L’ambre albo-cénomanien de la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), outil stratigraphique et paléogéographique

L’ambre albo-cénomanien de la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), outil stratigraphique et paléogéographique

Geobios 42 (2009) 89–99 Article original L’ambre albo-cénomanien de la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), outil stratigraphique et paléogéo...

2MB Sizes 0 Downloads 35 Views

Geobios 42 (2009) 89–99

Article original

L’ambre albo-cénomanien de la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), outil stratigraphique et paléogéographique§ Albo-Cenomanian ambers from Lure Mountain (Alpes-de-Haute-Provence), stratigraphic and paleogeographic tool Gérard Onoratini a,c, Michel Guiliano b,*,c, Gilbert Mille b,c, Patrick Simon d a b

Institut de paléontologie humaine, UMR CNRS 5198, Muséum national d’histoire naturelle, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France Laboratoire de chimie analytique de l’environnement, UMR, CNRS 6223, FR Eccorev, université Paul-Cézanne-Aix, Marseille, France c Europôle de l’Arbois, bâtiment Villemin, BP 80, 13545 Aix-en-Provence cedex 4, France d Musée d’anthropologie préhistorique de Monaco, 56bis, boulevard du Jardin-Exotique, 98000 Monaco, France Reçu le 4 décembre 2007 ; accepté le 28 mars 2008 Disponible sur Internet le 5 octobre 2008

Résumé Des nodules de résine fossile ou ambre, flottés puis sédimentés au sein des séries marines à céphalopodes, ont été découverts en plusieurs lieux de Haute-Provence dans des séries géologiques du système Crétacé. Ces sites jalonnent le pourtour de la Montagne de Lure et sont attribuables à l’Albien supérieur (Ongles, Revest-des-Brousses) et au Cénomanien inférieur (Saint-Étienne-les-Orgues, Aubignosc et Salignac). Ces ambres possèdent des spectres de réflexion infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) très homogènes et caractéristiques, permettant de les distinguer, non seulement des ambres plus récents du Crétacé supérieur provençal (Santonien), mais aussi des ambres tertiaires de la mer Baltique. Ces matières organiques en milieu marin, apportées par des courants et sédimentées sur des hauts-fonds de l’aire Ventoux-Lure, témoignent de terres émergées proches qui ont été mises en place lors des mouvements tectoniques de l’Albo-Cénomanien. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Nodules of fossil resin or amber, first drifted and then deposited in the marine series with cephalopods, were discovered in several areas of HighProvence, in geological series of the Cretaceous system. These areas are located around the Mountain of Lure; amber nodules have been found in the upper Albian (Ongles, Revest-des-Brousses) and in the lower Cenomanian (Saint-Étienne-les-Orgues, Aubignosc and Salignac). These ambers have very homogeneous and characteristic FTIR spectra, making it possible to distinguish them not only from more recent ambers of the upper Cretaceous of Provence (Santonian), but also from tertiary ambers of the Baltic sea. These organic matters in marine environment, brought by the currents and deposited in shallow waters of the Ventoux-Lure area, are in agreement with close emerged grounds, which were set up by the AlboCenomanian tectonic movements. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Ambre ; Provence ; Montagne de Lure ; Crétacé ; Spectroscopie IRTF Keywords: Amber; Provence; Lure mountain; Cretaceous; FTIR spectroscopy

§

Éditeur correspondant : Marc Philippe. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Guiliano).

0016-6995/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.geobios.2008.03.004

90

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

1. Introduction C’est Lavoisier (1765) qui mentionne pour la première fois la présence d’ambre découvert non loin de Sisteron. Plus tard, Brongniart (1823) fait état du succin qui fut jadis exploité dans un lignite contenu dans des lits de sable des environs de Sisteron et de la Montagne de Lure près de Forcalquier ; puis de Cessac (1874) et Bonnemère (1886), faisant référence à Brongniart, signalent à nouveau la présence d’ambre près du petit village de Salignac au sud de Digne : « . . . dans ce village, il (le succin) porte le nom de pierre qui brûle, petra cremata,. . . autrefois on en récoltait en assez grande quantité pour que certains paysans s’en servissent pour éclairer leur modeste demeure. » Dans ses ouvrages, Lacroix (1910, 1977) reconnaît la difficulté de classer les résines fossiles mais distingue cependant deux groupes : la succinite ou ambre véritable et les résinites. En ce qui concerne la Provence, il note que la résinite est présente dans les BassesAlpes, dans les environs de Forcalquier (Ongles, Sainte-Croixà-Lauze, Montagne de Lure) et non loin de Sisteron (SaintGeniès-de-Dramont) et enfin en Vaucluse à Rustrel. Buddhue (1938) analysa de l’ambre d’équilières, près de Vachères, sans parvenir à obtenir de l’acide succinique. Sur la base d’un test succinyl-fluorescéine positif, il conclut que cet ambre était semblable mais non identique à l’ambre balte. Ce même échantillon fut analysé par Beck et Liu (1976) en spectroscopie infrarouge qui confirma sa différence avec l’ambre balte mais également avec des résines du Gard. Savkevitch et Popkova (1978) ont analysé par spectroscopie infrarouge une collection de résines fossiles françaises comportant un échantillon de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) et ont proposé, d’après l’allure des spectres, une classification en plusieurs espèces distinctes. Une vue d’ensemble des ambres français a été proposée par Nel et al. (2004) qui mentionnent 55 sites datant du Crétacé et qui signalent la présence d’ambre dans les Alpesde-Haute-Provence à Salignac et autour de Sisteron. Des travaux récents ont révélé que l’ambre de Salignac renfermait des insectes dont les plus anciens myriapodes (Myriapoda, Diplopoda) connus à ce jour (Nguyen Duy-Jacquemin et Azar, 2004) ainsi qu’un représentant de la famille des Tingoidea : hétéroptères (Perrichot et al., 2006, 2007). Compte tenu de la présence d’ambres dans des sites archéologiques du Sud de la France et de leur utilisation éventuelle au Paléolithique supérieur, nous avons pensé qu’une étude détaillée des ambres locaux des Alpes-de-HauteProvence était indispensable étant donné la rareté des études d’ordre stratigraphique et des caractérisations spectroscopiques des résines fossiles, dans cette région. Les fructueuses investigations de nombreux amateurs locaux (voir Remerciements) nous ont permis d’observer que la ressource en résines fossiles locales, bien que le plus souvent aléatoire, voire anecdotique, s’avérait très diversifiée. Nous avons repris un travail de terrain d’ensemble afin d’établir un état détaillé de ces ambres locaux, tant sur le plan géographique que sur leur position stratigraphique précise, montrant qu’ils pouvaient être datés tantôt de l’Albien supérieur, tantôt du Cénomanien inférieur. Dans le Sud-Ouest de la France, des sites à ambre correspondant à cette période albo-cénomanienne ont été

