TRAVAUX
ORIGINAUX
Mddecine et Maladies Infectieuses - - 1989 - - 19 - - 4 - 186 h 192
LE CHOC SEPTIQUE TRANSFUSIONNEL DU A YERSINIA ENTEROCOLITICA. A PROPOS DE 19 CAS* par H.H. MOLLARET", P. W A L L E T " ' , A. G I L T O N .... , E. CARNIEL*" et N. D U E D A R I " " RESUME
A roccasion d'un cas r6cent de choc septique survenu au cours d'une transfusion de concentr6 globulaire contamin6 par Yersinia enterocolitica, les auteurs ont rassembl6 18 autres observations de ce syndrome mortel dans 70 % des cas. Leur analyse montre que la contamination r6sulte d'une bact6ri6mie chez des donneurs, porteurs sains de Y. enterocolitica dont la multiplication dans les poches de concentr6s globulaires est favods6e par lear conservation /t + 4°C. Mots-cl6s : Yersinia enterocolitica - Globules rouges - Transfusion - Choc - Porteur sain. Aux manifestations bien connues de l'infection par Yersinia enterocolitica --diarrh6e, ad6nite m6sent6rique, septic6mie, 6ryth~me noueux, arthrite r6actionnelle-- il faut ajouter une modalit6 nouvelle: le choc septique survenant pendant une transfusion de globules rouges contamin6s. A la suite d'un cas survenu dans le Val-deMarne en d6cembre 1987 (19, 20), nous avons rassembl6 18 autres observations (dont 4 en France de 1982 ~ 1988) de ce syndrome mortel dans 70 % des cas. ASPECTS
CLINIQUES
Observation personnelle (cas 15) Madame Da .... 19 ans, est hospitalis6e apr~s un accident de la voie publique ayant entraln6 des fractures multiples, un d61abrement de la cuisse et un h6matome lat6rov6sical. Le 29.12.1987, au 5 ~me jour de l'hospitalisation, elle re~oit dans la nuit trois poches de concentr6 globulaire, la troisi~me est transfus6e h 3 h30. A 5 h du matin apparaissent un 6ryth~me diffus, de violentes douleurs abdominales, une tachycardie et une chute tensionnelle 7 puis h 5. Une d6faillance cardio-respiratoire avec coagulation intravasculaire diss6min6e s'installe rapidement et, malgr6 la r6animation le d6c~s survient 6 h plus tard dans un tableau de d6tresse respiratoire aiguE. * Regu le 15.1.1989. Acceptation d6finitive le 2.2.1989. ** Centre National des Yersinia, Institut Pasteur, 28 rue du Dr Roux, F-75724 Paris cedex 15. *** Centre D6partemental de Transfusion Sanguine du Val-deMarne, H6pital Henri Mondor, F-94010 Cr&eil cedex. **** D6partement d'Anesth6sie et R6animation n ° 1, H6pital Henri Mondor, F-94010 Cr6teil eedex.
186
Une h6moculture est faite deux heures avant la mort et les trois poches de globules rouges transfus6es sont mises en culture: ~ partir de celle transfus6e en dernier, comme ~t partir de rhEmoculture, deux souches de Yersinia enterocolitica sont isol6es ; leur ph6notype est semblable : chimiotype 3, s6rotype 0:5,27 et lysotype Xz. L'examen clinique du donneur de sang ne r6v~le rien d'anormal, mais son interrogatoire retrouve un 6pisode diarrh6ique d'une semaine, survenu 5 mois avant le don de sang et n'ayant entrain6 ni consultation ni traitement. Plusieurs examens sont pratiqu6s chez ce donneur le 13 janvier 1988, soit un mois et demi apr~s le don de sang et 6 mois et demi apr~s l'6pisode diarrh6ique : un s d r o d i a g n o s t i c d'infection ~t Y. e n t e r o c o l i t i c a qui est positif au 1/80 vis-a-vis de l'antig~ne 0:5 de r6f6rence et au 1/1 000 vis-a-vis de la souche isol6e de la poche de concentr6 globulaire, une M m o c u l t u r e qui est n6gative et une coproculture qui permet risolement d'une souche de Y. enterocolitica (souche Y.e. 19605) ayant le m~me ph6notype clue les deux pr6c6dentes. Six mois plus tard, le 25.7.1988 rh6moculture et la coproculture sont n6gatives mais le s6rodiagnostic est encore positif au 1/200.
