L’angiomammographie en pratique clinique en 2013

L’angiomammographie en pratique clinique en 2013

Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2014) 95, 250—263 MISE AU POINT / Sénologie L’angiomammographie en pratique clinique en 201...

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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2014) 95, 250—263

MISE AU POINT / Sénologie

L’angiomammographie en pratique clinique en 2013夽 S. Badr a,∗,c, N. Laurent a,b,c, C. Régis a, L. Boulanger a,c, S. Lemaille a, E. Poncelet a,b,c a

Centre d’imagerie de la femme, centre hospitalier d’Armentières, 112, rue Sadi-Carnot, 59280 Armentières, France b Service d’imagerie de la femme, centre hospitalier de Valenciennes, avenue Désandrouin, 59300 Valenciennes, France c Service d’imagerie de la femme, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59000 Lille, France

MOTS CLÉS Angiomammographie ; Cancer du sein ; Diagnostic ; Mammographie ; IRM

Résumé L’analyse de la vascularisation des lésions mammaires se fait principalement par l’IRM à l’heure actuelle. Son accessibilité parfois limitée a conduit au développement de nouvelles modalités d’imagerie, comme l’angiomammographie. L’angiomammographie à double-énergie permet d’acquérir des données sur la vascularisation du sein en même temps que les informations morphologiques habituelles. L’objectif de cette mise au point est de présenter cette nouvelle technique d’imagerie ainsi que la bibliographie récente, illustrée de cas cliniques issus de notre pratique quotidienne, pour mettre en avant les points forts et les limites de ce nouvel examen de sénologie. L’angiomammographie est une technique récente qui semble prometteuse dans la prise en charge des cancers du sein. Sa facilité de mise en place, la bonne tolérance observée et le confort d’interprétation des mammographies d’interprétation difficile en sont les principaux avantages. Cependant, les indications et la place de l’angiomammographie restent à préciser au sein de la stratégie diagnostique des tumeurs du sein. De nouvelles études sont attendues, notamment pour confronter l’angiomammographie à l’IRM mammaire. © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La radiologie numérique a permis l’émergence d’innovations multiples en sénologie. Jusqu’à présent, l’IRM était la principale technique utilisable en routine pour étudier le rehaussement des lésions mammaires. Cependant, les problèmes liés à l’accessibilité

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2013.10.002. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Badr). 夽

2211-5706/$ — see front matter © 2013 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2013.07.007

L’angiomammographie en pratique clinique en 2013 de l’IRM peuvent augmenter le délai de prise en charge des patientes ayant un cancer du sein. L’angiomammographie, qui est une technique d’angiographie par soustraction numérique appliquée aux seins, a été évoquée pour la première fois en 1985 dans les travaux de l’équipe d’A.C. Watt [1,2]. Cette technique d’imagerie s’est révélée intéressante pour visualiser la vascularisation des tumeurs du sein et pour s’affranchir de la densité de la glande. Ce n’est que récemment, notamment par les études cliniques menées à l’Institut Gustave-Roussy, que les premiers appareils ont été mis sur le marché [3—6]. Après un rappel technique et une revue de la littérature concernant l’angiomammographie, cet article a pour objectif de présenter différents aspects angiomammographiques pouvant être rencontrés en pratique clinique.

Mise au point technique sur l’angiomammographie L’angiomammographie repose sur le principe de soustraction numérique entre deux images : l’une contenant des informations sur la vascularisation du sein, l’autre sur sa morphologie. Le post-traitement effectué sur celles-ci permet de mettre en relief les régions « hypervascularisées » de la glande mammaire en s’affranchissant du tissu fibroglandulaire.

Angiomammographie temporelle L’aspect hypervascularisé des tumeurs malignes invasives était souligné dès les premiers travaux sur l’angiomammographie [7]. Cependant, la distinction entre lésions bénignes et malignes ne peut s’effectuer uniquement sur cet aspect. Comme en IRM, le suivi temporel du rehaussement du sein a été étudié pour mettre en évidence des profils de courbe de rehaussement (par exemple, un profil de rehaussement progressif est plus fréquemment observé pour les lésions bénignes [8,9]). Ainsi, la première méthode d’angiomammographie analysait une seule incidence spécifique, à des temps différents après injection. Le premier cliché sans injection de produit de contraste servait de masque. Les clichés opacifiés étaient ensuite soustraits numériquement au masque pour produire les images d’angiomammographie et pour ne faire

251 apparaître que les structures vascularisées. Selon les auteurs, 4 à 7 acquisitions étaient effectuées chaque 60—120 secondes (Fig. 1) [8,10—12].

