L’ajout d’anthracyclines en traitement de rattrapage ne permet pas d’éradiquer la maladie résiduelle médullaire dans le neuroblastome de haut risque

L’ajout d’anthracyclines en traitement de rattrapage ne permet pas d’éradiquer la maladie résiduelle médullaire dans le neuroblastome de haut risque

Revue d’oncologie hématologie pédiatrique (2014) 2, 150—153 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com LETTRE À LA RÉDACTION L’ajo...

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Revue d’oncologie hématologie pédiatrique (2014) 2, 150—153

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

LETTRE À LA RÉDACTION L’ajout d’anthracyclines en traitement de rattrapage ne permet pas d’éradiquer la maladie résiduelle médullaire dans le neuroblastome de haut risque Addition of anthracyclines as rescue post induction chemotherapy does not allow bone marrow minimal residual disease eradication in patients with high-risk neuroblastoma

MOTS CLÉS Neuroblastome de haut risque ; Maladie résiduelle ; RT-PCR ; Tyrosine Hydroxylase

Résumé Propos. — Environ 25 % des enfants atteints de neuroblastome de haut risque et inclus dans le protocole HR-NBL-1/SIOPEN avant 2011 ont rec ¸u une chimiothérapie de rattrapage comprenant des anthracyclines. Nous avons évalué de manière prospective l’efficacité de l’adjonction de ce traitement après le traitement d’induction pour l’éradication de la maladie résiduelle moléculaire dans la moelle osseuse. Méthodes. — Parmi les 26 patients ayant rec ¸u le traitement de rattrapage, le statut de la maladie résiduelle médullaire (transcrits spécifiques TH, Phox2B, DCX) au diagnostic, après l’induction et après les anthracyclines était disponible pour 9 patients. Résultats. — Au total, 66,7 % des patients avaient une maladie résiduelle moléculaire positive dans la moelle après le traitement d’induction vs. 77,8 % après le traitement de rattrapage. La survie à 2 ans n’est pas significativement impactée par le statut de la maladie résiduelle après le traitement de rattrapage (p = 0,95). Conclusion. — L’impact du traitement de rattrapage par anthracyclines après l’induction sur la maladie résiduelle médullaire n’est pas démontré sur cette petite série de patients. Ceci nécessite d’être étudié sur une plus grande cohorte de patients. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Neuroblastoma; Minimal residual disease; Tyrosine Hydroxylase; RT-PCR

Le traitement des enfants atteints d’un neuroblastome de haut risque (HR-NB) reste l’un des plus grands défis des oncologues pédiatres puisque leur survie globale à 5 ans ne dépasse pas 40 % [1,2]. Environ 25 % des enfants atteints de HR-NB et inclus dans le protocole HR-NBL-1 SIOPEN avant 2011 ont eu une réponse insuffisante à la fin du traitement d’induction http://dx.doi.org/10.1016/j.oncohp.2014.07.005 2213-4670/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

(sans anthracyclines) et ont rec ¸u une chimiothérapie de rattrapage comprenant des anthracyclines, afin d’obtenir une réponse complète (RC) ou une très bonne réponse partielle (VGPR) avant l’intensification thérapeutique [3]. La détection en biologie moléculaire de la maladie résiduelle (MRD) utilisant la reverse transcriptase polymerase chain reaction (RT-PCR) pour les transcrits spécifiques

