Journal de pédiatrie et de puériculture (2008) 21, 37—43
D i s p o n i b l e e n l i g n e s u r w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m
j o u r n a l h o m e p a g e : h t t p : / / f r a n c e . e l s e v i e r. c o m / d i r e c t / P E D P U E /
ARTICLE ORIGINAL
Association diabète de type 1 et maladie cœliaque chez l’enfant Association of type 1 diabetes and celiac disease in child H. Aloulou a,*, T. Kammoun a, M. Ben Ayed b, H. Masmoudi b, M. Hachicha a a b
Service de pédiatrie, CHU Hédi Chaker, route Elain, Km 0,5, 3029 Sfax, Tunisie Laboratoire d’immunologie, CHU Habib Bourguiba, 3029 Sfax, Tunisie
MOTS CLÉS Diabète insulinodépendant ; Maladie cœliaque ; Association ; Enfant
Résumé Introduction. — Le diagnostic des formes atypiques et silencieuses de la maladie cœliaque (MC) est important compte tenu du risque de complications sérieuses à type de malabsorption et de cancers digestifs. L’augmentation de la prévalence de la MC chez les enfants ayant un diabète insulinodépendant (DID) a été rapportée dans de nombreuses séries de la littérature. Le but de notre étude est de déterminer la prévalence de la MC parmi des enfants diabétiques ainsi que d’étudier les particularités de la MC chez l’enfant diabétique. Patients et me´thodes. — Les auteurs ont réalisé deux études : une étude rétrospective sur une période de 14 ans (1981—1994). Ce travail a inclus 74 patients ayant eu une recherche des anticorps antigliadine (AAG) et/ou une biopsie jéjunale (BJ), pour une symptomatologie digestive ou un retard de croissance. Une autre étude prospective sur une période de neuf ans (1996—2004), au cours de laquelle ils ont réalisé une recherche systématique des AAG, anticorps antiendomysium (AAE) et anticorps antitransglutaminases tissulaire (ATG) chez 210 enfants diabétiques de primodécouverte, hospitalisés et/ou suivis dans notre service. La biopsie jéjunale a été proposée chez les 20 patients ayant des AAG positifs. Re ´sultats. — Les AAG de classe IgG étaient positifs dans 24 cas (20 cas de l’étude prospective et quatre cas de l’étude rétrospective), de classe IgA chez 13 patients. Les AAE étaient positifs dans six cas et les ATG étaient positifs chez quatre patients. La BJ a été pratiquée devant une symptomatologie évoquant une MC (n = 12) ou une positivité des marqueurs sérologiques (n = 13) ; onze patients ont refusé la BJ dont trois avaient une positivité simultanée des AAG, AAE et des ATG. Une atrophie villositaire totale a été retrouvée chez dix patients ce qui correspond à une prévalence de 3,52 %. La MC était symptomatique chez six patients et asymptomatique chez quatre enfants. Du point de vue équilibre du DID, les auteurs n’ont pas trouvé de différence significative entre les enfants DID—MC (HbA1C moyenne = 8,61 %) et les DID
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (H. Aloulou). 0987-7983/$ — see front matter # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jpp.2007.11.017
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H. Aloulou et al. non cœliaques (HbA1C moyenne = 8,34 %). Le régime sans gluten a été instauré chez les patients symptomatiques, la conformité était mauvaise chez trois patients. Les auteurs ont noté une augmentation des doses moyennes d’insuline chez un patient. Conclusion. — La prévalence de la MC chez les patients diabétiques est concordante avec les données de la littérature qui varient entre 0,9 et 16,4 %. Les enfants DID—MC diagnostiqués par le dépistage systématique sont souvent asymptomatiques ; la MC paraît ne pas affecter l’équilibre du diabète. Les patients DID—MC asymptomatiques doivent être informés du diagnostic ainsi que du traitement et s’ils ne sont pas accomodants ; le rôle du clinicien doit se limiter à la surveillance des complications. # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Diabetes mellitus; Celiac disease; Association; Child
