Maladie de Gaucher de type 1 chez l’adulte

Maladie de Gaucher de type 1 chez l’adulte

PA R T E N A I R E S © 2004, Masson, Paris Presse Med 2004; 33: 494-6 Entretien thérapeutique Maladie de Gaucher de type 1 chez l’adulte Prise en...

464KB Sizes 4 Downloads 156 Views

PA

R T E N A I R E S

© 2004, Masson, Paris

Presse Med 2004; 33: 494-6

Entretien thérapeutique

Maladie de Gaucher de type 1 chez l’adulte Prise en charge nutritionnelle lors de la mise en place d’un traitement par miglustat

aladie rare due à une surcharge lysosomale en glucosyl-céramide par déficit partiel héréditaire en β-glucocérébrosidase, la maladie de Gaucher de type 1 concerne environ 300 à 400 1 patients en France . Son atteinte multisystémique entraîne une grande hétérogénéité clinique,dominée par une hépato-splénomégalie et un hypersplénisme. Classiquement traitée par une enzyme recombinante, l’imiglucérase, administrée en perfusion lente tous les 15 jours, cette maladie peut justifier une autre stratégie thérapeutique:la réduction de la synthèse de glucosyl-céramide, pour diminuer l’accumulation lysosomale de ce substrat (figure 1).

M

Ce mécanisme d’action original est celui du miglustat, commercialisé par le laboratoire Actelion sous le ® nom de marque Zavesca 100 mg, gélule, approuvé dans le traitement de la maladie de Gaucher de type 1 légère à modérée. Il ne doit être utilisé que pour le traitement des patients chez lesquels la thérapie de remplacement enzymatique ne convient pas.Le miglustat permet de restaurer l’équilibre du métabolisme du glucosyl-céramide et présente également l’avantage d’être adminis2 tré par voie orale . Son utilisation peut cependant s’accompagner notamment de troubles gastro-intestinaux pour lesquels il convient d’informer les patients avant la mise

Pierre Déchelotte

sous traitement afin d’améliorer l’ad® hésion thérapeutique à Zavesca . L’objectif de cet entretien est de comprendre le mécanisme physiopathologique à l’origine de ces troubles gastro-intestinaux et de proposer des mesures nutritionnelles et/ou médicamenteuses simples pour prévenir ces effets indésirables digestifs potentiels.

Unité de nutrition clinique, CHU Rouen (76)

Quels sont les troubles gastrointestinaux observés avec le miglustat? Les données rapportées au cours des essais cliniques ont surtout mis en évidence des symptômes à type de diarrhées, de flatulences, de douleurs abdominales et de nausées. Ainsi, dans l’étude 3 pivot , 28 patients ont été traités par Figure 1 Mécanisme d’action du miglustat dans le métabolisme du glucosyl-céramide En inhibant la glucosyl-céramide synthétase, le miglustat réduit la surcharge en glucosyl-céramide miglustat pendant et restaure l’homéostasie lysosomale des glycolipides 12 mois, à des doses moyennes glucosyl-céramide synthétase allant de 100 mg 3 fois par jour à 200 mg 3 fois par migl tat miglustat jour. Dans cette UDP P glucose UD UDP étude,une diarrhée modérée a été céramide glucosyl-céramide observée chez 80 % des patients. glucose Elle est apparue peu de temps après l’initiation du β- glucocérébrosidase traitement et a répondu à une prescription de d’après2 lopéramide. Il a été

494 - La Presse Médicale

10 avril 2004 • tome 33 • n° 7

Pierre Déchelotte

aussi observé une tendance spontanée à l’amélioration de la diarrhée au fil du temps.Toutefois, chez certains patients pour lesquels la dose du miglustat a été augmentée secondairement,la diarrhée a récidivé.Ces observations suggèrent un lien direct entre la dose de miglustat administrée et les symptômes digestifs. Dans une autre étude incluant 4 18 patients , réalisée avec une dose plus faible (50 mg 3 fois par jour), une diarrhée modérée a été observée chez presque tous les patients mais elle n’a entraîné qu’une seule sortie d’étude. Dans les autres essais cliniques réalisés avec le miglustat, la diarrhée est apparue de manière précoce, au cours du premier mois de traitement, et a répondu à une prise en charge par un régime sans lactose et/ou à l’administration de lopéramide. Les ballonnements, les flatulences et les douleurs abdominales ont également été observés dans ces études, précocement au cours du traitement et ont diminué dans la majorité des cas pen5,6 dant le traitement . Ces observations faites chez des patients atteints de maladie de Gaucher de type 1 et traités par miglustat peuvent être rapprochées de celles faites chez des patients traités par miglustat dans d’autres pathologies au cours d’essais cliniques (sida,