Lettre à la rédaction du neuroblastome, tyrosine hydroxylase (TH), paired-like homeobox 2B (Phox2B) ou doublecortine (DCX) est de plus en plus largement utilisée pour évaluer l’efficacité du traitement des HR-NB [4,5]. Notre équipe a démontré que la persistance de MRD médullaire après le traitement d’induction est associée à une survie globale diminuée [6] et plus récemment, nous avons pu mettre en évidence que la présence de MRD détectée par RT-PCR quantitative dans les prélèvements de cellules souches périphériques (CSP) reflet du statut médullaire post-induction du patient, est un facteur péjoratif en terme de survie globale sans tenir compte du fait que les greffons de CSP aient été réinjectés et/ou purgés [7]. Nous avons étudié de manière prospective la MRD médullaire et sanguine à chaque étape de traitement du protocole HR-NBL-1 SIOPEN. Nous rapportons ici les données concernant l’évaluation moléculaire de l’efficacité de la chimiothérapie de rattrapage. Entre janvier 2007 et janvier 2011, les prélèvements médullaires et sanguins de 75 enfants traités pour un HR-NB dans 16 centres de la Société franc ¸aise des cancers de l’enfant (SFCE) et inclus dans le protocole HR-NBL-1 SIOPEN (NCT00030719) ont été envoyés à notre équipe pour évaluation de la MRD moléculaire à différents moments du traitement. La décision de réaliser un traitement de rattrapage était prise sur des critères radiologiques (scintigraphie MIBG) et biologiques (cytologie médullaire) selon les critères de l’International Neuroblastoma Staging System [8]. Parmi les 75 patients dont les échantillons nous ¸u la chimiothérapie de rattrapage sont parvenus, 26 ont rec avec anthracyclines (Cures TVD, Topotecan ; Vincristine ; Doxorubicine et/ou cures CAdO, Cyclophosphamide ; Doxorubicine ; Vincristine) et pour 9 d’entre eux, nous disposons du statut de la MRD médullaire à chaque point de traitement (i.e. au diagnostic, après le traitement d’induction et après le traitement de rattrapage) et de l’information concernant leur survie à 2 ans. Les analyses de RT-PCR pour les gènes de la TH, de Phox2B et de DCX ont été réalisées dans le service de cytogénétique médicale du CHU de Clermont-Ferrand (laboratoire accrédité par le SIOPEN Molecular Monitoring Group) selon la technique précédemment décrite [7,9]. L’analyse statistique de nos informations repose sur un test de Fisher non paramétrique. Le seuil statistique est établi à p < 0,05. Pour les 9 patients évaluables, l’âge moyen au diagnostic était de 61 mois (24—119). Les prélèvements post-induction ont été collectés en moyenne 88 jours (78—93) après le diagnostic, les suivants après 2 à 4 cures de rattrapage, c’est-à-dire 163 jours (138—223) après le diagnostic. Le statut de la maladie en cytologie médullaire, en scintigraphie MIBG et la corrélation avec la maladie résiduelle à chaque étape du traitement sont exposés dans le Tableau 1. Au diagnostic, tous les patients avaient une scintigraphie hyperfixante et tous étaient métastatiques à la moelle (sauf le patient 7, localisation métastatique osseuse unique). Le traitement d’induction a permis « d’éteindre » une seule scintigraphie sur 9 et de négativer la moelle en cytologie chez 5 patients sur 8. Le traitement de rattrapage n’a eu aucun effet supplémentaire en terme de fixation scintigraphique mais a fait disparaître la maladie en cytologie chez 2 patients.

