Le carnet de santé électronique de l'enfant, une évolution naturelle

Le carnet de santé électronique de l'enfant, une évolution naturelle

Journal de pédiatrie et de puériculture 18 (2005) 224–227 http://france.elsevier.com/direct/PEDPUE/ ARTICLE ORIGINAL Le carnet de santé électroniqu...

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Journal de pédiatrie et de puériculture 18 (2005) 224–227

http://france.elsevier.com/direct/PEDPUE/

ARTICLE ORIGINAL

Le carnet de santé électronique de l’enfant, une évolution naturelle The electronic health record of the child, a natural evolution D. Livon a,*, J.-M. Abaziou b, J.-C. Franceschini c, B. Giusiano d a

205, chemin de Sainte-Marthe, 13014 Marseille, France La Goélette, 38, allée des Pins, 13009 Marseille, France c 60, avenue de Toulon, 13006 Marseille, France d URCAM PACA (Union régionale des caisses d’assurance maladie de la région PACA), 93, La Canebière, BP 109, 13192 Marseille cedex 20, France b

MOTS CLÉS Échange ; Électronique ; Enfance ; Informatisation ; Dossier électronique de santé ; Dossier médical personnel ; Sécurité

KEYWORDS Data exchange; Electronic; Childhood; Computerization; Electronic health record; Personal medical record; Safety

Résumé Le carnet de santé dans sa version papier est une réussite en tant que dispositif de communication interprofessionnelle autour de l’enfant. Il a permis d’esquisser une véritable « culture du partage ». Mais, il présente des limites, dont les principales sont une mauvaise maîtrise de sa confidentialité, un défaut d’ubiquité, un manque d’interactivité et d’évolutivité. Son informatisation dans une architecture normalisée permettra de dépasser ces limites, faisant du carnet de santé de l’enfant un outil performant en matière de communication, de partage des informations et de suivi médical. Tous les acteurs de la santé de l’enfant pourront ainsi facilement accéder aux informations qu’ils essaient aujourd’hui de partager avec plus ou moins de succès. Ainsi défini, ce carnet de santé électronique de l’enfant, héritier de la version papier, devrait trouver toute sa place en tant que dossier médical personnel en bénéficiant des mêmes infrastructures et développements que celui de l’adulte. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Abstract The health record in its paper version is a success as a device of interprofessional communication around the child. It made it possible to outline a true ″culture of sharing″. But it presents limits, which principal ones are a bad control of its confidentiality, a defect of ubiquity, a lack of interactivity and evolution capacities. Its computerization in a standardized architecture will make it possible to go through these limits, making of the child’s health notebook a powerful tool for a better communication, sharing informations and the medical follow-up of the child. All the actors of the child’s health will be easily able to reach informations that they try, today, to share with more or less success. So defined, the child’s electronic health record, the heir of the paper version, should find all its place as personal medical record using the same infrastructures and the same developments as the adult one. © 2005 Publié par Elsevier SAS.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Livon). 0987-7983/$ - see front matter © 2005 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.jpp.2005.03.010

Le carnet de santé électronique de l’enfant, une évolution naturelle

Introduction À l’heure de l’explosion et de la banalisation de l’utilisation des techniques de communication dont Internet est le parangon, à un moment où la notion d’un dossier médical personnel (DMP) est de plus en plus prégnante, il apparaît naturel de faire évoluer le carnet de santé de l’enfant vers une version électronique.

Le carnet de santé papier Le carnet de santé papier de l’enfant présente déjà des atouts incontestables : • instauré par le code de Santé publique (article L 163), sa structure est tacitement validée par des années d’utilisation et son usage fait la quasiunanimité parmi les professionnels de santé ; • chaque enfant né en France a son propre carnet, puisqu’il est remis systématiquement à la naissance (article L 2132-1) ; • il est identique pour tous, et donc en quelque sorte déjà normalisé ; • l’intérêt du patient est garanti par des tiers très attentifs et très exigeants, ses propres parents, qui se sont appropriés sans difficulté cet outil et les informations médicales qu’il contient. Il va donc dans le sens de la loi du 4 mars 2002 1 et des recommandations du Conseil supérieur des systèmes d’information de santé [1] qui préconisait, dès 1999, l’appropriation par le patient des informations qui concernent sa santé ; • il est largement utilisé par tous les acteurs de santé : les parents qui l’apportent à la consultation, les médecins qui le remplissent, et les professionnels de l’enfance qui le consultent. On peut donc dire que le carnet de santé actuel constitue un dossier médical déjà partagé. Cependant, son support, le papier, induit des limitations aux conséquences quelques fois considérables [2] : • il est impossible de maîtriser la confidentialité des données personnelles de l’enfant, de sorte que les professionnels sont réticents à y noter certaines informations cliniques ou thérapeutiques pourtant indispensables à la connaissance du passé médical de l’enfant et à la continuité des soins (test Apgar défavorable, convulsions fébriles, troubles du comportement, pathologie sévère...) ; • les parents ne peuvent gérer l’accès aux informations médicales de leur enfant en fonction du Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. 1