découverts durant ces dernières années dans le département des Charente-Maritime :  à Archingeay, il s’agit d’un gisement à ambre insectifère et à végétaux localisé dans des dépôts estuariens d’âge albien recélant les plus anciens vestiges de résine fossile de France (Néraudeau et al., 2002) ;  à Fouras, dans un dépôt paralique du Cénomanien inférieur à bois fossiles, ambre insectifère et restes de vertébrés (Néraudeau et al., 2003) ;  à Tonnay-Charente, dans une série paralique de l’Albien terminal-Cénomanien basal avec ambre, restes végétaux et microrestes de vertébrés aquatiques et terrestres (Néraudeau et al., 2005). La caractérisation de ces ambres est fondée sur la spectrographie infrarouge. Cette méthode, depuis les premiers travaux de Beck (Beck et al., 1964 ; Beck, 1986) s’est avérée d’un très grand intérêt pour l’analyse de l’ambre. Elle permet notamment une approche globale, rapide, ne nécessitant que très peu de matériau grâce à l’apport de la technique IRTF ATR diamant (Guiliano et al., 2007). Dans notre étude, comme nous distinguons deux grands épisodes de formation d’ambre en Provence (le plus ancien à l’Albo-Cénomanien, objet de cette étude, l’autre plus récent, au Santonien), une comparaison est faite avec d’autres ambres du Sud-Est de la France datant du Santonien. 2. Étude géologique 2.1. Stratigraphie et gîtes à nodules d’ambre Il est intéressant de remarquer que les résines fossiles récoltées dans ce secteur forment un ensemble de sites stratigraphiques cohérents jalonnant le pourtour de la Montagne de Lure (Fig. 1). Ces sites sont localisés dans des formations sédimentaires s’étendant de l’Albien supérieur au Cénomanien inférieur (Fig. 1 et 2). Toutes ces formations géologiques constituent des séries marines qui, réduites dans le secteur sud de la Montagne de Lure, s’épaississent et se complètent vers l’est mais surtout au nord de la plate-forme en direction de la fosse vocontienne alpine. Nous avons pu retrouver des échantillons en place dans quatre des cinq gisements analysés dans ce travail. Dans tous les cas, il n’y a jamais de couche de lignite associée aux résines. L’ambre se présente sous forme de nodules isolés, plus ou moins gros, flottés, entraînés par les courants, dispersés et sédimentés au sein des formations marines glauconieuses avec quelquefois de rares débris végétaux tous aussi isolés. 2.2. Le substratum aptien Dans le secteur étudié, ce sont les calcaires lithographiques du Bédoulien terminal, limités par une surface durcie avec enduit ferrugineux de type hard-ground et à perforations de lithophages, qui constituent le « mur » de la série marine aptocénomanienne. Cette série est préservée dans des zones

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

91

Fig. 1. Cadre géologique et position géographique des sites à ambres de la Montagne de Lure. Geological framework and location of amber sites in the Montagne de Lure (southeastern France).

effondrées ou basses bordant la Montagne de Lure, en bordure sud et à l’est de la zone étudiée. L’Aptien moyen et supérieur (Gargasien, Clansayésien), surmontant ces calcaires bédouliens, sont bien représentés à Carniol et plus à l’est aux environs de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Dans le secteur de SaintÉtienne-les-Orgues seule paraît exister la partie sommitale du Clansayésien, séquence constituée de bancs calcaréo-sableux et argilo-glauconieux non distingués de l’Albien sus-jacent et groupés sous le terme n6b-7 Clansayéso-Albien (Carte géologique à 1/50000, BRGM, Sault-de-Vaucluse XXXII-41). Les marnes glauconieuses qui affleurent entre des bancs de grès ont livré, au Rocher d’Ongles, des bélemnites, des échinodermes (cidaris et crinoïdes), des brachiopodes (térébratules) et des dents de sélacien. 2.3. Les premiers sites d’ambre de l’Albien supérieur L’Albien proprement dit est représenté par des marnes et grès verts dont l’épaisseur peut atteindre 400 m dans le secteur oriental de Châteauneuf-Val-Saint-Donat. Des conglomérats, des olistholites de calcaire urgonien, des turbidites témoignent

des manifestations tectono-sédimentaires importantes liées à l’instabilité de cette zone lors de la période méso-crétacée (Cotillon et al., 2008). Dans la zone de Saint-Étienne-lesOrgues et de Revest-des-Brousses (Fig. 1), les marnes et les grès glauconieux de l’Albien supérieur (Fig. 2) apparaissent conservés dans des compartiments effondrés de calcaires bédouliens. Parfois, la surface érodée et jaunie de ces grès conserve quelques vestiges d’une cuirasse ferrugineuse démantelée qui témoignent d’une ocrification partielle des sédiments marins albiens dans le secteur de la Chapellière (à l’ouest d’Ongles). Dans cette série nous avons pu découvrir les premiers nodules d’ambres non loin du rocher d’Ongles (échantillon Ongles). Ici, la partie supérieure de la coupe est masquée par les épandages d’éboulis quaternaires. En revanche dans le secteur de Saint-Étienne-les-Orgues la base de la série a livré des ammonites caractéristiques du Vraconien : Anisoceras perarmatum, Austeniceras austeni, Ostlingoceras puzosianum, Paraturrilites bergeri, Stoliczkaia dispar, Pervinquieria rostrata. Les calcaires gréso-glauconieux compacts, en gros bancs affleurant au

92

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

Fig. 2. Coupe stratigraphique synthétique des sites à ambres de la bordure sud de la Montagne de Lure. Synthetical stratigraphical log for the amber sites from the southern rim of the Montagne de Lure.