maladie de Fabry). Dans ces pathologies, les patients ont également signalé fréquemment une diarrhée et des flatulences, sensibles à l’administration de lopéramide. Bien que modérée, la diarrhée peut être gênante pour les patients et nécessite d’une part que son mécanisme d’action soit connu, d’autre part que le médecin propose aux patients des moyens pour la prévenir ou au moins en limiter les inconvénients. Quel est le mécanisme d’action expliquant la diarrhée induite par le miglustat? Plusieurs mécanismes étiopathogéniques peuvent être évoqués. Il pourrait s’agir d’une diarrhée motrice liée à un effet moteur direct du miglustat avec accélération du transit,ou d’une diarrhée volumogénique liée à une hypersécrétion gastrique ou intestinale. Cependant, les données expérimentales actuelles ne montrent pas d’effet du miglustat sur la motricité du muscle lisse intestinal in vitro ou sur le temps de transit chez l’animal, et montrent plutôt un effet inhibiteur du miglustat sur la sécrétion gastrique. D’autres mécanismes physiopathologiques peuvent être discutés,tels qu’un blocage lymphatique ou une malabsorption des lipides, mais n’ont pas

Encadré 1

Conseils nutritionnels à délivrer aux patients sous Zavesca®

• Éviter une prise importante de disaccharides (saccharose, lactose) ou de glucides complexes (par exemple pain, féculents, légumes secs) au cours d’un même repas.

été démontrés sur le plan expérimental.Toutefois,certaines études de toxicité animale ont mis en évidence une vacuolisation des cellules acineuses pancréatiques, mais sans préciser le retentissement éventuel sur la sécrétion exocrine. En fait, le mécanisme le plus probable aujourd’hui est celui d’une malabsorption partielle des glucides avec, comme conséquence, une diarrhée osmotique. En effet, le miglustat est un inhibiteur enzymatique non spécifique de la β-glucosyl-cérébrosidase et inhibe également d’autres enzymes intestinales, notamment l’α-glucosidase et les disaccharidases comme la lactase par exemple. Il peut ainsi diminuer l’absorption intestinale d’un certain nombre d’oligosaccharides qui, non hydrolysés, s’accumulent dans la lumière intestinale. Dégageant un important pouvoir osmotique, ces oligosaccharides non hydrolysés entraînent une hypersécrétion intestinale d’eau et d’électrolytes avec un flux volumogénique important. Ce flux atteint le côlon, où se développe une fermentation, produisant à partir des glucides malabsorbés des acides gras volatils facilement diffusibles à travers la paroi colique. Cette fermentation permet donc de sauvegarder une partie de l’apport calorique représenté par ces glucides non digérés dans l’intestin grêle, mais ce mécanisme a l’inconvénient de s’accompagner souvent de ballonnements, de flatulences, de distension intestinale et de diarrhée.

• Privilégier leur répartition sur les 3 repas et sous forme de collations dans la matinée et dans l’après-midi.

• Limiter la consommation de lait et la répartir au cours des repas; privilégier un apport en produits laitiers sous forme de yaourts et de fromages fermentés.

• Diversifier les sources de glucides simples en augmentant la prise de fructose sous forme de fruits (banane, poire, pomme, fruits secs notamment), de miel (pauvre en saccharose et très riche en glucose et fructose) et de confitures ou de jus de fruits non supplémentés en disaccharides (saccharose).

• Surveiller son poids une fois par mois.

10 avril 2004 • tome 33 • n° 7

Dans cette hypothèse étiopathogénique de malabsorption des glucides, comment peut s’établir le lien avec la perte de poids? Une perte de poids modérée de l’ordre de 5 à 7 % a été observée dans les essais cliniques après 6 à 12 mois de traitement. Il semblait exister une corrélation entre la perte de poids et les troubles digestifs,dont la La Presse Médicale - 495