Abstract Introduction. — Diagnosis of atypical and silent types of celiac disease (CD) is important because of its serious complications. Increased prevalence of celiac disease world wide in children with type 1 diabetes mellitus (DM) was described in numerous series of literature. The aim of this study is to determine the prevalence of CD among children with DM. Patients and methods. — The authors have conducted two studies: a retrospective study (1981— 1994). Seventy-four patients were included in this study; the patients who underwent an antigliadin antibody test (AAG) or/and a small bowel biopsy for symptomatic CD, growth failure or a positivity of AGA. A second prospective study was performed for nine years (1996—2004) in which 210 patients with DM admitted to hospital were screened for CD using the AGA, antiendomysium antibody (AAE) and antitissue transglutaminase antibodies (tTG). The intestinal biopsy was performed once the serologic markers were positive. Results. — The IgG AGA were positive in 24 patients (20 from the prospective study and four from the retrospective study), the IgA AGA were positive in 13 cases, the AAE were positive in six cases and the ATG were positive in four cases. The small bowel biopsy was performed on 13 cases (11 patients refused the biopsy and three of them have the AGA, AAE and ATG tests positive). It showed subtotal or total villous atrophy in seven cases. The intestinal biopsy was also performed on four patients who had gastro-intestinal symptoms of CD; a flat intestinal mucosa was found in three cases, so the authors have diagnosed 10 cases of CD. The prevalence of CD in DM patients was 3.52%. CD was symptomatic in six cases and asymptomatic in four patients (prospective study). We did not identify any differences on equilibrium of diabetes between group with DM with CD (HbA1C = 8.61%) and diabetic without CD (HbA1C = 8.34%). Free gluten die was recommended for symptomatic patients, three patients did not comply with gluten free diet. Conclusion. — The prevalence of CD in diabetic patients is concordant with data of literature which vary between (0.97—16.4%). The insulin-dependent diabetics with CD diagnosed by systematic screening are often asymptomatic. CD does not seem to affect the equilibrium of diabetes. The asymptomatic CD—DM should be informed about diagnosis and treatment, but whether they are incompliant, the clinician should limit his role to a strict surveillance of complications. # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction La première observation de la maladie cœliaque (MC) associée au diabète insulinodépendant (DID) chez un enfant a été rapportée par Polyton en 1925. La première confirmation par biopsie était celle d’Ellenberg et Boukman en 1960. Depuis, de nombreux travaux ont attiré l’attention sur l’augmentation de la prévalence de la MC dans la population diabétique tant chez l’adulte que chez l’enfant. Cette augmentation est argumentée essentiellement par l’évolution des moyens diagnostiques et de dépistage, représentée essentiellement par la recherche des anticorps antigliadine (AAG), des anticorps anti-endomysium (AAE) et des anticorps antitransglutaminase tissulaire (ATG). La fréquence relativement importante du diabète et de la MC dans le monde et, en particulier, en Tunisie, nous a poussé à réaliser cette étude qui a pour objectifs d’établir
la prévalence de la MC chez nos patients diabétiques, d’étudier les variations de cette prévalence en fonction de l’ancienneté du DID et les particularités cliniques de la MC associée au DID, et d’apprécier le retentissement de la MC sur l’équilibre du DID ainsi que celui du régime sans gluten chaque fois qu’il a été instauré.
Méthodes Population d’étude Nous avons réalisé deux études au service de pédiatrie du CHU Hedi Chaker de Sfax : une étude rétrospective (n = 74), sur une période de 14 ans s’étendant du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1994. Durant cette période, 250 enfants diabétiques de
Association diabète de type 1 et maladie cœliaque chez l’enfant type 1 ont été hospitalisés, mais n’ont été inclus dans cette étude que les enfants diabétiques de type 1 ayant eu une recherche des AAG et/ou une biopsie jéjunale (BJ) qui ont été réalisés soit devant une symptomatologie digestive soit un retard de croissance ; une étude prospective (n = 210) incluant des diabétiques hospitalisés et/ou suivis dans le service de pédiatrie sur une période de neuf ans allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2004.