sommet de buttes, livrent de rares fossiles qui datent l’extrême sommet du Vraconien : Scaphites meriani. Au-dessus se développe la puissante série de marnes noires cénomaniennes ayant livré quelques petits morceaux d’ambre. De même, c’est d’horizons semblables plus méridionaux que provient l’ambre de Revest-des-Brousses (échantillon Revest). Là, les marnes noires et calcaires gréseux qui alternent régulièrement, ont livré dans le milieu de la série plusieurs nodules d’ambre (Fig. 2). De plus, au voisinage de ce niveau,

ont été découvertes deux grandes ammonites : Puzozia aff. mayoriana d’Orb. (Fig. 3(7)). Le musée de Pierrevert permet d’observer un de ces individus (macroconque) de près de 60 cm de diamètre : la striation très fine des costules de l’échantillon distingue ce dernier de l’échantillon type, issu du banc de Cassis d’âge Cénomanien inférieur (Fabre, 1940). On peut y observer aussi un nodule d’ambre, de près de 10 cm de diamètre, plus gros que les petits fragments que nous avons retrouvés nous même en place dans la couche géologique.

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

93

Fig. 3. Ambre et fossiles marins du site de Revest-des-Brousses (Alpes-de-Haute-Provence) : 1, 2. Ichthyosarcolithes triangularis. 3. Exogyra columba. 4. Orbitolina concava. 5. Acanthoceras rhotomagense. 6. Calycoceras sp. 7. Puzozia aff. mayoriana. 8. Mantelliceras cf. saxii. 9. Ambre. Amber and marine fossils from the Revest-des-Brousses site (Alpes-de-Haute-Provence): 1, 2. Ichthyosarcolithes triangularis. 3. Exogyra columba. 4. Orbitolina concava. 5. Acanthoceras rhotomagense. 6. Calycoceras sp. 7. Puzozia aff. mayoriana. 8. Mantelliceras cf. saxii. 9. Amber.

94

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

Au-dessus, la série rythmique se poursuit avec des marnes noires et des grès qui ont livré inocérames et ammonites dont Mantelliceras cf. saxii (Fig. 3(8)), marquant le Cénomanien inférieur (Monnet et Bucher, 2002). Dans la partie moyenne de la formation géologique de Revest-des-Brousses, nous avons pu recueillir dans les grès : Acanthoceras rhotomagense et Orbitolina concava (Fig. 3(4)), marquant le Cénomanien moyen. Dans la partie sommitale, à Saint-Laurent, les grès livrent en abondance des huîtres à tests silicifiés : Exogyra columba (Fig. 3(3)). Ces grès, attribués anciennement au Cénomanien supérieur, sont d’âge Cénomanien moyen sur la base des faunes à ammonites découvertes (Thomel, 1992). Nous y avons trouvé également quelques brachiopodes (Rhynchonelles), des lamellibranches et des gastéropodes. Entre Revest-des-Brousses et Vachères, les derniers bancs de calcaire gréseux à Exogyra columba, ont livré de nombreux fragments de Rudistes (Ichthyosarcolites) (Fig. 3(1, 2)) témoignant de l’extension maximale, au Cénomanien moyen, de la plate-forme récifale provençale vers le Bassin vocontien la bordant vers le nord. À Saint-Étienne-les-Orgues, les marnes et bancs gréseux du Cénomanien inférieur qui surmontent les grès du Vraconien, contiennent une faune abondante avec des inocérames et de nombreuses ammonites, dont Calycoceras et Turrilites. De marnes noires azoïques, proviennent quelques fragments d’ambre collectés dans les ravines de Saint-Étienne-les-Orgues (échantillon SELO). Ces couches du Cénomanien inférieur sont directement coiffées par une formation discordante d’âge tertiaire, constituée de marnes bariolées et de poudingues torrentiels (Eocène) surmontés de calcaires lacustres oligocènes.

surmontés dans ce secteur par du Cénomanien supérieur, voire du Turonien. 2.5. Les autres ambres (Santonien) du Sud-Est de la France Le site de l’ambre de La Mède a été précédemment étudié sous les angles géologique et sédimentologique (Guiliano et al., 2006). Le site à ambre de Piolenc a fait l’objet d’études géologique, paléobotanique, taphonomique et paléoclimatologique (Gomez et al., 2003). 3. Matériel et méthodes Les analyses ont été réalisées au moyen d’un spectromètre IRTF Nexus (Thermo Electron) en utilisant l’accessoire Smart Orbit conformément à la méthode précédemment mise au point (Guiliano et al., 2007). Cet accessoire permet l’acquisition spectrale suivant le principe de la ATR, le cristal étant en diamant. Les spectres obtenus sont corrigés (correction ATR du logiciel OMNICTM) pour tenir compte de la variation de profondeur de pénétration dans l’échantillon du faisceau infrarouge incident. Les conditions expérimentales sont les suivantes : nombre d’accumulations : 64 ; résolution : 4 cm 1 ; domaine spectral : 4000–450 cm 1. Des techniques de déconvolutions spectrales ont été utilisées pour améliorer la résolution de certaines régions spectrales (self-Fourier deconvolution du logiciel OMNICTM). Pour chacun des ambres, cinq spectres, au minimum, ont été enregistrés, correspondant à cinq prélèvements différents. 4. Analyse par spectroscopie IRTF

2.4. Les sites d’ambres orientaux et la couverture cénomanienne Plus à l’est, le Cénomanien inférieur plus développé est représenté par environ 300 m d’une alternance de marnes bleutées et de calcaires sableux livrant une faune abondante : Inoceramus crippsi et de nombreuses ammonites dont Hyphoplites falcatus, Mantelliceras Couloni et Sloenbachia varians. Le Cénomanien moyen au Sud de Cruis forme une cuesta, épaisse d’une centaine de mètres, constituée de calcaires finement sableux et glauconieux directement surmontés, en discordance, par l’Oligocène. À Château-Arnoux, le Cénomanien moyen est daté par Acanthoceras rotomagense et Turrilites costatus. Une dilatation importante de l’Albien et du Cénomanien peut s’observer vers le nord à Bevon et à Aubignosc et vers l’Est dans la région de Salignac. Les nodules d’ambre d’Aubignosc (échantillon Aubignosc) ont été trouvés dans la partie médiane de la série constituée de bancs de grès qui alternent avec des marnes noirâtres et qui ont été attribués au Cénomanien inférieur. Cette même formation est très développée à Salignac, et c’est d’un niveau marno-gréseux noir comparable que proviennent les nodules analysés (échantillon Salignac) que nous n’avons pas retrouvés nous-mêmes en place mais qui s’observent sous les niveaux gréseux du Cénomanien moyen à Acanthoceras,

