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L’autosurveillance glycémique chez l’enfant et l’adolescent diabétique de type 1 S. Guilmin-Crépon, N. Tubiana-Rufi Service d’endocrinologie et de diabétologie, Hôpital Robert Debré, AP-HP, Paris, France.
Mots-clés • Autosurveillance glycémique • Autocontrôle • Mesure continue du glucose • Capteurs • Insulinothérapie • Enfant • Adolescent • Diabète de type 1
Self-monitoring of blood glucose in children and adolescent with type 1 diabetes Résumé L’autosurveillance glycémique (ASG), conduisant à l’autocontrôle est un pilier indispensable à la prise en charge du diabète de type 1. Les intérêts de l’ASG chez l’enfant et l’adolescent sont semblables à ceux de l’adulte : évaluer l’équilibre glycémique, permettre l’adaptation du traitement par insuline au quotidien, permettre l’autocontrôle pour dépister et prévenir les complications aiguës et limiter les complications à long terme. Cependant, de nombreuses spécificités liées à l’âge sont fondamentales à intégrer pour personnaliser les objectifs et les modalités de réalisation de la surveillance. Au cours de la petite enfance, le diabète est souvent instable, les hypoglycémies asymptomatiques et l’ASG doit être fréquente et parfois nocturne. L’enfance est marquée par la dépendance à l’adulte et la multiplicité des intervenants pour les soins des patients (famille, école, crèche, clubs.). L’adolescence est une phase de transition au cours de laquelle les besoins d’intégration sociale et de construction de l’autonomie interagissent avec les contraintes du traitement. Ainsi, l’éducation thérapeutique du patient en pédiatrie doit d’une part s’adapter aux stades du développement physiologique et psychoaffectif de l’enfant ou de l’adolescent et, d’autre part, intégrer les adultes impliqués dans les soins. L’objectif principal étant l’autonomisation du jeune et de ses parents pour la réalisation, l’observation, l’analyse, l’utilisation active des résultats pour l’adaptation des doses d’insuline et l’efficacité optimale du traitement. De nombreux progrès ont été réalisés ces dernières décennies pour obtenir une surveillance capillaire plus fiable, plus précise, plus simple au quotidien (sites alternatifs, cétonémie, logiciels de recueil et d’analyse des données…). Plus récemment, le développement de la mesure continue du glucose en temps réel est un moyen efficace, chez l’adulte comme chez l’enfant et l’adolescent, pour l’amélioration de l’équilibre glycémique à moyen terme. Ces innovations permettent d’améliorer la tolérance et l’acceptabilité de l’ASG et de pallier aux limites, y compris en pédiatrie, de l’autosurveillance conventionnelle.
Correspondance : Sophie Guilmin-Crépon Service d’endocrinologie et de diabétologie Hôpital Robert Debré, AP-HP 48 Boulevard Sérurier F-75019 Paris France
[email protected]
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Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2010 – Vol. 4 – Suppl. 1
L’autosurveillance glycémique chez l’enfant et l’adolescent diabétique de type 1
Key-words • Self-monitoring of blood glucose • Self-adjustment • Continuous glucose monitoring • Glucose sensors • Insulin therapy • Toddlers • Children • Adolescent • Type 1 diabetes.
Introduction Le diabète de type 1 (DT1) est l’une des pathologies chroniques les plus fréquentes chez l’enfant ; son incidence et sa prévalence sont en constante progression, particulièrement chez l’enfant en bas âge [1]. L’objectif du traitement du DT1 chez l’enfant est double. D’une part, l’obtention d’un contrôle glycémique optimal, garant d’un minimum de complications vasculaires à long terme [2], dont le reflet principal est le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c), mais aussi la variabilité glycémique. D’autre part, de limiter les hypoglycémies et les excursions hyperglycémiques pour un développement harmonieux, une bonne insertion sociale et scolaire, et une meilleure qualité de vie de l’enfant et de ses parents [3]. Pour atteindre ces objectifs, l’autosurveillance glycémique (ASG) conduisant à l’autocontrôle glycémique est incontournable dans le traitement du DT1. Elle est associée à l’insulinothérapie, une alimentation équilibrée et une activité physique régulière, transmises par l’éducation thérapeutique continue du jeune et de ses parents. L’autosurveillance du DT1 comprend l’autosurveillance de la glycémie et de la cétonémie capillaires et la mesure du glucose interstitiel par les capteurs [4]. Ses spécificités chez l’enfant et l’adolescent seront soulignées dans cette revue.