Méthodologie Le dépistage sérologique Le dosage des AAG ainsi que la recherche des AAE et des anticorps antitransglutaminase tissulaire sont de pratique récente au laboratoire d’immunologie du CHU Habib Bourguiba de Sfax : les AAG de classe IgG sont recherchés depuis le 1er décembre 1994 ; les AAG de classe IgA sont recherchés depuis le 1er juillet 1996 ; les AAE sont recherchés depuis le 1er janvier 1997 ; les anticorps ATG ne sont recherchés que depuis janvier 2001. Les AAG de type IgG et IgA ainsi que les ATG étaient recherchés par une technique immuno-enzymatique sur plaque (Binding Site1, GB). Les valeurs seuils sont de 10 U/ml pour les AAG de type IgG, 5 U/ml pour les AAG de type IgA et 10 U/ml pour les antitransglutaminase tissulaire. Les AAE étaient recherchés par une technique d’immunofluorescence indirecte sur coupe d’œsophage de singe (Sanofi-Diagnostic Pasteur, France). La sensibilité des AAG de type IgG était de 88,6 % et la spécificité de 64,6 %. Les AAG de type IgA avaient une sensibilité de 74,3 % et une spécificité de 93,9 %. Les AAE avaient une sensibilité de 90 % et une spécificité de 98 % ; et les ATG avaient une sensibilité de 90 % et une spécificité de 98 % [1]. Le dépistage sérologique commence par la recherche des AAG ; si ces anticorps reviennent négatifs, on arrête le dépistage, mais s’ils sont positifs, notre conduite a varié en fonction de la date de dépistage. Avant 1997, si les AAG revenaient positifs, une biopsie jéjunale était pratiquée puisque nous ne disposions pas encore d’autres anticorps. Après le premier janvier 1997, nous recherchions systématiquement les AAG et les AAE. S’ils étaient positifs, nous complétions par la biopsie jéjunale, mais si les AAE étaient négatifs, le dépistage était interrompu à ce stade. À partir du 1er janvier 2001, on recherche d’emblée les AAG, les AAE et les ATG ; la positivité de ces deux marqueurs nous conduisait à réaliser une biopsie jéjunale. La biopsie jéjunale La biopsie jéjunale était pratiquée si les AAG, les AAE ou les antitransglutaminases étaient positifs. La biopsie jéjunale a été faite aussi chez les patients présentant une symptomatologie évocatrice de MC, ou un retard de croissance non expliqué par un mauvais équilibre du diabète.
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Nous avons retenu le diagnostic de MC chaque fois qu’une atrophie villositaire totale (AVT) était retrouvée à l’examen anatomopathologique. Les enfants ayant l’association DID—MC ont été comparés à la population témoin d’enfants diabétiques non cœliaques de l’ensemble des deux groupes. Les paramètres étudiés étaient la croissance, l’équilibre du diabète, en évaluant de façon périodique la glycosurie de 24 heures, la valeur de l’hémoglobine glyquée, la fréquence des décompensations acidocétosiques ou hypoglycémiques et en calculant les doses moyennes d’insuline. Nos résultats ont été comparés en utilisant le test de Fisher1 et le test de Student1. Ils ont été considérés comme significatifs lorsque p < 0,05. Nous avons aussi étudié l’effet du régime sans gluten chaque fois qu’il a été instauré sur l’équilibre du diabète et sur la croissance.
Résultats Résultats globaux Une valeur pathologique des AAG a été retrouvée chez 24 patients parmi 284 enfants diabétiques, soit une séroprévalence de 8,4 %. Les AAG de type IgG étaient positifs chez 24 patients ; ils étaient associés à une positivité des AAG de type IgA chez 13 patients. Les AAE étaient positifs chez six patients. Les ATG étaient positifs chez quatre patients. La biopsie jéjunale a été pratiquée chez 13 patients (onze patients l’ont refusé, dont trois avaient une positivité simultanée des AAG, AAE et des ATG). Elle a montré une atrophie villositaire totale dans sept cas. La biopsie jéjunale a été aussi réalisée chez 12 enfants avec AAG négatifs (n = 9) ou non faits (n = 3), devant une symptomatologie évocatrice de MC, et elle a montré une atrophie villositaire totale dans trois cas. Nous avons ainsi diagnostiqué dix cas de MC, ce qui correspond à une prévalence globale de 3,52 %.
