Le changement en un temps est-il une option raisonnable pour traiter une infection péri-prothétique à Candida albicans ?

Le changement en un temps est-il une option raisonnable pour traiter une infection péri-prothétique à Candida albicans ?

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 102 (2016) 89–91 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Fait clinique Le c...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 102 (2016) 89–91

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Fait clinique

Le changement en un temps est-il une option raisonnable pour traiter une infection péri-prothétique à Candida albicans ?夽 May one-stage exchange for Candida albicans peri-prosthetic infection be successful? J.-Y. Jenny ∗ , O. Goukodadja , C. Boeri , J. Gaudias Hôpitaux universitaires de Strasbourg, CCOM, 10, avenue Baumann, 67400 Illkirch, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 15 juin 2015 Accepté le 12 octobre 2015 Mots clés : Infection péri-prothétique Infection fongique Candida albicans Changement en un temps

r é s u m é L’infection fongique d’une arthroplastie totale est généralement considérée comme plus difficile à guérir que l’infection bactérienne. Comme pour une infection bactérienne, le changement des implants en deux temps est considéré comme le traitement de référence. Nous rapportons deux cas de changements des implants en un temps pour une infection fongique péri-prothétique à Candida albicans, où l’agent pathogène responsable n’a été identifié que sur des prélèvements peropératoires. Les deux cas étaient indemnes d’infection après plus de deux ans d’évolution. Cette stratégie présente plusieurs avantages potentiels par rapport au changement en deux temps, avec notamment une hospitalisation plus courte, une rééducation plus rapide, l’absence de période intermédiaire avec handicap fonctionnel important, un traitement antifongique plus court, un résultat fonctionnel potentiellement meilleur, et des coûts probablement inférieurs. Le changement des implants en un temps pour infection péri-prothétique à C. albicans pourrait être une alternative thérapeutique intéressante même sans identification préopératoire de l’agent responsable. Niveau de preuve. – Niveau IV – série historique. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction L’infection fongique d’une prothèse articulaire est une complication rare, qui est généralement considérée comme plus difficile à guérir que l’infection bactérienne [1,2]. Le changement des implants en deux temps est considéré comme le traitement de référence [3–7]. Seules quelques publications rapportent les résultats du changement des implants en un temps pour une infection périprothétique fongique [8], et ces données sont trop parcellaires pour en tirer une conclusion pertinente. Une étude récente a rapporté un résultat favorable après le changement des implants en un temps dans des cas sélectionnés où le micro-organisme responsable a été identifié avant l’intervention [8].

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2015.10.001. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-Y. Jenny). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2015.10.023 1877-0517/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La stratégie de changement en un temps systématique pour les infections bactériennes chroniques péri-prothétiques implique le risque de n’identifier une infection fongique imitant l’infection bactérienne que sur les résultats des prélèvements peropératoires, ce qui signifie que la nouvelle prothèse a déjà été implantée. Cette situation peut être considérée comme un changement en un temps pour une infection péri-prothétique fongique sans identification préopératoire de l’organisme responsable, avec un traitement antifongique débuté de fac¸on retardée, ce qui est considéré comme deux facteurs de mauvais pronostic. Nous rapportons deux cas d’infection chronique sur prothèse totale de hanche (1 cas) et de genou (1 cas), tous deux traités par changement des implants en un temps, où l’infection fongique à Candida albicans a été identifiée uniquement sur les résultats des prélèvements peropératoires. 2. Présentation des cas 2.1. Cas 1 Une patiente de 78 ans avec un indice de masse corporelle de 29 kg/m2 a été adressée à notre département pour descellement

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Fig. 1. Cas 1 : A : radiographies préopératoires : prothèse totale de hanche avec descellement acétabulaire – pas d’autre signe radiologique d’infection chronique ; B : radiographies postopératoires 6 mois après le changement des implants en un temps : pas d’anomalie décelée.