L’intérêt de la spectroscopie IRTF pour l’analyse d’ambres a été clairement mis en évidence par de précédentes études, en particulier celles concernant les ambres du Sud-Est de la France (Guiliano et al., 2006, 2007 et références citées dans ces articles). L’attribution des principales bandes des spectres IRTF a été précédemment donnée et discutée (Trevisani et al., 2005 ; Guiliano et al., 2006, 2007 et références citées dans ces articles). Les spectres IRTF des différents ambres de la Montagne de Lure sont présentés dans la Fig. 4 et sont caractéristiques des résines fossiles. Une comparaison entre les spectres IRTF des ambres du Santonien du Sud-Est de la France (La Mède, Piolenc) précédemment étudiés (Guiliano et al., 2006, 2007) et des ambres de l’Albo-Cénomanien de Lure est donnée dans la Fig. 5. 4.1. Groupements exométhylènes Aucun des échantillons des cinq ambres de Lure étudiés dans ce travail ne présente dans son spectre IRTF (Fig. 4) les trois bandes à 3078, 1644 et 887 cm 1 caractéristiques des groupements CH2 exocycliques (Guiliano et al., 2006, 2007). Ces motifs exométhylènes, retrouvés dans les diverses structures (acides communiques, oziques et zanzibariques) qui composent le polymère des ambres, s’isomérisent

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

95

les ambres de Lure se différencient de ceux de La Mède (Bouches-du-Rhône) et de Piolenc (Vaucluse) qui présentent toujours une bande bien visible (plus intense pour l’ambre de La Mède) à 887 cm 1 (Fig. 5). Les ambres de Lure (AlboCénomanien) possèdent donc une maturité supérieure à celles de La Mède et de Piolenc (Santonien), conformément à leurs origines plus anciennes. 4.2. Groupements carbonyles

Fig. 4. Spectres IRTF entre 4000 et 600 cm 1 des ambres de Lure : 1. SELO. 2. Aubignosc. 3. Revest. 4. Ongles. 5. Salignac (la région spectrale supprimée correspond à la zone d’absorption du cristal en diamant). IRTF spectra for the Montagne de Lure ambers for the 4000–600 cm 1 interval (the removed part of the spectrum is the absorption zone of the diamond cristal): 1. SELO. 2. Aubignosc. 3. Revest. 4. Ongles. 5. Salignac.

Dans la région des vibrations des groupements carbonyles, des différences sont également observées entre les ambres de Lure et les autres ambres du Sud-Est de la France. Les ambres de La Mède et de Piolenc présentent (après déconvolution spectrale) une bande prédominante à 1695 cm 1 (acide carboxylique) et des maximums secondaires à 1710 cm 1 (acide carboxylique), 1720 cm 1 (cétone) et 1735 cm 1 (ester). Ceux de Lure montrent seulement deux bandes principales : l’une, la plus intense, entre 1700 et 1708 cm 1, l’autre entre 1715 et 1723 cm 1. On ne retrouve plus, comme dans le cas des ambres de La Mède et de Piolenc, des bandes carboxyliques à 1695 cm 1 et ester à 1735 cm 1. Il apparaît donc que des différences dans la nature des groupements fonctionnels oxygénés existent entre les deux groupes d’ambres. Il faut noter que ces différentes bandes « carbonyle », difficiles à distinguer sur les spectres bruts (Fig. 4 et 5) sont clairement mises en évidence par des techniques de déconvolutions spectrales. 4.3. Autres groupements oxygénés

Fig. 5. Comparaison des spectres IRTF entre 4000 et 600 cm 1 des ambres du Santonien de La Mède (1), de Piolenc (2) et des ambres de l’Albo-Cénomanien de Lure Aubignosc (3) et Revest (4) (la région spectrale supprimée correspond à la zone d’absorption du cristal en diamant). Comparison of IRTF spectra for the 4000–600 cm 1 interval (the removed part of the spectrum is the absorption zone of the diamond cristal) for the ambers from the Santonian of La Mède (1) and Piolenc (2), and for the ambers from the Albo-Cenomanian of the Montagne de Lure at Aubignosc (3) and Revest-desBrousses (4).

progressivement lors de leur maturation pour former des isomères thermodynamiquement plus stables (Anderson et al., 1992). L’intensité de ces trois bandes et en particulier celle de la bande à 887 cm 1, la plus intense (vibration de déformation hors du plan des liaisons CH éthylénique) est considérée comme un indicateur de la maturité des résines fossiles (Anderson et al., 1992 ; Guiliano et al., 2006 et références citées dans cet article). L’absence des bandes « exométhylènes » dans les spectres IRTF des ambres de Lure est en accord avec les précédents travaux concernant les ambres du Crétacé (Guiliano et al., 2006 ; Chaler et Grimalt, 2005). En revanche, dans le cadre géologique des ambres crétacés du Sud-Est de la France,

La bande large vers 3450 cm 1 est attribuable aux vibrations de valence des liaisons OH (groupements alcool et acide carboxylique). Dans la technique ATR-diamant (absence de KBr hygroscopique), l’intensité de ces bandes vers 3450 cm 1 reflète donc bien la teneur réelle en groupements OH des résines fossiles. Les Fig. 4 et 5 montrent clairement que les ambres de Lure possèdent plus de groupements OH que les ambres provençales du Santonien (La Mède et Piolenc). La région 1250–950 cm 1 est la zone où apparaissent les bandes d’absorption dues aux simples liaisons C-O. Elle est très difficile à interpréter de façon précise et présente de nombreuses variations entre les résines fossiles. Les résines de Lure montrent principalement cinq absorptions dans cette région à 1227, 1157, 1093, 1030 et 975 cm 1 et se distinguent nettement des autres ambres du Sud-Est de la France (Fig. 5). Le massif composant cette région apparaît plus intense dans les spectres des ambres de Lure (Fig. 5, spectres 3 et 4), sans doute en raison de teneurs plus importantes en fonctions de type alcool. Cela est en accord avec l’intensité plus importante de la bande à 3450 cm 1 dans le cas des ambres de Lure (Fig. 5, spectres 3 et 4) comparativement aux ambres de La Mède et de Piolenc (Fig. 5, spectres 1 et 2). Ces dernières sont en revanche plus riches en groupements carboxyliques (présence de bandes carboxyliques prédominantes à 1695 cm 1) qui donnent lieu à des bandes OH plus complexes et plus « étalées » entre 3500 et 2700 cm 1 (Fig. 5).