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professionnel qu’ils ont en face d’eux : médecin généraliste ou pédiatre, médecin de santé scolaire, médecin d’assurance, directrice d’école... C’est la loi du tout ou rien, le carnet de santé étant communiqué ou pas ; • les informations qu’il contient ne sont pas disponibles de façon permanente : C défaut d’ubiquité : parents séparés, enfant en vacance chez les grands-parents... ; C disponibilité aléatoire : oubli, parfois dans l’urgence, parfois volontaire, perte, dégradation... ; • l’intégration de certaines informations y est parfois difficile, voire impossible : courriers, compte-rendu d’hospitalisation, radiographies, résultats de laboratoire, compte-rendu d’explorations... ; • il est très lentement évolutif, peu réactif et non extensible : C impossibilité de réagir rapidement à de nouvelles informations médicales (courbe d’indice de masse corporelle, nouvelles techniques de détection...) ; C l’espace disponible n’est pas toujours adapté et adaptable (tous les scripteurs n’ont pas le même graphisme, les besoins varient en fonction des pathologies, des motifs de consultation, ...) ; C les trois certificats de santé (huit premiers jours, neuvième et 24e mois) ne sont pas toujours remplis ou envoyés, leurs données pourtant essentielles sont de ce fait sous-exploitées ; • le carnet de santé papier est obsolescent et son support se dégrade facilement ; • les annotations manuscrites ne sont pas toujours compréhensibles par tous ; • son support papier le rend peu propice à devenir le carnet de santé de l’adulte, alors que ce devrait être son évolution naturelle. Comme l’a bien fait ressortir l’expérimentation d’usage [3,4] réalisée par le club informatique des pédiatres provençaux entre janvier 2000 et décembre 2003, la version électronique, en palliant ces lacunes, peut faire du carnet de santé de l’enfant un outil performant en matière de communication, de partage des informations et de suivi médical, et va dans le sens d’une amélioration de la prise en charge et de la qualité des soins ; • dans la mesure où l’accès se fera via une adresse Internet unique, le carnet de santé électronique sera, sous réserve d’y être autorisé et sauf problème de connexion, accessible partout, par tous et en permanence ;

226 • il est évident que la version électronique facilitera les échanges entre les professionnels de santé et entre les médecins et leurs patients ; • le support informatique permettra une meilleure maîtrise de la confidentialité. Des profils d’accès seront déterminés par défaut selon la qualité du professionnel, mais les parents pourront, s’ils le souhaitent, modifier ces profils et gérer eux-mêmes les droits d’accès aux informations médicales de leur enfant ; • pour ce qui est de la difficulté de lecture des annotations manuscrites, l’intérêt du support électronique est évident ; • en ce qui concerne le manque d’évolutivité du support papier et la meilleure évolutivité du support électronique, il faut bien comprendre que l’informatisation d’un support ne suffit pas, en elle-même, à garantir l’évolutivité de celuici, il faut aussi que le système soit conçu comme évolutif dès le départ ; • par rapport à l’obsolescence et à la dégradation du support papier, l’électronique permet des sauvegardes multiples et peut assurer la pérennité du support. Mais, cette pérennité électronique a un coût et pose le problème de la conservation et de la récupération des données sur le long terme ; • la version électronique du carnet de santé de l’enfant sera interfacée avec les logiciels médicaux, favorisant ainsi le partage des informations tout en évitant les saisies multiples. La condition sine qua non étant, bien sûr, que tout le monde s’accorde sur l’utilisation d’une norme commune ; • la supériorité de l’électronique, par rapport au papier, dans le domaine de l’interactivité, n’est plus à démontrer ; • la version électronique permettra le suivi à long terme, la mise en place de réseaux sentinelles, d’alertes épidémiologiques, d’études statistiques ou de recommandations médicales particulières, ce qui sera une source de valeur ajoutée importante ; • enfin, en ce qui concerne la possibilité de passage du carnet de santé électronique de l’enfant au carnet de santé adulte, elle s’inscrit dans la continuité. Il n’y a, en effet, aucune raison pour que le carnet électronique s’arrête de fonctionner le jour des 18 ans de l’enfant.