d’une prothèse totale de hanche chroniquement infectée 4 ans après l’implantation initiale (Fig. 1A). Sur le plan général, il existait une hypertension artérielle, une hypothyroïdie et une insuffisance rénale légère. Six mois auparavant, un débridement articulaire avait été réalisé, avec des cultures bactériologiques positives (Staphylococcus aureus et Streptococcus dysgalactiae). Un changement complet des implants en un temps a été réalisé (Fig. 1B), avec des cultures bactériologiques peropératoires positives (un prélèvement à Staphylococcus epidermidis et un autre à Propionibacterium acnes) : ces résultats ont été considérés comme étant des germes contaminants et non cliniquement significatifs. Des prélèvements fongiques ont également été réalisés de principe du fait de l’échec d’un traitement préalable, et deux d’entre eux étaient positifs à C. albicans et considérés comme étant cliniquement significatifs. C. albicans était sensible à tous les traitements antifongiques habituels. Le traitement antifongique a été débuté au 3e jour postopératoire, associant voriconazole 2 × 200 mg/jour et flucytosine 4 × 1000 mg/jour pendant quatre semaines, puis fluconazole 400 mg/jour et flucytosine 4 × 1000 mg/jour pendant huit semaines. Aucune complication orthopédique n’a été observée. Aucune récidive de l’infection n’a été observée à trois ans de recul. 2.2. Cas 2 Une patiente de 53 ans avec un indice de masse corporelle de 32 kg/m2 a été adressée à notre département pour descellement septique d’une prothèse totale du genou 3 ans après l’implantation initiale. Il n’y avait pas d’affection générale associée. Pendant les 24 mois précédant sa venue, plusieurs interventions avaient été effectuées (débridement, changement des implants en un temps, puis changement des implants en deux temps) avec des prélèvements bactériologiques positifs (S. aureus sensible à la méticilline, Klebsiella pneumoniae et S. epidermidis). Un changement des implants en un temps a été réalisé, et un lambeau gastrocnémien médial a été nécessaire dans le même temps pour obtenir la fermeture de l’incision. Les cinq prélèvements bactériologiques peropératoires sont restés stériles. Des prélèvements fongiques ont également été réalisés de principe du fait de l’échec d’un traitement préalable. Les cinq prélèvements étaient positifs à C. albicans et considérés comme étant cliniquement significatifs. C. albicans était sensible à tous les traitements antifongiques

habituels. Le traitement antifongique a été débuté au 2e jour postopératoire, associant caspofungine 1 × 50 mg/jour et flucytosine 4 × 1000 mg/jour pendant deux semaines, puis voriconazole 2 × 200 mg/jour et flucytosine 4 × 1000 mg/jour. Une semaine plus tard, un écoulement cicatriciel persistant a motivé un nouveau débridement avec lambeau de couverture du muscle vaste latéral. Trois prélèvements bactériologiques étaient positifs à Enterobacter cloacae ; les prélèvements fongiques sont restés stériles. Le traitement antifongique a été poursuivi pendant trois mois, et un traitement antibiotique a été ajouté pour six semaines (ertapénem et ciprofloxacine). Aucune autre complication n’a été observée. Aucune récidive de l’infection n’a été observée à deux ans de recul.

3. Discussion L’infection après arthroplastie totale est une complication dévastatrice qui menace à la fois la vie et la fonction [9]. Lorsque l’infection est chronique, le changement des implants en deux temps est généralement recommandé [10]. Le changement en un temps est généralement réservé à des cas sélectionnés [11], et l’identification préopératoire de l’agent pathogène responsable est un élément décisif du choix [12]. Cependant, notre équipe a démontré qu’un changement en un temps pratiqué de fac¸on systématique pour infection d’une prothèse totale de hanche [13] ou de genou [14] peut permettre un taux élevé de guérison de l’infection tout en permettant une récupération plus rapide. Comme pour une infection bactérienne, le changement en deux temps est considéré comme le traitement de référence du traitement de l’infection fongique péri-prothétique [3–7]. Pendant un changement en deux temps, l’ablation complète des implants infectés et un débridement large du champ opératoire sont recommandés. Classiquement, un délai de 3 à 12 mois est considéré comme nécessaire avant la réimplantation prothétique afin de prouver la guérison de l’infection [15,16]. Toutefois, cette période intérimaire implique un handicap fonctionnel important et prolongé pour le patient, même lorsque des espaceurs éventuellement articulés sont implantés [15,16]. Récemment, Klatte et al. [8] ont rapporté des résultats favorables après le changement en un temps dans des cas sélectionnés où le champignon responsable a été identifié avant l’intervention.