Les autres observations Grace aux informations rassembl6es au Centre de R6f6rence des Yersinia, nous avons recens6 18 autres cas, publi6s ou non, et rassembl6s dans le tableau I. Le premier cas est survenu aux Pays-Bas en 1975 (Bruining et coll.) (3), les deux suivants en Afrique du Sud en 1982 (Stenhouse et Milner) (18) ; un autre en Norv~ge en 1984 (Bjune et coll.) (1). Cinq cas sont
0",
c~
@
c5
r~
0 i
f
o,..~ o,..~ 0 ¢q t',r)
0 t.,
@
0
0
0
0
0
0
.o
=o
"t"
0
¢q
',,0
0
-I-
"t"
-I-
-I0
p,,,q
0
i
.q.'~
4"
0 o~..~ ~0
¢~"
[-
•0v-~
4"
0 o~.-~
c'-.
÷
0
0
Ox t'q
0o ¢q
"t-
-~
0 °~..~
-h
c-.
0 0
!
°~ ,i,,,,-t
U"
O0
Ox
oo
",,0 ©
,'-~ Ox
.0"* r,~
.<
¢q
',,0
187
U"-
O0
t~
t"¢3
0%
~5
1¢3
~5
~5
r~ o-,
0
&"-° ~-, c'-.
~
! =~
I
I
III 1¢3
I
I
0 0
0
0
0
I
I
t",l
° " ~ r.~
0
-t-
1¢3
+
.9.
0
+
+
0
0
oO
+
0 ¢-q
+
o~
ii
¢-q
4_1
~°
c.-. t~ oO oo ,..-¢ ¢:~ v~w¢
o~
,-¢
¢.q F-¢
188
survenus aux Etats-Unis : le premier, en 1985, a fait l'objet de trois publications : Collins et coll. (5), Wright et coll. (23), Brown et coll. (2). Quatre autres cas survenus en 1987 et 1988 ont 6t6 mentionn6s par le Center for Disease Control (4). Trois cas ont 6t6 publi6s en Australie* : Galloway et coll. en 1986 (7), Elrick (6) et Lovric (13) en 1988. Un cas est survenu en Belgique en 1988 (Jacobs et coll.) (10) ; un cas non publi6, survenu en Nouvelle-Z61ande en 1988, nous a 6t6 communiqu6 par le docteur D. Martin, du National Health Institute de Porirua (cas 17). En France deux cas ont 6t6 publi6s, l'un en 1982 (Schmitt et coll.) (16), l'autre en 1988 (Janot et coll.) (11, 12). Deux autres cas non publi6s nous ont 6t6 communiqu6s, l'un (cas 13) par le docteur J.J. Huart du Centre de Transfusion de Lille en 1987 (9) et l'autre (cas 19), par le docteur C. Simonin de l'H6pital de M~con en 1988 (17). Le cas 13 concerne une femme de 56 ans, art6ritique, ayant subi un pontage aorto-f6moral, qui re~oit le 22 juin 1987 deux poches de concentr6 globulaire. Dix minutes apr~s le d6but de l'injection de la seconde poche, surviennent frissons, sueurs, tachycardie et une chute tr~s importante de la tension art6rielle. L'6tat de choc persiste malgr6 la r6animation, une 616vation de la temp6rature 38°5C appara~t le lendemain matin et le d6c~s survient 14 heures apr~s le d6but du choc. La mise en culture de la poche de globules rouges permet risolement d'une souche de Y. enterocolitica du chimiotype 2, s6rotype 0:9, lysotype X3. Le sang avait 6t6 pr61ev6 le 22 mai 1987 chez un donneur dont rinterrogatoire n'avait r6v616 aucun ant6c6dent diarrh6ique et dont le s6rum pr61ev6 18 mois apr~s le don de sang, agglutinait au 1/40 le s6rotype 0:9.