Angiomammographie à double-énergie En 2003, l’équipe de J.M. Lewin évoque l’angiomammographie à double-énergie comme alternative à la méthode temporelle [13]. En se basant sur les phénomènes d’interaction entre rayons X et l’iode, il est possible de distinguer les structures vascularisées, imprégnées de produit de contraste, par un cliché de « haute énergie » (au-delà du coefficient d’atténuation de l’iode, soit Kiode = 33,2 keV) et les informations morphologiques par un cliché de « basse énergie » (en-dessous du Kiode ). La soustraction numérique de ces deux clichés permet, tout comme l’angiomammographie temporelle, de ne mettre en évidence que les structures hypervascularisées (Fig. 2a).

Intérêt et validation de l’angiomammographie par double-énergie Aucune étude n’ayant pu mettre en évidence une différence significative entre les profils de cinétique de rehaussement observés pour les lésions malignes et bénignes, l’angiomammographie temporelle a donc laissé place aux avantages de l’angiomammographie par doubleénergie [8,10]. En effet, alors que la méthode temporelle limitait l’examen à un sein et une seule incidence, l’angiomammographie par double-énergie permet d’étudier et de comparer les deux seins et ce sur de multiples incidences, avec une meilleure tolérance par les patientes. La principale étude clinique, menée par C. Dromain et al., effectuée chez 120 patientes, a comparé l’angiomammographie par double-énergie à la mammographie seule ou au couple mammographie—échographie pour la recherche de lésions malignes [4]. Ces travaux ont montré un gain significatif en sensibilité pour l’angiomammographie (93 %) par rapport à la mammographie seule (78 %), sans diminution de la spécificité (évaluée à 63 %) [4]. Dans cette étude, l’angiomammographie n’apportait pas de gain diagnostique par rapport au couple mammographie—échographie. Devant ces premiers résultats encourageants, une deuxième étude clinique a été réalisée par la même équipe, à partir de la même population pour évaluer la

Figure 1. Principe de l’angiomammographie temporelle. Selon les auteurs, 4 à 7 acquisitions sont effectuées, à un rythme d’une image toutes les 60 à 120 secondes [8,10—12].

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Figure 2. Principe technique de l’angiomammographie : a : formation d’une image en angiomammographie par double-énergie selon la méthode de soustraction numérique. Le résultat du post-traitement permet de mettre en relief les structures absorbant fortement les rayons X de haute énergie, comme les vaisseaux imprégnés de produit de contraste iodé. À noter que les images de haute énergie ne sont pas directement accessibles sur les consoles ; b : protocole d’angiomammographie par double-énergie.

complémentarité de l’angiomammographie au couple mammographie ± échographie utilisé en routine clinique [3]. Ainsi, il a été montré un gain en performance diagnostique par les 6 lecteurs (aire sous la courbe significativement supérieure avec l’aide de l’angiomammographie : 0,87 vs. 0,83, p = 0,045), ainsi qu’une meilleure détection des lésions malignes additionnelles (sensibilité : 78 % vs. 71 %, p = 0,006) sans augmentation du nombre de faux-positifs. La visibilité des lésions était similaire ou meilleure pour le couple mammographie ± angiomammographie par rapport au couple mammographie ± échographie pour au moins 80 % des cas. Une étude préliminaire récente effectuée par M.S. Jochelson a comparé l’angiomammographie par double-énergie avec l’IRM mammaire : alors que les deux techniques semblent être équivalentes en termes de détection globale des tumeurs primitives, l’IRM permettrait de mieux dépister les lésions additionnelles ipsilatérales. Cependant, la spécificité de l’angiomammographie serait plus élevée, avec une plus faible proportion de faux-positifs. Par ailleurs, la valeur prédictive positive de malignité d’une lésion se rehaussant, dans leur population, était plus

élevée en angiomammographie qu’en IRM (97 % contre 85 %, p < 0,01) [14].