Summary Prevalence of type 1 diabetes is increasing worldwide, especially in very young children. The goals of its treatment are to obtain adequate glycemic control to prevent or delay long term complications and to preserve quality of life of children and their family. Self-monitoring of blood glucose (SMBG) is an indispensable for the management of insulin therapy by active self-adjustment of the data. Interests of SMBG in pediatrics are similar to those in adults. However, physiological, medical, psychological, social particularities and specific needs of children or adolescent are fundamental to integrate into patient care involvement. Toddlers present frequently with unstable diabetes and asymptomatic hypoglycemia, childhood is marked by dependence on adults, and adolescence is a transitional phase during which the needs of social integration and autonomy interact with the treatment constraints. Many improvements such as the use of alternative sites, blood ketones measurements, software for data records and more recently the development of real time continuous glucose monitoring devices would offset the main limitations of conventional SMBG.
Intérêts de l’autosurveillance glycémique Recommandations internationales en pédiatrie Les principaux intérêts de l’ASG chez l’enfant et l’adolescent diabétiques de type 1 sont semblables à celles de l’adulte, comme indiqué par la Société internationale de diabétologie de l’enfant et de l’adolescent (International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes, ISPAD) [5] : – évaluer avec exactitude et précision le niveau du contrôle glycémique d’un patient ; – aider à l’adaptation du traitement pour atteindre les objectifs thérapeutiques ; – aider à l’autocontrôle et donc à l’équilibre glycémique à long terme, garant d’un minimum de complications vasculaires ; – aider à dépister et prévenir les complications aiguës (hypoglycémie, cétose au cours des hyperglycémies).
Particularités en pédiatrie Objectifs thérapeutiques : des cibles adaptées Les cibles thérapeutiques recommandées par l’ISPAD sont résumées Tableau I. L’objectif est d’obtenir un taux d’HbA1c < 7,5 %, tout en limitant
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la fréquence et la sévérité des hypoglycémies. Un équilibre optimal, ou suboptimal, est proposé au quotidien en fonction des moments de la journée [5]. Il est à noter que, chez l’enfant, la glycémie du coucher correspond à la glycémie postprandiale du dîner. Le défi à relever en pédiatrie est d’atteindre cet équilibre tout en tenant compte des particularités liées à l’âge : diabète instable et risque accru d’hypoglycémie avec des conséquences potentielles sur le développement psychomoteur et l’insertion sociale chez le petit enfant [3], contrôle glycémique plus difficile à obtenir au cours de l’adolescence du fait de modifications hormonales et psychosociales [6]. Ainsi, les objectifs doivent être individualisés, réalistes pour le patient et ses parents, et réévalués au cours du suivi.
Dépendance à l’adulte L’enfance et l’adolescence sont des périodes du développement au cours desquelles les patients sont dépendants de leurs parents et de leur environnement, y compris pour leurs soins quotidiens. Que ce soit en bas âge ou à l’âge scolaire, du fait d’intervenant multiples, ou bien à l’adolescence au moment de la construction de l’autonomisation, la réalisation d’une ASG encadrée permettra à l’adulte d’obtenir – ou aider à obtenir – les informations et d’aider le
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jeune à l’adaptation du traitement par l’insuline.
Enfant en bas âge Au cours de la prime enfance, les hypoglycémies sont plus fréquentes [7], volontiers nocturnes, asymptomatiques et sévères [8]. En effet, l’enfant en bas âge présente à la fois une méconnaissance des signes d’alerte, un défaut de perception de ces symptômes, ainsi qu’une difficulté à les communiquer à son entourage [3]. L’ASG systématique est souvent le seul moyen de les déceler pour les adultes en charge de l’enfant.
quatre à six glycémies par jour [5] soit, au réveil, avant et 2 heures après les repas, au coucher.