96

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

4.4. Aliphaticité

5. Discussion et conclusions

Les bandes entre 3000 et 2800 cm 1 dues aux vibrations de valence des groupements alkyle et celles vers 1450 et 1380 cm 1, attribuables aux vibrations de déformation dans le plan de ces mêmes groupements, présentent ici le profil caractéristique des résines fossiles (Fig. 4 et 5).

5.1. Fossiles continentaux dans l’Albien supérieur marin de la Montagne de Lure (Fig. 6)

4.5. « Profil balte » Le « profil balte » entre 1250 et 1110 cm 1, comportant une bande bien marquée à 1157 cm 1 et un épaulement quasiment horizontal entre 1260 et 1190 cm 1 (Guiliano et al., 2006), est caractéristique des ambres tertiaires de la mer Baltique (Beck, 1986). Il n’est pas observé pour les ambres de Lure ni pour les autres ambres du Sud-Est de la France. Cette absence montre une différence fondamentale de structure moléculaire entre les ambres baltes et les ambres du Sud-Est de la France, ce qui implique pour ces derniers un taux faible, voire l’absence d’esters d’acide succinique (substances responsables du « profil balte »).

L’existence d’ambre dans une série marine relativement profonde à céphalopodes peut paraître surprenante. Cependant, la présence de végétaux et de vertébrés sédimentés dans la série marine après flottation avait déjà été observée dans la série apto-albienne sur la bordure sud du Bassin vocontien, contre le haut-fond de la zone Ventoux-Montagne de Lure et interprétée comme prouvant l’existence d’un continent voisin couvert d’un paysage boisé (Accarie et al., 1995). De plus des végétaux existent aussi, plus à l’est, dans les séries bordant l’arc de Castellane et enfin au Sud en bordure du golfe marin provençal (Cotillon et Lemoigne, 1967a, 1967b). Dans la bordure nord de la Montagne de Lure, à Bevons au sud-est de Sisteron, dans des faciès argilo-sableux apto-albiens de plate-forme en partie turbiditiques, témoignant d’une bathymétrie de 500 m de profondeur, ont été découverts des os en connexion d’un Théropode Cératosaure

Fig. 6. Carte des sites à témoins continentaux fossilisés en zone marine à l’Albien (modifié d’après Baudrimont et Dubois, 1977). Distribution of the sites with terrestrial fossils within Albian marine sediments (from Baudrimont and Dubois, 1977, modified).

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

97

(Genusaurus sisteronensis), trouvés dans une accumulation d’huitres (Curvostrea sp. aff. rouvillei) avec quelques bois silicifiés homoxylés à rayons unisériés (coniphérophytes) (Accarie et al., 1995). Tout indique que l’animal transporté par flottation fut enfoui « postmortem ». Les auteurs ont conclu à un paléoenvironnement tempéré chaud plutôt humide, ce dont témoigne l’abondance de spores de Ptéridophytes qui appartiennent aux Filicales. Les pollens de Coniférophytes ont été attribués à des Araucariacées (Araucariacites australis), Cheirolepidaceae (Classopolis), Pinaceae (Alisporites) et Podocarpaceae (Podocarpidites). Aucune espèce de type angiosperme n’existait dans cette végétation. Il faut rappeler que plus à l’ouest, sur les flancs du Mont Ventoux, Gervais (1859) avait signalé la présence d’un gros os de reptile géant (dinosaure), découvert dans des sables verts à Bédoin, qu’il nomma Aepisaurus elephantinus. Ce sauropode, d’âge albien, était un animal contemporain du Genusaurus, ainsi probablement qu’un autre animal, signalé dans la région de Mondragon et dont les restes sont aujourd’hui malheureusement perdus. Sur le pourtour de l’arc de Castellane (Fig. 6), des recherches (Cotillon et Lemoigne, 1967a, 1967b) ont montré la présence de restes végétaux dans l’Albien à Escragnolles, Blieux, Hyèges et Chabrières. Dans un site localisé à 3 km au nordouest d’Escragnolles, au-dessus des calcaires blanchâtres du Barrémien dont le toit est une surface durcie à nodules phosphatés, ce sont des marnes glauconieuses et sableuses noires (datées de l’Albien moyen par Dipoloceras spinulosum) qui ont livré des morceaux de bois flottés. Les fragments de bois analysés présentaient tous une structure typiquement araucarienne et furent nommés par les auteurs Dadoxylon cf. Araucarioxylon (Cotillon et Lemoigne, 1967b). Récemment, de l’ambre a été découvert dans ces niveaux gréso-glauconieux de l’Albien d’Escragnolles par un collectionneur amateur. C’est ensuite au nord et au nord-ouest de Chabrières, à la périphérie du dôme jurassique de Châteauredon, entaillé en cluse par la vallée de l’Asse, que furent découverts des restes végétaux dans la série marine albienne. Au-dessus des calcaires barrémiens, une formation marno-sableuse et glauconieuse de près de 10 m a livré dans sa partie supérieure des restes végétaux associés à des nodules phosphatés et à des débris d’ammonites remaniées dont de grosses Puzozia : P. aff. mayoriana d’Orb. (Cotillon et Lemoigne, 1967a). En Basse-Provence, dans les marnes grises de l’Albien supérieur en bordure de la Reppe, non loin de Sainte-Anned’Evenos (synclinal du Beausset) (Fig. 6) ont aussi été découverts des fragments de bois fossiles flottés associés à des sédiments marins où abondaient les organismes pélagiques. Parmi les végétaux, les auteurs ont identifié deux structures homoxylées de Coniférales (Cheirolepidiaceae) : Brachyoxylon brachyphylloides et Brachyoxylon sp. (Machhour et Pons, 1992).

