravation du syndrome inflammatoire et d’une hyperthermie à 38 °C. Elle n’a pas de facteurs de risque cardiovasculaire. L’examen met en évidence une hypertension artérielle (PA : 170/110 mmHg), une dyspnée de classe II de la NYHA. Les pouls sont perçus dans leur ensemble. On ne perçoit pas de souffle vasculaire. Le bilan biologique retrouve une hyperleucocytose à prédominance de polynucléaires neutrophiles (8900/mm3) ; une CRP à 180 mg/L ; une VS à 78 mm/H1. La créatininémie est à 10 mg/L, la protéinurie à 2,3 g/24 h. Il n’y a pas d’hématurie ou de leucocyturie. Les recherches d’anticorps antinucléaires, d’anticoagulant circulant, d’anticorps anticardiolipine, antifillagrines et d’ANCA sont négatives. Les hémocultures répétées et l’ECBU restent stériles. Les sérologies VHB, VHC, VIH, TPHA–VDRL, Salmonella sont négatives. L’IDR est faiblement positive. L’angioscanner retrouve : ● un épaississement de la paroi aortique avec prise de contraste en couronne au niveau de l’aorte thoracique descendante et de l’aorte abdominale ; ● une sténose de l’artère rénale gauche, une thrombose de l’artère rénale droite avec atrophie rénale ; ● une thrombose du tronc cœliomésentérique et de l’artère mésentérique supérieure ; ● une dilatation du tronc de l’artère pulmonaire, une diminution de calibre des artères pulmonaires droites et gauches et la présence d’infarctus pulmonaires bilatéraux. Le diagnostic d’artérite de Takayasu est retenu et un traitement par prednisone (40 mg/j, soit 0,7 mg/kg par jour avec décroissance progressive) est instauré. Cinq mois plus tard, la patiente est asymptomatique. La CRP est à 4,1 mg/L sous 25 mg/j de prednisone. L’angioscanner montre une diminution de l’épaisseur des parois de l’aorte thoracique et une régression de l’infiltrat lobaire supérieur droit. Après un an de traitement, alors que la prednisone est poursuivie à 5 mg/j, la patiente bénéficie d’une revascularisation chirurgicale digestive et rénale gauche et d’une néphrectomie droite. La prednisone est interrompue après 18 mois. Treize mois après l’arrêt des corticoïdes, la patiente consulte pour toux grasse avec expectoration, asthénie et sueurs nocturnes. Il n’existe pas de nouvelle manifestation vasculaire. La CRP est à 77 mg/L. L’angioscanner aortique révèle un épaississement de la paroi de l’aorte thoracique descendante et de l’aorte abdominale de 2 mm. Le scanner thoracique met en évidence une cavité aérique de 3 cm sur 2 de diamètre dans le lobe supérieur droit ainsi que des micronodules aspécifiques

479

disséminés. Le lavage bronchoalvéolaire ne retrouve pas de BAAR à l’examen direct ni de mycobactérie en culture. Un traitement antituberculeux d’épreuve par rifampicine (600 mg/j), isoniazide (250 mg/j) et pyrazinamide (1,5 g/j) est introduit. Deux mois plus tard, l’examen clinique est inchangé. La CRP est à 119 mg/L. Le traitement par pyrazinamide est interrompu. Devant la persistance du syndrome inflammatoire, il est décidé de réaliser une TEP au 18FDG (Fig. 1A). L’examen retrouve des renforcements de fixation au niveau de l’aorte thoracique ascendante. Il n’existe pas d’anomalie de fixation au niveau de l’apex pulmonaire droit. Un traitement par prednisone à 15 mg/j est débuté. Trois mois après la réintroduction de la prednisone, la patiente est asymptomatique. La VS est à 11 mm/H1, la CRP à 15 mg/L. Le traitement antituberculeux est maintenu huit mois, aux termes desquels le scanner thoracique montre une stabilité de la lésion bulleuse du poumon droit et l’absence de nouvelle anomalie parenchymateuse. Un an après la réintroduction des corticoïdes, La patiente est asymptomatique. La VS est à 4 mm/H1, la CRP à 0,4 mg/L. Une nouvelle TEP au 18FDG montre la diminution de l’intensité de fixation en regard de l’aorte thoracique (Fig. 1B). Il persiste une hétérogénéité de fixation en projection de l’aorte abdominale. La décroissance progressive de la prednisone est donc poursuivie. 3. Discussion Le diagnostic d’artérite de Takayasu repose sur un ensemble de critères cliniques, biologiques et radiologiques [1,8,9]. Les

Fig. 1. A) TEP au 18FDG : renforcements de fixation au niveau de l’aorte ascendante, évalués à 3 sur l’échelle visuelle proposée par Meller et al. [3]. B) TEP au 18FDG réalisée un an plus tard, après réintroduction de la prednisone (15 mg/j avec décroissance progressive) : régression de l’hyperfixation de l’aorte thoracique ascendante, alors évaluée à 1 sur l’échelle proposée par Meller et al. [3].