Spécificités chez l’enfant Chez le jeune enfant âgé de moins de 6 ans, la fréquence de l’ASG réalisée par les parents est souvent plus élevée que chez l’enfant plus grand [10]. En effet, le diabète à cet âge est très
souvent instable avec des excursions glycémiques importantes et difficiles à anticiper, nécessitant des mesures fréquentes, y compris nocturnes, pour dépister des hypoglycémies souvent asymptomatiques et mieux adapter les doses d’insuline ou le schéma thérapeutique (Fig. 1). Chez l’enfant d’âge scolaire, en France, le goûter est un moment apprécié et
Tableau I : Objectifs thérapeutiques pour l’adaptation du traitement dans le cadre du diabète de type 1 de l’enfant et de l’adolescent, selon l’International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes (ISPAD) [5]. Idéal (non diabétique)
Optimal
Sub-optimal (action proposée)
A risque élevé (action nécessaire)
- Au réveil ou préprandiale
65–100
90–145
> 145
> 162
- Postprandiale (2 h)
80–126
90 – 180
180 – 250
> 250
- Au coucher
80–100
120–180
< 120 ou 180 –200
< 80 ou > 200
- Pendant la nuit
65–100
80–162
< 75 ou > 162
< 70 ou > 200
<6
< 7,5
7,5–9
>9
Peu fréquentes et non sévères
Hypoglycémie sévère (inconscience et/ou convulsion)
Adolescent L’adolescence est une période critique, marquée par un sentiment de toute puissance [9]. Le jeune a parfois trop tendance à limiter son ASG et se fier à son ressenti en terme d’hypo- ou d’hyperglycémie. L’intérêt de la vérification par une glycémie capillaire est un élément très important à travailler avec lui, afin de l’aider à prendre conscience de l’aspect potentiellement inadéquat de sa propre interprétation.
Glycémie (mg/dl)
HbA1c (%) Hypoglycémies
Non
Modalités pratiques de l’ASG : spécificités pédiatriques Fréquence Recommandations 2 injections/ j
Glycémie (mg/dl)
Pour une utilisation thérapeutique efficace des informations fournies par l’ASG, la fréquence des mesures au quotidien est un paramètre très important. Plusieurs études ont montré une corrélation entre le nombre de glycémies capillaires au quotidien et l’amélioration de l’HbA 1c [10]. Les données issues de la base pédiatrique Allemagne-Autriche montrent, chez 27 000 jeunes atteints de DT1, d’âge 0-18 ans, qu’une diminution du taux d’HbA1c de 0,20 % est associée à chaque glycémie quotidienne ajoutée [10]. La réussite de l’insulinothérapie intensifiée par multi-injections ou pompe à insuline est étroitement liée au nombre de mesures quotidiennes, dont la fréquence recommandée est d’au moins
Après 1 mois sous pompe
400
400
350
350
300
300
250
250
200
200
150
150
100
100
50
50
0
0
7h30
12h
16h
Lundi
19h
23h
Mardi
3h
7h30
Mercredi
12h
Jeudi
16h
19h
23h
3h
Vendredi
Figure 1 : Intérêt d’une autosurveillance glycémique (ASG) régulière et fréquente chez un enfant de 4 ans. L’analyse précise des moments de variation glycémique grâce à une ASG pluriquotidienne a permis l’indication de l’insulinothérapie intensive par pompe à insuline et une amélioration de la variabilité glycémique après un mois de traitement par pompe [3].
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L’autosurveillance glycémique chez l’enfant et l’adolescent diabétique de type 1
souvent nécessaire dans le cadre des apports nutritionnels recommandés. Il implique une mesure supplémentaire de la glycémie pour décider de la dose d’insuline rapide adaptée à ce repas [11].
Réalisation de l’autosurveillance capillaire au quotidien Un geste pénible, voire douloureux ! Les contraintes liées à la réalisation au quotidien des mesures de la glycémie capillaire sont extrêmement variables en fonction de l’âge et du stade de développement de l’enfant. À tout âge, pour l’enfant comme pour ses parents, ces prélèvements multiples sont souvent rapportés comme pénibles, voire douloureux. Chez le très jeune enfant, la réalisation par un tiers adulte induit parfois un stress pour le personnel encadrant (nourrice, enseignant…), voire les parents des jeunes enfants. Par ailleurs, les zones habituelles (au bout du doigt) sont de petite taille, la peau plus fine et plus sensible. Pour pallier ces difficultés, les systèmes auto-piqueurs sont depuis quelques années de mieux en mieux tolérés grâce à une diminution du diamètre des aiguilles et à un réglage plus fin de la profondeur de la piqûre. Les prélèvements au niveau des sites alternatifs (paume de la main et avant-bras) ont été un progrès récent ; les mesures aux sites alternatifs sont très fiables en dehors des hypoglycémies, permettant de soulager l’extrémité des doigts [12]. C’est une technique appréciée par les jeunes patients de tous âges et leurs parents. À l’âge scolaire, les glycémies capillaires sont souvent effectuées par l’enfant luimême mais la présence d’un adulte au moment de leur réalisation reste importante pour l’interprétation des résultats et une action immédiate, en particulier le traitement d’une hypoglycémie en dehors du domicile (animateurs, enseignant, infirmière scolaire,…). L’adolescence est une phase du développement où les contraintes du traitement du diabète sont souvent mal acceptées [9]. L’observance au traitement diminue fréquemment, avec en
premier lieu l’abandon de l’ASG (réalisation des glycémies, tenue du carnet) [13]. La représentation que se fait l’adolescent de son schéma thérapeutique est fondamentale pour l’adhésion au traitement. Or, l’ASG peut être vécue comme une source de jugement par l’adulte sur lui, ou comme un rappel permanent de la réalité de sa pathologie. L’éducation thérapeutique – en particulier en groupes – et l’accompagnement de l’adolescent, ainsi que de son entourage, prend alors toute sa place pour l’aider à s’ajuster à sa maladie et son traitement.