151 En ce qui concerne la MRD moléculaire, les transcrits TH, Phox2B et/ou DCX étaient positifs dans les prélèvements du diagnostic (sang et moelle) de tous les patients. Après le traitement d’induction, 3 patients sur 9 avaient un prélèvement médullaire négatif et 6 sur 9 positif pour au moins 2 des 3 transcrits. Parmi le groupe négatif au plan moléculaire, 1 patient sur 3 a conservé une MRD non détectable après les cures de rattrapage et 2 sur 3 ont eu une réapparition moléculaire de la MRD malgré ce traitement. Parmi le groupe ayant une MRD positive après induction, seul 1 patient sur 6 a négativé ses prélèvements après les cures de rattrapage tandis que 5 sont restés positifs. Dans le groupe dont le prélèvement postinduction était négatif, le traitement de rattrapage ne prévient donc pas la réapparition moléculaire de la maladie médullaire. En conclusion, 6 patients/9 avaient une MRD positive dans la moelle après le traitement d’induction vs. 7/9 après le traitement de rattrapage (p = 0,56). La survie à 2 ans n’est pas significativement impactée par le statut de la MRD après le traitement de rattrapage (p = 0,95). Discussion Les anthracyclines ont longtemps fait partie du traitement d’induction dans le neuroblastome avec une efficacité qui a toutefois été discutée [10—12]. Or, l’objectif du traitement d’induction est d’obtenir une RC ou VGPR clinique, biologique et radiologique avant de procéder à la chimiothérapie haute dose. Cependant, l’éradication de la MRD médullaire lors de cette phase de traitement paraît également nécessaire. Plusieurs équipes ont constaté que la persistance de MRD médullaire, détectée par RT-PCR, après le traitement d’induction est associée à un mauvais pronostic avec une survie globale diminuée [5,6]. L’ajout d’anthracyclines dans les traitements de rattrapage a donc pour objectif d’augmenter l’efficacité de la chimiothérapie. En conclusion, sur cette petite série de patients, l’association du traitement de rattrapage avec anthracyclines ne permet pas « d’éteindre » la scintigraphie MIBG, pas plus qu’elle ne permet une meilleure éradication de la MRD médullaire par rapport au traitement d’induction sans anthracyclines. Le statut de la MRD médullaire après traitement de rattrapage n’a pas plus d’impact pronostique sur la survie que le statut de la MRD médullaire post-induction. Ceci nécessite bien entendu d’être étudié sur une plus grande cohorte de patients. Nos résultats sont concordants avec les travaux de Garaventa et al. qui a démontré que les anthracyclines ont une efficacité moindre sur une maladie réfractaire par rapport à une maladie en rechute [13] ce qui peut s’expliquer par le développement de résistance aux traitements [14]. La dernière version du protocole HR-NBL1.5 SIOPEN qui inclut une randomisation entre le traitement d’induction de référence sans anthracyclines et un bras avec anthracyclines (N7 modifié) permettra de déterminer si l’utilisation plus précoce de ces molécules dans le traitement des neuroblastomes de haut risque serait plus efficace. Les auteurs souhaitent remercier la ligue nationale contre le cancer de Puy-de-Dôme pour son soutien au projet NEUROMAR.

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Tableau 1

Statut de la maladie en cytologie, en scintigraphie MIBG et maladie résiduelle à chaque étape de traitement. Après Induction

Au Diagnostic

Après Rattrapage

Pts

Cytologie Médullaire

Scintigraphie MRD MIBG Médullaire (transcrits)

Délai Dgc—fin induction (jours)

Cytologie Médullaire

Scintigraphie MRD MIBG Médullaire (transcrits)

Délai Dgc—fin rattrapage (jours)

Cytologie Médullaire

Scintigraphie MIBG

MRD Médullaire (transcrits)

1 2 3 4 5 6 7 8 9

+ + + + + + — + +

+ + + + + + + + +

78 93 93 78 88 83 83 90 91

— + — + — + — — —

+ + + + + — + + +

176 152 163 183 146 223 184 138 143

— + — — — — — — —

+ + + + + — + + +

+ + + + + + — — +

+ + + + + + + + +

+ + + + — + — + +

Transcrits + : au moins un des 3 transcrits étudiés (TH, Phox2B, DCX).