Résultats en fonction du type de l’étude Étude rétrospective Durant la période d’étude, 74 enfants diabétiques ont béné ficié d’une recherche des AAG et/ou d’une biopsie jéjunale. Les AAG de type IgG étaient positifs chez quatre patients, associés à une positivité des AAG de type IgA chez deux patients, sachant que les AAE et les anti-transglutaminases tissulaires ne se pratiquant pas encore dans le laboratoire d’immunologie de Sfax. La biopsie jéjunale a été pratiquée chez 16 enfants devant une positivité des AAG dans quatre cas, une symptomatologie digestive isolée faite de diarrhée chronique associée à un ballonnement abdominal dans six cas, un retard de croissance isolé non expliqué par un mauvais équilibre du DID dans deux cas et une association symptomatologie digestive et retard de croissance chez quatre patients (Tableau 1). La biopsie jéjunale était normale dans 12 cas et elle a montré une atrophie villositaire totale chez quatre patients dont un seul avait des AAG positifs.
40 Tableau 1
BJ AVT Normale
H. Aloulou et al. Résultats de la BJ dans le groupe de l’étude rétrospective. AAG Positifs
Symptômes digestifs isolés
RC isolé
Symptômes digestifs RC
Total
4 1 3
6 0 6
2 0 2
4 3 1
16 4 12
RC : retard de croissance, BJ : biopsie jéjunale, AVT : atrophie villositaire totale.
Tableau 2 Étude prospective : profil sérologique des 20 patients. Patients
AAG IgG
P1 P2 P3 P4 P5 P6 P7 P8 P9 P10 P11 P12 P13 P14 P15 P16 P17 P18 P19 P20
+++ 142 ++ 11,67 ++ 19,36 +++ 17,06 16,5 23,5 +++ 10,2 ++ ++ 32,59 38,34 14,04 +++ 81,56 21,99
AAG IgA
AAE
26
+
4,66 ++ 7,53
+
112,9 7,8 ++
+
8,49 12,6 9,05 ++ 33,88 1,82
AAT
BJ
110 123 12,94 104,7
MC MC NLE MC NF NF MC NLE MC NF NLE NF NF NF NF NF MC NF NF NF
+
+ + +
P : patient, NF : non fait, MC : maladie cœliaque, NLE : normale.
La prévalence de la MC dans ce groupe de l’étude rétrospective était ainsi de 5,4 %. Étude prospective Durant la période d’étude, 210 enfants diabétiques de primodécouverte ont été admis et/ou suivis dans notre service. Les AAG de type IgG étaient positifs chez 20 enfants, les AAG de type IgA étaient positifs chez onze patients, les AAE étaient positifs dans sept cas et les ATG étaient positifs dans quatre cas (Tableau 2). La biopsie jéjunale a été pratiquée chez neuf patients uniquement ; onze patients ont refusé la biopsie jéjunale dont trois enfants avaient des AAG, AAE, et des anticorps antitransglutaminases tissulaires positifs. Une atrophie villositaire totale a été retrouvée chez quatre patients et une atrophie villositaire partielle avec augmentation du taux des lymphocytes intraépitheliaux a été notée dans deux cas, ce qui correspond à six cas de MC soit une prévalence de 2,85 %. Cette prévalence est moins importante que celle retrouvée dans le groupe de l’étude rétrospective.
Caractéristiques de la population des enfants DID—MC Nos patients sont répartis en sept filles et trois garçons.