Cétonémie L’autosurveillance cétonémique est mieux acceptée par les enfants et adolescents que la surveillance de la cétonurie, permettant d’en faciliter la détection et, par conséquent, la prévention des complications aiguës de l’hyperglycémie [14]. Les recommandations de l’ISPAD [5] pour son utilisation, dont l’importance est encore plus à souligner en cas de traitement par pompe à insuline [14], sont résumées Tableau II.
Recueil des données de l’ASG quotidienne Intérêt du recueil Le recueil des données de l’ASG, selon le mode de vie (alimentation, activité phy-
sique, événements intercurrents…), les épisodes aigus et les doses d’insuline administrées, est fondamental pour l’interprétation de l’équilibre métabolique du patient et les décisions, au premier titre pour le jeune et ses parents. La spécificité de la pédiatrie tient à la multiplicité des intervenants pour les soins dans la journée, et donc aussi pour le recueil de ces informations.
Différences selon l’âge Le format papier (carnet) est fréquemment apprécié par les parents des enfants en bas âge et permet un relais constructif avec les autres adultes impliqués dans les soins de l’enfant (nourrice, crèche, école, infirmière…). Pour l’adolescent, le « carnet » est souvent vécu comme une contrainte inutile [13]. Les outils informatiques, comme le Diabcarnet développé par l’Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD) [www. ajd-educ.org] ou par l’intermédiaire de logiciels spécifiques aux lecteurs de glycémie conviennent souvent mieux aux adolescents. C’est un des objectifs de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) et de ses parents, de ne pas imposer un carnet, mais d’amener à l’utilisation du recueil de l’ASG comme outil utile pour eux de réflexion et de discussion pour l’adaptation des doses d’insuline (mise en situation, activités de groupe…).
Tableau II : Recommandations internationales (International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes, ISPAD) pour la réalisation et l’interprétation de la cétonémie chez l’enfant et l’adolescent diabétique de type 1 [5]. Moment de la réalisation de la cétonémie - au cours d’une fièvre, d’une maladie intercurrente, de vomissements ; - au moment d’une hyperglycémie persistante > 250 mg/dl ; - au moment d’une hyperglycémie > 250 mg/dl chez un enfant malade ; - en cas de polyurie associée à une hyperglycémie, à fortiori si douleurs abdominales. Interprétation de la cétonémie associée à une hyperglycémie et prise en charge - < 0,6 mmol/l : normal. - 0,6 à 1,5 mmol/l : légèrement élevé. Réponse rapide par un supplément d’insuline rapide en cas d’hyperglycémie associée > 180 mg/dl (correction). - 1,5 à 3 mmol/l : risque important d’acidocétose. Correction et prise de contact rapide avec l’équipe de diabétologie. - > 3 mmol/l : accompagne une acidose. Prise de contact urgente avec l’équipe de diabétologie ou les urgences hospitalières postprandiale
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Mesure continue du glucose en temps réel
Glucose - mg/dL
400
Le développement innovant des dispositifs de mesure continue du glucose (MCG) interstitiel permet de pallier aux limites de l’ASG capillaire. Par l’intermédiaire d’un capteur sous-cutané, ils enregistrent en continu la valeur de glucose interstitiel au fil du nycthémère. Selon le dispositif, l’analyse peut être rétrospective (holter glycémique) ou bien en temps réel (MCG-TR) avec la mise à disposition permanente des valeurs, de graphes de tendance et des alarmes [15]. Les dispositifs d’holter glycémique, à l’usage du médecin, sont un outil utile en pédiatrie pour le diagnostic d’une instabilité glycémique méconnue par l’ASG (excursions