Mise au point pratique sur l’angiomammographie Protocole d’examen Après installation de la patiente, 1,5 mL/kg de produit de contraste (Omnipaque® [iohexol] à une concentration en iode de 300 mg/mL) sont administrés à l’aide d’un injecteur automatique par voie intraveineuse en l’absence de contreindication. Deux minutes après l’injection, une incidence en oblique puis de face sont réalisées sur le sein « non pathologique ». Le sein controlatéral, « pathologique », est ensuite étudié en incidence de face puis en oblique. Une pause d’une minute est effectuée entre chaque cliché (Fig. 2b). Si l’angiomammographie est « normale », on peut arrêter le protocole (Fig. 3a). En cas d’anomalie, on peut compléter l’examen par des profils et/ou des clichés en compression localisée (Fig. 3b).

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Figure 3. a : angiomammographie normale (face et oblique externe gauche) : absence de rehaussement pathologique. Flèche blanche : vaisseau ; flèche noire : rehaussement matriciel diffus ; b : cliché localisé de face en mammographie standard (à gauche) et en angiomammographie (à droite) du sein gauche : rehaussement nodulaire à contours réguliers (flèche noire) non visible en mammographie standard : fibroadénome.

Principales situations rencontrées en pratique clinique Bilan d’extension d’un cancer du sein Les cancers du sein se rehaussent intensément avec des contours flous ou spiculés en angiomammographie, à la différence du reste de la glande mammaire qui ne se rehausse que peu ou pas (Fig. 4). Lorsque l’on suspecte cliniquement ou en imagerie un cancer du sein, l’angiomammographie peut être utile pour détecter les cancers multiples homo- ou controlatéraux, grâce à l’injection de produit de contraste qui permet de voir des lésions non visibles spontanément en mammographie standard (Fig. 5) [5,6].

L’angiomammographie facilite également l’étude en échographie des lésions multiples, à la fois pour mieux les détecter mais aussi pour décider plus facilement de celles qu’il faudra biopsier. Dans la principale étude de C. Dromain et al. évaluant l’efficacité de l’angiomammographie à double-énergie dans le cancer du sein chez 120 patientes, la sensibilité est plus élevée en angiomammographie (93 %) qu’en mammographie seule (78 %) (p < 0,01), sans perte de la spécificité (63 % contre 58 % en mammographie, p = 0,64) [4]. Cependant, il n’y avait pas de différence significative concernant la sensibilité et la spécificité entre l’angiomammographie et le couple mammographie—échographie mammaire (sensibilité à 90 %, p = 0,72 ; spécificité à 47 %, p = 0,08).

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Figure 4. Adénocarcinome canalaire infiltrant chez une patiente de 65 ans consultant pour une masse rétro-mamelonnaire droite avec nodules de perméation. À droite, les clichés d’angiomammographie en incidence crânio-caudale (CC) montrent un rehaussement étendu rétro-mamelonnaire droit en regard de l’anomalie clinique et de la masse suspecte sur la mammographie standard. Le sein gauche est normal.

En comparaison de l’IRM qui affiche une sensibilité entre 89 % et 96 % selon le type histologique, l’angiomammographie semble procurer le même ordre de résultats [15]. D’autres études sont cependant nécessaires afin de comparer l’IRM et l’angiomammographie. Le cas de la Fig. 6 illustre la difficulté en mammographie standard de bien évaluer les rapports de la tumeur avec le mamelon en raison d’une désorganisation architecturale dont les limites sont mal vues et de la présence d’une masse arrondie rétro-mamelonnaire, alors qu’en angiomammographie la prise de contraste permet de mieux

appréhender son extension. Elle nous rassure également dans ce cas sur l’absence de rehaussement de la masse arrondie rétro-mamelonnaire qui correspond après analyse anatomo-pathologique à une galactocèle, alors que l’échographie pouvait sembler inquiétante en raison du caractère partiellement échogène et irrégulier du contenu intra-kystique. Une des limites actuelles du bilan d’extension en angiomammographie est liée comme en IRM à la découverte de lésions non visibles en mammographie et échographie même après des examens de « second look » (Fig. 7). Chez cette

Figure 5. Angiomammographie réalisée devant un nodule du prolongement axillaire gauche décelé cliniquement. Alors que la mammographie standard (en haut à gauche) met en évidence une désorganisation architecturale dans le prolongement mammaire axillaire gauche (flèche blanche), l’angiomammographie (en haut à droite) montre de multiples prises de contraste et permet de déceler plus facilement les images suspectes en échographie (en bas) et d’orienter les biopsies.