L’âge moyen au moment du diagnostic de la MC était de huit ans et huit mois, avec des extrêmes allant de trois à 14 ans. La durée moyenne d’évolution du DID pour les patients de l’étude rétrospective était en moyenne de cinq ans et trois mois. Sur le plan clinique, une symptomatologie évocatrice de MC a été observée chez six enfants, dont quatre appartenaient au groupe de l’étude rétrospective. La diarrhée chronique avec des selles volumineuses et pâteuses a été observée chez quatre patients. Le ballonnement abdominal était constant chez tous les enfants symptomatiques. Une pâleur cutanéomuqueuse a été constatée chez les six patients symptomatiques. Un retard de croissance (RC) a été retrouvé dans cinq cas (quatre patients du groupe de l’étude rétrospective) ; l’association d’une symptomatologie digestive et d’un RC a été notée dans quatre cas. La MC était en revanche totalement asymptomatique chez quatre enfants. Le retentissement de la MC sur l’équilibre du DID a été étudié en comparant certains paramètres cliniques (fréquence des hypoglycémies et des décompensations acidocétosiques et les doses moyennes d’insuline) et biologiques (glucoserie de 24 heures et hémoglobine glycosylée) entre les dix patients DID—MC et les autres diabétiques non cœliaques. Nous n’avons pas trouvé de différence significative entre les deux groupes. L’HbA1C était en moyenne de 8,61 % pour les patients DID—MC alors que l’HbA1C pour les DID non cœliaques était en moyenne de 8,34 % (Tableau 3). Sur le plan thérapeutique, les doses moyennes journalières d’insuline étaient de 1,18 unités/kg par jour avec des extrêmes allant de 0,5 à 1,7 unités/kg par jour. Le régime sans gluten a été prescrit chaque fois que le patient présentait une symptomatologie clinique (manifestation digestive et/ou un retard de croissance). Le régime sans gluten a été ainsi prescrit pour six patients. Malgré le contrôle médical régulier, l’éducation diététique spécifique de la MC et du diabète, ce régime était mal suivi chez trois patients. Un rattrapage statural a été noté chez deux patients et une augmentation des doses moyennes d’insuline a été constatée chez un patient.
Discussion Pour notre part, à Sfax, nous avons trouvé une prévalence de 3,52 % ; cette prévalence est probablement sous-estimée si on tient compte des trois patients qui ont refusé la biopsie jéjunale et qui avaient une positivité simultanée des AAG, AAE et des ATG. Dans la littérature, la prévalence de la MC dans le DID est 20 fois plus fréquente que dans la population générale [2].
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Association diabète de type 1 et maladie cœliaque chez l’enfant Tableau 3
Retentissement de la MC sur l’équilibre du DID.
HbA1C (moyenne) en % Glucosurie de 24 h (moyenne) mmol/24 h Dose moyenne d’insuline UI/Kg/j % de patients ayant présenté plus de 2 hypoglycémies/an % de patients ayant présentés plus de 2 acidocétoses/an
DID — MC
DID
Étude statistique : P
8,61 125 1,18 55,5 50,5
8,34 124 1 41,1 47
NS NS NS NS NS
DID : diabète insulinodépendant, MC : maladie cœliaque, HbA1C : hémoglobine glycosylée.
Cette prévalence varie de 0,97 à 16,4 % (Tableau 4) [3—6]. Cette variation de fréquence est expliquée par la multitude des formes cliniques de la MC, par la variabilité des méthodes de dépistage, par le type de l’étude (rétrospective ou prospective) et par les différences des facteurs génétiques et environnementaux liées à chaque population. Dans les pays maghrébins, la prévalence est significativement plus élevée, liée à une fréquence élevée de la MC dans ces régions [3,7—9]. Le DID ainsi que la MC sont étroitement liés au système HLA dont le gène est localisé sur le bras court du chromosome 6. Il a été démontré que les antigènes HLAB8 et HLADR3 sont présents chez 85 % des patients ayant l’association DID—MC contre 41 % des DID non cœliaques [10—13]. Plus récemment, il a été démontré que les deux maladies sont associées aux hétérodimères DQab : le DID à la combinaison DQA1 et DQB1 qui codent respectivement pour les chaînes DQaArg52+ et DQbAsp57 , alors que la susceptibilité à la MC est associée à l’hétérodimère DQ2 codé par le gène HLADQA1*0501/ DQB1*0201. Cet hétérodimère a été retrouvé avec une prévalence de 100 % dans une série tunisienne de 94 enfants cœliaques [14]. Le risque de MC parmi les enfants diabétiques est augmenté par la présence de HLADQB1*02-DQA1*05 [15]. Les AAE sont les plus intéressants pour le dépistage de la MC. Cependant, des AAE négatifs au moment de la décou-
Tableau 4
Prévalence de la MC chez les DID.