Le carnet de santé électronique À la vue de ces quelques éléments, on réalise très vite que le carnet de santé électronique sera bien plus qu’une simple informatisation du support papier et qu’il pourra être un formidable outil pour les

D. Livon et al. parents, pour le praticien, pour la collectivité et pour les réseaux.

Au niveau des parents Ce carnet de santé pourra avoir une ergonomie mieux adaptée à leur besoin. Des conseils pourront leur être donnés (fièvre, diarrhée, régimes alimentaires...), des alertes leur être adressées (rappel de vaccination, examen spécialisé...). Ils pourront bénéficier de liens Internet pertinents pour trouver des informations médicales fiables et validées. Un espace privé pourra leur être attribué. Toutes les informations médicales contenues dans le carnet appartiendront à l’enfant et pourront être directement gérées par lui ou ses parents.

Au cabinet du médecin Cette version électronique devrait suppléer avantageusement le carnet de santé papier et lui permettre d’accéder véritablement à la notion de dossier médical partagé. Créé dès la naissance, il pourra inclure sans difficulté les données du suivi de la grossesse. Avec une interface plus agréable et adaptable, avec des fonctionnalités accrues, il se présentera comme un outil facilement évolutif, interactif et communicant, facilitant les échanges aussi bien entre les professionnels qu’avec les parents. Mis à la norme [5], il sera capable de communiquer et d’échanger avec d’autres applications comme le logiciel médical, mais il pourra aussi se substituer à lui dans des circonstances particulières. Son alimentation à partir du logiciel médical sera automatisée et son contenu soumis aux contrôles de cohérence du logiciel métier. Le médecin pourra bénéficier, en temps réel, d’aides au diagnostic, d’outils d’autoévaluation, de diffusion d’alertes émanant des autorités sanitaires ou de mise à disposition de documents agréés par la communauté scientifique. Son utilisation sans réserve par les médecins implique une confidentialité et une sécurité de très haut niveau.

Au niveau des collectivités La structuration et le codage permettront de classer, retrouver, évaluer, comparer. Le carnet de santé électronique pourra ainsi devenir un formidable outil pour la prévention, le suivi à long terme (des prématurés, des mucoviscidoses, des déficits en phénylcétonurie...), les études statistiques, la

Le carnet de santé électronique de l’enfant, une évolution naturelle mise en place de réseaux sentinelles d’alertes épidémiologiques et de Santé publique. L’exploitation des trois certificats de santé (huit premiers jours, neuvième et 24e mois) en sera grandement facilitée. En ce qui concerne les réseaux, le carnet de santé électronique permettra de partager les informations relatives à leurs objectifs. L’enfant étant au centre du système d’information, ce partage pourra s’étendre à d’autres réseaux et d’une manière plus globale à tous les professionnels de la santé qui auront en charge cet enfant.

Conclusion

tive aux informations qu’ils ne parviennent pas toujours à atteindre aujourd’hui. Ainsi, ce carnet de santé électronique de l’enfant, héritier de la version papier, devrait trouver toute sa place en tant que dossier médical personnel, en bénéficiant des mêmes infrastructures et des mêmes développements que celui de l’adulte.

Références [1]

[2] [3]

Le carnet de santé dans sa version papier est une réussite en tant que dispositif de communication interprofessionnelle autour de l’enfant. Il a permis d’esquisser une véritable « culture du partage » [6] mais présente des limites qu’une version électronique, comme nous l’avons vu, saura dépasser en permettant aux différents acteurs de la santé de l’enfant d’accéder de manière exhaus-

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[4] [5] [6]

Conseil supérieur des systèmes d’information de santé: « Rapport d’activité ». Paris : ministère de la santé; 1999. URL : http://www.sante.gouv.fr. Livon D, Abaziou JM, Giusiano B. Le carnet de santé électronique de l’enfant. Rev Perform 2002;11(3):19–22. Club informatique des pédiatres provençaux. Expérimentation d’usage d’un carnet de santé électronique de l’enfant – Rapport de synthèse pour l’URCAM PACA. Non publié. Livon D. Le carnet de santé électronique de l’enfant. Le Pédiatre 2002;38(190):10–2. Giusiano B. La communication informatique des informations médicales. Le Pédiatre 2002;38(190):13–6. Fieschi M. Les données du patient partagées : la culture du partage et de la qualité des informations pour améliorer la qualité des soins. URL. http://www.sante.gouv.fr/htm/ actu/fieschi/sommaire.htm.