Lettre à la rédaction

Lettre à la rédaction Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Maris JM, Hogarty MD, Bagatell R, Cohn SL. Neuroblastoma. Lancet 2007;369:2106—20. [2] Moreno L, Vaidya SJ, Pinkerton CR, Lewis IJ, Imeson J, Machin D, et al. Long-term follow-up of children with high-risk neuroblastoma: the ENSG5 trial experience. Pediatr Blood Cancer 2013;60:1135—40. [3] Pearson ADJ, Pinkerton CR, Lewis IJ, Imeson J, Ellershaw C, Machin D, et al. High-dose rapid and standard induction chemotherapy for patients aged over 1 year with stage 4 neuroblastoma: a randomised trial. Lancet Oncol 2008;9:247—56. [4] Corrias MV, Haupt R, Carlini B, Cappelli E, Giardino S, Tripodi G, et al. Multiple target molecular monitoring of bone marrow and peripheral blood samples from patients with localized neuroblastoma and healthy donors. Pediatr Blood Cancer 2012;58:43—9. [5] Viprey VF, Gregory WM, Corrias MV, Tchirkov A, Swerts K, Vicha A, et al. Neuroblastoma mRNAs predict outcome in children with stage 4 neuroblastoma: a european HR-NBL1/SIOPEN study. J Clin Oncol 2014 [Epub ahead of print]. [6] Tchirkov A, Paillard C, Halle P, Bernard F, Bordigoni P, Vago P, et al. Significance of molecular quantification of minimal residual disease in metastatic neuroblastoma. J Hematother Stem Cell Res 2003;12:435—42. [7] Chambon F, Tchirkov A, Pereira B, Rochette E, Deméocq F, Kanold J. Molecular assessment of minimal residual disease in PBSC harvests provides prognostic information in neuroblastoma. Pediatr Blood Cancer 2013;60:E109—12. [8] Monclair T, Brodeur GM, Ambros PF, Brisse HJ, Cecchetto G, Holmes K, et al. The international neuroblastoma risk group (INRG) staging system: an INRG task force report. J Clin Oncol 2009;27:298—303. [9] Viprey VF, Corrias MV, Kagedal B, Oltra S, Swerts K, Vicha A, et al. Standardisation of operating procedures for the detection of minimal disease by qRT-PCR in children with neuroblastoma: quality assurance on behalf of SIOPEN-R-NET. Eur J Cancer 2007;43:341—50. [10] Valteau-Couanet D, Michon J, Boneu A, Rodary C, Perel Y, Bergeron C, et al. Results of induction chemotherapy in children older than 1 year with a stage 4 neuroblastoma treated with the nb 97 French society of pediatric oncology (SFOP) protocol. J Clin Oncol 2005;23:532—40. [11] Kushner BH, La Quaglia MP, Bonilla MA, Lindsley K, Rosenfield N, Yeh S, et al. Highly effective induction therapy for stage 4 neuroblastoma in children over 1 year of age. J Clin Oncol 1994;12:2607—13.

153 [12] Ninane J, Pritchard J, Malpas JS. Chemotherapy of advanced neuroblastoma: does adriamycin contribute? Arch Dis Child 1981;56:544—8. [13] Garaventa A, Luksch R, Biasotti S, Severi G, Pizzitola MR, Viscardi E, et al. A phase II study of topotecan with vincristine and doxorubicin in children with recurrent/refractory neuroblastoma. Cancer 2003;98:2488—94. [14] Keshelava N, Seeger RC, Groshen S, Reynolds CP. Drug resistance patterns of human neuroblastoma cell lines derived from patients at different phases of therapy. Cancer Res 1998;58:5396—405.

F. Chambon a,b,c , A. Tchirkov c,d , E. Merlin a,b , B. Pereira e , E. Rochette a,b , S. Ducassou f , C. Piguet g , V. Gandemer h , P. Schneider i , H. Rubie j , J. Kanold a,b,c,∗ a Centre régional de cancérologie et thérapie cellulaire pédiatrique, hôpital Estaing, CHU de Clermont-Ferrand, 63003 Clermont-Ferrand, France b Inserm—CIC 501, unité Crèche, 63003 Clermont-Ferrand, France c Faculté de médecine, Clermont université, université Clermont 1, 63001 Clermont-Ferrand, France d EA 4677 ERTICa, service de cytogénétique médicale, CHU de Clermont-Ferrand, 63003 Clermont-Ferrand, France e Unité de biostatistiques, délégation à la recherche clinique et l’innovation, CHU de Clermont-Ferrand, 63001 Clermont-Ferrand, France f Unité d’hémato-oncologie pédiatrique, CHU de Bordeaux, 33076 Bordeaux, France g Unité d’hémato-oncologie pédiatrique, CHU de Limoges, 87042 Limoges, France h Unité d’hémato-oncologie pédiatrique, CHU de Rennes, 35203 Rennes, France i Unité d’hémato-oncologie pédiatrique, CHU de Rouen, 76031 Rouen, France j Unité d’hémato-oncologie pédiatrique, CHU de Toulouse, 31059 Toulouse, France ∗ Auteur

correspondant. Centre régional de cancérologie et de thérapie cellulaire pédiatrique, hôpital Estaing, CHU, BP 69, 1, place Lucie-Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand, France. Adresse e-mail : [email protected] (J. Kanold) Rec ¸u le 18 avril 2014 ; accepté le 8 juillet 2014 ut 2014 Disponible sur Internet le 27 aoˆ