glycémiques, hypoglycémies asymptomatiques ou nocturnes, phénomène de l’aube…) et une aide à l’adaptation des schémas de traitement [16]. Ceci est particulièrement utile pour l’évaluation du contrôle glycémique en situations scolaires ou périscolaires, au cours de la sieste chez le tout petit, au cours des périodes de jeûne (comme les grasses matinées chez l’adolescent). Des exemples de l’intérêt de la mesure continue du glucose en pédiatrie sont montrés dans la figure 2. Les dispositifs de MCG-TR sont désormais à l’usage du patient. La mise à disposition permanente des taux de glucose en temps réel permet aux jeunes – et/ou parents – de détecter les excursions glycémiques et d’agir rapidement sur son équilibre métabolique (Fig. 3). La clé de son efficacité est une éducation adaptée, associant éducation technique et diabétologique (interprétation des données et aide à l’adaptation thérapeutique) dont l’objectif principal est une autonomisation des actions thérapeutiques par le patient [17]. L’intérêt, l’efficacité et la tolérance en pédiatrie font l’objet de nombreuses études cliniques récentes ou en cours. L’utilisation de la MCG-TR sur le moyen terme (3 mois) chez l’enfant et l’adolescent (âge > 8 ans), comme chez l’adulte, mal équilibrés malgré un traitement intensifié permet une amélioration significative de l’HbA1c sans augmenter le nombre d’hypoglycémies grâce à une utilisation active par le patient et/ou ses parents [18]. Sur le plus long terme (6 mois), les premiers résultats
300
200 180
100 66
0
a)
03:00
06:00
09:00
12:00
15:00
18:00
21:00
Moment de la journée Glucose interstitel
Glycémie capillaire
mg/ dL
200
100
b)
0
03:00
06:00
Glucose interstitel
09:00
12:00
15:00
18:00
21:00
18
21
Glycémie capillaire
mg/ dL 300
200
100
c)
0 0
8
Glucose interstitel
9 12 15 Moment de la journée Glycémie capillaire
Figure 2a : Limites de l’ASG : les glycémies capillaires réalisées cinq fois sur le nycthémère n’ont pas permis de détecter les excursions hyperglycémies postprandiales importantes après le petit déjeuner et le déjeuner. (Traduction : Time of Day = Moment de la journée) 2b : Intérêt de la MCG pour la surveillance nocturne : détection d’un phénomène de l’aube chez une adolescente traitée par multi-injections, indication à un traitement par pompe à insuline. 2c : Intérêt de la MCG pour la détection d’hypoglycémies asymptomatiques pendant la nuit ou la sieste chez un enfant en bas âge (18 mois).
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L’autosurveillance glycémique chez l’enfant et l’adolescent diabétique de type 1
Fig.3a : J3 MCG-TR
Basal (Units/Hour) 2,0
Bolus (Units) 20,0
Fig.3b : J3 MCG-TR
Basal (Units/Hour) 2,0
Bolus (Units) 20,0
1,6
16,0
1,6
16,0
1,2
12,0
1,2
12,0
0,8
8,0
0,8
8,0
0,4
4,0
0,4
4,0
03:00
06:00
09:00
12:00
15:00
18:00
Display Date (ven.) 20-avr-07
Pump BG (mg/dL) 400
03:00
21:00 Carb (Grams) 150 120
320
240
90
240
160 80
70
03:00
06:00
09:00
12:00
15:00
18:00
21:00
60
160
30
80
0
09:00
12:00
15:00
18:00
Display Date (ven.) 11-mai-07
Pump BG (mg/dL) 400
320 180
06:00
21:00 Carb (Grams) 150 120 90
180 60 70
30
03:00
06:00
09:00
12:00
15:00
18:00
21:00
0
Figure 3 : Intérêt de la mesure continue du glucose en temps réel (MCG-TR). La prise de conscience du déséquilibre glycémique grâce à la MCG-TR (Fig. 3a), chez une adolescente de 15 ans, a permis une meilleure observance au traitement (alimentation), une moindre crainte des hypoglycémies et l’adaptation du traitement par insuline avec une meilleure gestion des bolus aux repas et des corrections. L’efficacité a été très positive en 3 semaines, tant sur le plan des excursions glycémiques (Fig. 3b) que de l’HbA1c (passage de 8,5 à 7,9 %).