480

C. Lavogiez et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 478–481

trois systèmes de classification établis entre 1988 et 1996 considèrent l’artériographie comme examen de référence [1,8, 9]. Les techniques d’exploration non invasives (écho-doppler artériel, angioscanner et ARM) permettent cependant une excellente analyse de la lumière vasculaire. L’écho-doppler artériel permet de rechercher des anomalies carotidiennes voire sous-clavières ou aortiques, bien que l’interposition de structures aériques puisse alors gêner l’examen [10]. Le scanner permet également une excellente analyse de la lumière vasculaire, avec une sensibilité et une spécificité de 93 et 98 % en comparaison avec l’angiographie [11]. Seuls les vaisseaux distaux sont mal explorés. En plus de ces performances, ces examens autorisent une étude de la paroi des vaisseaux et pourraient ainsi permettre un diagnostic plus précoce, dès la phase préocclusive. Chez notre patiente, le diagnostic de maladie de Takayasu ne pourrait être retenu selon les critères habituels et en l’absence d’artériographie. L’angioscanner permet cependant de poser ce diagnostic de manière certaine en mettant en évidence de manière peu invasive la présence de sténoses, de thromboses artérielles et d’un épaississement des parois vasculaires. Notre observation confirme donc l’intérêt de ces explorations pour le diagnostic de maladie de Takayasu et souligne à nouveau la nécessité d’intégrer les résultats obtenus par échodoppler, angioscanner ou ARM aux critères diagnostiques de l’AT. Si l’obtention d’un diagnostic plus précoce est un des enjeux de la maladie de Takayasu, la détermination de son activité reste à l’heure actuelle la principale difficulté. Le NIH a proposé un ensemble de critères cliniques, biologiques et artériographiques pour apprécier l’évolutivité de l’AT [1]. Cet indice d’activité est cependant mal corrélé aux données histologiques. En effet, les biopsies artérielles réalisées chez des patients en rémission retrouvent des signes d’activité de la vascularite dans 44 % des cas [12]. Les examens morphologiques vasculaires répétés sont donc indispensables au suivi. Par ailleurs, les examens non invasifs ont l’avantage de pouvoir étudier la paroi des vaisseaux. On retrouve ainsi une corrélation entre l’activité de la maladie et l’épaisseur de la paroi artérielle mesurée au niveau carotidien en écho-doppler, au niveau aortique en ARM [13,14]. L’ARM permet également l’analyse de l’œdème pariétal mais sa présence n’est pas spécifique de l’activité de la maladie [14] : cet œdème est ainsi retrouvé chez 94 % des patients atteints d’AT active mais aussi chez 81 % des patients dont l’activité de l’AT est considérée comme incertaine et chez 56 % des patients ayant une AT inactive. Il ne semble pas non plus refléter une activité infraclinique : dans l’étude de Tso [14], cinq des 11 patients avec œdème pariétal et trois des cinq patients sans œdème pariétal présentent de nouvelles lésions vasculaires au cours du suivi. La recherche de marqueurs biologiques de suivi est également décevante [15]. Le 18FDG utilisé en TEP est un radionucléide analogue du glucose qui s’accumule dans les cellules dont le métabolisme est augmenté. Ainsi, Hara et al. sont les premiers à rapporter en 1999 une hyperfixation artérielle lors de l’utilisation de la TEP