L’aboutissement final du jeu tectonique est la surrection, à l’emplacement de la Durance, de « l’Isthme Durancien » (Fig. 6), vaste zone émergée, d’orientation est-ouest, reliant l’ancien haut-fond du Verdon au haut-fond Languedocien (Baudrimont et Dubois, 1977). Masse et Philip (1976) ont montré que cette zone émergée sur laquelle se formait la bauxite constituait la ride principale d’un système plus complexe comportant entre autres la ride gargasienne de la Montagne de Ventoux-Lure. Ce bombement durancien (Masse et Philip, 1976 ; Philip, 1984) formait une barrière qui isolait, durant l’Albien, le golfe marin du Bassin sud provençal de la mer Alpine vocontienne. Sur ces terres émergées, un couvert végétal important constitué par une végétation subtropicale était soumis à un climat chaud et à une pluviosité irrégulière et contrastée, attestés dans les sédiments par la présence d’argiles de type smectite (Machhour et Pons, 1992). Ce n’est qu’à partir du Vraconien que le climat devient plus hydrolysant, entraînant la disparition des pollens de conifères (Classopollis) et l’apparition d’argiles fibreuses (Machhour et Pons, 1992). La présence de nombreux bois de gymnospermes, de végétaux flottés, de nodules d’ambres et de restes de sauriens dans les formations géologiques du Mont Ventoux, de la Montagne de Lure, de l’Arc de Castellane et du Massif du Beausset, témoignent de la présence de grandes aires continentales proches. Les aires de provenance envisagées ont été multiples : Massif central pour les sites bordant la mer vocontienne et continent méridional Pyrénéo-Corso-Sarde, sur l’emplacement actuel du Massif des Maures-Estérel, pour les sites alpins et varois (Machhour et Pons, 1992). Tous ces bois, végétaux, ambres et restes de sauriens paraissent jalonner, à plus ou moins grande distance, les paléo-rivages d’anciennes terres émergées rhodano-provençales albiennes et semblent résulter de l’accumulation de restes organiques flottés, entraînés par des courants marins lesquels étaient amortis par des chapelets d’îles et de hauts-fonds, et sédimentés dans des séries marines pour ce qui est des sites bordant le Mont Ventoux et la Montagne de Lure. Cette zone de « Ventoux-Lure », constituant le domaine nord de la plate-forme provençale au contact du Bassin vocontien, a été le siège d’une déformation intense méso-crétacée s’échelonnant du Barrémien à l’Aptien et définitivement scellée au Cénomanien (Hibsch et al., 1992 ; Cotillon et al., 2008). Cette déformation a conduit à la surrection de la partie nord-ouest de la plate-forme (lacune de l’Aptien à l’Albien inférieur). L’ouverture des fossés et les jeux d’accidents bordiers ont entraîné l’écoulement, du Sud vers le Nord, des sédiments terrigènes albiens (Montenat et al., 2004). C’est dans ce contexte tectonique actif du Bassin de Forcalquier qu’ont été constitués les sites anecdotiques d’ambre de la Montagne de Lure.

5.2. Le bombement durancien à l’Albien

Très tôt le problème de la communication de la mer alpine et du golfe provençal a été envisagé. Déjà, de Lapparent (1906) voyait une communication par l’emplacement actuel de la vallée du Rhône. Jacob (1903) découvrit une faune très

À l’Urgonien, l’évolution des phénomènes structuraux conduit à la fermeture du Bassin marin établi depuis le Lias.

5.3. La communication du golfe provençal et de la mer alpine

98

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99

abondante de rudistes Ichthyosarcolites dans un affleurement cénomanien au nord-ouest du Bassin de Forcalquier, au Mont Saint-Laurent près de Vachères. Il pensait que la faune chaude récifale du Sud (Basse-Provence) pouvait ainsi arriver dans la mer subalpine. La limite extrême vers le nord des Orbitolines méridionales se situe dans la vallée de la Durance (gare de Peyruis-Les Mées, au sud de Sisteron) d’après Gignoux (1936). Dans la moyenne et la basse vallée du Rhône, le Cénomanien est surtout représenté par des grès intercalés de couches de lignites qui ont été autrefois exploitées (Mondragon, SaintPaulet, Uchaux). Des études postérieures ont montré que ces lignites sont souvent d’âge santonien, comme à Saint-Micheld’Euzet (Onoratini et Azema, 1973) et à Piolenc (Gomez et al., 2003). Déjà Répelin (1902) avait constaté que les faciès cénomaniens saumâtres de la Provence, de l’Aude et d’Uchaux (rive gauche du Rhône) étaient identiques, tandis que ceux de la Dordogne et de la rive droite du Rhône étaient de type « bordure du massif central », c’est-à-dire caractérisés par l’adjonction d’une faune d’eau douce et l’absence de glauconies. Il admettait alors que les régions situées sur la rive droite du Rhône correspondaient à une zone déprimée et communiquaient avec les lagunes de l’Aquitaine, alors que celles de la rive gauche étaient sous influence provençale. Les faunes à rudistes et orbitolines que nous avons retrouvées au toit des marnes et grès à ambre albien de Revest-des-Brousses permettent de confirmer l’hypothèse de Jacob (1903) ; elles montrent, grâce aux témoins de remplissages conservés dans les fossés effondrés de BanonVachères, à l’emplacement du haut-fond de la Montagne de Lure, que cette communication entre le golfe de Provence et la mer subalpine était bien établie entre le Cénomanien inférieur et le Cénomanien moyen. C’est au Cénomanien supérieur que ce secteur sera totalement émergé. 5.4. Les ambres Les ambres de l’Albo-Cénomanien de la Montagne de Lure apparaissent plus matures que les autres ambres (Santonien) du Sud-Est de la France, comme l’atteste l’absence des bandes à 887 cm 1 indiquant une perte de motifs exométhylènes (Fig. 4). Cela est en accord avec leurs origines plus anciennes. Il est généralement admis dans la littérature (Guiliano et al., 2006 et références citées dans cet article) que les ambres du Crétacé ne possèdent plus dans leurs spectres la bande à 887 cm 1 indiquant la formation complète des isomères thermodynamiquement les plus stables ; il semblerait donc, au vu de cette étude, que cette limite se situe au niveau du Cénomanien. La maturité plus importante de l’ambre de Piolenc par rapport à celle de l’ambre de La Mède (bande à 887 cm 1 plus intense dans le spectre IRTF, Fig. 5) peut s’expliquer par le fait que la résine de Piolenc a subi une évolution plus importante en milieu aérien sans retour à la mer, comme l’atteste le contexte sédimentaire (forte épaisseur de lignites), tandis que l’ambre de La Mède, situé en zone récifale interne, a vu son évolution bloquée par la brusque réapparition de la plate-forme à rudistes, mettant un terme à l’évolution marécageuse normale de la