révèlent une efficacité supérieure à l’ASG en termes d’HbA1c et/ou de fréquence des hypoglycémies, tant chez l’adulte que chez l’enfant (> 8 ans) et l’adolescent, à condition que la durée effective d’utilisation du dispositif soit supérieure à 4 ou 5 jours par semaine [19]. Les paramètres influençant l’observance au port du capteur sont aujourd’hui à l’étude, ainsi que différentes indications et modalités d’utilisation de la MCG-TR en pédiatrie. La surveillance en continue des taux de glucose couplée à la pompe à insuline permet de s’approcher de plus en plus de la physiologie. Désormais, le concept de boucle semi-fermée semble envisageable en pédiatrie par la gestion automatisée du débit basal de l’insuline selon les variations du glucose interstitiel, avec une action du patient dans l’administration des bolus aux repas [20].
ASG et situations particulières Activité physique Chez l’enfant et l’adolescent diabétique de type 1, la pratique d’une activité phy-
sique régulière est recommandée. Le risque d’hypoglycémie est majoré pendant l’exercice, ainsi qu’au cours des 24 heures suivant l’activité physique (et par conséquent la nuit) [21]. Par ailleurs, la pratique d’un sport au moment d’une hyperglycémie importante, à fortiori en cas de cétose, entraîne une moindre performance, mais surtout un risque accru de décompensation ou de traumatisme musculaire. Ainsi, la surveillance glycémique doit être plus fréquente avant, pendant et au décours d’une activité sportive [5], ce qu’il n’est pas toujours facile d’obtenir chez les adolescents. Le risque d’hypoglycémie pendant l’exercice sera diminué si la glycémie avant le sport est supérieure à 1,20 g/l, et pendant la nuit si la glycémie du coucher suivant l’exercice est supérieure à 1,25 g/l. Par ailleurs, il est conseillé de décaler l’activité si la glycémie est supérieure à 2,50 g/j, à fortiori en cas de cétose associée. Cependant, malgré ces conseils, à peine la moitié des patients déclarent effectuer cette surveillance supplémentaire, ce qui souligne pour les équipes l’intérêt de faire passer le message sur ces recommandations [22]. Dans notre expérience, l’utilisa-
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tion de la MCG est une aide importante à la surveillance des périodes d’activité physique.
Maladies intercurrentes Les maladies intercurrentes, en particulier les maladies infectieuses fébriles, plus fréquentes chez l’enfant en bas âge, sont responsables d’une instabilité glycémique et d’une difficulté à interpréter les résultats de la surveillance : les conditions inflammatoires et la fièvre favorisent l’hyperglycémie et l’apparition de cétose, tandis que les nausées, la perte d’appétit favorisent le risque d’hypoglycémie ; en cas de vomissements, une cétose s’y associera. La prise en charge des enfants au moment d’infections aiguës ou de troubles digestifs nécessite une formation adaptée de leur entourage dans le cadre de leur éducation thérapeutique. Une surveillance très rapprochée de la glycémie capillaire est alors préconisée, toutes les 3-4 h, voire toutes les 2 h, ainsi que la réalisation systématique d’une cétonémie en cas d’hyperglycémie > 2,50 g/l [5].
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ASG et autocontrôle : importance de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) L’ASG ne permet de viser un bon contrôle glycémique que si elle conduit à l’autocontrôle glycémique par l’enfant et ses parents, par une réalisation, une observation, une analyse et une gestion active des résultats pour l’adaptation des doses d’insuline. Grâce à l’ETP, c’est l’outil incontournable d’une prise en charge active et efficace de l’insulinothérapie [5]. L’enfant est un être en développement dépendant de l’adulte, en construction en termes d’autonomisation et d’intégration sociale. Les spécificités de l’ETP en pédiatrie doivent être connues et s’appliquent à l’ASG et à l’autocontrôle glycémique [23]. C’est un processus continu qui s’inscrit dans la durée du suivi et du développement de l’enfant, et les programmes pédiatriques doivent donc s’adapter aux étapes du développement psychoaffectif de l’enfant et de l’adolescent. L’ETP des parents et des adultes impliqués dans les soins, se fait à tout moment de la prise en charge médicale de l’enfant. L’équipe de pédiatrie travaille en lien avec les autres intervenants, dont la place n’est pas calquée sur celle de l’adulte. Elle est interdisciplinaire avec des compétences spécifiques et fonctionne en maillage avec les acteurs des différents lieux de vie de l’enfant (crèche, école, association, AJD,. .).