- - Les indications des transfusions ont 6t6 multiples : an6mie 16g~re, post-op6ratoire ou apr~s accouchement normal, an6mie aplastique, leuc6mie, chirurgie vasculaire, gastrite h6morragique, rectorragie, cancer du colon, fracture de hanche, fractures multiples, insuffisance respiratoire en cours de sevrage de ventilation artificielle. Aucun cas n'a 6t6 signal6 apr~s h6modialyse. - - L'~ge des patients, variant de 13 ~ 87 ans, avec la moiti6 des cas survenus apr~s 50 ans, parait indiff6rent, de m~me que le terrain. Certes, la grossesse ou le polytraumatisme dans les cas 1, 3 et 15 s'accompagnaient d'un certain degr6 d'immunod6ficience, mais d'une faqon g6n6rale, le terrain ne joue pas ici le r61e d6terminant qu'on lui connait dans la survenue et le pronostic des septic6mies ~ Y. enterocolitica non transfusionnelles~ apanages des cirrhotiques, des diab6tiques, des enfants thalass6miques ou des patients immunod6prim6s. - - L'apparition des symptomes est toujours pr6coce, soit d~s le d6but de la transfusion, soit quelques dizaines de minutes plus lard, habituellement dans rheure. - - Trois manifestations cliniques sont constantes: l'616vation de la temp6rature h 39 ° - 40°C, souvent avec frissons, l'hypotension et la tachycardie. - - L'oligurie ou l'anurie sont rapport6es dans 6 cas. Peuvent 6galement survenir : malaises, c6phal6es, somnolence, naus6es, vomissements, diarrh6e, douleurs abdominales ou dorsales. Un 6ryth~me diffus, une urticaire g6n~ralis6e, un syndrome h6morragique et des marbrures du tronc ont 6t6 signal6s. L'h6moculture pratiqu6e dans 11 cas fur 1Ofois positive; la culture de 13 des poches de concentr6 globulaire txansfus6es fut constamment positive. Caract~re
Dans le cas 19, le malade ~g6 de 71 ans, souffrant d'insuffisance respiratoire chronique, fut transfus6 pour une an6mie survenant en cours de sevrage de ventilation artificielle. Le choc avec pic thermique est survenu tr~s rapidement apr~s le d6but de la transfusion, suivi du d6c~s deux heures plus tard. L'h6moculture et la culture de la poche de concentr6 globulaire permirent d'isoler deux souches de Y. enterocolitica du m6me ph6notype : chimiotype 2, s6rotype 0:9, lysotype X3. Les globules rouges avaient 6t6 conserv6s 2 9 j o u r s h + 4°C et provenaient d'un donneur sans ant6c6dent particulier. 48 jours apr~s le don de sang, sa coproculture fut n6gative et son s6rodiagnostic positif au 1/10. Le
syndrome
de
choc
septique
it
Yersinia
enterocolitica A partir de ces 19 cas r6sum6s dans le tableau I, remarquablement st6r6otyp6s ~ l'exception de l'observation tr~s particuli~re de Jacobs et coll. (10), le syndrome de choc septique post-transfusionnel ~ Y. enterocolitica peut 6tre sch6matis6 ainsi : * I1 y aurait eu au total 7 cas, dont 5 mortels, en Australie, de 1986 h 1988. (Yersinia News, octobre 1988, n°7). 189
des
souches
isol~es
Dix-huit des souches isol6es ont 6t6 s6rotyp6es: 11 appartiennent au s6rotype 0:3 et 4 au s6rotype 0:9, s6rotypes habituels des souches isol6es en pathologie humaine en Europe ; une souche appartenait au s6rotype 0:1, 2, 3 et deux au s6rotype 0:5, 27. I1 n'a pas 6t6 signal6 de cas dus au s6rogroupe 0:8 -----dominant aux Etats Unis-- ni h Yersinia pseudotuberculosis. O R I G I N E DE LA C O N T A M I N A T I O N Lors des premiers cas, plusieurs hypothSses furent 6mises : contamination de ranti-coagulant ou du dispositif de transfusion depuis le pr615vement jusqu'h l'injection au receveur ; d6fectuosit6 du mat6riau plastique de la poche ; contamination de raiguille par la pr6sence de Yersinia sur la peau du receveur (16) ou les mains du transfuseur ou du donneur (3, 16). I1 est possible maintenant, devant les r6sultats des investigations faites chez les donneurs et r6sum6s dans le tableau I, d'incriminer une contamination des poches de concentr6s globulaires lors d'une bact6ri6mie asymptomatique chez des donneurs porteurs sains de Y. entero-