Référence
DID
DID-MC
Prévalence
Shahbazkhani B. [2] Boudraa G. [3] Koletzko S. [4] Tanure MG. [5] Barbato M. [6] Ashabani A. [7] Mahrezi A. [8] Mankai A. [9] Thain ME. [17] Visakorpi JK. [18] Vitoria JC. [19] Fraser-Reynolds KA. [20] Sigurs N. [23] Peretti N. [26] Valletta E. [30] Hansen D. [31] Goh C. [32] Spiekerkoetter U. [33]
250 116 1032 236 175 234 80 205 400 500 93 236 459 284 387 269 113 205
6 19 10 6 21 24 6 11 6 5 6 12 21 11 27 28 5 7
2,4 16,4 0,97 2,6 12 10,3 7,5 5,3 1,5 1 6,45 5,2 4,6 3,9 6,9 12,3 4,4 3,4
% % % % % % % % % % % % % % % % % %
verte du DID n’excluent pas le développement d’une MC dans les années qui suivent, et une réévaluation de ces anticorps est fortement recommandée. En effet, le typage HLA-DQ chez les diabétiques AAE négatifs montre une haute prévalence des haplotypes HLA DQA1*0501-DQB1*0201(DQ2) et DQA1*0301-DQB1*0302(DQ8) (respectivement 62 et 35 %), différente de celle de la population générale (25 et 15 %). Par ailleurs, le risque de développer une MC en association avec le DID est fortement réduit en l’absence de ces deux haplotypes : HLADQA1 0501-DQB1 0201 [16]. Dans la plupart des séries anciennes, la MC est diagnostiquée dans sa forme typique patente avec diarrhée chronique, ballonnement abdominal, fonte musculaire et état de dénutrition, mais surtout c’est un mauvais équilibre du diabète avec de nombreux épisodes d’hypoglycémies parfois profondes. Ces hypoglycémies surviennent de manière inopportune, mais sont parfois contemporaines d’épisodes de diarrhée [17,18]. À l’opposé, dans les études récentes faisant appel au dépistage systématique, les formes symptomatiques deviennent moins fréquentes laissant place surtout aux formes pauci- ou asymptomatiques [18,19]. Dans notre série, une symptomatologie évocatrice de MC a été notée chez six patients dont quatre appartenaient au groupe de l’étude rétrospective et deux au groupe de l’étude prospective. Quatre de nos patients étaient totalement asymptomatiques ; ces enfants appartenaient tous au groupe de l’étude prospective chez qui la maladie cœliaque était diagnostiquée par le dépistage systématique. À travers notre étude, nous remarquons que la prévalence de la MC est plus importante dans le groupe des enfants dont l’ancienneté du DID est plus importante. En fait, la prévalence de la MC dans le groupe de l’étude rétrospective était de 5,4 % supérieure à celle du groupe de l’étude prospective (2,85 %), au cours de laquelle la recherche des AAG, AAE et des anticorps antitransglutaminases tissulaires a été faite au moment de la découverte du DID. Par ailleurs, la prévalence, curieusement plus importante de la MC dans le groupe de l’étude rétrospective, peut être liée à un biais de sélection. En fait, dans ce groupe, la recherche de marqueur sérologique et la pratique de biopsie jéjunale ont été indiquées devant une symptomatologie digestive ou un retard de croissance. L’augmentation de la prévalence de la MC avec l’ancienneté du DID a été rapportée par plusieurs auteurs [20—23], et la probabilité de développer une MC augmente avec la durée du DID. Dans une étude italienne, la prévalence de la MC était de 3,6 % au moment du diagnostic du DID ; cette prévalence a augmenté à 6,2 % après une durée d’évolution de six ans [24].