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Figure 6. Patiente de 61 ans consultant pour une masse rétro-mamelonnaire gauche. Alors que sur les mammographies standard (à gauche, en incidence oblique [MLO]) plusieurs structures se superposent, l’angiomammographie (au centre) permet de distinguer la galactocèle (flèche blanche) et l’adénocarcinome canalaire infiltrant (flèche noire), seule structure qui se rehausse. L’échographie (à droite) met en évidence un nodule hypoéchogène (flèche noire, adénocarcinome canalaire infiltrant) et une lésion kystique à contenu mixte (flèche blanche, galactocèle).

jeune patiente qui présentait une masse suspecte ACR5 du sein droit bien visible en mammographie et dont les limites sont mieux distinguées sur le cliché de soustraction grâce à la prise de contraste du cancer, il a été découvert une lésion controlatérale sans traduction mammographique et échographique franche. L’angiomammographie a donc entraîné la réalisation d’une IRM puis d’une biopsie sous IRM pour conclure au final à la découverte d’un petit fibroadénome du sein gauche. S’il avait été possible de réaliser des biopsies sous angiomammographie, la patiente aurait été rassurée plus rapidement et sa prise en charge n’aurait pas été complexe.

Surveillance post-thérapeutique Les remaniements cicatriciels qui se produisent dans les suites d’une intervention sur le sein se traduisent souvent par des distorsions architecturales sur les mammographies standard. La distinction entre remaniements post-thérapeutiques et récidive tumorale peut s’avérer difficile. L’absence de prise de contraste en angiomammographie peut aider à gagner en confiance devant des images difficiles à analyser (Fig. 8), en particulier dans les seins denses (Fig. 9), même si la conduite radiologique habituelle à tenir ne doit pas être modifiée dans l’état actuel des

Figure 7. Femme de 38 ans se présentant avec une masse suspecte du sein droit. Angiomammographie de face bilatérale : masse suspecte ACR5 contenant des microcalcifications en mammographie standard dont les limites sont mal définies. Découverte d’une prise de contraste nodulaire du sein gauche correspondant à un fibroadénome après macrobiopsie sous IRM.

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Figure 8. Surveillance annuelle d’une patiente de 55 ans ayant un antécédent de cancer du sein droit, traitée par mastectomie partielle en 2010. L’examen clinique est normal. La mammographie standard n’est pas facile d’interprétation en particulier en raison des asymétries de densité. Les clichés localisés et l’angiomammographie, normaux, permettent de rassurer la patiente.

connaissances. L’angiomammographie pourrait permettre de faire la distinction entre un tissu fibrotique peu ou avascularisé, contrairement à une récidive de cancer du sein qui aurait un rehaussement similaire à celui retrouvé en IRM.

Bilan diagnostique d’une anomalie retrouvée en imagerie Au terme du bilan sénologique classique mammographique et échographique, il est assez fréquent de classer des lésions

probablement bénignes ACR ou BI-RADS 3, notamment en raison de probables kystes à contenu échogène. Dans ce cadre, l’angiomammographie peut permettre de faire la distinction entre une lésion kystique purement liquide (Fig. 10) et une lésion kystique contenant une portion tissulaire (Fig. 11). Les lésions purement liquidiennes pourraient directement être reclassées comme lésions bénignes ACR ou BI-RADS 2 sans autre surveillance, et les lésions à composante solide pourraient être directement classées ACR ou BI-RADS 4 en vue d’une biopsie pour rechercher en

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Figure 9. Patiente de 68 ans ayant un antécédent personnel de cancer du sein droit opéré. Les mammographies standard (à gauche) montrent des seins denses, difficilement analysables. Les clichés d’angiomammographie ne mettent pas en évidence de prise de contraste ce qui est rassurant. Une échographie mammaire est réalisée et elle est normale (pas de modification de la conduite radiologique bien que l’angiomammographie soit déjà rassurante).

histologie une composante intra-canalaire ou invasive au sein du kyste.