colitica lors du don du sang, comme ravaient sugg6rE Bruining (3), Schmitt (16), Galloway (7) et Janot (11). D'une part, en effet, parmi les 22 donneurs interrog6s, des Episodes de diarrh6e ayant pr6cEdE le don du sang furent dEcouverts chez 7 d'entre eux, avec un dElai variable entre la diarrh6e et le don de sang : 6 jours dans un cas, 7 dans un autre, deux semaines dans 3 autres, 5 mois dans un autre ; d a n s un dernier cas le donneur souffrait d'une entErite f6brile avec diarrhEe et vomissements le jour m6me du don de sang. D'autre part une coproculture de contrfle effectuEe chez 6 donneurs ~ des dates variables aprSs le don de sang fut positive deux fois. Dans le cas 1, off le donneur Etait dEpourvu d'ant6cEdents diarrhEiques, la coproculture fut positive 25 jours aprbs le don de sang et negative par la suite ; une deuxibme fois, dans le cas 15 of1 le donneur avait souffert de diarrhEe 5 mois avant le don de sang, il fut retrouvE dans les selles, un mois et demi aprSs ce don, une souche du mSme sErogroupe 0:5, 27 que les souches isolEes h partir d e la poche de concentr6 globulaire et de l'hEmoculture de la patiente. Enfin un s6rodiagnostic de Yersiniose fut pratiqu6 chez 14 donneurs sur des Echantillons de serum, les uns conserves depuis le jour du don, les autres prElevEs plusieurs semaines aprSs. Les r6sultats figurent dans le tableau I oh l'on peut remarquer chez 7 donneurs un titre d'anticorps Egal ou supErieur au 1/100 et chez 5 autres l'existence d'anticorps h des titres inf6rieurs ou non pr6cisEs. COMMENTAIRES Bien qu'il s'accompagne d'une hEmoculture positive, ce choc septique ne peut 8tre assimil6 aux septicEmies Yersinia, diff6rentes par leur aspect clinique et leur physiopathologie : ici l'EIEment toxique domine l'ElEment infectieux et conditionne la gravitE du pronostic ; comme l'avaient soulignE Bjune et coll., l'endotoxine est vraisemblablement responsable de la plupart, sinon de tousles signes cliniques. Au point de vue Etiologique, le choc septique Y. enterocolitica rEsulte de la conjonction de deux facteurs : d'une part la survenue d'une bact6riEmie silencieuse lors du don de sang chez un porteur sain de Y. enterocolitica, d'autre part l'aptitude de cette espbce cryophile ou cryotolErante ~ se multiplier dans certains produits d'origine sanguine lorsqu'ils sont conserves ~ des temperatures comprises entre + 4 ° et + 10°C. L'existence de porteurs sains de Y. enterocolitica est bien connue : c'est par eux que se fait la dispersion de cette esp~ce. Le portage intestinal peut succ6der ~ un Episode diarrh6ique, quelle qu'en ait EtE l'importance, ou s'installer silencieusement aprSs contact avec un malade ou un autre porteur sain. Ce portage assure la circulation, pratiquement exclusivement interhumaine, directe, des souches des sErotypes 0:3 et 0:9, les plus frEquentes en Europe. Chez ces porteurs, la survenue d'une bactEriEmie transitoire, le plus souvent post-prandiale, est possible,
190