PA

R T E N A I R E S

Entretien thérapeutique

diarrhée.Cette association peut s’expliquer de deux façons: - soit en raison du retentissement de la malabsorption des glucides sur le bilan énergétique; - soit indirectement dans la mesure où la crainte des effets secondaires digestifs post-prandiaux peut amener le patient à réduire plus ou moins consciemment ses ingesta. Il est probable que ces deux mécanismes sont intriqués. Quelles mesures thérapeutiques peuvent être prises pour atténuer cette diarrhée, voire la prévenir? En raisonnant à partir de ce mécanisme de malabsorption des glucides, il est possible soit d’optimiser la digestion et l’absorption de ce qui est consommé, soit de diminuer la charge en disaccharides.L’utilisation de freinateurs du transit, comme le lopéramide, augmente le temps de contact entre le bol alimentaire et la muqueuse intestinale et prolonge ainsi l’activité de l’enzyme présente en moindre quantité, ce qui limite la fermentation colique et donc la distension et la diarrhée.Effectivement, dans tous les essais cliniques avec le miglustat, le lopéramide donne une bonne réponse symptomatique. Comme l’expérience clinique l’a démontré,il est important de déconseiller aux patients les apports hyperosmolaires brutaux en hydrates de carbone et de leur demander d’étaler ces apports, surtout pour les sucres simples (monosaccharides et disaccharides), de façon à éviter une surcharge brutale par rapport aux capacités de digestion. Nous pouvons aussi, théoriquement, encourager les patients à utiliser d’autres sources de sucre,le fructose des fruits ou de certaines bois-

496 - La Presse Médicale

Maladie de Gaucher de type 1 chez l’adulte Prise en charge nutritionnelle lors de la mise en place d’un traitement par miglustat

sons enrichies en fructose par exemple, qui ont l’avantage d’être absorbés, sans passer par la voie des disaccharidases.En pratique,seuls le lopéramide et le régime sans lactose ont été évalués au cours des essais cliniques. Les autres mesures évoquées ci-dessus sont liées à la connaissance que nous avons sur le mécanisme physiopathologique de la malabsorption des glucides et de l’expérience acquise dans ce domaine. D’autres moyens peuvent être explorés, comme l’amélioration des capacités d’hydrolyse des disaccharides dans l’intestin grêle ou des capacités de fermentation colique. En effet, certaines souches de probiotique issues de produits lactés fermentés ou développés spécifiquement peuvent avoir par elles-mêmes des activités disaccharidasiques suppléant les activités disaccharidasiques endogènes, ou pourraient modifier l’activité enzymatique de la flore dans l’intestin grêle et finalement optimiser la digestion des glucides. L’efficacité des probiotiques reste toutefois à évaluer. Quels conseils pourriez-vous donner à un patient traité par ® Zavesca pour prévenir ou réduire les troubles digestifs potentiels? Il faut d’emblée informer un patient ® traité par Zavesca de la fréquence des effets secondaires digestifs, en précisant leur type, indiquer qu’ils sont modérés, diminuent avec le temps au cours du traitement, et peuvent être prévenus et/ou améliorés par des moyens simples (encadré 1). Ces informations préalables à la mise sous traitement faciliteront ainsi l’ad® hésion des patients à Zavesca . Il

paraît logique d’instaurer dès la prise ® en charge du patient par Zavesca un traitement par lopéramide aux doses usuelles recommandées, en augmentant si nécessaire la dose en fonction de la réponse clinique. Sur le plan nutritionnel, il faut encourager le patient à surveiller son poids au moins une fois par mois et lui conseiller de faire des collations en dehors des repas s’il constate une perte de poids. Ces collations devront privilégier les produits nutritionnels sans lactose ou les préparations alimentaires facilement réalisées à domicile à partir de glucides d’absorption lente (gâteaux de semoule, riz au lait par exemple) et éviter les sucres d’absorption trop rapide tels que les sodas qui pourraient aggraver la diarrhée et la perte de poids. ■ Propos recueillis par Delphine Bonfils Entretien réalisé en collaboration avec le laboratoire Actelion Références 1

2

3

4

5 6

Stirnemann J, Belmatoug N. La maladie de Gaucher chez l’adulte. Rev Med Interne, 2001, suppl 3 :374S383S. Lachmann RH, Platt FM. Substrate reduction therapy for glycosphingolipid storage disorders. Expert Opin Investig Drugs 2001; 10: 455-66. Cox T, Lachmann R, Hollak C, et al. Novel oral treatment of Gaucher’s disease with N-butyldeoxynojirimycin (OGT 918) to decrease substrate biosynthesis. Lancet 2000; 355: 1481-5. Heitner R, Elstein D, Aerts J, Weely S, Zimran A. Lowdose N-butyldeoxynojirimycin (OGT 918) for type I Gaucher disease. Blood cells mol dis 2002; 28: 127-33 McCormack PL, Goa KL. Miglustat. Drugs 2003; 63: 2427-34. Cox TM, Aerts JM, Andria G et al. and the Advisory Council to the European Working Group on Gaucher Disease (EWGGD). The role of the iminosugar N-butyldeoxynojirimycin (miglustat) in the management of type 1 (non-neuronopathic) Gaucher disease: a position statement. J inherit Metab Dis 2003; 26: 513-26.

10 avril 2004 • tome 33 • n° 7