L’adolescent Les particularités et les besoins de l’adolescent et ses interactions avec la maladie chronique doivent être pris en compte. Au cours de l’adolescence, l’une des difficultés pour le jeune est de se confronter à la réalité de la pathologie chronique [9]. Ainsi, le simple fait de « voir ses glycémies » peut être vécu comme douloureux (confrontation à la réalité du diabète), voire perçu comme le reflet d’une incapacité à gérer son traitement de façon autonome et source de culpabilisation. C’est un des freins à la réalisation de l’ASG. L’appartenance à un groupe, le regard des autres…, sont des éléments très impor-
tants au cours de l’adolescence. Ainsi, la représentation de l’ASG par l’adolescent, ou bien celle de ses pairs, sont autant de freins potentiels à la réalisation des glycémies capillaires, en particulier au cours de périodes scolaires ou d’activités collectives. La réalisation des glycémies est parfois non envisageable pour l’adolescent quand il est dans une situation où il « cache » le diabète à ses pairs. Dans notre expérience, des séances de groupe de paroles peuvent aider les jeunes à exprimer ces difficultés et les surmonter. Par ailleurs, cette période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, met l’adolescent dans une situation ambivalente entre la dépendance vis-à-vis de ses parents et la recherche d’une autonomisation. Ainsi, l’implication des parents, corrélée de façon significative avec la fréquence de réalisation des ASG, elle-même corrélée à l’HbA1c [24], doit-elle être modulée au fil du temps avec l’aide de l’équipe soignante (guidance et médiation).
L’intégration sociale et scolaire Chez les petits, la multiplicité des intervenants impliqués auprès de l’enfant au quotidien (nourrice, personnels de crèche, enseignants, animateurs du centre de loisir, grands parents, infirmiers libéral ou scolaire…) nécessite un bon maillage avec une transmission de qualité des informations.
La réalisation de protocoles d’accueil individualisés (PAI) [cf. site AJD : www. ajd-educ.org) par le médecin avec l’enfant et ses parents et l’équipe éducative, est un élément utile pour favoriser son intégration scolaire dans les meilleures conditions.
Conclusion L’autosurveillance est indispensable pour l’efficacité du traitement du diabète de type 1. Les spécificités pour l’enfant et/ ou pour l’adolescent des contraintes de l’ASG sont un paramètre fondamental qu’il convient d’intégrer à une ETP adaptée à l’âge, afin de permettre une meilleure acceptabilité et une meilleure observance par le patient et son entourage. La mesure en continu du glucose en temps réel est une innovation thérapeutique qui permet de pallier aux limites de l’autosurveillance par la glycémie capillaire. C’est un système efficace sur le moyen terme pour l’amélioration de l’équilibre glycémique, y compris en pédiatrie. Conflits d’intérêt Le Dr Tubiana-Rufi déclare avoir des activités rémunérées avec les firmes Abbott Diabetes Care et Medtronic. Le Dr Guilmin-Crépon déclare ne pas avoir de conflits d'intérêt.
Points essentiels • Le diabète de type 1 est une pathologie chronique de plus en plus fréquente et touchant des enfants de plus en plus jeunes. Son traitement vise à obtenir un équilibre glycémique satisfaisant au long cours, en garantissant le développement, la qualité de vie et l’insertion sociale de l’enfant. • L’autosurveillance glycémique est un paramètre indispensable de la prise en charge et de l’efficacité de l’insulinothérapie, si elle conduit à l’autocontrôle glycémique grâce à une gestion active des résultats. • En pédiatrie, les particularités physiologiques et psychoaffectives liées à l’âge, ainsi que les besoins spécifiques de l’enfant ou de l’adolescent, sont autant de paramètres indispensables à intégrer dans l’éducation thérapeutique personnalisée du patient et de son entourage. • De nombreux progrès, tels la possibilité de sites alternatifs, de mesure de la cétonémie, les logiciels de recueils des données et, plus récemment, le développement des dispositifs de mesure continue du glucose en temps réel, permettent de pallier, selon l’âge, aux principales limites de l’autosurveillance conventionnelle.
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L’autosurveillance glycémique chez l’enfant et l’adolescent diabétique de type 1
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