comme pour n'importe quelle autre ent6robact6rie. Cette bact6ri6mie, sans traduction clinique, est sans gravit6 pour le porteur: les quelques bact6ries passEes dans la circulation en sont vite EliminEes par le syst~me rEticul6endothElial. Mais si la malchance veut que la bact6riEmie coincide avec un don de sang, les rares Yersinia pr61evEes vont b6nEficier de leur aptitude h croitre aux temp6ratures comprises entre + 4 ° et + 10°Cpour se multiplier dans les concentrEs globulaires. Bruining et coll. (3) ont montr6 qu'h + 4°C la croissance de Y. enterocolitica dans le sang l'emportait sur celle d'Escherichia coli. Stenhouse et Milner (18) ont observ6 la mSme croissance rapide ~ + 4°C dans le sang total et les globules rouges. Brown et coll. (2) aprSs inoculation de Y. enterocolitica (80 unit6s formant colonies, CFU/ml) dans une poche de sang citrat6, ont obtenu 5 x 10 6 CFU/ml apr~s 2 ! j o u r s ~ + 4 ° C . Des constatations identiques ont 6t6 faites au CDC d'Atlanta (4) et par nous-m~mes (figure 1) : quelle que soit la quantit6 des bact6ries introduites, la croissance atteint 1010 bact6ries/ml apr~s 2 0 j o u r s ~ + 4 ° C . Si nous n'avons pu reproduire le choc chez la souris, nous avons entrain6 la mort du lapin 30 minutes aprSs injection intraveineuse de 10 ml de sang contamin6 avec 102 Yersinia et conserv6 39 jours ~ + 4°C. Le r61e de la dur6e de la conservation au froid des gobules rouges infect6s apparait dans l'analyse des 12 cas pour lesquels nous avons pu la connaltre (tableau I) : deux des trois cash 6volution favorable correspondaient h la dur6e de conservation la plus courte (6 et 16 jours). Pass6s 16 jours de conservation, la mort est survenue 8 fois su~ 9. Jacobs et coll. (10) attribuent l'6volution favorable de leur cas aux faits que la malade 6tait d6j~ soumise, avant FIGURE 1
Cin~tique de croissance de la souche Ye 19605 (cas 15) dans des concentr~s globulaires conserves ~ +4°C 12
10
8
2
0 0
3
6
8
10
JOLrRS
13
17
20
transfusion, h une antibioth6rapie et que le sang inject6 n'avait 6t6 conserv6 qu'une semaine h + 4°C. T o u s l e s cas rapport6s ont suivi la transfusion de concentr6s globulaires ; aucun n'a 6t6 signal6 apr~s transfusion de plaquettes. Bien plus, dans le cas 15, avant la survenue du choc cons6cutif ~t la transfusion, un concentr6 standard de plaquettes gard6 24 heures h 22°C et le plasma d6pourvu de cryoprot6ines conserv6 5 jours -30°C, issus comme les globules rouges du m~me don, avaient 6t6 transfus6s sans incident ; il en fut de m~me dans le cas 6. Dans le cas 16, le concentr6 de plaquettes provenant du donneur infect6 rut gard6 4 jours h 22°C et transfus6, sans incident encore. It en fut de m~me dans le cas 17. Que le choc ne survienne qu'h partir de concentr6s globulaires infect6s pourrait s'expliquer par le fait que les autres produits d'origine sanguine sont conserv6s h une temp6rature sup6rieure ~ 10°C et pendant un d61ai beaucoup plus court. Mais surtout Bjune (1) a sugg6r6 que les Yersinia, exigeantes en fer, trouvaient dans les concentr6s globulaires l'h~me n6cessaire ~ leur multiplication. Ceci s'accorderait avec le fait que les souches responsables de choc septique appartiennent presque exclusivement aux s6rotypes 0:3 et 0:9. Alors que les souches de Y. pseudotuberculosis et les souches de Y. enterocolitica du s6rotype 0:8 sont capables de capter le fer in vivo, les s6rotypes 0:3 et 0:9 en sont incapables ; aussi leurs besoins en fer pour ~tre pathog~nes pourraient ~tre couverts par l'h~me lib6r6e par la lyse globulaire, que celle-ci soit spontan6e ou peut-~tre favoris6e par une h6molysine. QUELLE
PROPHYLAXIE
PROPOSER ?