au 18FDG chez une femme de 20 ans, à un stade précoce de l’AT [2]. Depuis, quatre études ont été réalisées chez 44 patients avec AT [4–7]. Elles mettent en évidence l’intérêt de la TEP au 18FDG pour le diagnostic et pour le suivi de l’AT. D’une part, la TEP au 18FDG peut révéler une atteinte vasculaire inflammatoire dès la phase préocclusive, à un moment où les autres explorations peuvent être prises en défaut [2]. Son utilisation en cas de suspicion d’AT pourrait donc permettre un diagnostic et une prise en charge plus précoces. D’autre part, plusieurs auteurs rapportent la régression de l’hyperfixation vasculaire sous traitement et sa récidive lors de rechute [5, 7]. La sensibilité et la spécificité de la TEP au 18FDG pour l’évaluation de l’activité de l’AT et comparée à l’indice composite habituel seraient donc respectivement de 90 % et de 90– 100 % [4,7]. L’interprétation des images obtenues par la TEP nécessite alors l’appréciation de l’intensité de la fixation vasculaire. L’utilisation d’une échelle visuelle comme le propose Meller démontre ainsi que l’activité de l’AT est corrélée à l’intensité de la fixation vasculaire [3,6,7]. Cependant, cet examen doit rester couplé aux autres explorations non invasives. Ces dernières permettent ainsi d’affirmer le caractère vasculaire des hyperfixations scintigraphiques [7] et restent indispensables au suivi des modifications morphologiques vasculaires chez les patients atteints d’artérite de Takayasu. Chez notre patiente, la TEP au 18FDG a permis de confirmer l’activité de la maladie. Le diagnostic de tuberculose reste peu probable en l’absence de preuve bactériologique, en l’absence d’anomalies de fixation pulmonaire sur la TEP, en raison de l’inefficacité de la trithérapie antituberculeuse et compte tenu des données évolutives. La cavité lobaire droite semble donc séquellaire des infarctus pulmonaires. Le suivi de la TEP étaye également cette hypothèse en montrant la diminution des fixations vasculaires après traitement par prednisone. La TEP au 18FDG semble donc contributive pour le diagnostic (notamment à la phase préocclusive), mais surtout pour la détermination de l’activité de l’AT. Dans le suivi de l’AT son utilisation doit probablement être couplée aux autres explorations non invasives. Mais sa place exacte reste cependant à définir par de plus larges études, notamment en raison du coût et des difficultés d’accès à cet examen. Références [1] Arend WP, Michel BA, Bloch DA, Hunder GG, Calabrese LH, Edworthy SM, et al. The American College of Rheumatology 1990 criteria for the classification of Takayasu arteritis. Arthritis Rheum 1990;33: 1129–34. [2] Hara M, Goodman C, Leder R. FDG-PET finding in early-phase Takayasu arteritis. J Comput Assist Tomogr 1999;23:16–8. [3] Meller J, Strutz F, Siekfer U, Scheel A, Sahlmann CO, Lehmann K, et al. Early diagnosis and follow-up of aortitis with [(18)F]FDG PET and MRI. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2003;30:730–6. [4] Webb M, Chambers A, Al-Nahhas A, Mason JC, Maudlin L, Rahman L, et al. The role of 18 FDG TEP in characterising disease activity in takayasu arteritis. Eur. J. Nucl. Med. Mol. Imaging 2004 ; 31 : 627–634. [5] Andrews J, Al-Nahhas A, Pennell DJ, Hossain MS, Davies KA, Haskard DO, et al. Non invasive imaging in the diagnosis and management of Takayasu’s arteritis. Ann Rheum Dis 2004;63:995–1000.

C. Lavogiez et al. / La Revue de médecine interne 27 (2006) 478–481 [6]

Walter MA, Melzer RA, Schindler C, Muller-Brand J, Tyndall A, Nitzsche EU. The value of [18F]FDG-PET in the diagnosis of large-vessel vasculitis and the assessment of activity and extent of disease. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2005;32:674–81. [7] Kobayashi Y, Ishii K, Oda K, Nariai T, Tanaka Y, Ishiwata K, et al. Aortic wall inflammation due to Takayasu arteritis imaged with 18F-FDG PET coregistered with enhanced CT. J Nucl Med 2005;46:917–22. [8] Ishikawa K. Diagnostic approach and proposed criteria for the clinical diagnosis of Takayasu’s arteriopathy. J Am Coll Cardiol 1988;12:964– 72. [9] Sharma BK, Jain S, Suri S, Numano F. Diagnostic criteria for Takayasu arteritis. Int J Cardiol 1996;54(Suppl):S141–7. [10] Taniguchi N, Itoh K, Honda M, Obayashi T, Nakamura M, Kawai F, et al. Comparative ultrasonographic and angiographic study of carotid arterial lesions in Takayasu’s arteritis. Angiology 1997;48:9–20.

481

[11] Yamada I, Nakagawa T, Himeno Y, Numano F, Shibuya H. Takayasu arteritis: evaluation of the thoracic aorta with CT angiography. Radiology 1998;209:103–9. [12] Kerr G, Hallahan C, Giordano J, Leavitt R, Fauci A, Hoffman G. Takayasu arteritis. Ann Intern Med 1994;120:919–29. [13] Park SH, Chung JW, Han MH, Park JH. Carotid artery involvement in Takayasu’s arteritis: evaluation of the activity by ultrasonography. J Ultrasound Med 2001;20:371–8. [14] Tso E, Flamm SD, White RD, Schvartzman PR, Mascha E, Hoffman GS. Takayasu arteritis: utility and limitations of magnetic resonance imaging in diagnosis and treatment. Arthritis Rheum 2002;46:1634–42. [15] Hoffman GS, Ahmed AE. Surrogate markers of disease activity in patients with Takayasu arteritis. A preliminary report from The International Network for the Study of the Systemic Vasculitides (INSSYS). Int J Cardiol 1998;66(Suppl 1):S191–4.