Retour d’expérience Dans le centre d’imagerie de la femme de l’hôpital d’Armentières, nous avons évalué nos pratiques au cours des six premiers mois d’utilisation de l’angiomammographie (début d’utilisation en décembre 2011). Soixante-quinze patientes ont bénéficié d’une angiomammographie. La population étudiée avait une moyenne d’âge de 53,8 ans (37—77 ans), 52 % étant ménopausées. Parmi les patientes,

32 % avaient des antécédents familiaux de cancer du sein et 31 % des antécédents personnels de cancer du sein. Sur les 75 patientes, 37 lésions ont été identifiées chez 32 patientes. Une prise de contraste en angiomammographie a été observée dans 73 % des cas (n = 27/37). Parmi ces 27 prises de contraste, 67 % étaient malignes (n = 18/27), dont 13 sur 18 correspondant à des adénocarcinomes canalaires infiltrants (Tableau 1). Neuf prises de contraste étaient bénignes (33 %, n = 9/27), correspondant principalement à des fibroadénomes (n = 4/9). Dix lésions n’ont pas pris le contraste, avec une histologie qui rapportait principalement des fibroadénomes (n = 7/10). Le seul faux-négatif de cette étude correspondait à une

Figure 10. Patiente aux seins denses multikystiques, avec zones atténuantes difficiles à interpréter en mammographie standard (à gauche) et en échographie. Certains kystes sont « atypiques » (en bas à droite) : kystes échogènes, avec niveau liquidien et doute sur une portion solide, à parois épaissies, kystes multiloculés. L’examen est classé ACR ou BI-RADS 3 suite à l’échographie. L’angiomammographie (en haut à gauche) ne montrant aucune prise de contraste intra-kystique, l’examen peut donc être reclassé ACR ou BI-RADS 2. L’angiomammographie fait apparaître les kystes sous forme d’images « fantômes ».

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Figure 11. Patiente de 52 ans consultant pour une induration mobile du sein droit. L’échographie objective une lésion kystique atypique, à contenu mixte, avec portion échogène avasculaire en doppler. L’angiomammographie, associée à la mammographie standard, met en évidence une prise de contraste endokystique (flèche). La biopsie écho-guidée permet de faire le diagnostic de papillome bénin. L’angiomammographie permet de mettre en évidence des tissus vascularisés intra-kystiques.

lymphangite carcinomateuse. Ces données ont permis d’estimer la sensibilité à 95 % et la spécificité à 85 %. Les valeurs prédictives positives et négatives sont respectivement de 67 % et 98 %. Le principal artefact rencontré dans la série est un rehaussement matriciel dans 35 % des cas (n = 26/75). Il était pseudo-nodulaire pour 58 % (n = 15/26) et diffus pour 42 % (n = 11/26). Le rehaussement matriciel a gêné l’interprétation de la prise de contraste dans 4 % de l’ensemble des examens (n = 3/26) car il était potentiellement masquant.

faiblement vascularisées pourraient ne pas être détectées. Dans notre série, nous avons observé un seul faux-négatif, qui correspondait à une lymphangite carcinomateuse (Fig. 12). Une autre cause de non-visualisation d’une lésion est la limite de champ commune avec la mammographie. Les zones profondes et les aires axillaires étant difficiles à explorer, l’angiomammographie ne dispense pas d’un examen clinique complet et d’une échographie mammaire complémentaire en cas de forte suspicion clinique. Par ailleurs, l’étude des carcinomes in situ est mal connue. Ils pourraient également être une source de fauxnégatif en angiomammographie.

Limites de l’angiomammographie Faux-négatifs en angiomammographie

Faux-positifs en angiomammographie

Si l’angiomammographie est une technique intéressante pour détecter les lésions hypervascularisées, les tumeurs

Notre série rapporte plusieurs cas de lésions bénignes se rehaussant (33 %, n = 9/27). Nous avons observé deux

Figure 12. Patiente de 55 ans ayant un antécédent de mastectomie totale gauche pour adénocarcinome canalaire et de récidive sur cicatrice traitée chirurgicalement. Une adénopathie axillaire droite a été retrouvée sur une TEP-TDM de surveillance. La mammographie, l’angiomammographie (à gauche) et l’échographie sont normales alors que l’IRM mammaire (à droite) met en évidence un rehaussement sans masse rétro-mamelonnaire droit. Les macro-biopsies sous IRM ont posé le diagnostic de lymphangite carcinomateuse.