42 Ces données suggèrent que l’exposition prolongée à un désordre auto-immun, par exemple le DID, peut augmenter la prévalence de la MC ; les auteurs de cette étude [24] suggèrent que la répétition des tests sérologiques, et éventuellement histologiques, est nécessaire. Pour d’autres auteurs [25—28], la MC commence souvent avant le DID puisqu’elle a été retrouvée au moment de la découverte du DID. Avant que les tests sérologiques ne soient disponibles, la plupart des patients DID—MC rapportés dans la littérature avaient un mauvais équilibre du DID avec des hypoglycémies fréquentes suggérant même que le mauvais équilibre du DID puisse être une manifestation précoce de la MC [12,18]. En contraste, les cœliaques diagnostiqués par le dépistage sont pauci- ou asymptomatiques. Les causes de ces différences ne sont pas claires, mais reflètent probablement l’altération limitée de la muqueuse intestinale chez les patients pauci- ou asymptomatiques [4]. Dans notre série, nous n’avons pas trouvé de différence significative entre ces deux groupes ; cela peut s’expliquer par le fait que six patients parmi les dix enfants DID—MC ont été découverts par le dépistage systématique en même temps que la découverte du DID. Le régime sans gluten instauré chez cinq patients a entraîné une augmentation des doses moyennes d’insuline chez un seul patient. L’adhésion au régime sans gluten était mauvaise chez trois de nos patients. L’effet bénéfique du dépistage et de la mise des enfants DID—MC sous régime sans gluten est un sujet de controverse [29]. Certains auteurs concluent à une amélioration de la croissance des enfants DID—MC et à une augmentation des chiffres d’hémoglobine sous régime sans gluten et préconisent, de ce fait, le dépistage systématique de la MC chez les enfants diabétiques [30—33]. Cependant, l’effet du régime sans gluten sur l’équilibre du DID n’a pas été démontré par la plupart des auteurs [31—33]. L’indication du régime sans gluten chez les patients ayant une MC asymptomatique est encore un sujet de controverse ; certains auteurs considèrent que la MC silencieuse est une étape préclinique d’une MC potentiellement sévère et que le régime sans gluten prévient le risque de survenue d’autres maladies auto-immunes [32,33]. Le risque de complications de la MC représente en fait l’indication principale de la mise sous régime sans gluten de ces patients. Ces complications sont représentées par le risque de développer des maladies auto-immunes, des lymphomes intestinaux [34,35] ainsi qu’une ostéopénie [36], et il semble que ce risque est proportionnel au temps d’exposition au gluten. Le risque de survenue de lymphome et de cancer digestif est estimé à 11 % [35]. Ces données suggèrent que le diagnostic doit être fait rapidement afin de mettre en place un régime sans gluten [2,32]. Les lymphomes et l’ostéoporose peuvent affecter les patients cœliaques qu’ils soient symptomatiques ou asymptomatiques, ainsi le régime sans gluten prescrit chez ces enfants peut avoir un effet bénéfique [34,36], et la compliance au régime sans gluten est indispensable à la disparition de l’atrophie villositaire. Cependant, cette compliance, même lorsque le suivi médical est strict, n’est que de 27 à 47 % [30]. Il est ainsi difficile d’imposer à un sujet asymptomatique de suivre un régime compliqué et
H. Aloulou et al. pénalisant pour la vie sociale au titre protecteur d’un risque potentiel de maladie cancéreuse. Si les patients diabétiques n’adhérent pas au régime sans gluten ou le refusent, il faut au moins supplémenter les carences vitaminiques notamment en acide folique et en fer et il faut détecter les complications le plus précocement possible. Pour évaluer réellement les risques à long terme des complications, des études prospectives doivent travailler dans ce sens en suivant rigoureusement les patients cœliaques symptomatiques ou non, traités ou laissés sous régime normal. De plus, il faut surveiller ces patients afin de dépister les complications néoplasiques.
Conclusion La maladie cœliaque et le diabète insulinodépendant sont fréquemment associés chez l’enfant. La malabsorption, le mauvais équilibre du diabète et le retard de croissance doivent conduire à rechercher l’existence d’une éventuelle maladie cœliaque. Cependant, il existe des formes pauci- ou asymptomatiques justifiant le dépistage systématique de la maladie cœliaque chez l’enfant diabétique. L’instauration du régime sans gluten doit être discutée avec les parents et l’enfant ; si les patients diabétiques refusent d’adhérer à celui-ci, il faut au moins instaurer une supplémentation en vitamine et en fer et détecter les complications le plus précocement possible par une surveillance régulière.
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