matière organique et entraînant le blocage de l’évolution des végétaux en lignite. D’autres différences structurales ont été mises en évidence par spectroscopie IRTF entre les deux groupes stratigraphiques d’ambres : les ambres de Lure (Albo-Cénomanien) apparaissent riches en fonctions alcool tandis que les ambres de La Mède et Piolenc (Santonien), pauvres en groupements alcool, montrent principalement des fonctions acides carboxyliques. Il est intéressant de remarquer qu’entre les ambres de l’AlboCénomanien (Lure) et les ambres du Santonien (Piolenc et La Mède) s’est produit un phénomène botanique important : l’explosion des angiospermes à côté du groupe de végétaux plus archaïque des gymnospermes. Les différences observées dans les spectres IRTF pourraient en partie s’expliquer par la nature différente des arbres producteurs de résine. En effet les arbres producteurs de résine fossile identifiés à Piolenc sont très variés avec gymnospermes, cycadales, gennettitales mais avec surtout des angiospermes (Gomez et al., 2003), ce qui n’est pas le cas dans les sites plus anciens de la Montagne de Lure. Si à La Mède, il n’a pas été possible d’identifier les taxons associés à l’ambre, des travaux paléobotaniques anciens (Laurent, 1932), réalisés dans les séries argilo-détritiques du Turonien supérieur au Coniacien, montrent qu’existaient déjà, à cette période, de nombreux angiospermes, dont des légumineuses, susceptibles, en plus des gymnospermes, d’avoir participé à la formation de ces résines fossiles (Guiliano et al., 2006). Cette analyse d’ambres par spectroscopie IRTF a montré également que les ambres du Sud-Est de la France (AlboCénomanien et Santonien) se distinguaient aisément des ambres de la mer Baltique. La différence structurale se situe principalement au niveau des motifs de type ester succinique, très abondants dans les ambres baltes et donnant lieu à un profil spectroscopique caractéristique. Ce profil (ou son absence), ainsi que l’empreinte générale du spectre peuvent donc être utilisés pour déterminer l’origine, balte ou locale, d’ambres archéologiques comme cela a déjà été fait pour le Sud-Est de la France (du Gardin, 1996 ; Guiliano et al., 2007). Remerciements Nous remercions tout particulièrement pour leur aide MM. C. Devalque (Piolenc), J.-C. Cordero (La Mède), P. Issartier (Ongles), J.-P. Lavigne (La Pomme), M. Martel (Salignac), D. Roggero (Salignac, Aubignosc, Ensuès-la-Redonne) et Mme A. Adam (Revest-des-Brousses, Saint-Étienne-lesOrgues) qui nous ont permis de découvrir les différents échantillons d’ambres étudiés. Nous remercions également M. Bresson pour son aide efficace lors des prélèvements. Références Accarie, H., Beaudouin, B., Dejax, J., Friès, G., Michard, J.G., Taquet, P., 1995. Découverte d’un dinosaure Théropode nouveau (Genusaurus sisteronis) dans l’Albien marin de Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence, France) et extension au Crétacé inférieur de la lignée cératosaurienne. Comptes Rendus de l’Académie des Sciences de Paris 320, 327–334.

G. Onoratini et al. / Geobios 42 (2009) 89–99 Anderson, K.B., Winans, R.E., Botto, R.E., 1992. The nature and fate of natural resins in the geosphere. II. Identification, classification and nomenclature of resinites. Organic Geochemistry 18, 829–841. Baudrimont, A.F., Dubois, P., 1977. Un Bassin mésogéen du domaine périalpin : le Sud-Est de la France. Bulletin des centres de recherches exploration– production Elf-Aquitaine 1, 261–308. Beck, C.W., 1986. Spectroscopic investigations of ambers. Applied Spectroscopy Reviews 22, 57–110. Beck, C.W., Liu, T., 1976. La grotte du Hasard à Tharaux (Gard). II. Origine de l’ambre des grottes du Hasard et du Prevel. Gallia Préhistoire 19, 201–207. Beck, C.W., Wilbur, E., Meret, S., 1964. Infrared spectra and the origin of amber. Nature 201, 256–257. Bonnemère, L., 1886. L’ambre dans le département des Basses-Alpes. Bulletin de la Société d’Anthropologie de Paris 9, 122–123. Brongniart, A., 1823. Des lignites. Dictionnaire Sciences Naturelles 26, p. 375. Buddhue, J.D., 1938. Some new carbon minerals-kansanite described. The Mineralogist 6, 20–28. Cessac, P.de, 1874. L’ambre en France aux temps préhistoriques. Ambre noir (jayet) ambre jaune (succin). Bulletin Monumental 40, 347–373. Chaler, R., Grimalt, J.O., 2005. Fingerprinting of Cretaceous higher plant resins by infrared spectroscopy and gas chromatography coupled to mass spectrometry. Phytochemical Analysis 16, 446–450. Cotillon, P., Lemoigne, Y., 1967a. Présence du genre Taxodioxylon dans l’Albien de la région de Chabrières (Basses-Alpes). Bulletin de la Société linnéenne de Lyon 36, 390–393. Cotillon, P., Lemoigne, Y., 1967b. Le gisement Albien d’Escragnolles (AlpesMaritimes). Bulletin de la Société linnéenne de Lyon 3, 118–121. Cotillon, P. et al., 2008. Notice de la carte à 1/50000, Sisteron. Sous presse. Fabre, S., 1940. Le Crétacé supérieur de la Basse Provence Occidentale, Cénomanien et Turonien. Thèse de Doctorat d’État de l’université d’Aix-Marseille, Éditions Imprimerie Marseillaise. Gardin, C. du, 1996. L’ambre en France au Bronze ancien : données nouvelles. In : Mordant, C., Gaiffe, O. (Eds.), Cultures et Sociétés du Bronze ancien en Europe. Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, pp. 189–195. Gervais, P., 1859. Zoologie et Paléontologie françaises, 2e édition. Éditions Arthus Bertrand, Paris. Gignoux, M., 1936. Géologie stratigraphique, 2e édition. Éditions Masson, Paris. Gomez, B., Barale, G., Saad, D., Perrichot, V., 2003. Santonian Angiospermdominated leaf assemblage from Piolenc (Vaucluse, Sud-Est de la France). Comptes Rendus Palevol 2, 197–204. Guiliano, M., Asia, L., Onoratini, G., Mille, G., 2007. Applications of diamond crystal ATR FTIR spectroscopy to the characterization of ambers. Spectrochimica Acta 67, 1407–1411. Guiliano, M., Mille, G., Onoratini, G., Simon, P., 2006. Présence d’ambre dans le Crétacé supérieur (Santonien) de La Mède à Martigues (Sud-Est de la France) ; caractérisation IRTF. Comptes Rendus Palevol 5, 851–858. Hibsch, C., Kandel, D., Montenat, C., Ott d’Estevou, P., 1992. Évènements tectoniques crétacés dans la partie méridionale du Bassin sub-alpin (massif Ventoux-Lure et partie orientale de l’arc de Castellane, SE France) ; implications géodynamiques. Bulletin de la Société géologique de France 163, 147–158. Jacob, C., 1903. Sur un gisement cénomanien à faune du Maine dans les BassesAlpes et sur sa signification. Annales de l’université de Grenoble 15, p607. Lacroix, A., 1910. Résines fossiles. In: Lacroix, A. (Ed.), Minéralogie de la France et de ses colonies, 4. Librairie polytechnique, Paris, pp. 637–645. Lacroix, A., 1977. Hydrocarbures oxygénés – Groupe des résines fossiles. In: Lacroix, A. (Ed.), Minéralogie de la France et de ses anciens territoires d’Outre-mer, 4. Librairie du Muséum, Paris. Lapparent, A.F.de, 1906. Traité de Géologie, 5e édition, 3. Éditions Masson et Cie, Paris.