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Figure 13. Aspect angiomammographique d’un fibroadénome : a : fibroadénome à rehaussement lent. Le fibroadénome (flèche) est mieux visualisé sur le cliché d’angiomammographie à 10 minutes post-injection ; b : fibroadénome à rehaussement rapide (flèche). À noter que le rehaussement matriciel diffus empêche la bonne délimitation du fibroadénome, qui apparaît à contours flous et irréguliers.

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Tableau 1 Répartition absolue et relative des prises de contraste observées sur les 37 lésions diagnostiquées.

Pas de prise de contraste Fibroadénome Plage microkystique Adénose sclérosante Lymphangite carcinomateuse Prise de contraste de lésions bénignes Fibroadénome Plage microkystique Papillome Angiomatose Ganglion intramammaire Prise de contraste de lésions malignes Carcinome canalaire infiltrant Carcinome tubuleux Carcinome mucineux Ganglion intramammaire a b

Effectifs

Proportion (%)

10 7a 1 1 1

27

9

24

4 1 1 1 2 18b

49

13 2 2 1

Chez six patientes. Dont cinq patientes ayant un cancer multifocal.

types de rehaussement de fibroadénome : un profil lent, s’homogénéisant sur des clichés tardifs, et un profil rapide, sur les clichés précoces (Fig. 13). Cette cinétique a également été décrite en IRM [7,8]. Une échographie complémentaire permet de corriger le diagnostic si les caractéristiques sont typiques. En cas de doute, une biopsie écho-guidée peut être réalisée pour un diagnostic de certitude.

Artefacts Le principal artefact rencontré est le rehaussement matriciel. Une hypothèse est qu’il résulte de facteurs extrinsèques comme le degré de compression des seins, et de facteurs intrinsèques, responsables d’un rayonnement diffusé non uniforme dans la glande (Fig. 14a). Le rehaussement matriciel pseudo-nodulaire (Fig. 14b) peut être à l’origine de faux-positifs en raison de l’aspect qui peut sembler suspect. Dans notre série, un faible nombre d’examens (n = 3) était potentiellement masquant par le rehaussement matriciel. Dans ces cas, l’angiomammographie ne nous a pas apporté d’information supplémentaire en comparaison de la mammographie et de l’échographie. Un flou cinétique peut également être observé en cas de mouvements de la patiente entre les clichés de haute et de basse énergie (Fig. 14c). Les structures radio-opaques apparaissent décalées avec un bord noir. En cas de flou cinétique, un cancer peut se traduire par un black carcinoma : le rehaussement du cancer est masqué du fait des artefacts de mouvement (Fig. 14d). Dans ce cas, le diagnostic peut être « rattrapé »

sur les autres incidences d’angiomammographie comme sur la mammographie et l’échographie complémentaire.

Dose glandulaire Le niveau de référence diagnostique en mammographie numérique, défini par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en octobre 2011, est de 1,8 mGy par cliché pour une épaisseur de sein de 45 mm sous compression. Sur 104 patientes ayant bénéficié d’une angiomammographie, 391 clichés ont été analysés (clichés face et oblique), l’épaisseur moyenne du sein était de 56 mm, la dose glandulaire moyenne (DGM) était en moyenne de 2,65 mGy par cliché (incluant la basse et la haute énergie), pour des valeurs allant de 1,07 mGy à 4,76 mGy, et une déviation standard de 0,78 mGy (Tableau 2). Les acquisitions à haute énergie représentaient 25 % de la dose totale en angiomammographie avec une DGM moyenne à 0,65 mGy ([0,24—0,83], déviation standard à 0,23 mGy), contre 2,00 mGy ([0,84—3,74], déviation standard à 0,58 mGy) pour les acquisitions à basse énergie. des L’irradiation mammographies numériques « standard » provenant de la même population de patientes (360 clichés face-oblique) a été analysée : épaisseur moyenne du sein de 57 mm, dose glandulaire moyenne 1,72 mGy par cliché ([0,74—7,82], déviation standard à 0,96 mGy). L’acquisition basse énergie, qui « donne un rendu » de cliché de mammographie numérique « classique », est dans notre série 16 % plus élevée que la mammographie numérique standard en termes d’irradiation (2 mGy versus 1,72 mGy). La dose totale en angiomammographie est donc 1,54 fois plus élevée que la dose en mammographies numériques standard dans notre population au centre hospitalier d’Armentières.