L'examen direct du sang avant perfusion ne peut &re d'ancun secours, aucune modification n'6tant d6celable, ni macroscopiquement (2, 4, 5, 6, 18, 23), ni aprbs coloration de Gram (5, 18, 23). La mise en culture syst6mafique des poches de sang ne peut, selon Wright (23) ~tre envisag6e pour des raisons 6conomiques. Collins (5) a sugg6r6 d'6carter les poches de globules rouges ayant plus de 20jours de conservation, afin de les mettre ensuite en culture ou de les rejeter d'embl6e, ce qui parait tout aussi peu envisageable. Faut-il imposer un examen s6rologique syst6matique tous les donneurs de sang ? Collins (5) estime inefficace l'exclusion de t o u s l e s donneurs s6ropositifs dans la mesure o~ Winblad (22) a d6cel6 des anticorps antiYersinia chez 2,6 % des donneurs sains et chez 5,3 % des
SUMMARY:
sujets atteints de diarrh6e continue non sp6cifique. D'autre part nous ne savons pas si le portage "fortuit", non cons6cutif i~ un 6pisode diarrh6ique, s'accompagne ou non d'anticorps ~t un titre d6celable. Une coproculture syst6matique chez tousles donneurs n'est gubre plus envisageable car, outre les probl~mes pratiques qu'elle imposerait, il faudrait en r6tat actuel des techniques d'enrichissement par le froid attendre 3 semaines avant de pouvoir affirmer l'absence de Y. enterocolitica dans chaque 6chantillon de selles. De surcroit nous ignorons quelle peut 6tre la dur6e maximale du portage apr~s r6pisode diarrh6ique : un d61ai de 3 mois a 6t6 observ6 plusieurs fois par Wauters (21). Dans le cas 15, la coproculture du donneur fut positive 6 mois et demi apr~s r6pisode diarrh6ique. Enfin la pr6sence d'anticorps anfi-Yersinia chez des donneurs sans ant6c6dent de diarrh6e (cas 3, 4, 8 et 14) amine h se demander s'il n'existerait pas des yersinioses au long cours, cliniquement muettes pendant de longues 1Mriodes ; les observations de Hoogkamp-Korstanje et coll. (8) plaident dans ce sens ; de m6me robservation de Portier et coll. (15) d'une septic6mie ~ Y. enterocolitica oia les h6mocultures furent positives pendant 9 mois et peut-~tre 6galement le cas du donneur dans robservation de Jacobs et coll. (10) pourraient faire suspecter rexistence de yersinioses chroniques. En r6tat actuel de nos connaissances - - e t surtout de nos ignorances-- deux mesures ont 6t6 propos6es : ne faire de pr61~vements sanguins que chez des donneurs rigoureusement 5 jeun (12) et 6carter tout donneur dont un interrogatoire minutieux aurait retrouv6 un ant6c6dent diarrh6ique, m~me discret dans les mois pr6c6dant le don de sang (5). Si cette derni~re mesure avait 6t6 en vigueur, elle aurait 6vit6 6, au moins des d6c~s survenus. Mais en pratique rune comme rautre sont difficiles, voire impossibles ~t appliquer. Remerciements
Nous remercions le docteur C. Aubert du Centre D6partemental de Transfusion Sanguine du Val-de-Marne, et le docteur R. Leclercq, du Service de Bact6riologie de l'H6pital Henri-Mondor, les docteurs JJ. Huart et D. Brevi~re, du Centre R6gional de Transfusion Sanguine de Lille, le docteur D. Martin du National Health Institute de Porilua et le docteur C. Simonin, du Laboratoire de Bact6riologie de l'H6pital des Chananx h M~con, pour leurs informations concernant les cas 15, 13, 17 et 19, et le professeur J. Vandepitte qui nous a communiqu6 le texte de sa propre publication (10) avant sa parution.
YERSINIA ENTEROCOLITICA TRANSFUSIONAL SEPTIC S H O C K : ANALYSIS OF 19 CASES
A new case of bacterial septic shock caused by an erythrocyte concentrate contaminated with Y. enterocolitica was observed recently. Along with this case, eighteen more cases of this syndrome, 70 % of which were fatal, are reviewed here. Data analysis indicates that blood 191
contamination was the consequence of an asymptomatic bacteriemia in apparently health carriers of Y. e n t e r o c o l i t i c a . Growth of these bacteria was favored by preservation of the erythrocyte
concentrate at 4 °C. K e y - w o r d s : Yersinia enterocolitica - Erythrocytes - Transfusion - Septic shock - Healthy
carriers.
BIBLIOGRAPHIE
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7,
8.
9. 10.
11.