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Cependant, aucun autre travail ne conforte cette opinion. Son acceptation est par conséquent restée faible [6]. La stratégie de changement en un temps systématique des implants pour infection bactérienne chronique péri-prothétique implique le risque de n’identifier une infection fongique imitant l’infection bactérienne que sur les résultats des prélèvements peropératoires, ce qui signifie que la nouvelle prothèse a déjà été implantée. Cette situation peut être considérée comme un changement en un temps pour infection péri-prothétique fongique sans identification préopératoire de l’organisme responsable et avec un traitement antifongique spécifique débuté de fac¸on retardée, ce qui est considéré comme des éléments de mauvais pronostic. Nous rapportons deux cas de prothèse totale de hanche et de genou chroniquement infectées traités par changement en un temps, où le diagnostic de l’infection fongique à C. albicans n’a été identifié que sur les résultats des prélèvements peropératoires. Dans les deux cas, le traitement antifongique n’a été débuté qu’après réception de ces résultats. L’association de deux molécules antifongiques a été décidée afin de maximiser l’efficacité en présence des implants prothétiques. Malgré ces aspects négatifs, aucune récidive de l’infection fongique n’a été observée à plus de deux ans de recul. La stratégie de changement en un temps systématique pour infection chronique d’une arthroplastie totale implique le risque de n’identifier une infection fongique imitant l’infection bactérienne que sur les résultats des prélèvements peropératoires. Cette courte expérience suggère que l’éradication d’une infection fongique à C. albicans après prothèse totale de hanche ou de genou peut être possible après un changement en un temps, même dans les cas où le diagnostic d’infection fongique n’était pas connu avant la chirurgie, lorsque le champignon responsable n’était pas identifié préalablement et que sa sensibilité aux antifongiques n’a pas été évaluée avant l’intervention si le diagnostic a été suspecté. Il est encore prématuré de proposer cette stratégie en un temps comme une procédure de routine. Surtout, cette courte expérience ne permet pas de discuter de l’impact possible d’un traitement antifongique retardé. Les indications respectives du changement en un ou deux temps et les critères de sélection éventuels devraient être étudiés à plus large échelle. Cependant, notre expérience suggère que la contre-indication formelle au changement en un temps pour infection fongique à C. albicans après prothèse totale de hanche ou de genou est peut-être excessive. Notre courte expérience ne permet pas de discuter des cas d’infection avec d’autres pathogènes fongiques. Lorsque l’infection fongique est associée au développement d’un biofilm sur les implants in situ, l’association de deux molécules antifongiques peut être utile.

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Déclaration de liens d’intérêts J.-Y. Jenny declare percevoir des Royalties de Aesculap et être consultant pour FH Orthopedics et Exactech. O. Goukodadja, C. Boeri, J. Gaudias déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Financement Les auteurs déclarent qu’aucun financement direct ou indirect n’a été rec¸u pour cette étude. Références [1] Azzam K, Parvizi J, Jungkind D, et al. Microbiological, clinical and surgical features of fungal prosthetic joint infections: a multi-institutional experience. J Bone Joint Surg Am 2009;91:142–9. [2] Ueng SW, Lee CY, Hu CC, Hsieh PH, Chang Y. What is the success of treatment of hip and knee candidal periprosthetic joint infection? Clin Orthop Relat Res 2013;471:3002–9. [3] Ananostakos K, Kelm J, Schmitt E, Jung J. Fungal periprosthetic hip and knee joint infections: clinical experience with a 2-stage treatment protocol. J Arthroplasty 2012;27:293–8. [4] Cornely OA, Bassetti M, Calandra T, et al. ESCMID guideline for the diagnosis and management of Candida diseases 2012: non-neutropenic adult patients. Clin Microbiol Infect 2012;7:19–37. [5] Kuiper JW, van den Bekerom MP, van der Stappen J, Nolte PA, Colen S. 2-stage revision recommended for treatment of fungal hip and knee prosthetic joint infections. Acta Orthop 2013;84:517–23. [6] Ollivier M, Senneville E, Drancourt M, Argenson JN, Migaud H. Potential changes to French recommendations about peri-prosthetic infections based on the international consensus meeting (ICMPJI). Orthop Traumatol Surg Res 2014;100:583–7. [7] Pappas PG, Kauffman CA, Andes D, et al. Clinical practice guidelines for the management Candidiasis: 2009 update by the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2009;48:503–35. [8] Klatte TO, Kendoff D, Kamath AF, et al. Single-stage revision for fungal periprosthetic joint infection. A single-centre experience. J Bone Joint Surg Br 2014;96:492–6. [9] Insall JN. Infection in total knee arthroplasty. Instr Course Lect 1986;35:319–24. [10] Parvizi J, Gehrke T, Chen AF. Proceedings of the international consensus on periprosthetic joint infection. Bone Joint J 2013;95-B:1450–2. [11] Kalore NV, Gioe TJ, Singh JA. Diagnosis and management of infected total knee arthroplasty. Open Orthop J 2011;5:86–91. [12] Klouche S, Leonard P, Zeller V, et al. Infected total hip arthroplasty revision: one- or two-stage procedure? Orthop Traumatol Surg Res 2012;98:144–50. [13] Jenny JY, Lengert R, Diesinger Y, Gaudias J, Boeri C, Kempf JF. Routine onestage exchange for chronic infection after total hip replacement. Int Orthop 2014;38:2477–81. [14] Jenny JY, Barbe B, Gaudias J, Boeri C, Argenson JN. High infection control rate and function after routine one-stage exchange for chronically infected TKA. Clin Orthop Relat Res 2013;471:238–43. [15] Hwang BH, Yoon JY, Nam CH, et al. Fungal peri-prosthetic joint infection after primary total knee replacement. J Bone Joint Surg Br 2012;94:656–9. [16] Wang QJ, Shen H, Zhang XL, et al. Staged reimplantation for the treatment of fungal peri-prosthetic joint infection following primary total knee arthroplasty. Orthop Traumatol Surg Res 2015;101:151–6.