Perspectives de l’angiomammographie D’un point de vue technique, un des principaux inconvénients de l’angiomammographie est l’impossibilité d’effectuer, à l’heure actuelle, des biopsies sous

Tableau 2 Dose glandulaire moyenne (DGM) mesurée sur 391 clichés d’angiomammographie et 360 clichés de mammographie standard. Les valeurs sont en milliGray.

Angiomammographie Haute énergie (HE) Basse énergie (BE) HE + BE (1) Mammographies standard (2) Rapport (1)/(2)

DGM moyenne

Intervalle (deviation standard)

0,65

0,24—0,83 (0,23)

2,00

0,84—3,74 (0,58)

2,65 1,72

1,07—4,76 (0,78) 0,74—7,82 (0,96)

1,54

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Figure 14. Artéfacts en angiomammographie : a : rehaussement matriciel diffus (flèche noire) ; b : rehaussement matriciel pseudonodulaire (flèche blanche), associé à des images « fantômes » de kystes (flèche noire) ; c : flou cinétique en regard de clips chirurgicaux ; d : la tumeur qui se rehausse après injection sur la face droite (flèche noire) apparaît noire « non rehaussée » sur l’oblique en raison des mouvements de la patiente : black carcinoma (flèche blanche).

angiomammographie en raison de l’absence de système de stéréotaxie spécifique. Nous devons donc réaliser des IRM mammaires puis des biopsies sous contrôle IRM, des rehaussements visibles en angiomammographie sans traduction échographique ou mammographique. Cela induit des

délais dans la prise en charge et du stress supplémentaire pour les patientes. Nous avons eu un cas de discordance, détecté grâce à l’angiomammographie, entre une prise de contraste biopsiée en IRM et une lésion vue initialement en mammographie

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Figure 15. Dépistage chez une patiente de 50 ans sans antécédent à l’examen clinique normal. Distorsion architecturale interne visible uniquement sur la face (flèche blanche). Pas de cible échographique : une IRM (en bas) est réalisée mettant en évidence une prise de contraste interne du sein gauche (flèche noire) biopsiée sous IRM. L’analyse histologique a conclu à une angiomatose. Une angiomammographie réalisée suite aux biopsies sous IRM a permis de « découvrir » que la prise de contraste biopsiée en IRM ne correspondait pas à la distorsion architecturale visible en mammographie. Des macro-biopsies sous stéréotaxie ont permis au final de faire le diagnostic d’adénose sclérosante.

(Fig. 15). Il s’agissait d’une erreur d’interprétation de la localisation de la prise de contraste en IRM. L’intérêt de l’angiomammographie comparativement à l’IRM est de voir directement la correspondance entre les anomalies morphologiques détectées en mammographie sur les clichés basse énergie et les prises de contraste visibles sur les images recombinées. Cet avantage de l’angiomammographie sur l’IRM n’a pas permis d’éviter les biopsies sous IRM à la patiente. Si un système de stéréotaxie sous angiomammographie avait permis de biopsier la prise de contraste, il aurait été également possible de biopsier dans le même temps, sous stéréotaxie « classique », la distorsion architecturale et donc de diminuer la prise en charge et l’anxiété de la patiente. Au final, il s’agissait d’une lésion d’angiomatose bénigne pour la prise de contraste et d’une adénose sclérosante pour la distorsion architecturale.

intention pourrait être particulièrement utile, notamment dans les bilans d’extension locorégionale des cancers du sein. Cette technique simple d’utilisation pourrait être d’accès plus facile que l’IRM si l’angiomammographie se diffusait. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux préciser ses indications, ses performances diagnostiques et sa place dans la stratégie de dépistage et de prise en charge du cancer du sein, notamment en comparaison avec l’IRM.

Conclusion

Références

L’angiomammographie est une technique intéressante pour la détection des lésions tumorales et apporte une confiance diagnostique devant des mammographies d’interprétation difficile. Son utilisation en tant qu’examen de deuxième

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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