BJUNE G., RUUD T.E., ENG J. - Bacterial shock due to transfusion with Yersinia enterocolitica infected blood. Scand. J. Infect. Dis., 1984, 16, 411-412. BROWN S.E., WHITE S.E. - Yersinia enterocolitica and transfusion-induced septicemia. Anesth. Analg., 1988, 67, 415-417. BRUINING M., DE WILDE-BEEKHUIZEN C.C.M. - A case of contamination of donor blood by Yersinia enterocolitica type 9. Med. Nederl., 1975, 4, 1, 2526. CENTER FOR DISEASE CONTROL - Yersinia enterocolitica bacteriemia and endotoxin shock associated with red blood cell transfusion. United States 1987-1988. Morbid. Mortal. Weekly Rep., 1988, 37, 577-578. COLLINS P.S., YOUKEY J.R., COLLINS G.J., SALANDER J.M., ELLIOTT B.M., DONOHUE H.J., RICH N.M. - Fatal sepsis from blood contaminated with Y. enterocolitica. A case report. Milit. Med., 1985, 150, 689-692. ELRICK J. - A case study ; fatal Gram-negative shock following blood transfusion. Yersinia News, 1988, 5, 1-2. GALLOWAY S.J., JONES P.D. - Transfusion acquired Yersinia enterocolitica. Aust. N.Z. J. Med., 1986, 16, 248. HOOGKAMP-KORSTANJE J.A.A., KONING J. de, HEESEMANN J. - Persistence of Yersinia enterocolitica in man. Infection, 1988, 16, 2, 81-85. HUART J.J. - Communication personnelle. JACOBS J., JAMAER D., VANDEVEN J., WOUTERS M., VERMYLEN C., VANDEPITTE J. - Yersinia enterocolitica in donor blood: a case report and review. J. Clin. Microbiol., 1989, 27, 5. JANOT C., AGULES P., BRIQUEL M.E., BURDIN J.C., STEIFF F . - Les complications infectieuses posttransfusionnelles ~ Y. enterocolitica. XIV ° Congr~s Soc. Nat. Transf. Sang., Rennes, 1988, r6sum6 13.5. p. 93.
192
12.
13.
14. 15.
16.
17. 18.
19.
20.
21. 22.
23.
JANOT C., BURDIN J.C., BRIQUEL M.E., STREIFF F., GAUCHER P . - Complications infectieuses posttransfusionnelles h Y. enterocolitica. Rev. Franf. Transf. Immuno. Hematol., 1988, XXXI, 4, 661-665. LOVRIC V.A. - Another australian case of fatal septic shock following blood transfusion. Yersinia News, 1988, 7, 1. MARTIN D. - Communication persormelle. PORTIER H., BUGNON P., LEGOUX J.L., BREUILLOT A., DESTAING F . - Une septic6mie h Yersinia e n t e r o c o l i t i c a qui n'en finit pas. Probl~mes s~rologiques et th6rapeutiques. M~d. Mal. Infect., 1980, 10, 8, 403-406. SCHMITT J.L., BATAILLE P., COEVOET B., EB F., LAURANS G., FOURNIER A., ORFILA J. - Septic6mie h Yersinia enterocolitica avec choc, insuffisance r6nale et oed~me pulmonaire 16sionnel mortel apr~s transfusion darts le post-partum. Mdd. Mal. Infect., 1982, 12, 3, 197-199. SIMONIN C. - Communication personnelle. STENHOUSE M.A.E., MILNER L.V. - Yersinia enterocolitica. A hazard in blood transfusion° Transfusion, 1982, 22, 5, 396-398. WALLET P. - Choc septique post-transfusionnel Yersinia chez une polytraumatis6e. Transf. clin., 1988, 9,2. WALLET P., AUBERT C., LECLERCQ R., MOLLARET H.H., DUEDARI N. - Complications infectieuses posttransfusionnelles h Yersinia enterocolitica chez une polytraumatis6e. XIV ° Congr~s Soc. Nat. Transf. Sang., Rennes, 1988, r~sum¢ 13.4., p. 92. WAUTERS G. - Communication persormelle. WINBLAD S., NILEHN B., STERNBY N. - Yersinia enterocolitica (PasteurellaX) in human enteric infections. Brit. Med. J., 1966, 2, 1363-1366. WRIGHT D.C., SELSS I.F., VINTON K.J., PIERCE R.N. - Fatal Yersinia enterocolitica sepsis after blood transfusion. Arch. Path. Lab. Med., 1985, 109, 1040 1042.