99

Laurent, L., 1932. Les Bouches-du-Rhône. Les Origines. Encyclopédie départementale, tome 1, pp. 339–391. Lavoisier, A.C., 1765. Sur des morceaux de succin ou ambre jaune qui se trouvent dans une fouille des environs de Dangu. Archives de l’Académie des Sciences 334B, 287–289. Machhour, L., Pons, D., 1992. Bois de coniférales dans l’Albien du synclinal du Beausset (Var, SE France). Signification paléogéographique et paléoclimatique. Geobios 25, 81–193. Masse, J.-P., Philip, J., 1976. Paléogéographie et tectonique du Crétacé moyen de Provence : révision du concept d’Isthme durancien. Revue de Géographie physique et Géologie Dynamique 18, 49–66. Monnet, C., Bucher, H., 2002. Cenomanian (early late Cretaceous). Ammonoid faunas of western Europe. Part 1: Biochronology (Unitary associations) and diachronism of datums. Eclogae Geologicae Helvetiae 95, 57–73. Montenat, C., Janin, M.C., Barrier, P., 2004. L’accident du Toulourenc : une limite tectonique entre la plate-forme provençale et le Bassin vocontien à l’Aptien-Albien (SE France). Comptes Rendus Géosciences 336, 1301– 1310. Nel, A., De Ploëg, G., Menier, J.-J., Waller, A., 2004. The French ambers: a general conspectus and the lowermost Eocene amber deposit of Le Quesnoy in the Paris Basin. Geologica Acta 2, 3–8. Néraudeau, D., Allain, R., Perrichot, V., Videt, B., de Lapparent de Broin, F., Guillocheau, F., Philippe, M., Rage, J.-C., Vullo, R., 2003. Découverte d’un dépôt paralique à bois fossiles, ambre insectifère et restes d’Iguanodontidae (Dinosauria, Ornithopoda) dans le Cénomanien inférieur de Fouras (Charente-Maritime, Sud-Ouest de la France). Comptes Rendus Palevol 2, 221–230. Néraudeau, D., Perrichot, V., Dejax, J., Masure, E., Nel, A., Philippe, M., Moreau, P., Guillocheau, F., Guyot, T., 2002. Un nouveau gisement à ambre insectifère et à végétaux (Albien terminal probable) : Archingeay (Charente-Maritime, France). Geobios 35, 233–240. Néraudeau, D., Vullo, R., Gomez, B., Perrichot, V., Videt, B., 2005. Stratigraphie et paléontologie (plantes, vertébrés) de la série paralique Albien terminal–Cénomanien basal de Tonnay-Charente (Charente-Maritime, France). Comptes Rendus Palevol 4, 79–93. Nguyen Duy-Jacquemin, M., Azar, D., 2004. The oldest records of Polyxenida (Myriapoda, Diplopoda): new discoveries from Cretaceous ambers of Lebanon and France. Geodiversitas 28, 631–641. Onoratini, G., Azema, C., 1973. Une Palynoflore du Santonien inférieur dans le Gard. Considérations sur la structure de grains de pollens de Normapolles. Revue de Micropaléontologie 16, 214–222. Perrichot, V., Nel, A., Guilbert, E., Néraudeau, D., 2006. Fossil Tingoidea (Heteroptera: Cimicomorpha) from French Cretaceous amber, including Tingidae and a new family. Ebboidae. Zootaxa 1203, 57–68. Perrichot, V., Néraudeau, D., Nel, A., de Ploëg, G., 2007. A reassessment of the Cretaceous amber deposits from France and their palaeontological significance. African Invertebrates 48, 213–227. Philip, J., 1984. Tectonique méso-crétacée en Provence. Synthèse géologique du Sud-Est. Memoire du Bureau de recherches géologiques et minières 125, 384–386. Répelin, J., 1902. Description des faunes et des gisements du Cénomanien saumâtre ou d’eau douce du Midi de la France. Annales du musée d’histoire naturelle de Marseille 7, p. 112. Savkevitch, S.S., Popkova, T.N., 1978. Données nouvelles dans l’étude minéralogique de résines fossiles de France. Bulletin de Minéralogie 101, 442–447. Thomel, G., 1992. Ammonites du Cénomanien et du Turonien du Sud-Est de la France. Tome 1. Éditions Serre, Nice. Trevisani, E., Papazzoni, C.A., Ragazzi, E., Roghi, G., 2005. Early Eocene amber from the ‘‘Pesciara di Bolca’’ (Lessini Mountains, Northern Italy). Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 223, 260–274.